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a. Introduction générale sur les hémoglobinopathie

Dans le document la thérapie génique et ses applications (Page 97-103)

Les hémoglobinopathies sont des maladies génétiquement déterminées qui constituent un problème de santé publique dans de vastes parties du monde [55].

L’hémoglobine (Hb) est une protéine contenue sous forme soluble au sein des érythrocytes (ou globules rouges), cellules anucléés, avec une forte concentration intracellulaire d’environ 34 g/dL. L’érythrocyte a une structure de disque biconcave, parfaitementdéformable et adapté à sa fonction de transport et de libération de l’oxygène jusqu’au niveau des capillaires les plus fins.

Trois notions de bases majeures permettent de comprendre les maladies génétiques de l’hémoglobine :

i) la structure tétramérique de la molécule d’Hb, avec 2 chaînes polypeptidiques identiques deux à deux (figure 9),[57] lui permettant d’assurer de façon optimale sa fonction oxyphorique ii) l’expression des différentes hémoglobines au cours du développement

iii) l’organisation des gènes de l’Hb [56].Les hémoglobinopathies sont classiquement séparées en deux catégories :

 soit un défaut qualitatif avec production en quantité normale d’une Hb « anormale»;

 soit un défaut quantitatif de production de l’Hb normale, ce qui correspond à une thalassémie La différence est physiopathologique plus que génétique car les mêmes anomalies moléculaires sont le plus souvent rencontrées dans les deux pathologies.

i. Structure moléculaire d’hémoglobine :

L’hémoglobine constituant majeure de l’érythrocyte est une hémoprotéine de poids moléculaire apparent de 64500 daltons, de structure tétramérique, constituée de 4 chaines polypeptidiques de globine associées à une molécule d’hème. Ces monomères sont de deux types assemblés par l’intermédiaire de liaison de faible énergie: deux chaine α (type α: ζ et

α-globine) constituées chacune de 141 acides aminés et deux chaines non α (type β: ε, γ, δ, et β-globine) composées de 146 acides aminés. Chaque chaine est liée à une molécule d’hème ayant en son centre un atome de fer (figure 10 ).[57] Que la molécule d’hémoglobine soit oxygénée ou désoxygénée, l’atome de fer est sous forme réduite (Fe++). [58]

Figure 9 : Image 3D représentant la structure de la molécule de l’hémoglobine [57]

La structure tétramérique de l’hémoglobine régit sa fonction fondamentale de transporteur d’oxygène. La régulation de cette fonction oxyphorique est assurée selon un mécanisme allostérique par différents ligands : protons, 2,3 diphosphoglycerate et CO2.

ii. L'évolution ontogénique des hémoglobines humaines

Plusieurs hémoglobines se succèdent au cours de la vie. Ces hémoglobines se distinguent par la nature des sous-unités qui les constituent. Durant la vie embryonnaire, deux chaînes de la famille α coexistent : ζ, qui apparaît la première, puis α. De même, il existe deux chaînes de type β : ε, spécifique à cette période initiale de la vie et les chaînes γ (ou foetales)

(figure 10) [61]. Ces diverses sous-unités permettent de réaliser les trois hémoglobines de

l’embryon, l’Hb Gower 1 (ζ2, ε2), l’Hb Gower 2 (α2, ε2) et l’Hb Portland (ζ2, γ2). [59] L’hémoglobine foetale (Hb F) de structure (α2, γ2) est détectable à partir de la 5ème semaine de vie intra-utérine. Parallèlement à cette modification de la nature des sous-unités de globine, il y a un changement du lieu où s’effectue l’érythropoïèse: le sac vitellin dans la vie embryonnaire puis le foie et la rate dans la vie fœtale et enfin la moelle osseuse chez l’adulte [60]

Figure 10 : l’expression des différentes hémoglobines au cours du développement [61]

(a) ; les tétramères d’hémoglobine au cours du développement embryonnaire, foetale, et adulte.

(b) ; la synthèse de la chaîne de globine au cours de développement et les différents tissus qui contribuent à l’hématopoïèse aux différents stades du développement

iii. Organisation génétique et régulation de l’expression des différentes hémoglobines

La régulation de l’expression de l’Hb est complexe car elle doit assurer la spécificité érythroïde de l’expression, l’expression séquentielle des différentes hémoglobines au cours du développement, un équilibre de production des différentes chaînes (α/γ puis α/β) et une coordination avec la biosynthèse de l’hème. Schématiquement, deux familles de gènes (ou cluster) contrôlent l’expression des chaînes de globine : le cluster alpha et le cluster bêta

(figure 11). [62] Dans ces 2 familles, l’ordre des gènes sur le chromosome de 5’ en 3’ est le

même que celui de leur expression au cours du développement. Le cluster8 alpha, situé sur le chromosome 16, proche de la région télomérique (16p13.3), comporte trois gènes fonctionnels : un gène embryonnaire ζ (HBZ) et deux gènes exprimés dès la vie fœtale α2 (HBA2) et α1 (HBA1). Entre 25–65 kb en amont des gènes α2 et α1, se situent 4 régions non-codantes hautement conservées : « multispecies conserved sequences » (MCS-R1 à -R4), qui contrôleraient l’expression des gènes du cluster alpha. À l’heure actuelle, seul MCS-R2 (connu aussi comme HS-40) a été démontré comme essentiel à l’expression des gènes α [63]. Ce cluster ne subit qu’une seule transition ou « switch » d’expression de gènes, ζ vers α, qui a lieu dès la 6e semaine de vie embryonnaire. Le cluster bêta, situé sur le chromosome 11, comporte 5 gènes fonctionnels : un gène embryonnaire ε (HBE1), deux gènes fœtaux Gγ et Aγ (HBG2 et HBG1) et deux gènes adultes δ et β (HBD et HBB). De façon similaire à la famille des gènes α, en amont des gènes se situe le « regulatory locus control region » (LCR) jouant un rôle primordial dans le contrôle de l’expression des gènes de la famille β au cours du développement [64]. Ainsi, l’expression érythroïde-spécifique et séquentielle des gènes résulte de l’interaction du LCR de façon spécifique avec les promoteurs individuels des gènes de globine par formation de boucles chromatiniennes complexes. Ce cluster est le siège de deux « switch » consécutifs : le premier de ε vers γ a lieu précocement durant la vie embryonnaire ; le second de γ vers δ et β, beaucoup plus tardif commence à la fin de la vie fœtale. Ce dernier, responsable de la transition de l’HbF vers l’HbA, est encore actuellement imparfaitement élucidé. Il fait intervenir un ensemble complexe et intriqué de facteurs de

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Cluster de gènes : groupe de plusieurs gènes situés sur un même chromosome, proches les uns des autres, et dont les fonctions sont voisines

transcription, dont un des derniers découverts récemment, BCL11a, semble avoir un rôle majeur comme répresseur de l’expression des gènes γ [65].La chaîne polypeptidique α-globine de 141 acides aminés, doit s’associer avec différents partenaires au cours de la vie embryonnaire, fœtale et adulte (ε, γ, β). Sa synthèse est sous le contrôle d’au total 4 gènes α codant tous pour une protéine de structure identique. Il a été démontré que les gènes α2 sont plus exprimés que les gènes α1 dans un rapport α2/α1 d’environ 1,2 [66]. La chaîne polypeptidique β-globine de 146 acides aminés est sous le contrôle d’au total 2 gènes β et chaque gène β contribue pour 50 % de la synthèse des chaînes β .Durant la différenciation érythroïde, les chaînes α-globine ainsi que β-globine (ou γ-globine) sont exprimées à haut niveau. Cependant, il est important que les chaînes de globine soient synthétisées de façon équilibrée. Le déséquilibre entre les différentes chaînes est à la base de la physiopathologie des thalassémies. Les chaînes libres α-globine en excès sont toxiques pour le globule rouge. Les chaînes néo-synthétisées se lient spontanément à l’hème formant des monomères d’Hb. Une protéine chaperonne, stabilisant spécifiquement les monomères α-Hb (chaînes α-globine liées à l’hème), l’ «α-hemoglobin stabilizing protein » (AHSP) est synthétisée dans les cellules érythroïdes [67]. Lorsqu’elle rencontre un monomère β-Hb libre, le monomère α-Hb se dissocie de l’AHSP pour former un dimère αβ stable. C’est l’association des dimères qui va aboutir à la forme tétramérique fonctionnelle de l’Hb telle que l’HbA adulte (Hbα2β2)

Figure11 organisation des deux familles de gènes-globine [62]

La famille α-globine est localisée sur le chromosome 16, la famille β-globine sur le chromosome 11. Les gènes sont organisés de 5’ en 3’ selon leur ordre d’expression au cours du développement : dans la famille α, gène ζ embryonnaire, α2 et α1 fœtaux/adultes ; dans la famille β, gène ε embryonnaire, Gγ et Aγ fœtaux, δ (minoritaire) et β adultes. En amont du locus β-globine, cinq sites hypersensibles à l’ADNase1 (HS1→ 5) constituent une zone régulatrice majeure : le LCR (« regulatory locus control region ») qui va séquentiellement activer l’expression des gènes. Sur le chromosome 16 (locus α-globine), un site unique, correspondant à une zone régulatrice majeure, le site MCS-R2 (connu aussi comme HS-40), a été mis en évidence 40 kb en amont du gène ζ.

iv. Les β- thalassémies :

Les thalassémies se caractérisent par un certain nombre d’anémies héréditaires chroniques très sévères chez l’enfant [68] et couvre un ensemble très hétérogène d’affections dont le caractère commun est le défaut de synthèse, partiel ou total, d’une ou plusieurs chaînes de l’hémoglobine [69] Ce déficit a pour conséquence spécifique un déséquilibre entre les chaînes, avec un excès de chaînes non appariées [70]. Ces désordres sont génétiquement déterminés.

Elles sont observées initialement dans le bassin méditerranéen où elles sont endémiques, elles sont, en réalité, encore plus fréquentes dans toute l’Asie du Sud ou du Sud-Est où a sévi le paludisme. La première classification a été phénotypique : β+ ou β0 selon que l’électrophorèse montrait ou non l’existence d’HbA chez les homozygotes atteints

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