• Aucun résultat trouvé

Évolution de la présence irlandaise sur le territoire de la ville de Québec, 1852-1911

Chapitre 5 : Intégration spatiale des Irlandais catholiques

5.2.1 Évolution de la présence irlandaise sur le territoire de la ville de Québec, 1852-1911

5.2.1.1 1852

La figure 5.2 et le tableau 5.1, révèlent que, sans surprise, Québec Ouest abrite le plus grand nombre d’Irlandais catholiques avec, au premier rang, le quartier Champlain. En effet, représentant 68,1% des habitants de ce secteur, près du tiers de la communauté a élu domicile dans ce quartier. Adjacent à Champlain, le quartier St-Pierre est également populaire auprès de la communauté (11,5% de celle-ci y réside), puisqu’elle y représente 34,8% des habitants. La figure 5.4 présentant la diversité culturelle des quartiers de la ville en 1852 montre que St-Pierre est intéressant de ce point de vue. Peuplé à 37,2% par des Canadiens français, à 28% par des Anglais protestants et à 34,8% par des Irlandais catholiques, ce secteur est un exemple concret de points de contact entre les immigrants d’Irlande et les autres communautés.

Québec Centre, bien que souvent associé à la communauté anglo-protestante (voir figure 5.3) et à la petite bourgeoisie, abrite tout de même une bonne proportion d’Irlandais catholiques. En effet, la première vague d’immigrants y a établi diverses institutions caritatives, religieuses et scolaires, dont notamment l’église Saint-Patrick érigée en 1833 sur l’actuelle rue McMahon (O’Gallagher, 1981 : p. 18). Ainsi, dans les quartiers St-Louis, Du Palais, St-Jean-Baptiste et Montcalm, les Irlando- catholiques représentent respectivement 23%, 22%, 15,7% et 23,3% des habitants. À noter également qu’en 1852, 17,9% des Irlandais résident dans le quartier St-Jean-Baptiste; un taux surprenant considérant la forte présence canadienne-française dans ce secteur. En outre, 51,5% des résidents de la paroisse Notre-Dame, soit Banlieue Sud et Banlieue Centre, est également d’origine irlandaise; 7,8% des immigrants d’Irlande s’y sont établis. Finalement, la Haute-ville semble plus diversifiée culturellement avec, au premier plan, le quartier Montcalm (voir figure 5.4). Alors que le précédent chapitre a démontré que les unions mixtes semblaient davantage présentes au sommet de la hiérarchie

64

socioprofessionnelle, Québec Centre, siège de la bourgeoisie, semble être conséquemment plus culturellement diversifié.

Pour ce qui est de Québec Est, malgré la présence importante de Canadiens français dans ce secteur (voir figure 5.3), la représentation des Irlandais catholiques y est tout de même à souligner. En effet, leur proportion varie entre 6,4% et 9,2% selon les quartiers. Par contre, un faible pourcentage de la communauté y habite, soit entre 2,1% et 4,5%.

En somme, bien que des points de contact existent dans certaines zones de la ville, dont en Haute-ville et dans le quartier St-Pierre, les trois cartes présentant la proportion de chacune des communautés culturelles évoluant sur le territoire en 1852 démontrent une prépondérance d’Irlandais catholiques dans Champlain et une certaine division du territoire selon l’appartenance ethnoreligieuse. Les trois prochains recensements nous permettront de voir si un déplacement de la communauté hors de Champlain eut lieu, laissant ainsi supposer qu’une intégration spatiale soit survenue.

65

Figure 5.2: Proportion des Irlandais catholiques par quartier, 1852

Figure 5.3: Proportion de Canadiens français et d’Anglais protestants par quartier, 1852

Source: PHSVQ, Recensement de 1852

66

Tableau 5.1: Répartition des groupes ethnoreligieux sur le territoire de la ville de Québec, 1852

CF AP IC Total Secteurs n % n % n % n % Québec Centre Banlieue Sud 593 20,4% 819 28,1% 1 500 51,5% 2 912 100 Banlieue Centre Saint-Louis 576 31,7% 825 45,4% 418 23,0% 1 819 100 Du Palais 458 26,8% 873 51,1% 376 22,0% 1 707 100 Montcalm 652 36,6% 716 40,2% 415 23,3% 1 783 100 St-Jean-Baptiste 6 977 64,0% 2 215 20,3% 1 718 15,7% 10 910 100 Québec Est Saint-Roch - Jacques- Cartier 11 387 84,9% 1 167 8,7% 861 6,4% 13 415 100 Stadacona - Saint-Roch Nord Saint-Vallier - Saint- Sauveur - Saint-Malo 1 874 86,3% 99 4,6% 199 9,2% 2 172 100 Québec Ouest Champlain 680 15,5% 720 16,4% 2 988 68,1% 4 388 100 Saint-Pierre 1 173 37,2% 884 28,0% 1 097 34,8% 3 154 100 Total (n) 24 370 8 318 9 572 42 260

Figure 5.4: Diversité culturelle par quartier, 1852

Source: PHSVQ, Recensements de 1852

67

5.2.1.2 1871

En 1871, les Irlandais catholiques habitent encore fortement le district de Québec Ouest, mais une légère diminution de leur présence s’y fait sentir (voir figure 5.5 et tableau 5.2). En effet, en 1852, 31,2% de la communauté habitait le quartier Champlain. Dix ans plus tard, on n’y retrouve plus que 25,2% d’entre eux (voir tableau 5.5). Les nombreux départs de familles journalières liés à la baisse de l’industrie portuaire pourraient en être la cause. Champlain reste encore malgré tout le secteur irlandais par excellence, puisque les Irlandais catholiques représentent 67,4% des habitants de ce quartier. À noter qu’on remarque également une diminution dans St-Pierre, mais cette baisse reste faible.

D’un autre côté, alors que les Anglais protestants délaissent progressivement la ville (voir figure 5.6), on retrouve davantage d’Irlandais catholiques dans Québec Centre, et ce, principalement dans le quartier Montcalm. Alors qu’en 1852, moins d’un Irlandais sur vingt habitait dans ce quartier, en 1871, plus d’un sur cinq y réside. Ils représentent d’ailleurs 30,7% des habitants du secteur. Or, bien que ce déplacement laisse présumer un certain désir d’intégration spatiale, il est possible que le quartier soit principalement alimenté par les individus recensés dans Notre-Dame ou même dans St- Jean-Baptiste en 1852 dû au développement du quartier Montcalm et à la refonte des limites. D’ailleurs, Banlieue Sud et Banlieue Centre présentent des diminutions cette même année. Finalement, la population irlandaise augmente dans les quartiers St-Louis et Du Palais (voir tableau 5.5), des milieux plus diversifiés culturellement (voir figure 5.7).

En outre, dans Québec Est, le secteur St-Roch/Jacques-Cartier semble attirer des membres de la communauté irlandaise (voir tableau 5.5). Or, la communauté canadienne-française y est si grande (voir figure 5.6) que la représentation des Irlandais n’atteint que le 6,9%. En outre, une augmentation est également visible dans Saint-Vallier/Saint-Sauveur/Saint-Malo.

En somme, bien que le quartier Champlain reste encore favori en matière d’établissement irlandais en 1871, Montcalm tend à se démarquer. Étant donné que la Haute-ville est davantage diversifiée culturellement, il serait probable que ce déplacement de la population soit signe d’intégration spatiale.

68

Figure 5.5: Proportion des Irlandais catholiques par quartier, 1871

Figure 5.6: Proportion de Canadiens français et d’Anglais protestants par quartier, 1871

Source: PHSVQ, Recensement de 1871

69

Tableau 5.2: Répartition des groupes ethnoreligieux sur le territoire de la ville de Québec, 1871

CF AP IC Total Secteurs n % n % n % n % Québec Centre Banlieue Sud 666 40,1% 304 18,3% 690 41,6% 1 660 100 Banlieue Centre 358 39,1% 330 36,0% 228 24,9% 916 100 Saint-Louis 1 115 27,7% 1 902 47,2% 1 011 25,1% 4 028 100 Du Palais 1 251 50,5% 728 29,4% 499 20,1% 2 478 100 Montcalm 3 305 44,1% 1 886 25,2% 2 296 30,7% 7 487 100 St-Jean-Baptiste 6 882 87,0% 677 8,6% 347 4,4% 7 906 100 Québec Est Saint-Roch - Jacques-Cartier 13 306 86,9% 958 6,3% 1 052 6,9% 15 316 100 Stadacona - Saint- Roch Nord 1 830 67,2% 503 18,5% 390 14,3% 2 723 100 Saint-Vallier - Saint- Sauveur - Saint- Malo 8 889 94,4% 142 1,5% 381 4,0% 9 412 100 Québec Ouest Champlain 880 22,4% 400 10,2% 2 645 67,4% 3 925 100 Saint-Pierre 2 145 59,6% 501 13,9% 954 26,5% 3 600 100 Total (n) 40 627 8 331 10 493 59 451

Figure 5.7: Diversité culturelle par quartier, 1871

Source: PHSVQ, Recensement de 1871 Source: PHSVQ, Recensement de 1871

70

5.2.1.3 1891

Alors que la communauté irlandaise de Québec diminue drastiquement entre 1871 et 1891, passant de 10 493 à 5 902 individus, la répartition sur le territoire tend à changer. En effet, pour la première fois depuis 1852, le quartier Montcalm devient favori. Alors que 25,9% des Irlandais habitent le quartier Champlain, 28,3% ont plutôt choisi Montcalm, un quartier plus hétérogène culturellement (voir figure 5.8, tableau 5.3 et tableau 5.5). Le départ massif des Irlandais de Champlain suite à la diminution des activités portuaires semble donc entraîner une augmentation de leur part dans le quartier Montcalm; celui-ci n’attirant plus de nouveaux résidents d’origine irlandaise (diminution de 27,1% entre 1871 et 1891 (voir tableau 5.5). Dans Québec Ouest, la communauté irlandaise de St-Pierre diminue également, ne représentant plus que 20,4% de l’ensemble des habitants du quartier.

Pour ce qui est de Québec Centre, outre le quartier Montcalm abordé précédemment, les quartiers St-Louis et Du Palais jouissent encore d’une présence considérable d’Irlando-catholiques. Ils représentent en effet respectivement 16,8% et 14,9% de la population présente dans ces quartiers. À noter que, bien que la carte présentant les zones de diversité (figure 5.10) montre une Haute-ville de plus en plus « vertement pixélisée », ce constat semble davantage associé à la diminution des Anglo-protestants dans ce secteur. Finalement, très peu d’Irlandais habitent maintenant dans la banlieue de la ville. La communauté y représente tout de même près d’un cinquième des résidents du secteur.

Finalement, 16,4% de l’ensemble de la communauté habite Québec Est. La très forte présence franco-canadienne dans ce secteur fait toutefois en sorte que la communauté n’y représente qu’un très faible pourcentage (voir figure 5.9).

En somme, les données de 1891 démontrent que la chute des activités portuaires et la fin des arrivées migratoires entraînèrent une baisse considérable du nombre d’habitants d’origine irlandaise principalement dans Québec Ouest, mais également dans tous les autres secteurs de la ville.

71

Figure 5.8: Proportion des Irlandais catholiques par quartier, 1891

Figure 5.9: Proportion de Canadiens français et d’Anglais protestants par quartier, 1891

Source: PHSVQ, Recensement de 1891

72

Tableau 5.3: Répartition des groupes ethnoreligieux sur le territoire de la ville de Québec, 1891

CF AP IC Total Secteurs n % n % n % n % Québec Centre Banlieue Sud 161 46,0% 117 33,4% 72 20,6% 350 100 Banlieue Centre 337 46,1% 250 34,2% 144 19,7% 731 100 Saint-Louis 1 206 46,1% 971 37,1% 440 16,8% 2 617 100 Du Palais 1 470 67,3% 390 17,8% 325 14,9% 2 185 100 Montcalm 4 078 57,4% 1 350 19,0% 1 673 23,6% 7 101 100 St-Jean-Baptiste 6 797 90,3% 497 6,6% 230 3,1% 7 524 100 Québec Est Saint-Roch - Jacques-Cartier 16 317 94,6% 368 2,1% 559 3,2% 17 244 100 Stadacona - Saint- Roch Nord 2 637 81,6% 331 10,2% 265 8,2% 3 233 100 Saint-Vallier - Saint-Sauveur - Saint-Malo 15 036 98,6% 70 0,5% 143 0,9% 15 249 100 Québec Ouest Champlain 889 35,6% 84 3,4% 1 527 61,1% 2 500 100 Saint-Pierre 1 867 72,6% 181 7,0% 524 20,4% 2 572 100 Total (n) 50 795 4 609 5 902 61 306

Figure 5.10: Diversité culturelle par quartier, 1891

Source: PHSVQ, Recensement de 1891

73

5.2.1.4 1911

En 1911, le peu d’individus restant dans la communauté et la prépondérance canadienne- française sur le territoire font en sorte que la proportion d’Irlandais catholiques par quartier s’affaiblit considérablement (voir figures 5.11 et 5.12 et tableau 5.4). Pour la première fois depuis 1852, les Irlandais ne sont plus majoritaires dans le quartier Champlain. Ils représentent en effet 40,9% des habitants de ce secteur, alors que les Franco-canadiens frôlent la majorité avec 49,8%. De plus, dans l’ensemble de la communauté, seulement 19,3% des individus résident dans ce quartier, alors que ce taux s’élevait à 31,2% en 1852 (voir tableau 5.5). D’un autre côté, dans le quartier St-Pierre, la proportion de résidents irlando-catholiques a certes diminué depuis 1852, mais au sein de la communauté, la présence dans ce secteur reste relativement stable (diminution de 9,9% entre 1891 et 1911) et la diversité culturelle, davantage partagée avec les Canadiens français (voir figure 5.13).

Pour ce qui est de Québec Centre, le quartier Montcalm reste favori avec 29% des membres de la communauté. D’ailleurs, la diversité culturelle de ce quartier permet de croire qu’un désir d’intégration spatiale de la communauté, qui y augmenta de 209,6% entre 1852 et 1911, est survenu (voir figure 5.13 et tableau 5.5). À noter que St-Louis et Banlieue Centre sont également très diversifiés. La présence d’Irlandais catholiques a d’ailleurs légèrement augmenté dans ces quartiers, tout comme dans St-Jean-Baptiste, entre 1891 et 1911.

Pour ce qui est de la Basse-ville, variant entre 88,6% et 98,4% des résidents selon les quartiers, les Canadiens français sont fortement majoritaires (voir figure 5.12). Malgré une légère diminution depuis 1871, 15,6% de l’ensemble de la communauté irlando-catholique réside tout de même dans ce secteur. Le nombre de résidents d’origine irlandaise est d’ailleurs légèrement plus élevé dans Stadacona/St-Roch (voir tableau 5.5).

En somme, bien que la communauté irlandaise-catholique ait connu une forte diminution entre 1852 et 1911, sa présence sur le territoire reste tout de même visible à la fin de la période d’étude et tend à se stabiliser.

74

Figure 5.11: Proportion des Irlandais catholiques par quartier, 1911

Figure 5.12: Proportion de Canadiens français et d’Anglais protestants par quartier, 1911

Source: PHSVQ, Recensement de 1911

75

Tableau 5.4: Répartition des groupes ethnoreligieux sur le territoire de la ville de Québec, 1911

CF AP IC Total Secteurs n % n % n % n % Québec Centre Banlieue Sud 187 44,1% 199 46,9% 38 9,0% 424 100 Banlieue Centre 1 601 73,0% 395 18,0% 197 9,0% 2 193 100 Saint-Louis 2 751 66,2% 953 22,9% 454 10,9% 4 158 100 Du Palais 1 486 82,5% 164 9,1% 152 8,4% 1 802 100 Montcalm 4 611 62,4% 1 499 20,3% 1 285 17,4% 7 395 100 St-Jean-Baptiste 8 240 93,3% 307 3,5% 288 3,3% 8 835 100 Québec Est Saint-Roch - Jacques-Cartier 16 963 97,3% 114 0,7% 351 2,0% 17 428 100 Stadacona - Saint- Roch Nord 1 702 88,6% 131 6,8% 88 4,6% 1 921 100 Saint-Vallier - Saint-Sauveur - Saint-Malo 26 425 98,4% 168 0,6% 253 0,9% 26 846 100 Québec Ouest Champlain 1 042 49,8% 196 9,4% 855 40,9% 2 093 100 Saint-Pierre 2 183 79,5% 92 3,3% 472 17,2% 2 747 100 Total (n) 67 191 4 218 4 433 75 842

Figure 5.13: Diversité culturelle par quartier, 1911

Source: PHSVQ, Recensement de 1911

76

Tableau 5.5: Évolution de la répartition de la communauté irlando-catholique sur le territoire de Québec entre 1852 et 1911

1852 1871 1891 1911 Augmentation et diminution (1852 – 1911) Secteurs n % n % n % n % % Québec Centre Banlieue Sud 1 500 15,7 690 6,6 72 1,2 38 0,9 -94,9 Banlieue Centre 228 2,2 144 2,4 197 4,4 -73,7 Saint-Louis 418 4,4 1 011 9,6 440 7,5 454 10,2 8,6 Du Palais 376 3,9 499 4,8 325 5,5 152 3,4 -59,6 Montcalm 415 4,3 2 296 21,9 1 673 28,3 1 285 29,0 209,6 St-Jean-Baptiste 1 718 17,9 347 3,3 230 3,9 288 6,5 -83,2 Québec Est Saint-Roch - Jacques- Cartier 860 9,0 1 052 10,0 559 9,5 351 7,9 -18,4 Stadacona - Saint- Roch Nord 381 3,7 143 4,5 253 2,0 -41,3 Saint-Vallier - Saint- Sauveur - Saint-Malo 199 2,1 390 3,6 265 2,4 88 5,7 -55,8 Québec Ouest Champlain 2 988 31,2 2 645 25,2 1 527 25,9 855 19,3 -71,4 Saint-Pierre 1 097 11,5 954 9,1 524 8,9 472 10,6 -57,0 Total 9 572 100 10 493 100 5 902 100 4 433 100 -53,7

En somme, entre 1852 et 1911, la répartition de la communauté irlandaise-catholique sur le territoire de la ville de Québec s’est sensiblement modifiée. En effet, en 1852, Champlain détenait la primauté sur l’établissement des immigrants d’Éire. Créant une « Petite Irlande » en Amérique, ces individus se regroupèrent sur cette artère adjacente au port qui, faut-il le rappeler, était leur principal employeur. Par contre, d’autres secteurs étaient également peuplés ou ont su attirer des immigrants d’Irlande, dont les quartiers Montcalm, St-Louis et, dans une moindre mesure, St-Roch/Jacques- Cartier, ce qui permit d’affaiblir l’isolement des Irlandais. Or, le déclin de l’industrie portuaire et le départ des familles de débardeurs entraînèrent un effritement du quartier Champlain, laissant ainsi sur le territoire de Québec principalement les familles s’étant établies dans des secteurs plus diversifiés culturellement. Ainsi, en 60 ans, alors que les Canadiens français deviennent franchement majoritaires dans chaque quartier de la ville et que la communauté irlandaise diminue de moitié, les derniers immigrants d’Irlande et leurs descendants ne semblent s’être intégrés au paysage urbain qu’à un faible niveau. En effet, cette intégration est davantage visible à l’échelle de certains ménages que pour l’ensemble de la communauté.

77

5.2.1 Comparaison : le cas de Montréal, 1881

L’analyse transversale permet également une comparaison avec la communauté irlandaise de Montréal qui, en termes de répartition spatiale, se rapproche de celle de Québec. En effet, en observant les figures 5.14 et 5.15, plusieurs ressemblances sont palpables. Tout d’abord, comme il est observable à Québec, Montréal présente en 1881 une certaine division du territoire selon les groupes ethnoculturels avec, dans quelques endroits, des zones de contacts et de diversité. Sans surprise, les Irlandais catholiques se retrouvent également dans les secteurs adjacents au port.

Selon Sherry Olson (2012), l’établissement irlandais à Montréal durant la deuxième moitié du XIXe siècle n’était pas ghettoïsé comme ce fut le cas à Boston ou dans le quartier Five Points de

New York23. Les quartiers à prépondérance irlandaise, dont Griffintown, auraient plutôt servi de

tremplin vers des logements et des secteurs plus intéressants de la ville (Olson, 2012). Or, ce phénomène semble être survenu à Québec, mais avec une différence notable. En effet, Champlain aurait davantage permis aux familles de poursuivre leur trajectoire individuelle vers d’autres villes plus prospères. À l’inverse de Montréal, les familles ne semblent pas s’être établies dans des secteurs plus intéressants de la ville après avoir utilisé Champlain comme tremplin. L’intégration spatiale est donc beaucoup moins prononcée qu’à Montréal puisqu’elle ne réussit pas à avoir un moyen de rétention sur les familles.

78

Figure 5.14: Répartition des trois grands groupes ethnoculturels sur le territoire de la ville de Montréal, 1881

Figure 5.15: Répartition des trois grands groupes ethnoculturels et zones de diversité sur le territoire de la ville de Montréal, 1881

Source: Recensement de 1881

Olson, 2012

Source: Recensement de 1881

79

En somme, l’analyse transversale semble démontrer que l’intégration spatiale des Irlandais catholiques de Québec est davantage visible à l’échelle des ménages que pour l’ensemble de la communauté. Le déclin de l’industrie portuaire entraîna le départ de plusieurs familles, diminuant ainsi la présence dans le quartier Champlain et démontrant le fort lien entre l’intégration économique et l’intégration spatiale.

Par contre, à la fin de l’étude, certaines familles résident tout de même dans des quartiers plus diversifiés culturellement, ce qui démontre un désir d’intégration spatiale à échelle fine. L’analyse longitudinale qui suit permettra d’observer si ces familles se regroupaient entre elles, limitant ainsi leur intégration spatiale, ou si leur établissement était véritablement signe d’ouverture culturelle.

5.3 Analyse longitudinale

L’analyse transversale nous a permis de constater que plusieurs familles irlandaises résidaient hors du quartier Champlain. Grâce à l’analyse des cohortes, il nous sera possible de compléter les informations préalablement obtenues en étudiant le voisinage de ces familles. En effet, l’analyse longitudinale permettra de vérifier si l’établissement des familles ailleurs que dans Champlain s’accompagnait de la naissance de nouveaux îlots communautaires ou révélait une indépendance de ces familles à l’égard de la communauté, résultant ainsi à une intégration plus poussée à la société urbaine.