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Pour autant, les évolutions des statuts des différents territoires à partir du milieu des années 1970 ont peu à peu dépassé le stade de l’aménagement et provoqué la

De ce fait, les TOM n’étaient pas soumis au principe d’uniformité institutionnelle : en

fonction de leurs particularismes, ceux-ci bénéficiaient d’une autonomie plus ou

moins importante et d’une organisation administrative adaptée, parfois fort éloignée

de celle prévalant en métropole. La jurisprudence du Conseil constitutionnel a

largement contribué à l’application du principe de spécificité dans les TOM

2

, mais

pas au point de donner à ces territoires un pouvoir d’auto-organisation : le Parlement

restait seul compétent pour définir et modifier leur statut

3

. Aussi importantes que

fussent les compétences des assemblées territoriales, celles-ci restaient donc

assujetties aux choix du législateur

4

: de ce fait, l’autonomie qui sous-tendait le statut

de chaque TOM opérait dans le cadre du principe d’indivisibilité de la République.

L’unité restait le principe ; le différencialisme dont relevait le statut des TOM n’en

était qu’un aménagement.

Pour autant, les évolutions des statuts des différents territoires à partir du milieu

des années 1970 ont peu à peu dépassé le stade de l’aménagement et provoqué la

réduction quantitative de la catégorie des TOM : Mayotte est devenue collectivité

1 A la différence de la Constitution de 1946 qui dotait les TOM d’une assemblée élue aux compétences étendues (art. 77), la Constitution de 1958 n’impose aucune règle relative à leur organisation, laissant ainsi le législateur libre de définir le statut le plus approprié aux particularités de chaque territoire. 2

Dans sa décision n° 85-196 DC du 8 août 1985 portant sur la loi relative à l’évolution de la Nouvelle-Calédonie (Rec., p. 63 ; Dalloz, 1986, p. 45, note F. Luchaire), le Conseil constitutionnel avait admis que chaque territoire d’outre-mer pouvait bénéficier d’une organisation administrative spécifique : il considérait en effet qu’il résultait de l’article 74 de la Constitution « que le législateur, compétent pour fixer l’organisation particulière de chacun des territoires d’outre-mer en tenant compte de ses intérêts propres, peut prévoir, pour l’un d’entre eux, des règles d’organisation répondant à sa situation spécifique, distinctes de celles antérieurement en vigueur comme de celles applicables dans les autres territoires ».

3

Ce monopole du Parlement a souvent été rappelé par le Conseil constitutionnel (voir notamment décision n° 83-160 DC, 19 juillet 1983, Rec., p. 43 ; JCP, 1985, II, n° 20, p. 352, note H. Labayle). Le Conseil a même reconnu au législateur le pouvoir de reprendre une compétence qu’il avait attribuée à l’assemblée d’un TOM (décision n° 82-155 DC, 30 décembre 1982, Rec., p. 88).

4 La compétence exclusive du législateur était cependant atténuée par la consultation obligatoire de l’assemblée territoriale concernée avant l’adoption de toute loi relative à l’organisation particulière d’un TOM. La révision constitutionnelle de 2003 confirme cette obligation de consultation pour toute modification statutaire d’une collectivité d’outre-mer (art. 74 al. 2 de la Constitution). Le Conseil constitutionnel s’est montré particulièrement vigilant quant au respect de cette modalité, en considérant que sont soumises à l’obligation de consultation de l’assemblée territoriale « les règles essentielles d’organisation et de fonctionnement des institutions du territoire, y compris les modalités selon lesquelles s’exercent sur elles les pouvoirs de contrôle de l’Etat, ainsi que les dispositions qui n’en sont pas dissociables » (décision n° 96-373 DC, 9 avril 1996, Rec., p. 43).

territoriale sui generis en 1976

1

, Saint-Pierre-et-Miquelon en 1985

2

et la

Nouvelle-Calédonie en 1998

3

. La révision constitutionnelle du 28 mars 2003 a entériné cette

évolution en remplaçant la catégorie déclinante des TOM par celle des collectivités

d’outre-mer (COM) régies par le nouvel article 74 de la Constitution. Ce nouveau

vocable commun rassemble en fait des entités territoriales disparates qui, en vertu de

l’article 74 alinéa 1

er

, « ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune

d’elles au sein de la République »

4

. Les collectivités d’outre-mer réunissent

désormais deux collectivités qui disposaient déjà d’un statut particulier (Mayotte et

Saint-Pierre-et-Miquelon), deux collectivités qui faisaient encore partie des TOM en

2003 (la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna

5

) et deux collectivités qui

faisaient partie du DROM de Martinique jusqu’en février 2007 (Saint-Barthélemy et

Saint-Martin)

6

. En créant cette nouvelle catégorie, le constituant a ouvert la voie à

une prolifération de statuts uniques, pensés en fonction des particularismes de chaque

collectivité

7

. De fait, ces quatre collectivités disposent d’institutions spécifiques qui

les différencient plus ou moins du modèle de droit commun.

1 Rattachée à la France en 1841, Mayotte dépendait jusqu’en 1975 des Comores qui étaient devenus territoires d’outre-mer en 1946. Lors de la consultation du 22 décembre 1974, alors que les autres îles comoriennes choisissent d’accéder à l’indépendance, Mayotte décide de demeurer au sein de la République française. Son statut est alors fixé par la loi n° 76-1212 du 24 décembre 1976 (JORF, 28 décembre 1976, p. 7493), qui lui confère un statut sui generis, situé à mi-chemin entre celui d’un DOM et celui d’un TOM. Ce statut avait été conçu pour n’être que provisoire mais le nouveau statut n’est intervenu qu’en 2001. Voir BERINGER (Hugues), « Mayotte : une collectivité territoriale de l’Outre-mer français à statut particulier », RJPIC, Vol. 49, n° 3, 1995, pp. 339-346.

2 Saint-Pierre-et-Miquelon est rattaché de manière continue à la France depuis 1816. Érigé en TOM en 1946, l’archipel est transformé en DOM par la loi n° 76-664 du 19 juillet 1976 (JORF, 20 juillet 1976, p. 4323). Cette réforme contestée n’est que partiellement appliquée. Un statut plus adapté est adopté en 1985 : la loi n° 85-595 du 11 juin 1985 (JORF, 14 juin 1985, p. 6551) retire Saint-Pierre-et-Miquelon de la catégorie des DOM et l’érige en collectivité sui generis.

3 Les modifications successives du statut de la Nouvelle-Calédonie dans les années 1980 ne font pas pour autant sortir le territoire de la catégorie des TOM. Il faut attendre la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 (JORF, 21 juillet 1998, p. 11143) qui établit un nouveau titre XIII dans le texte constitutionnel pour que la Nouvelle-Calédonie soit constituée en collectivité sui generis. Voir PACTET (Pierre), « La loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 sur la Nouvelle-calédonie », in Mélanges Patrice Gélard, Paris, Montchrestien, 2000, pp. 199-204.

4

L’article 74 alinéa 2 impose que le statut des COM soit défini par une loi organique, après avis de l’assemblée délibérante (cette procédure avait été imposée pour les TOM par la loi constitutionnelle n° 92-554 du 25 juin 1992, JORF, 26 juin 1992, p. 8406). A l’heure actuelle, seul le statut de la Polynésie française répond à cette condition ; jusqu’à l’adoption de lois organiques les concernant, les autres col-lectivités d’outre-mer continuent à être régies par des lois ordinaires antérieures à la révision de 2003. 5 Les deux îles avaient choisi de devenir TOM par référendum en 1959. Le statut du territoire, encore en vigueur, a été fixé par la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 (JORF, 30 juillet 1961, p. 7019).

6

Le statut des deux collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy est régi par la loi organique 2007-223 du 21 février 2007 (JORF, 22 février 2007, p. 3121). Ces deux COM ne seront évoquées que ponctuellement, dans la mesure où leurs populations ne présentent pas les caractéristiques de minorités nationales. L’attribution de statuts spécifiques n’était donc pas destinée à protéger les caractéristiques culturelles des habitants, mais à préserver certains privilèges fiscaux dont disposent ces îles depuis leur restitution à la France au XIXe siècle. A cet égard, voir BLAIZOT (François), DREYFUS-SCHMIDT (Michel), Rapport d’information sur le régime juridique applicable à Saint-Barthélemy et Saint-Martin, Rapport n° 339, Sénat, 9 mai 1997.

7 GOHIN (Olivier), « L’outre-mer dans la réforme constitutionnelle de la décentralisation », RFDA, 2003, p. 682.

Le statut de Mayotte est probablement celui qui emprunte le plus au schéma

départemental classique. L’accord sur l’avenir de Mayotte du 27 janvier 2000

prévoyait en effet la mise en place d’« une organisation juridique, économique et

sociale qui se rapprochera le plus possible du droit commun et qui sera adaptée à

l’évolution de la société mahoraise »

1

. La loi du 11 juillet 2001

2

est donc le fruit d’un

compromis entre les aspirations des Mahorais favorables au statut départemental

3

et

les réserves de la métropole, eu égard aux particularismes géographiques,

économiques et culturels de l’archipel

4

. Elle érige l’île en collectivité territoriale

hybride, la « collectivité départementale »

5

, régie par une seule assemblée – le

Conseil général – dont les modalités de fonctionnement « décalquent pour Mayotte,

avec les adaptations dues à une collectivité unique, les dispositions applicables aux

départements d’outre-mer et aux régions d’outre-mer »

6

. L’intérêt essentiel de ce

statut réside dans son caractère souple et évolutif : la loi du 11 juillet 2001 ouvre en

effet une période transitoire, au terme de laquelle le Conseil général de Mayotte

pourra adopter une résolution qui, transmise au gouvernement, débouchera sur un

projet de loi portant modification du statut de l’île en DOM

7

. En attendant, la

décentralisation est approfondie : en mars 2004, le pouvoir exécutif de la collectivité

départementale a été transféré du préfet au Président du Conseil général et depuis

février 2007, les actes de la collectivité sont exécutoires de plein droit, sans

approbation préalable du préfet

8

. Le statut de Mayotte est donc fondé sur une logique

différencialiste mais tend à se rapprocher de l’organisation des collectivités

territoriales de droit commun.

1

JORF, 8 février 2000, p. 1985. 2

Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001, JORF, 13 juillet 2001, p. 11199. Voir ORAISON (André), « Réflexions générales sur le nouveau statut administratif provisoire de Mayotte », RJPIC, Vol. 56, n° 1, 2002, pp. 46-61.

3 Les référendums locaux du 22 décembre 1974 et du 2 juillet 2000 ont révélé qu’une majorité de la population mahoraise est depuis longtemps favorable à la départementalisation de l’île, qui traduirait à leurs yeux un rattachement définitif à la République française.

4 Les hésitations métropolitaines s’expliquent par le « souci de ne pas bouleverser l’organisation sociale et économique [on pense ici notamment à la préservation du statut coutumier mahorais] ainsi que vraisemblablement le coût pour la métropole d’une départementalisation, même adaptée » (MICLO (François), « Le statut de Mayotte dans la République française », in GOHIN (Olivier), MAURICE (Pierre) dir., Mayotte, Actes du colloque des 23-24 avril 1991, Université de la Réunion, 1992, p. 189). La modification du statut de Mayotte est également rendue difficile par les pressions internationales exercées par la République islamique des Comores et l’Organisation de l’Unité Africaine, qui se fondent sur la règle de l’intangibilité des frontières des Etats issues de la décolonisation.

5 Formule dont certains auteurs dénoncent l’absence de signification juridique. En ce sens, voir MICHALON (Thierry), « L’éclatement de la République intra-nationale », in DECCKER (Paul de), FABERON (Jean-Yves) dir., L’Etat pluriculturel et les droits aux différences, Actes du colloque de Nouméa (3-5 juillet 2002), Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 195.

6 THIELLAY (Jean-Philippe), « La loi du 11 juillet 2001 : un nouveau départ pour Mayotte dans la République », AJDA, février 2002, p. 111.

7

Cette période transitoire était initialement fixée à dix ans (article 2 § 3 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001, précit.). La loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 (JORF, 22 février 2007, p. 3121) a réduit ce délai, en indiquant qu’une telle résolution pourra être adoptée dès le renouvellement du Conseil général de 2008 (art. LO 6111-2 du CGCT).

8

A l’inverse, le statut de la Polynésie française établit un fonctionnement rappelant