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Intégration d'une communauté minoritaire en période d'industrialisation : les Irlandais catholiques de la ville de Québec, 1852-1911

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Intégration d’une communauté minoritaire en

période d’industrialisation

Les Irlandais catholiques de la ville de Québec, 1852-1911

Mémoire

Isabelle Beauregard-Gosselin

Maîtrise en sciences géographiques

Maître en sciences géographiques (M. Sc. Géogr.)

Québec, Canada

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Intégration d’une communauté minoritaire en

période d’industrialisation

Les Irlandais catholiques de la ville de Québec, 1852-1911

Mémoire

Isabelle Beauregard-Gosselin

Sous la direction de :

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iii

Résumé

Au courant de la période industrielle, la ville de Québec a connu une croissance démographique rapide alimentée, entre autres, par une immigration européenne massive. Celle-ci contribua d’une façon notable aux changements socioéconomiques de la capitale durant cette période. Parmi les migrants, les Irlandais catholiques furent nombreux à transiter ou à s’établir à Québec et y laissèrent des traces encore visibles aujourd’hui. Or, bien que l’histoire de la diaspora irlandaise en sol nord-américain ait fait l’objet de plusieurs recherches, le cas de la ville de Québec, tout comme sa période d’industrialisation, reste encore peu étudié à ce jour.

Grâce à l’utilisation des recensements nominatifs canadiens de 1852 à 1911 et des actes de mariage, cette étude a comme objectif d’analyser le niveau d’intégration de la communauté irlandaise de Québec sur les plans économique, social et spatial, et ce, à micro-échelle. Ainsi, en observant les emplois et la mobilité socioprofessionnelle des travailleurs, les unions exogames et l’évolution de l’établissement irlandais sur le territoire à l’étude, la présente recherche permet d’établir un constat positif : les Irlandais catholiques ont su s’intégrer à la société urbaine de Québec. Néanmoins, considérant la forte diminution démographique de la communauté au tournant du siècle, l’intégration s’est effectuée davantage à l’échelle des ménages que pour l’ensemble de la communauté.

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iv

Abstract

During the industrial period, the city of Quebec experienced rapid population growth fueled, among others, by massive European immigration. This contributed significantly to socio-economic changes in the capital during this period. Among the migrants, many Irish Catholics passed through or settled in Quebec City and left marks still visible today. However, although the history of the Irish diaspora in North America has been the subject of several studies, the case of Quebec City, especially during the industrial period, is as yet little studied.

With the help of Canadian censuses from 1852 to 1911 and marriage records, this study aims to analyze the degree of integration of the Quebec Irish community in economic, social and spatial components, at micro-scale. Through the observation of employment and socio-professional mobility of the workers, exogamous unions and the evolution of Irish Catholics establishment on the territory, this study shows that overall Quebec Irish catholic have been able to integrate themselves in Quebec urban society. However, considering the important population decline at the turn of the century, this integration is more visible at the household level than at the community level.

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v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... ix

Remerciements ... x

Introduction ... 1

Territoire et période d’analyse ... 2

Objectifs ... 3

Définition des concepts ... 3

Intégration ... 3

Ethnie ... 3

Chapitre 1 : Mise en contexte ... 5

1.1 1800-1845 : Préindustrialisation de Québec ... 5

1.2 1845-1852 : La Grande Famine ... 8

1.3 1852-1911 : Industrialisation de Québec : transformations économiques et sociales ... 10

Chapitre 2: Cadre méthodologique ... 15

2.1 Les sources des données ... 15

2.1.1 Les recensements ... 16

2.1.2 Les actes de mariage, les annuaires municipaux et les plans d’assurances ... 19

2.2 Le traitement des données ... 21

2.3 L’analyse des données ... 22

Chapitre 3 : Intégration économique des Irlandais catholiques... 24

3.1 Méthode ... 25

3.2 Analyse transversale ... 27

3.2.1 Aperçu général de la structure socioprofessionnelle de Québec ... 27

3.2.2 Présence irlandaise-catholique dans la structure socioprofessionnelle ... 30

3.2.3 Comparaison : le cas de Montréal ... 33

3.3 Analyse longitudinale ... 35

(6)

vi

Chapitre 4 : Intégration sociale des Irlandais catholiques ... 40

4.1 Méthode ... 41

4.2 Analyse transversale ... 42

4.2.1 Évolution d’ensemble de l’appartenance ethnoculturelle des familles de Québec... 42

4.2.2 Évolution de la mixité chez les Irlandais catholiques entre 1852 et 1911 ... 44

4.2.3 Comparaison : le cas de Montréal, 1881 ... 47

4.3 Analyse longitudinale ... 49

4.3.1 Trajectoires familiales ... 49

Conclusion... 57

Chapitre 5 : Intégration spatiale des Irlandais catholiques ... 58

5.1 Méthode ... 59

5.2 Analyse transversale ... 63

5.2.1 Évolution de la présence irlandaise sur le territoire de la ville de Québec, 1852-1911 ... 63

5.2.1 Comparaison : le cas de Montréal, 1881 ... 77

5.3 Analyse longitudinale ... 79

5.3.1 Diversité du voisinage, cohorte de 1852 ... 79

5.3.2 Diversité du voisinage, cohorte de 1871 ... 81

Conclusion... 83

Conclusion générale et discussion ... 84

Intégration économique ... 85

Intégration sociale ... 85

Intégration spatiale ... 87

Étude comparée : Montréal et Québec ... 88

Bibliographie ... 91

Annexes ... 94

Annexe 1 : Codes des métiers de l’IREP – exemple ... 95

Annexe 2 : Dérivation du schème des classes EGP ... 96

Annexe 3 : Tableaux présentant la population active irlando-catholique ... 97

Annexe 4 : Tableau présentant les familles habitant Québec selon le groupe ethnoreligieux, 1852-1911 ... 99

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vii

Liste des tableaux

Tableau 1.1 : Composition de la population, Québec, 1852-1911 ... 13

Tableau 2.1 : Nombre d’enfants composant la cohorte de 1852 ... 23

Tableau 2.2 : Nombre d’enfants composant la cohorte de 1871 ... 23

Tableau 3.1 : Classification EGP ... 26

Tableau 3.2 : Les travailleurs de Québec par groupes ethnoreligieux selon les classes de professions EGP, 1852 ... 28

Tableau 3.3 : Les travailleurs de Québec par groupes ethnoreligieux selon les classes de professions EGP, 1871 ... 28

Tableau 3.4 : Les travailleurs de Québec par groupes ethnoreligieux selon les classes de professions EGP, 1891 ... 29

Tableau 3.5 : Les travailleurs de Québec par groupes ethnoreligieux selon les classes de professions EGP, 1911 ... 30

Tableau 3.6 : Évolution de la répartition des travailleuses et travailleurs irlandais-catholiques au sein de la structure socioprofessionnelle entre 1852 et 1911 ... 31

Tableau 3.7 : Comparaison de l’évolution de la répartition des professions exercées par les Irlandais catholiques et les Canadiens français, 1911 ... 34

Tableau 3.8 : Évolution des professions exercées par les garçons irlandais-catholiques de la cohorte de 1852, comparée à celles de leur père ... 37

Tableau 3.9 : Évolution des professions exercées par les garçons irlandais-catholiques de la cohorte de 1871, comparée à celles de leur père ... 37

Tableau 4.1 : Composition des familles habitant Québec selon le sexe et l’appartenance ethnoreligieuse, 1852 ... 45

Tableau 4.2 : Composition des familles habitant Québec selon le sexe et l’appartenance ethnoreligieuse, 1871 ... 45

Tableau 4.3 : Composition des familles habitant Québec selon le sexe et l’appartenance ethnoreligieuse, 1891 ... 46

Tableau 4.4 : Composition des familles habitant Québec selon le sexe et l’appartenance ethnoreligieuse, 1911 ... 47

Tableau 4.5 : Appartenance ethnoreligieuse des couples, Montréal, 1881 ... 48

Tableau 4.6 : Emplois exercés par les chefs de familles mixtes, cohorte de 1852 ... 51

Tableau 4.7 : Emplois exercés par les chefs de familles mixtes, cohorte de 1871 ... 51

Tableau 4.8 : Quartier de résidence des familles mixtes, cohorte de 1852 ... 52

(8)

viii

Tableau 4.10 : Religion des enfants nés dans une famille mixte dont les parents sont

anglo-protestant et irlando-catholique, cohorte de 1852 ... 54 Tableau 4.11 : Religion des enfants nés dans une famille mixte dont les parents sont

anglo-protestant et irlando-catholique, cohorte de 1871 ... 54 Tableau 4.12 : Appartenance ethnoreligieuse des partenaires constituant les familles mixtes dont un des parents est irlando-catholique, cohortes de 1852 et de 1871 ... 56 Tableau 5.1 : Répartition des groupes ethnoreligieux sur le territoire de la ville de Québec, 1852 .. 66 Tableau 5.2 : Répartition des groupes ethnoreligieux sur le territoire de la ville de Québec, 1871 .. 69 Tableau 5.3 : Répartition des groupes ethnoreligieux sur le territoire de la ville de Québec, 1891 .. 72 Tableau 5.4 : Répartition des groupes ethnoreligieux sur le territoire de la ville de Québec, 1911 .. 75 Tableau 5.5 : Évolution de la répartition de la communauté irlando-catholique sur le territoire de Québec entre 1852 et 1911 ... 76 Tableau 5.6 : Évolution du taux de diversité culturelle du voisinage des familles irlando-catholiques selon les quartiers, cohorte de 1852 ... 81 Tableau 5.7 : Évolution du taux de diversité culturelle du voisinage des familles irlando-catholiques selon les quartiers, cohorte de 1871 ... 82

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ix

Liste des figures

Figure 1.1 : Vue plongeante de l’Anse-au-Foulon et des allingues de Messrs.Gilmour and Company

pour le chargement des billes, Québec, vers 1860 ... 5

Figure 1.2 : Première église Saint-Patrick de Québec ... 7

Figure 1.3 : Immigration totale et irlandaise au port de Québec, 1829-1859 ... 9

Figure 1.4 : Chargement de bois équarri à bord d’un bateau par bâbord devant, Québec, 1872 ... 10

Figure 1.5 : Émeute affrontant les débardeurs irlandais-catholiques et canadiens-français, 1879 .... 12

Figure 1.6 : Expansion du cadre bâti, 1815-1908 ... 14

Figure 2.1 : Classification EGP par groupes ... 26

Figure 4.1 : Proportion des familles habitant Québec selon leur groupe ethnoreligieux, 1852-1911 43 Figure 5.1 : Fond de carte évolutif de la ville de Québec, 1852-1911 ... 61

Figure 5.2 : Proportion des Irlandais catholiques par quartier, 1852 ... 65

Figure 5.3 : Proportion de Canadiens français et d’Anglais protestants par quartier, 1852 ... 65

Figure 5.4 : Diversité culturelle par quartier, 1852 ... 66

Figure 5.5 : Proportion des Irlandais catholiques par quartier, 1871 ... 68

Figure 5.6 : Proportion de Canadiens français et d’Anglais protestants par quartier, 1871 ... 68

Figure 5.7 : Diversité culturelle par quartier, 1871 ... 69

Figure 5.8 : Proportion des Irlandais catholiques par quartier, 1891 ... 71

Figure 5.9 : Proportion de Canadiens français et d’Anglais protestants par quartier, 1891 ... 71

Figure 5.10 : Diversité culturelle par quartier, 1891 ... 72

Figure 5.11 : Proportion des Irlandais catholiques par quartier, 1911 ... 74

Figure 5.12 : Proportion de Canadiens français et d’Anglais protestants par quartier, 1911 ... 74

Figure 5.13 : Diversité culturelle par quartier, 1911 ... 75

Figure 5.14 : Répartition des trois grands groupes ethnoculturels sur le territoire de la ville de Montréal, 1881 ... 78

Figure 5.14 : Répartition des trois grands groupes ethnoculturels et zones de diversité sur le territoire de la ville de Montréal, 1881 ... 78

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x

Remerciements

Pour ses conseils, son soutien, sa confiance, sa générosité et, surtout, pour l’être si humain et chaleureux qu’il est, je tiens à débuter mes remerciements par mon directeur de recherche. Marc, je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu as fait pour moi. Je me sens choyée d’avoir pu accomplir tout ce travail à tes côtés. J’espère que ce mémoire te rendra fier.

Je souhaite également remercier mesdames Sherry Olson et Marie-Hélène Vandersmissen qui ont si généreusement accepté de composer mon comité d’évaluation. Mesdames, vos commentaires et vos suggestions ont permis d’amener cette recherche encore plus loin. Merci pour votre dévouement envers la réussite de vos étudiants.

Merci au CIEQ, un centre de recherche unique qui fait réellement une différence dans le cheminement des étudiants, mais surtout à ses membres dont plusieurs font maintenant partie de mes ami(e)s les plus cher(e)s. Vos encouragements ont su porter fruit. Une pensée toute spéciale va à Laurent, notre maître d’Excel et d’ArcGIS, dont l’aide fut plus que bénéfique pour ce mémoire. Merci également à Marie-Ève Harton pour ses précieux conseils et à Renée Sénéchal-Huot pour son don cartographique et sa façon de toujours sauver la situation. Le PHSVQ est encore plus riche de ses chercheurs que de ses données, j’en suis certaine! Et un merci bien particulier à Arianne Vignola avec qui j’ai partagé chaque étape menant à la réalisation de ce mémoire. Ta motivation, ta compréhension, ta joie de vivre et tes conseils (sans oublier ton apport inestimable aux données de recensements et ta relecture de mes résultats) ont réellement eu un impact positif sur ma maîtrise. Merci mille fois, chère amie.

Un merci sincère va également à mes ami(e)s et à ma famille. Sans votre soutien et vos encouragements, ce mémoire n’aurait jamais vu le jour. Danielle et Mario, j’espère qu’en lisant ceci, vous serez fiers de votre fille. Je vous aime de tout mon cœur. Merci pour votre patience.

Merci à toi, Alexandre. Tu as su trouver les mots pour me faire avancer et l’appui dont j’avais besoin. Sans tes conseils statistiques et ton esprit analytique, ma recherche n’aurait pas été aussi étoffée. Merci d’être là, jour après jour, et de supporter mes inquiétudes et mon stress sans fond. Je suis aujourd’hui heureuse et fière de présenter ma recherche, et c’est beaucoup grâce à toi. Je t’aime.

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xi

Finalement, un merci tout spécial va à Marianna O’Gallagher, Robert J. Grace et Peter C. Bischoff qui contribuèrent grandement à l’avancement des recherches portant sur les Irlandais catholiques de Québec et à faire reconnaître leur apport à notre société. Merci d’avoir su me transmettre votre passion.

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1

Introduction

Chaque dix-septième jour du mois de mars, les habitants de la ville de Québec se vêtent de vert et sortent dans la rue pour célébrer la Saint-Patrick. On peut y lire des slogans comme « Kiss me I’m Irish » ou « Everyone’s Irish on St.Patrick’s Day » et difficilement trouver une table au Pub St-Alexandre ou au Pub Galway. Ainsi, un jour par année, la ville entière semble se commémorer un ancêtre irlandais et prendre part à la célébration.

Mais les résidents de Québec connaissent-ils réellement l’histoire de la communauté irlandaise? Outre les divers pubs ornant le paysage urbain de la ville, savent-ils concrètement dans quelle mesure ces Irlandais ont contribué à l’essor économique de Québec? Et savent-ils simplement que la Saint-Patrick y est célébrée depuis 1817 (O’Gallagher, 1976 : p. 30)? En sillonnant les rues lors de ce jour festif, les résidents de Québec devraient voir les traces laissées par les Irlandais qui mirent main à la pâte et contribuèrent au développement de la ville telle qu’on la connaît. Les quelques affiches commémoratives ainsi que la croix celtique sur la rue McMahon sont bien peu de vestiges rappelant l’établissement de cette communauté. Quelques pages de l’histoire de la ville semblent ainsi manquantes dans l’imaginaire collectif.

La diaspora irlandaise nord-américaine a fait l’objet de plusieurs études scientifiques. Or, le cas de la ville de Québec demeure à ce jour peu étudié. Quelques chercheurs, principalement des historiens, se sont tout de même intéressés à l’établissement irlandais de la ville. Marianna O’Gallagher, pionnière des recherches historiques sur cette communauté, s’intéressa notamment à l’érection de la première église Saint-Patrick (1979), à la contribution de la société caritative St.Brigid’s (1981) et aux événements de Grosse-Île (1987). Robert J. Grace (1998, 1999, 2001) contribua également à définir les caractéristiques socioéconomiques de cette communauté grâce, entre autres, à l’utilisation des recensements canadiens de 1852 et de 1861. Peter C. Bischoff (2009) se concentra quant à lui sur les débardeurs du port de Québec et à leurs revendications syndicales. D’autres recherches, autant en sociologie, en géographie qu’en histoire, portant sur la période industrielle de Québec, abordent inévitablement la question irlandaise puisqu’elle est intrinsèque à cette période. Marc St-Hilaire et Richard Marcoux, codirecteurs du projet Population et histoire

sociale de la ville de Québec (PHSVQ), orientent leurs recherches sur les transformations urbaines et

les ajustements familiaux vécus durant l’industrialisation de Québec et abordent ainsi, au sein de leurs études, la présence irlandaise. Dans ce projet, Valérie Laflamme (2000) a travaillé sur les familles et le mode de résidence en milieu urbain; Sophie Goulet (2002) aborda les mariages exogames; Mathieu

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2

Gagné (2004), la mortalité infantile; Mélanie Julien (2005), la scolarisation; Nicolas Lanouette (2006), le paysage professionnel; Marie-Ève Harton (2008), le veuvage et le remariage et Arianne Vignola (2014), les trajectoires féminines. Bien que dans chacune de ces recherches la communauté irlandaise est mise en relation avec les Canadiens français et les Anglais protestants également présents sur le territoire à l’époque, aucune ne la met au premier plan. De plus, des études traitant des communautés présentes dans la ville de Montréal durant la même période furent effectuées par mesdames Sherry Olson et Patricia Thornton (2011). Un prolongement de leurs travaux apparaît donc pertinent pour la ville de Québec.

Ainsi, en se penchant sur l’intégration économique, sociale et spatiale des Irlandais catholiques de la ville de Québec, la présente étude souhaite éclairer un chapitre peu connu de l’histoire de ces immigrants irlandais et contribuer à la reconnaissance de leur apport à notre société. Les résultats obtenus permettront ainsi d’approfondir les connaissances scientifiques sur le sujet et d’ouvrir les portes à des recherches futures. En outre, les informations présentes dans les recensements nominatifs canadiens, pourtant d’une grande richesse sur les plans socioéconomique et socioculturel, sont des données peu utilisées et mises en valeur. La présente recherche souhaite donc tirer quelques informations de ces recensements et en faire profiter la communauté scientifique.

Territoire et période d’analyse

Le choix du territoire à l’étude s’est rapidement posé sur la ville de Québec. Souvent mise de côté par les chercheurs s’intéressant à la période industrielle - dû notamment à la crise économique ressentie par la ville à cette époque -, Québec possède encore plusieurs mystères historiques. La présente recherche tente donc de lever le voile sur une partie de ces secrets et de mettre en valeur cette période temporelle souvent mise de côté. Couvrant la deuxième moitié du XIXe siècle et le début

du XXe, cette période se caractérise par des transformations économiques et sociales importantes et,

sur le plan de la composition des populations urbaines, par l’arrivée massive d’immigrants européens en Amérique du Nord. Le port de Québec étant rapidement devenu une plaque tournante de ces flux migratoires dès le début du XIXe siècle, un nombre important d’Irlandais catholiques transitèrent ou

s’établirent dans la ville. Véritable mosaïque culturelle, Québec est donc un lieu tout indiqué pour étudier les relations entre les membres de la diaspora et les autres communautés présentes sur le territoire. La disponibilité des recensements canadiens joue également un rôle important pour le choix du cadre temporel. En effet, le recensement de 1852 est le premier recensement nominatif exhaustif et 1911, le dernier disponible à des fins de recherche au moment d’entreprendre cette enquête.

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Objectifs

Ayant comme principal objectif d’établir dans quelle mesure les Irlandais catholiques se sont intégrés économiquement, socialement et spatialement à la société urbaine de Québec, chaque volet se décline ensuite en quelques objectifs secondaires. Tout d’abord, l’intégration économique de la communauté sera étudiée en fonction de la présence de mobilité ascendante dans la structure socioprofessionnelle. L’intégration sociale sera quant à elle observée selon le degré de mixité avec les autres groupes ethnoculturels, et ce, à travers les mariages exogames. Finalement, pour l’intégration spatiale, une cartographie et une analyse de l’évolution de l’établissement irlando-catholique sur le territoire évolutif de la ville de Québec seront effectuées. Le degré d’intégration pour chacun de ces volets sera établi grâce à deux types d’analyses : une analyse transversale permettant d’établir un constat global, puis une analyse longitudinale basée sur les trajectoires individuelles des membres de la communauté, complétant ainsi les observations précédemment émises.

Définition des concepts

Intégration

Selon Gauvreau, Thornton et Vézina (2010 : p. 358), le concept d’intégration se définit comme étant les diverses façons dont les nouveaux arrivants s’insèrent dans la société d’accueil. Ce concept peut donc être visible et évalué selon différents degrés. Une absence complète d’intégration caractérisée par un maintien total des traditions et des caractéristiques culturelles ainsi que par un rejet d’interactions avec les autres communautés serait perçue comme une séparation. À l’inverse, un rejet de l’identité culturelle et de constantes interactions avec les autres groupes seraient davantage liés à une assimilation (Berry, 1997 : p. 9). Or, entre les deux extrêmes, un éventail de possibilités et de degrés d’intégration sont possibles. C’est ce qui sera évalué dans chacun des volets de cette recherche.

Ethnie

Hale (2004) a fait un travail remarquable en présentant, entre autres, les concepts d’ethnie et d’identité selon les écoles de pensée de divers chercheurs de domaines variant entre l’anthropologie, la sociologie et la psychologie. À la lumière de ses propositions, l’ethnie sera abordée, dans la présente recherche, selon l’école de pensée « primordialiste ». Ainsi, elle sera utilisée comme une façon de catégoriser un individu en fonction de son appartenance à un groupe, appelé groupe ethnique,

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dont chaque membre partage les mêmes caractéristiques (Hale, 2004 : p. 460). Dans le contexte qui nous intéresse, la culture, les traditions, l’histoire, la langue et la religion seront retenues pour permettre une différenciation entre les Canadiens français, les Anglais protestants et les Irlandais catholiques. Par souci de conformité, le nom choisi pour identifier ces groupes se réfère aux recherches du PHSVQ. De plus, plutôt que groupe ethnique, le terme ethnoreligieux sera utilisé afin de démontrer l’importance de la religion dans la classification de ces groupes.

L’ensemble du mémoire sera divisé en cinq chapitres. Tout d’abord, une mise en contexte de la situation socioéconomique de Québec durant son industrialisation sera abordée, permettant ainsi d’établir les bases de la recherche et d’en contextualiser les résultats. Les caractéristiques attribuées à chacune des vagues de l’immigration irlandaise seront également présentées. Ensuite, le chapitre sur la méthodologie mettra en lumière les données utilisées ainsi que leurs limites, le traitement puis l’analyse de ces données. Les autres chapitres porteront sur les résultats de la recherche et seront divisés en trois volets : l’intégration économique, l’intégration sociale puis l’intégration spatiale. Le tout se terminera par une conclusion générale et une discussion.

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Chapitre 1 : Mise en contexte

De l’Irlande à Québec

La période industrielle est synonyme de changements. Autant sur le plan économique que social et spatial, des modifications profondes touchèrent chaque parcelle de notre société et eurent des effets considérables sur l’avenir de celle-ci. Attraction et effervescence des villes, prospérité économique, évolutions techniques et technologiques, restructuration du travail, immigrations nationales et internationales (Olson et Thornton, 2011 : p. 5-7) qualifient, entre autres, cette « période charnière de l’histoire occidentale » (Laflamme, 2000 : p. 3-4). La ville de Québec s’inscrit inévitablement dans cette période de modernisation.

1.1 1800-1845 : Préindustrialisation de Québec

Au début du siècle, contrainte par le blocus continental imposé par Napoléon sur les îles britanniques, Londres se tourne vers Québec pour son approvisionnement en bois. Le commerce transatlantique prit ainsi rapidement de l’ampleur, passant de 7 navires en 1802 à 661 en 1810 (Bischoff, 2009 : p. 25-26). Le port de Québec devient alors, un centre maritime important où l’abondance de bois stimula également l’industrie de la construction navale. (Bischoff, 2009 : p. 29). Dès 1831, plus de 1 000 navires mouillaient au port de Québec chaque année, lui permettant de rivaliser avec les plus grands ports nord-américains comme New York, Boston et la Nouvelle-Orléans (Bischoff, 2009 : p. Figure 1.1 : Vue plongeante de l'Anse-au-Foulon et des allingues de Messrs. Gilmour and

Company pour le chargement des billes, Québec, vers 1860 Source : Bibliothèque et Archives Canada, MIKAN 3623522

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30). Ainsi, proposant un site aux avantages indéniables et un port naturel exceptionnel, la ville de Québec avait, au début du XIXe siècle, le vent dans les voiles et une économie prospère (Bischoff,

2009 : p. 27).

Attirés par l’effervescence de la ville, plusieurs immigrants d’Irlande mirent pied à Québec durant cette période et établirent les assises de la communauté, côtoyant ainsi les Anglais protestants et les Canadiens français sur le territoire. Au début du siècle, fuyant la crise économique résultant de la guerre napoléonienne, des Irlandais relativement aisés prirent place dans les navires servant au commerce du bois et vinrent tenter leur chance en Amérique. Parmi eux, on dénombra entre autres des marchands, des commerçants, des juges et des agents de la paix (Grace, 1999 : p. 88-89). Après avoir débarqué au port de Québec, bien que plusieurs s’installèrent dans la capitale, certains poursuivirent leur route vers Montréal, l’Ontario ou les États-Unis, alors que d’autres s’établirent en milieu rural comme à Valcartier, Stoneham ou le long de la route Craig vers les Cantons-de-l’Est (O’Gallagher, 1979 : p. 28). Après 1820, le profil des immigrants changea. Majoritairement aidés par leur famille ou leurs amis déjà établis à Québec qui payèrent leur embarquement dans les navires, des cultivateurs et des journaliers attirés par de meilleurs salaires vinrent également s’établir à Québec (Grace, 1999 : p. 92, 99 ; 2001 : p. 181-182). Ainsi, en 1830, sur une population totale d’environ 32 000 habitants, on comptait déjà près de 7 000 Irlandais dans la capitale (O’Gallagher, 1979 : p. 27). Bien qu’au début du siècle le nombre de Protestants était plus important que celui des Catholiques, après 1840, on assista à un renversement de la situation et les Irlandais de confession catholique devinrent majoritaires au sein du flux migratoire en provenance d’Irlande. De plus, les Protestants avaient davantage tendance à poursuivre leur route vers l’Ontario alors que les Catholiques semblaient s’établir à Québec. En raison de l’importante présence canadienne-française dans la ville, celle-ci était davantage hospitalière pour les pratiquants du catholicisme (Grace, 1999 : p. 96, 98). Contrairement aux villes ontariennes où l’Ordre d’Orange restreignait l’insertion des Irlandais catholiques, ceux de la capitale purent plus facilement s’établir dans leur société d’accueil (Grace, 2001 : p. 182).

Dans un souci de reconnaissance et de distinction de leur communauté, les Irlandais catholiques réussirent, non sans effort, à ériger la première église Saint-Patrick en 1833 (O’Gallagher, 1979 : p. 13-14)1. Dix ans plus tard, deux écoles pour garçons furent construites, une en Haute-ville

1 Pour de plus amples informations concernant le contexte accompagnant la construction de cette église,

consulter la thèse de Marianna O’Gallagher (1979) : Saint-Patrice de Québec, la construction d’une église et l’implantation d’une paroisse.

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et l’autre sur la rue Champlain (O’Gallagher, 1981 : p. 18). Les jeunes filles avaient quant à elles une classe spéciale offerte par les Ursulines depuis 1820 (O’Gallagher, 1979 : p. 31). L’éducation semblait ainsi d’une grande importance pour la communauté irlandaise-catholique. Mélanie Julien (2005), qui s’est penchée sur l’éducation de la population de la ville de Québec pendant la période industrielle lors de ses études de deuxième cycle, constate qu’en 1871, les enfants d’origine irlandaise semblaient plus instruits que les enfants des autres groupes (Julien, 2005 : p. 112). En outre, on retrouvait également les Irlandais dans plusieurs associations à caractères économique, social, politique, culturel ou caritatif, démontrant ainsi l’important sentiment d’appartenance à la communauté irlandaise, mais également, à leur désir de prendre place dans la société d’accueil (O’Gallagher, 1979 : p. 57).

Figure 1.2 : Première église Saint-Patrick de Québec Source : Isabelle Beauregard-Gosselin, 2015

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1.2 1845-1852 : La Grande Famine

La Grande Famine changea considérablement le profil des migrations entre l’Irlande et la ville de Québec. Après des années de dures récoltes et de crises économiques, additionnées aux siècles de persécution et de tension liées à leur confession catholique, les paysans irlandais n’eurent d’autre choix que de quitter l’Irlande lorsque le mildiou, une maladie causée par la présence du champignon

phytophtora infestans, attaqua les pommes de terre et détruisit les récoltes. Atteindre l’Amérique

devenait donc la seule solution pour ces paysans évincés de leur terre, faute de paiement (Gray, 1995 : p. 14, 22, 34, 68). Ainsi, la majorité des Irlandais étant sans le sou, le remittance system, cet important système d’entraide abordé plus tôt entre les immigrants déjà établis en Amérique et ceux désirant effectuer la traversée, permit d’acquitter plusieurs passages vers Québec, une des destinations les moins coûteuses d’Amérique (Grace, 2001 : p. 180). Des femmes et des enfants furent également aidés par la Grande-Bretagne via la Irish Poor Law2, alors que d’autres bénéficièrent d’assistance de

la part de leur propriétaire terrien (Grace, 1999 : p. 131). Bref, contrairement aux riches marchands et aux travailleurs qui choisirent Québec comme lieu de destination au début du siècle, les migrants de la Grande Famine étaient en situation d’extrême précarité.

Alors que les États-Unis décidèrent de doubler le prix d’entrée au pays et détournèrent les navires surchargés d’individus vers Québec et St-John’s, Nouveau-Brunswick, le port de Québec mit tous ses bateaux engagés pour le commerce du bois à la disponibilité de l’immigration (Grace, 1999 : p. 106, 117). Or, la traversée était difficile. La surcharge d’immigrants dans les navires, le manque d’eau et de nourriture ainsi que la malpropreté entraînèrent rapidement la propagation de maladies, dont la plus ravageuse : la fièvre noire ou typhus (Grace, 1999 : p. 113). Selon le Dr Douglas présent à Grosse-Île en 1847, jamais l’île de quarantaine située en aval de Québec n’avait accueilli des immigrants en condition aussi médiocre, et ce, même durant l’épidémie de choléra de 1832 à 1834 (Grace, 1999 : p. 115)3. Au total, on estima que durant la pire année de la Grande Famine, soit 1847,

8,9% d’approximativement 70 000 migrants en route vers Québec perdirent la vie. La mort était encore plus visible sur certains navires, dont l’Agnes en partance de Cork et le Virginius, de Liverpool. Respectivement 37,4% et 56,1% des passagers de ces navires décédèrent avant même que le bateau n’atteigne Grosse-Île (Grace, 1999 : p. 122).

2 Cette aide octroyée par le gouvernement anglais pourrait être une des raisons expliquant la surféminité

caractérisant la communauté irlandaise de Québec visible dans les recensements dès 1852 (voir tableau 1.1).

3 Je vous invite fortement à visiter le site historique fédéral de Grosse-Île afin de connaître davantage la situation

de ces migrants et de consulter le livre La Grosse-Île, porte d’entrée du Canada 1832-1937 écrit par Marianna O’Gallagher, 1987.

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Ainsi, après « Black ’47 », les autorités canadiennes durent augmenter les coûts de l’immigration vers Québec afin de rembourser les frais pour l’aide qui avait été apportée aux migrants. Le but était principalement de diriger les futurs immigrants vers les États-Unis. Comme désiré, le nombre d’arrivées chuta à moins de 20 000 individus l’année suivante et s’estompa jusqu’en 1860 (voir figure 1.3; Grace, 1999 : p. 129).

Une aide était évidemment attribuée aux Irlandais dans le besoin lors de leur arrivée à Québec.

La Société des immigrants de Québec, fondée en 1818, offrait des logements, de la nourriture, mais surtout, de l’information pour permettre aux migrants de poursuivre leur route vers le reste du Canada ou des États-Unis (O’Gallagher, 1987 : p. 18). St.Brigid’s, une société charitable irlandaise, et Saint-Vincent-de-Paul s’unirent également afin d’amasser des fonds pour aider les misérables (O’Gallagher, 1987 : p. 50). En outre, on estime qu’environ 1 000 orphelins présents à Grosse-Île et victimes des ravages du typhus furent adoptés par des familles canadiennes-françaises ou irlandaises de partout au Canada (O’Gallagher, 1987 : p. 58). En 1856, St.Brigid’s ouvrit également un asile près de l’église Saint-Patrick pour recueillir les enfants ne trouvant aucun refuge (O’Gallagher, 1981 : p.

Figure 1.3: Immigration totale et irlandaise au port de Québec, 1829-1859 Source : Rapports annuels de Buchanan (British Parlementary Papers) (Grace, 2001: p. 181)

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31). En somme, bien que l’opinion publique ne fût pas toujours favorable à ces Irlandais arrivant dans de lamentables conditions, une collaboration interethnique eut visiblement lieu durant ces dures années.

1.3 1852-1911 : Industrialisation de Québec : transformations

économiques et sociales

En quête d’emploi, plusieurs migrants furent embauchés dans l’industrie portuaire (Grace, 2001 : p. 182) et s’établirent dans le quartier Champlain lui faisant face où d’autres Irlandais arrivés avant la Grande Famine s’étaient déjà installés (O’Gallager, 1979 : p. 54). Contrairement à la Haute-ville dont les charmes faisaient l’envie de tout visiteur, Champlain était davantage perçu, selon James S. Buckingham qui visita Québec en 1842, comme « a fearful scene of disorder, filth, and

intemperance; and we thought that in this comparatively short drive of less than an hour, we saw more of poverty, raggedness, dirty and disorderly dwellings, and taverns and spirit shops with drunken inmates, than we had witnessed in all our three years’ journey through the United States »

(Grace, 1999: p. 244). En effet, le quartier était à l’image de la précarité des nouveaux immigrants et du métier de débardeur qu’ils occupaient majoritairement. À dire vrai, cette profession était extrêmement difficile. Lorsqu’un navire accostait au port, les journaliers accouraient dans l’espoir d’être engagés par l’arrimeur qui avait obtenu le contrat de supervision. Ceux qui n’avaient pas reçu de poste pouvaient se représenter le lendemain ou essayer sur un autre navire. Les journées étaient longues et le travail, dangereux (Bischoff, 2009 : p. 33). Figure 1.4 : Chargement de bois équarri à bord d'un bateau par bâbord

devant, Québec, 1872 Source : Musée McCord, I-76319.2

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Avec la Grande Famine, l’arrivée massive des Irlandais catholiques, reconnus pour leurs traditions associatives et combattives, injecta un dynamisme nouveau au sein des débardeurs (Bischoff, 2009 : p. 87). En 1855, ces ouvriers mirent sur pied la Ship Laborers’ Society puis, en 1862, avec l’appui des Canadiens-français, la Société Bienveillante des journaliers de navires (SBJNQ) (Bischoff, 2009 : p. 120-124). Promouvant les droits des débardeurs (échelle salariale, sécurité des travailleurs, nombre d’heures de travail, quantité de travailleurs requis sur les navires) et aidant financièrement les victimes des dangers du métier, ce syndicat devint rapidement le plus puissant du Canada (Bischoff, 2009 : p. 404). La mobilisation fut certes avantagée par le travail d’équipe que la profession créait et par le niveau élevé de risque. En effet, il n’était pas rare que des journaliers soient blessés ou tués en effectuant des manœuvres. Les débardeurs devaient donc pouvoir compter sur l’expérience et l’efficacité des autres afin de diminuer les risques. Cette interdépendance créa ainsi une solidarité de métier indéniable (Bischoff, 2009 : p. 90). De plus, leur rancune envers l’élite britannique, leurs expériences de sociétés secrètes ainsi que leur habitude de la violence et de l’intimidation contribuèrent également à la création de syndicats. Finalement, étant nombreux à traverser la frontière lorsque l’hiver arrivait et faisait cesser les activités du port de Québec, ces Irlandais furent également influencés par les mouvements syndicaux des ports des États-Unis où ils travaillaient de manière saisonnière (Bischoff, 2009 : p. 94).

Bien qu’une collaboration était présente entre les Irlandais catholiques et les Canadiens français au début des revendications, des tensions liées à la barrière de la langue, à la course à l’emploi et aux préjugés ethniques apparurent par la suite (Bischoff, 2009 : p. 137, 250). À partir de 1878, l’approfondissement du chenal permit aux navires de se rendre à Montréal et eut de graves conséquences sur l’industrie du bois, diminuant ainsi les activités du port (Bischoff, 2009 : p. 226). Favorisés par un dense réseau de chemins de fer ouvrant l’accès aux Grands Lacs et aux États-Unis (Blanchard, 1966 : p. 65-66)4 et par une main-d’œuvre peu syndiquée, plusieurs marchands de bois

choisirent le port de Montréal pour écouler leurs madriers (Bischoff, 2009 : p. 320). La crise portuaire qui s’ensuivit augmenta considérablement les tensions entre les communautés, débouchant même sur des émeutes en août 1879 (voir figure 1.5; Bischoff, 2009 : p. 266, 273)5.

4 Québec ne fut jointe au réseau qu’en 1879 (Courville, 2001 : p. 200)

5 Je vous invite fortement à lire le livre de Peter C. Bischoff portant sur les débardeurs de Québec (2009) si vous

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La crise économique que subit la ville suite à la chute du commerce du bois eut de graves conséquences sur la population (voir tableau 1.1). À partir de 1860, principalement en raison de la diminution de l’immigration et au départ important des Anglais protestants et des Irlandais catholiques, la population commença à stagner (St-Hilaire et Marcoux, 2001 : p. 172, 173). La communauté anglo-protestante fut, en effet, fortement affectée par le déplacement des activités portuaires et commerciales vers Montréal ainsi que par le départ de la garnison britannique en 1871 (St-Hilaire et Marcoux, 2001 : p. 174). Pour les Irlandais catholiques, certains débardeurs se recyclèrent dans les nouvelles entreprises manufacturières, mais plusieurs optèrent pour les ports de la côte est américaine. Perdant près de 90% des membres de la communauté, la population irlandaise fut fortement ébranlée (Bischoff, 2009 : p. 322 ; St-Hilaire et Marcoux, 2001 : p. 174). En ce qui a

Figure 1.5: Émeute confrontant les débardeurs irlandais-catholiques et canadiens-français, 1879 Source: Canadian Illustrated News, 30 août 1879

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trait aux Canadiens français, le solde migratoire fut relativement nul. Les membres de la communauté francophone qui quittaient étaient automatiquement remplacés par des arrivées en provenance des zones rurales (St-Hilaire et Marcoux, 2001 : p. 174, 176). Attiré par les emplois offerts dans les manufactures de vêtement, de cuir ou de tabac nouvellement installées dans la ville, un nombre important de Canadiens français rejoignirent Québec durant ce tournant à l’ère manufacturière (Courville, 2001 : p. 201-204). Ainsi, vers la fin du XIXe siècle, la ville de Québec devint de plus en

plus homogène culturellement.

Tableau 1.1: Composition de la population, Québec, 1852-1911

1852 1871 1891 1911

Groupes H F Total H F Total H F Total H F Total

n % n % n % n % CF 11 850 12 468 24 318 55,5 19 104 21 500 40 604 66,3 23 484 27 183 50 667 80,4 30 993 36 240 67 233 85,8 AP 4 125 4 160 8 285 18,9 4 206 4 124 8 330 13,6 2 121 2 481 4 602 7,3 1 976 2 243 4 219 5,4 IC 4 323 5 220 9 543 21,8 4 803 5 689 10 492 17,1 2 630 3 249 5 879 9,3 1 989 2 446 4 435 5,7 AUT 811 842 1 653 3,8 912 896 1 808 3,0 897 983 1 880 3,0 1 224 1 210 2 434 3,1 Total 21 109 22 690 43 799 100,0 29 025 32 209 61 234 100,0 29 132 33 896 63 028 100,0 36 182 42 139 78 321 100,0

Entre 1800 et 1860, la population de la capitale est multipliée par sept, passant de 8 000 habitants à plus de 57 000. Une telle poussée démographique bouleverse inévitablement le cadre physique de la ville : plus de 8 000 nouveaux logements sont construits, des rues sont ouvertes, des quartiers apparaissent (St-Hilaire et Drouin, 2001 : p. 228)

Comme mentionné par St-Hilaire et Drouin (2001), les transformations économiques et sociales de la période industrielle eurent des effets importants sur le développement physique de la ville de Québec (voir figure 1.6). De plus, la présence de trois communautés distinctes sur le territoire semble avoir créé une certaine division des secteurs selon les groupes. En effet, la Haute-ville, un milieu plus huppé et protégé par les fortifications et la falaise, était un lieu privilégié des Anglais protestants. Les Canadiens français s’établirent davantage dans le secteur de la rivière Saint-Charles, en Basse-ville, alors que les Irlandais catholiques se regroupèrent près du port (Lanouette, 2006 : p. 21). « Un lieu d'échange étant la raison d'être d'une ville » (Olson, 2012), des zones de rencontre étaient visibles, certes, mais des séparations étaient tout de même présentes.

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Figure 1.6: Expansion du cadre bâti, 1815-1908

Source: St-Hilaire et Drouin, 2001: p. 231

C’est donc dans ce contexte historique que la présente recherche prend place. Des transformations socioéconomiques profondes caractérisèrent la société urbaine québécoise durant son industrialisation et les Irlandais catholiques en firent inévitablement partie. Ainsi, en se penchant sur les aspects économique, social et géographique de leur présence, cette recherche tente d’ajouter une page à l’histoire de la diaspora irlandaise de Québec en approfondissant les connaissances quant à leur insertion dans leur société d’accueil.

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Chapitre 2: Cadre méthodologique

Census enumerations have become a privileged source since they offer the potential for analysis at both the micro and macro levels. Census enumerations were often focused on individuals within their dwellings, and therefore, they hold the promise of multi-level analysis in which, for example, children can be situated within families, households, communities and countries (Gaffield, 2005: p. 2).

Avant de présenter les résultats de l’intégration économique, sociale et spatiale des Irlandais catholiques à la société québécoise, il s’avère primordial de présenter les étapes méthodologiques qui menèrent à la réalisation de ce mémoire. Cette section a donc pour but de présenter les sources des données et leurs limites, les méthodes de traitement ainsi que les types d’analyse utilisés dans le cadre de cette recherche.

2.1 Les sources des données

Afin de mettre en lumière l’intégration des Irlandais catholiques de la ville de Québec durant son industrialisation, l’étude de documents anciens s’avérait essentielle. Les recensements nominatifs canadiens, les annuaires municipaux, les actes de mariage ainsi que, accessoirement, les rôles d’évaluation et les plans de compagnies d’assurances tirés des registres fonciers et immobiliers de la ville de Québec furent exploités, et ce, pour la période comprise entre 1852 à 1911. Dans le cadre du projet Population et histoire sociale de la ville de Québec (PHSVQ), ces documents furent jumelés, créant ainsi une base de données substantielle couvrant l’entièreté de la population résidant à Québec durant cette époque. Les variables à caractère géographique (division et sous-division de recensement, adresse), sociodémographique (sexe, âge, état matrimonial, relation avec le chef du ménage), culturel (lieu de naissance, lieu de naissance du père et de la mère, origine, religion) et socioéconomique (profession) présentes dans ces documents et mises en relation lors du jumelage permirent de restituer et d’analyser les trajectoires individuelles des familles irlandaises-catholiques, tout en dressant un portrait socioéconomique plus global de la population établie à Québec durant son industrialisation.

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2.1.1 Les recensements

Riches d’informations et encore peu exploités, les recensements nominatifs canadiens s’avèrent d’une grande utilité afin d’analyser et de saisir les aspects sociodémographiques des populations du passé, et ce, à différentes échelles. Pour la présente recherche, les recensements de 1852, 1871, 1891 et 1911 furent principalement utilisés6.

2.1.1.1 Le recensement de 1852

En 1847, alors que le Bureau d’enregistrement et de statistiques fut créé, l’adoption d’une loi sur la statistique imposa la réalisation de recensements décennaux sur le Dominion britannique. Suite à divers problèmes organisationnels, il fallut cependant attendre jusqu’en 1851 afin de réaliser le premier recensement nominatif canadien qui fut terminé en mars 18527 (Statistique Canada, 1993 :

p. 5-6). Le nom, l’âge, le sexe, le lieu d’origine, la religion, l’état matrimonial, l’occupation et le fait d’être membre ou non du ménage étaient, entre autres, des questions demandées à la population des deux Canadas (Curtis, 2000 : p. 113).

La statistique étant une science embryonnaire à cette époque, la méthodologie ainsi que les résultats du recensement furent critiqués quelques années plus tard par Joseph Charles Taché, le secrétaire du Bureau d’enregistrement et de statistiques de l’époque (Worton, 1998 : p. 7), et aujourd’hui encore, par divers chercheurs. Puisque c’était l’usage en Angleterre, la population cible était un mélange des types de facto et de jure8. L’enregistrement des individus était donc effectué à

l’endroit exact où ils se trouvaient lors de la collecte d’informations. Le recenseur inscrivait « visiteur » ou « voyageur » au registre si tel était le cas. Par contre, étant donné que les absents des domiciles recensés étaient également enregistrés et identifiés comme tels, des doublons étaient créés, mais devaient être supprimés lors de la compilation des données (Curtis, 2000 : p. 93, 116 ; Gagné et Laflamme, 2011 : p. 2). Cette technique a évidemment pu engendrer des erreurs lors de la compilation, mais celles-ci s’avèrent minimes assure Gordon Darroch (Dillon et Joubert, 2012 : p. 304). De plus, le dénombrement des ménages fut effectué en janvier afin d’augmenter les chances de

6 Les recensements de 1861, 1881, et 1901 ont été utiles pour la création des cohortes (voir partie 2.3), mais ne

furent pas analysés en profondeur, d’où le choix de ne pas les présenter dans cette section.

7 C’est d’ailleurs pourquoi cette date est fréquemment utilisée pour l’identifier.

8 De facto (ou « de fait ») signifie que la population est recensée à l’endroit même où elle se trouve lorsque les

recenseurs effectuent leur travail. De jure (ou « de droit ») signifie que la population est uniquement enregistrée à son lieu de résidence, et ce, même si elle ne s’y trouve pas au moment où le recenseur se présente (Curtis, 2000 : p. 93, 116 ; Gagné et Laflamme, 2001 : p. 2).

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trouver tous les travailleurs à leur domicile. Le climat rigoureux ne permit cependant pas aux recenseurs de travailler dans les meilleures conditions et plusieurs d’entre eux ne réussirent pas à terminer leur tâche dans les délais (Curtis, 2000 : p. 124). Également, aucune carte ou représentation du territoire n’était disponible pour ces énumérateurs. Les secteurs de recensement qui leur étaient attribués pouvaient donc être mal interprétés ou imprécis (Curtis : p : 191). Finalement, associé au pouvoir de taxation de l’État, le recensement de 1852 engendra une certaine réticence, voire même une méfiance, de la part de la population des deux Canadas (Statistique Canada, 1993 : p. 6). Même si une amende était imposée aux individus refusant de se soumettre à l’exercice, il est probable que certaines informations soient inexactes ou non divulguées (Gagné et Laflamme, 2011 : p. 2).

Or, malgré les erreurs ou les absences que le recensement de 1852 peut sembler contenir, ce document fut largement analysé par Lisa Dillon et Katrina Joubert (2012). Celles-ci conclurent que ce recensement « répond substantiellement à des critères de validité de base ». Par contre, concernant les individus nés en Irlande ainsi que les jeunes enfants, des données s’avèrent manquantes. Une plus grande vigilance est donc conseillée, surtout pour la présente recherche (Dillon et Joubert, 2012 : p. 317).

2.1.1.2 Le recensement de 1871

À la fin des années 1850, le débat entourant les revendications sur la représentation par la population (« Rep by pop ») prit de l’ampleur (Curtis, 2000 : p. 235). Permettant de dénombrer cette population, les recensements nominatifs, nouvellement sous la responsabilité du ministère de l’Agriculture et de son statisticien en chef et sous-ministre, Jean-Charles Taché, gagnèrent en popularité (Statistique Canada, 1993 : p. 8 ; Worton, 1998 : p. 14). Celui de 1871, le premier entrepris depuis la proclamation de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique en 1867, est beaucoup plus approfondi et substantiel que celui de 1852 (Curtis, 2000 : p. 12). Comportant 211 questions divisées en 9 tableaux distinctifs, le recensement de 1871 possède également une question portant sur l’origine de la population, ce qui est grandement bénéfique pour la présente étude. Par contre, dans ce document, la question portant sur le fait d’être membre ou non du ménage n’est plus posée (Drouin et Laflamme, 1999 : p. 8). En outre, étant donné qu’appliquer conjointement les types de jure et de

facto devenait trop confondant, on retint uniquement le type de jure afin d’éliminer les risques de

recension en double. On enregistra donc les individus à leur domicile et nota l’absence d’un membre de la famille, si tel était le cas. Par contre, les visiteurs n’étaient pas inscrits, ce qui permet de croire que des voyageurs, des personnes de passage ou même des immigrants venus s’installer à Québec ne

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sont pas enregistrés (Curtis, 2000 : p. 257 ; Drouin et Laflamme, 1999 : p. 3). Finalement, afin d’éliminer les difficultés liées au climat, ce recensement fut réalisé au printemps plutôt qu’à l’hiver, comme ce fut le cas en 1852 et en 1861 (Curtis, 2000 : p. 261).

2.1.1.3 Le recensement de 1891

Également effectué sous la responsabilité du ministère de l’Agriculture, le recensement de 1891 fut mieux encadré que ses précédents et permit, pour la première fois, l’utilisation de tabulatrices électriques lors de la compilation des données9 (Worton, 1998 : p. 18). Ce recensement vit également

l’ajout de plusieurs questions bénéfiques pour la présente recherche telles que le lien de parenté avec le chef de famille, l’origine canadienne-française, le lieu de naissance du père et de la mère, le statut de travail ainsi que l’occupation rémunérée des femmes (Anctil et Gagné, 2003). Malheureusement, contrairement aux recensements précédents, celui-ci ne comptabilisa pas, à moins d’un motif valable, les absences de plus de douze mois. Ceci permet de croire que certains travailleurs ou voyageurs canadiens sont manquants des registres (Worton, 1998 : p. 15).

2.1.1.4 Le recensement de 1911

En 1905, la première instance fédérale permanente, le Bureau du recensement et des statistiques, fut créée (Statistique Canada, 1993 p. :11). Cette même année, on légiféra sur la fréquence des recensements, optant pour une alternance quinquennale plutôt que décennale (Worton, 1998 : p. 17). Issu de ces nouvelles structures, le recensement de 1911 est de loin le plus complet de tous, comportant 549 questions divisées en 13 tableaux (Bibliothèque et Archives Canada, 2014). Avec le développement urbain, la diversité des emplois et les changements sociaux, la statistique prit davantage d’importance au Canada. Le nombre de questions augmenta donc grandement et celles-ci se peaufinèrent, notamment en ce qui a trait aux professions (Dumaine, 2008; Worton, 1998 : p. 37-38).

2.1.1.5 Les difficultés et limites associées à l’utilisation des recensements

En plus des difficultés liées à chacun des recensements abordés précédemment, quelques limites ou problèmes plus généraux sont également à noter. Lors de la cueillette des données, les

9 Les tabulatrices électriques - ou mécanographes - furent créées en 1890 aux États-Unis par Herman Hollerith

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recenseurs ont pu avoir mal interprété les questions, mal suivi les consignes ou manqué de cohérence, et ce, malgré les guides et les formations reçues10 (Cook, 1993 : p. 4). En 1852, il fut d’ailleurs

démontré que certains documents remplis de la main des recenseurs étaient teintés de préjugés et d’interprétations fautives des réponses fournies par les résidents (Curtis, 2000 : p. 128). À la suite d’une mauvaise compréhension, d’une mauvaise perception ou d’un manque d’information, ces résidents pouvaient également mal saisir les questions et donner des réponses erronées. Ces questions pouvaient également être confuses ou mal adaptées à la situation de certaines régions (Cook, 1993 : p.4). Finalement, des erreurs pouvaient être créées lors de la compilation des résultats pendant laquelle la standardisation des données nécessitait parfois une certaine interprétation de l’employé par rapport à ce qui était inscrit sur les documents (Curtis, 2000 : p. 149).

Des erreurs peuvent également provenir de la saisie de données réalisée dans le cadre des recherches du PHSVQ. Lors de la transcription manuelle des documents anciens dans les fichiers électroniques, la principale difficulté rencontrée réside dans la compréhension et l’interprétation de la calligraphie. Des taches d’encre et des ratures ornent souvent les documents. Certains d’entre eux sont également illisibles ou des mots sont effacés. Les étudiants-chercheurs ou les employés attitrés à cette tâche durent donc déchiffrer la calligraphie au meilleur de leurs connaissances. De plus, étant donné que la saisie de données est un travail de longue haleine, plusieurs employés se sont relayés à la tâche à travers les années. Cela a eu pour conséquence de créer quelques différences dans la façon de saisir les données (Dumaine, 2008 : p. 5-6). Malgré tout, les recensements nominatifs canadiens sont de véritables mines d’or et gagneraient à être davantage utilisés.

2.1.2 Les actes de mariage, les annuaires municipaux et les plans d’assurances

Créé à l’Université du Québec à Chicoutimi en 1972 par Gérard Bouchard et actuellement sous la responsabilité d’Hélène Vézina et de trois autres universités, le fichier BALSAC regroupe les actes de l’état civil (principalement les actes de mariage) de toutes les régions du Québec (BALSAC, 2013). Mises en relation avec les données des recensements, les données présentes dans le fichier BALSAC furent essentielles à la création des cohortes utilisées dans le cadre de la présente recherche (voir section 2.3). Étant coutume pour les femmes de l’époque d’utiliser le nom de leur mari après leur mariage, il nous aurait été difficile, uniquement à l’aide des recensements, de retrouver ces femmes pour la création des cohortes (St-Hilaire, Richard et Marcoux, 2014 : p. 326). Recueillant le

10 Il faut également préciser que pour 1852, très peu d’informations furent données aux recenseurs. Cela peut

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nom des nouveaux mariés, celui de leurs parents ainsi que l’âge (mineur/majeur), les actes de mariage ont permis le jumelage des données censitaires et la création des cohortes. En outre, l’ethnie des nouveaux mariés ainsi que le type d’union - endogame ou exogame – sont également souvent inscrits au sein des actes de mariage, ce qui s’avère utile dans une étude sur la mixité des couples. Finalement, grâce à ces documents, il est également possible de connaître le statut matrimonial – veuf ou célibataire - de chaque individu le jour de leur union. Cela permet donc de savoir s’il s’agit d’un remariage.

Renseignant sur le nom, l’adresse et la profession des chefs de ménage habitant la ville, les annuaires municipaux furent également utilisés pour compléter les données issues des recensements et y ajouter un élément de spatialité. Combinés à l’Atlas des assureurs Sandborn de juillet 1875, à l’Atlas Hopkins de 1879 et à l’Atlas GOAD de 1913, les annuaires Boulanger et Marcotte servirent également au géoréférencement réalisé au PHSVQ des ménages présents dans les recensements de 1901 et de 1911 (Lanouette, 2002). Ces données et ces fichiers furent d’une grande utilité pour la représentation cartographique de l’intégration spatiale des Irlandais catholiques sur le territoire à l’étude.

2.1.2.1 Les limites associées à l’utilisation des actes de mariage, des annuaires municipaux et des plans d’assurances

Malgré l’important ajout de la dimension spatiale à nos données grâce aux annuaires municipaux et aux plans d’assurances, les données restent cependant limitées au territoire de la ville de Québec. Or, comme mentionné plus tôt, durant son industrialisation, la ville fut caractérisée par des mouvements d’immigration et d’émigration importants. Ainsi, il devint impossible de retracer chaque famille des cohortes, puisque la majeure partie d’entre elles quittèrent la ville avant 1911 (St-Hilaire, Richard et Marcoux, 2014 : p. 323). Les migrations des travailleurs saisonniers, caractérisant principalement l’industrie portuaire où œuvraient en majorité les Irlandais catholiques (Grace, 1999 : p. 536), ne furent pas non plus retraçables. Ces données auraient été bénéfiques pour la présente étude.

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2.2 Le traitement des données

Afin d’étudier une communauté culturelle à travers les recensements, les informations relatives à l’appartenance culturelle ont fait l’objet d’un traitement approfondi. À l’aide des données sur l’origine (non disponible en 1852), la religion, le lieu de naissance des membres de la famille et, en tout dernier recours, le patronyme, le champ « Ethnie » a été créé pour identifier les trois principaux groupes ethno-religieux présents à Québec : les canadiens français (CF), les Anglo-protestants (AP) et les Irlandais catholiques (IC). La variable fut difficile à construire puisqu’elle est issue de variables teintées d’irrégularités ou de subjectivité, telles que l’origine. Ce concept peut être en effet interprété différemment d’un individu à l’autre. Par exemple, une famille immigrante irlandaise de deuxième génération pourrait s’approprier l’origine canadienne-française ou l’attribuer aux enfants (Curtis, 2000 : p. 231, 285). Il a donc fallu revoir les cas problématiques et utiliser l’origine du père comme référence pour les enfants. Suivant les conseils de Dillon et Joubert (2012), une attention particulaire fut également portée aux ménages du recensement de 1852.

Lors de la création de la variable ethnie, il fut également décidé de regrouper tous les groupes ethnoreligieux n’appartenant pas aux trois groupes majoritaires en un seul groupe résiduel « Autre » (AUT). Cette catégorie comprend les Anglais et des Écossais catholiques, lesquels peuvent cacher quelques Irlandais. La communauté irlando-catholique pourrait donc compter un peu plus de membres que ce qu’il ne parait dans nos données.

Enfin, la construction de la variable a conduit à regrouper toutes les confessions protestantes, du luthérianisme au calvinisme, en une seule famille.

Aux fins de son mémoire de maîtrise, ma collègue Arianne Vignola (2004) s’est chargée de peaufiner, d’uniformiser et de dériver les variables traitant de l’emploi au sein des quatre recensements à l’étude, et ce, en se basant sur la classification des professions selon Erikson, Goldthorpe et Portecarero (Fleury, 2000). Bien que les recensements de 1852 et de 1871 aient été préalablement traités par l’équipe du PHSVQ, madame Vignola dut tout de même les retravailler, puis se charger de l’entièreté des recensements de 1891 et de 1911. Je lui suis grandement reconnaissante pour cette tâche qui m’a facilité le travail.

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2.3 L’analyse des données

Pour cette étude, deux types d’analyses sont menés. Tout d’abord, une analyse transversale utilisant les recensements de 1852, 1871, 1891 et 1911 permet de dresser des portraits généraux de la communauté irlandaise par rapport à la société de Québec, et ce, en fonction des volets économique, social et spatial de cette étude. Cette analyse met en évidence, de façon générale, les dynamiques et les changements socioéconomiques vécus par les Irlandais catholiques, permettant ainsi de saisir la place de la communauté dans la ville. De plus, afin de mieux évaluer le niveau d’intégration, une comparaison avec la situation vécue à Montréal est également effectuée lors de cette analyse.

Les modifications sociales ne seront réellement compréhensibles qu’en les analysant à l’échelle où elles sont vraiment vécues, c'est-à-dire au niveau des ménages. C’est à travers les choix et le cheminement des familles qu’un véritable constat peut être établi (Marcoux, St-Hilaire et Fleury, 2003 : p. 227). Ainsi, une analyse longitudinale est également réalisée à l’aide de deux cohortes préalablement réalisées dans le cadre des recherches du PHSVQ11. La première cohorte regroupe les

filles de 5 ans et les garçons de 10 ans présents dans la ville de Québec en 1852; la deuxième fut construite avec ceux et celles présents en 1871 (voir tableau 2.1. et 2.2 pour connaître la composition des cohortes). En suivant les trajectoires de leur famille jusqu’en 1891 pour la cohorte de 1852 (utilisant ainsi les recensements de 1852, 1861, 1871, 1881 et 1891), et jusqu’en 1911 pour la cohorte de 1871 (avec l’aide des recensements de 1871, 1881, 1891, 1901 et 1911), il est possible de saisir les raisons qui amenèrent les changements survenus entre les portraits transversaux, mais à l’échelle des ménages, permettant ainsi de compléter les observations émises lors de la première analyse (St-Hilaire, Richard et Marcoux, 2014 : p. 323).

11 Pour plus d’information concernant les cohortes de 1871, voir le chapitre de St-Hilaire, Richard et Marcoux

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Tableau 2.1: Nombre d'enfants composant la cohorte de 1852

Tableau 2.2: Nombre d'enfants composant la cohorte de 1871

Un bref coup d’œil aux tableaux 2.1 et 2.2 permet de constater que, au même titre que pour l’ensemble de la population, une diminution spectaculaire du nombre d’enfants irlando-catholiques survint dans les deux cohortes entre 1852 et 1891, et entre 1871 et 1911. Pour la cohorte de 1871, la proportion d’Anglo-protestants présents en 1911 supplante même celle d’Irlandais catholiques. Une telle faiblesse dans les effectifs rendit évidemment la tâche ardue pour le traitement de données et l’analyse des résultats.

En somme, bien que les données de recensements utilisées ne soient pas parfaites, les possibilités qu’elles offrent aux chercheurs restent inestimables. La présente recherche tentera donc de mettre en valeur ces données tout en approfondissant les connaissances liées à la communauté irlandaise de Québec, et ce, en lien avec leur intégration économique, sociale et spatiale à la ville de Québec et sa société urbaine.

1852 1861 1871 1881 1891 Groupes ethnoreligieux n % n % n % n % n % CF 584 55,1 346 63,8 185 74,6 119 80,4 80 87,8 AP 212 20,0 94 17,3 29 11,7 12 8,1 7 7,1 IC 224 21,1 86 15,9 26 10,5 12 8,1 5 5,1 AUT 40 3,8 16 3,0 8 3,2 5 3,4 0 0,0 Total 1060 100 542 100 248 100 148 100 98 100 1871 1881 1891 1901 1911 Groupes ethnoreligieux n % n % n % n % n % CF 1011 67,6 532 69,3 295 75,8 215 79,9 142 83,5 AP 199 13,3 80 10,4 35 9,0 26 9,7 19 11,2 IC 239 16,0 120 15,6 49 12,6 22 8,2 9 5,3 AUT 46 3,1 36 4,7 10 2,6 6 2,2 0 0,0 Total 1495 100 768 100 389 100 269 100 170 100 Source: PHSVQ, Recensements de 1852, 1861, 1871, 1881, 1891 Source: PHSVQ, Recensements de 1871, 1881, 1891, 1901, 1911

Figure

Figure 1.2 : Première église Saint-Patrick de Québec  Source : Isabelle Beauregard-Gosselin, 2015
Figure 1.3: Immigration totale et irlandaise au port de Québec, 1829-1859  Source : Rapports annuels de Buchanan (British Parlementary Papers) (Grace, 2001: p
Figure 1.4 : Chargement de bois équarri à bord d'un bateau par bâbord  devant, Québec, 1872
Figure 1.5: Émeute confrontant les débardeurs irlandais-catholiques et canadiens-français, 1879  Source: Canadian Illustrated News, 30 août 1879
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