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Le législateur n'a pas prévu de sanctions spécifiques en cas de violation des dispositions du Code concernant l'acquisition d'actions propres. Laques-tion doit donc être tranchée en applicaLaques-tion des règles générales du droit des sociétés. Le problème est en particulier de savoir si une violation des art.

659 ss CO doit être sanctionnée par la nullité de l'acte considéré, et si elle est un chef de responsabilité des administrateurs. L'annulation, autre re-mède traditionnel, n'estpas envisageable ici, dès lors qu'en général la déci-sion d'acquérir ses propres actions est prise par le conseil d'administration, organe dont il est notoire que les décisions peuvent être radicalement nul-les, mais ne sont en aucun cas annulablesss.

52 HOFSTEITER, p. 143.

53 NOBEL (1994), p. 22; B6CKL!, N. 958; NEUHAUS, N. 36 ad art. 663b CO.

54 Art. 22 al. 2 lit. a deuxième directive européenne; en droit allemand, § 71 al. 3 AktG.

55 Voir à ce propos FORSTMOSER!ME!ER-HAYOzlNOBEL, § 25 N. 9; ATF 109 Il239, 243

= JdT 1984 I 148; ATF 76 II 57, 61 = JdT 19501 555, 560.

RACHAT DES ACTIONS- DROIT DES SOCIÉTÉS 35

B. Nullité?

Sous l'ancien droit, l'art. 659a CO était qualifié de prescription d'ordre dont la violation n'affectait pas la validité de l'acquisition56. Aujourd'hui ce principe vaut encore pour ce qui concerne le respect de la limite de 10%57,

ce qui, disons-le d'emblée, n'exclut pas pour autant une éventuelle respon-sabilité pour les dommages qui pourraient résulter d'un manquement à cette limite58.

Par contre, la situation est différente si la violation porte sur les dispo-sitions concernant les fonds propres. Ainsi, selon NoBEL, toute acquisition effectuée en l'absence de fonds propres librement disponibles devrait être sanctionnée par sa nullité, car une telle acquisition viole la garantie du ca-pital social (art. 706b al. 3 CO sur renvoi de l'art. 714 C0)59 • Cette solution s'appliquerait quand bien même elle met en péril la sécurité des transac-tions boursières.

B6cKLI présente une analyse plus nuancée. En effet, s'il admet sur la base de 1 'art. 706b CO la nullité de la décision par laquelle 1' organe compé-tent décide de l'acquisition d'actions propres, il estime que cette nullité

"interne" n'affecte pas les effets externes de l'acte juridique par lequel l'ac-quisition est effectuée60. C'est pourquoi il préconise l'application de l'art. 20 CO pour considérer comme nuls les contrats qui ont pour objet la violation de l'art. 659 C061 • Seraient ainsi nuls les contrats eu égard auxquels les deux parties étaient conscientes de violer les art. 659 ss CO. En d'autres termes, une acquisition en violation de l'art. 659 CO est en principe vala-ble, à moins que le cocontractant ne sût que cette acquisition enfreignait les

56 ATF 96 II 18, 21= JdT 1971 354, 358; ATF 110 II 293,300 = JT 1985 214, 220; ATF 117 II 290, 296.

57 Bë>CKLJ, N. 40l;FORSTMOSERIMEIER-HAYOzfNOBEL, §59 N. 173; VON PLANTA, N. 12 ad art. 659 CO; TURIN, p. 482.

58 Voir infra IV.C.

59 NOBEL (1994), p. 26; FORSTMOSER/MEIER-HAYOz!NOBEL, § 50 N. 174, dès que le rachat porte atteinte à des réserves liées ou au capital-actions; contra, Bë>CKLI, N. 404.

60 Bë>CKLI, N. ! 932.

61 Bë>CKLI, N. 403; VON PLANTA, N. 12 ad art. 659 CO. Cf. TuRIN (p. 482), qui axe son analyse sur la question de savoir si l'art. 680 al. 2 est une norme dont la violation entraîne la nullité. Selon lui, la réponse à ce problème résulte d'une pesée d'intérêts entre la protection du patrimoine social, d'une part, et l'intérêt à la sécurité du droit pour les cocontractants de la société, d'autre part.

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normes du droit des sociétés62. La sécurité du droit et des transactions bour-sières serait dès lors préservéé3.

Il convient à notre avis de se rallier à cette dernière thèse. Elle permet en effet de protéger les tiers de bonne foi tout en sanctionnant par la nullité les rachats d'actions propres visant sciemment à éluder les règles sur les fonds propres. Cette solution permet ainsi de concilier les impératifs de la sécurité du droit avec les intérêts des créanciers sociaux à ce que les fonds propres indisponibles ne soient pas distribués aux actionnaires.

C. Responsabilité

L'art. 659 CO constitue une règle de comportement que doit respecter la société, et donc ses organes, afin de se préserver elle-même ainsi que ses actionnaires et créanciers contre les risques que comporte une acquisition de ses propres actions.

Il en découle que 1 'administrateur qui n'observe pas ces préceptes viole ses devoirs et qu'il peut être tenu responsable des dommages qu'il aura éventuellement causés64 . Cela étant, les art. 659 ss CO ne constituent pas un "safe harbour"-une norme dont le respect immunise contre toute res-ponsabilité. Les administrateurs doivent par ailleurs exercer la diligence opportune dans l'intérêt de la société (art. 717 al. l CO). Dans ce contexte, on rappellera que même si elle respecte les art. 659ss CO, une opération sur ses propres actions peut être spéculativé5 et qu'elle peut constituer à ce titre une violation des devoirs qui incombent à l'administrateur66.

Enfin, les réviseurs qui attesteraient l'exactitude de comptes annuels dans lesquels la société aurait par exemple omis de constituer la réserve requise par l'art. 659a aL 2 CO, ou aurait fourni dans 1' annexe aux comptes des informations incomplètes ou erronées, engageraient également leurs responsabilités 67.

62 BôCKLI, N. 403; VON PLANTA, N. 12 ad art. 659 CO; TURIN, p. 482.

63 BbCKLI, N. 403 etN. 1932; VON PLANTA, N. 12 ad art. 659 CO; TURIN, p. 482.

64 BOCKLI, N. 401; FORSTMOSERIMEIER-HAYOZ!NOBEL, §50 N. 173 note 69; VON PLANTA,

N. 12 ad art. 659 CO; TURIN, p. 483.

65 ATF 99 II 176

=

JT 1974 1 71.

66 Nous pensons que l' ATF 113 II 52, 57= JT 1988 126, p. 30 relatif aux "Klumpenrisiken"

contient quelques enseignements utiles à cet égard.

67 BOCKLI, NN. 401 et 407.

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V. Cas particuliers .

Les choses se compliquent plus encore lorsqu'on aborde des problèmes qui sont en quelque sorte des dérivés- des évolutions-de la société anonyme

"ordinaire". Nous souhaitons à ce propos nous pencher sur deux questions qui nous semblent présenter un intérêt particulier:

celle de l'acquisition d'actions de la société mère par une de ses filia-les, qui est en partie traitée par le code (infra V.A.);

celle des options sur ses propres actions, qui ne 1' est pas de tout (infra V.B.).

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