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Les aérogels de silice, une matière première pour systèmes super isolants

II. L’avenir de l’isolation, super-isolants

II.2 Les supers isolants à pression atmosphérique : SIPA dans le bâtiment

II.2.1 Les aérogels de silice, une matière première pour systèmes super isolants

Les aérogels de silice sont la classe d’aérogels la plus étudiée dans la littérature, au vu de leurs performances remarquables et de leur mise au point assez ancienne. Ces aérogels sont obtenus par voie sol-gel, suivie d’un séchage pour obtenir un réseau de silice nanoporeux.

II.2.1.1 Procédé sol-gel

Deux procédés d’élaboration des aérogels de silice ont été développés. Nous présenterons ici les deux voies chimiques d’obtention des gels à partir de deux précurseurs différents, puis les deux voies de séchage de ces gels. Selon les voies d’élaboration choisies, plusieurs paramètres influencent la synthèse et donc le matériau final, comme la nature du précurseur, le taux d’hydrolyse, le pH de la solution ou alors la température du solvant.

II.2.1.1.1 Synthèse à base d’alkoxysilanes

Les alcoxydes de silice sont les précurseurs les plus connus pour la synthèse de gels de silice. Ils ont une formule brute de type Si(OR)4 avec R=groupement alkyle. On peut retrouver dans cette famille les réactifs les plus connus que sont le tétraéthoxysilane (TEOS) et le tétramethoxysilane (TMOS), avec des groupements alkyles de petites tailles ne gênant pas la gélification [18]. Bien que le TMOS permette une hydrolyse plus rapide, le TEOS est le précurseur le plus utilisé car le sous-produit de la réaction est de l’éthanol (plus facile à recycler) et non du méthanol [4].

Les deux précurseurs permettent une réaction en une ou deux étapes (Figure 11). Dans une réaction en une seule étape, la formation de particules colloïdales ou de blocs de silice (clusters) et leur agrégation de façon aléatoire pour former un réseau en trois dimensions, appelé le gel, ont lieu simultanément. Dans une réaction en deux étapes, une solution de particules colloïdales, appelée le sol, est obtenue par hydrolyse ou acidification/échange d’ions respectivement. Un tel sol peut être stable plusieurs mois puisque l’agrégation des particules est inhibée par les potentiels répulsifs inter particules (charges de surface). La neutralisation partielle des charges de surface créée par l’ajout d’une base induit la gélation dans une deuxième étape. Ceci se produit lorsque le pH de la solution est proche du point isoélectrique (pI) du sol. Puisque la formation du sol et la gélation sont bien séparée, le procédé en deux étapes est plus versatile et permet un meilleur contrôle de la morphologie du réseau de gel.

II.2.1.1.2 Synthèse à base de silicate de sodium ou «waterglass »

Une autre voie de synthèse est possible (voir Figure 10) : le précurseur de silice est alors le silicate de sodium NaSiO3. Ce précurseur est intéressant puisqu’il permet de former des aérogels de silice à faible coût grâce à l’extraction de la silice soluble présente dans la nature, comme dans la balle de riz [19] ou les cendres issues de la calcination de schistes bitumeux [20]. Mais les méthodes d’extraction du silicate de sodium sont encore peu développées.

pouvoir utiliser le séchage supercritique par exemple. Cette synthèse « waterglass » est donc actuellement peu rentable.

Figure 11 : Schéma des deux principales synthèses pour former des gels de silice nanostructurés [4] Les choix de précurseurs (Figure 11) et de voie de séchage ont des conséquences significatives sur les coûts de productions, sur le poids environnemental par la nécessité de recycler des solvants et produits dangereux, sur le cout énergétique total (CO2 émis), sur les possibles volumes journaliers de production [22].

II.2.1.2 Hydrophobisation

Les aérogels de silice sans modification présentent des groupements Si-OH en surface qui vont favoriser l’adsorption d’eau en surface et donc dégrader leur surface en accélérant leur vieillissement. Le procédé d’hydrophobisation est décrit sur la Figure 12.

II.2.1.3 Séchage des gels

L’objectif du séchage est d’enlever tous les solvants piégés dans le gel mouillé, surtout dans le cadre d’une application tel que l’habitat où les rejets de COV dans l’environnement sont soumis à limitation. Cette substitution doit être possible tout en maintenant le squelette de l’aérogel et sa porosité nanostructurée [23]. Deux procédés sont disponibles en laboratoire et industriellement, le séchage supercritique et le séchage ambiant.

Peu importe la voie de séchage, c’est le procédé sol-gel qui permet le contrôle de l’agrégation des précurseurs et la nanostructuration recherchée dans le cahier des charges du matériau ainsi que de ses propriétés physiques. Le séchage des gels de silice modifie les agrégats, les agglomérats et la morphologie du réseau poreux à cause des contraintes mécaniques [21].

II.2.1.3.1 Séchage supercritique

Dans un premier temps, l’acétone est utilisé pour éliminer toute trace d’eau dans l’échantillon puis il est éliminé par rinçage avec du CO2 supercritique sous haute pression (Figure 13), ensuite ce CO2 est chauffé à haute température au-delà de son point critique et éliminé de l’échantillon par diminution de la pression.

Figure 13 : diagramme de phase du CO2 et principe du séchage supercritique. La flèche en rouge sur le diagramme de droite correspond à la transition en conditions supercritiques.

Le séchage supercritique permet d’obtenir des monolithes d’aérogels de silice de grande taille (plusieurs centimètres) car les contraintes capillaires pendant ce séchage sont très faibles.

II.2.1.3.2 Séchage évaporatif

Le séchage évaporatif est une méthode plus « naturelle » car il se fait sous pression atmosphérique et chauffage modéré (ou pression réduite et sans chauffage). Lors de l’évaporation du solvant, une interface liquide-vapeur apparait au niveau de la surface d’évaporation. Cela génère des tensions capillaires qui s’exercent sur l’échantillon solide. Plus le diamètre du pore est petit, plus les forces capillaires, montrées sur le schéma en Figure 14, sont fortes et peuvent détruire le pore.

Figure 14 : Rayon de courbure d'un ménisque liquide dans un pore [24].

Il existe de nombreuses voies d’amélioration du séchage évaporatif parmi lesquelles l’ajout d’hydrophobants en surface du réseau qui réduisent les réactions de condensation lors du séchage, ce procédé sera expliqué dans les paragraphes suivants.

Malgré les améliorations proposées pour le séchage évaporatif, il est encore difficile de l’utiliser pour des gels monolithiques de grandes dimensions car les gels obtenus se fissurent [25].

Le séchage évaporatif à pression atmosphérique permet de diminuer les coûts de production des aérogels, et de dissocier coût investissement et coût matériau. C’est donc d’un grand intérêt pour la production massive de matériaux super isolants. Depuis 2005, l’intérêt pour le séchage évaporatif (APD) est croissant. Deux voies ont été étudiées :

 L’une pour les aérogels à base d’alkoxysilane par Davis et al [26]

 L’autre pour les aérogels de la voie silicate de sodium ou « waterglass » par Schwertgeger [27].

Les méthodes de séchage à pression atmosphérique pour les aérogels de silice nécessitent une modification de la surface et un renforcement du réseau de silice par hydrophobisation.

L’énergie grise1 d’un tel séchage est peu importante et le procédé de séchage évaporatif permet d’obtenir des matériaux granulaires qui sont ensuite séparés par tamisage. Seuls les aérogels de silice obtenus par séchage évaporatif sont exploitables sur le marché du bâtiment, car ils respectent les volumes de production nécessaires et la faible énergie grise. Nous étudierons donc en

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L’énergie grise est la quantité d'énergie nécessaire au cycle de vie d'un matériau ou d'un produit : en partant de la production jusqu’au recyclage

détail les propriétés de ces matériaux. En France, une nouvelle usine voit le jour pour la production d’aérogels de silice avec séchage évaporatif : l’usine PCAS ENERSENS® à Bourgoin-Jallieu2.

II.2.1.4 Après séchage

Après séchage, les matériaux peuvent conserver leur forme monolithique initiale mais étant donné leur apparence fragile, ils se cassent facilement en plus petits morceaux (granules ou poudres) d’échantillons de silice. Peu importe la forme macroscopique ; un aérogel de silice non traité est hydrophile à cause des groupements silanes résiduels (exemple de concentration typique : 3 à 6 groupements silanols par nm² [28].

Toutes ces propriétés ont une forte influence sur les caractéristiques thermiques. La conductivité thermique effective est fortement dépendante de la densité apparente des aérogels [29]. En effet, les aérogels avec une conductivité thermique inférieure à 20mW/m/K peuvent seulement être trouvés dans une gamme de densité allant de 0,10 à 0,20 g/cm3.

On peut enfin mentionner la flexibilité du procédé sol-gel qui permet de disperser des particules dans le sol pour augmenter les propriétés thermiques et mécaniques. Par exemple, des nanoparticules (SiC, TiO2) pour l’opacification infrarouge, des fibres (verre) ou des argiles inorganiques (kaolin) permettent d’augmenter la résistance mécanique. De récents travaux portent sur la dispersion de nanofibres pour renforcer significativement la mécanique sans impacter la conductivité thermique [30, 31]

Sur la Figure 15, on retrouve la structure d’un aérogel de silice ainsi qu’un schéma résumant les transferts thermiques dans le grain. Quelques-unes des propriétés remarquables des aérogels de silice sont listées dans le Tableau 1.

Propriété Valeur

Masse volumique apparente 0,003-0,35 g/cm3

Surface spécifique 600-1000 m²/g

% de squelette solide 0,13-15 %

Diamètre moyen des pores 20 nm

Diamètre d’une particule de silice 2-5 nm

Tableau 1 : principales caractéristiques des aérogels de silice [32]

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