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Évolution de l‘environnement alimentaire et son influence sur le rapport au

Chapitre 2 : Problématique

1.3 Évolution de l‘environnement alimentaire et son influence sur le rapport au

1.3.1 Abondance de nourriture

Les chiffres de la F.A.O. révèlent qu‘entre 2006 et 2008, 13% de la population mondiale, souffrait de sous-alimentation, et ce chiffre monte jusqu‘à un tiers de la population dans les pays en voie de développement. Selon ce même rapport, moins de 5% de la population canadienne souffrait de sous-alimentation. Même si la nourriture n‘est pas accessible à tous et que l‘insécurité alimentaire demeure un grave problème, l‘environnement alimentaire est abondant. Aux États-Unis par exemple, le nombre de calories disponibles par jour et par habitant a augmenté de 25% en passant de 3100 kcal dans les années 50 à 3900 en 2006 (USDA, 2012). Ce qui est bien au-dessus des besoins énergétiques moyens d‘une personne normalement active.

Le mangeur a progressivement modelé ses pratiques à son nouveau mode de vie. L‘acte alimentaire s‘est progressivement transformé : d‘une série complexe d‘activités sociales ritualisées faisant appel à la famille, au savoir culinaire et à la communauté, il est devenu progressivement un acte de plus en plus solitaire et de moins en moins planifié (Flannery, 2007). L‘industrie agroalimentaire n‘a désormais plus comme mission d‘assurer la survie des populations comme c‘était le cas au début du siècle, en garantissant l‘accès aux produits alimentaires de base (Schaefer et al., 2000). Cette industrie, si elle ne sert plus la survie, doit assurer son profit dans un contexte d‘économie de marché : forte compétition, concentration et mondialisation. Elle s‘inscrit maintenant dans la même logique que toutes les autres industries (Brownell & Horgen, 2004). Face à une population vieillissante et de plus en plus sédentaire, les besoins énergétiques à combler sont moindres et l‘offre alimentaire de plus en plus grande et diversifiée (Schaefer et al., 2000). L‘industrie alimentaire s‘est donc adaptée au marché, et s‘adapte aux mangeurs qui sont pressés et/ou ne savent pas cuisiner, et/ou ne s‘y intéressent tout simplement pas (French, Story, & Jeffery, 2001). Les Québécois consacrent 13% de leur budget en nourriture dans les supermarchés, mais aussi de plus en plus dans les restaurants (23% du budget), ainsi que dans les magasins spécialisés (Statistique Canada, 2002). Le budget total consacré à la nourriture a augmenté de près de 30% au Québec depuis 2002, surtout chez les

familles aisées (Statistique Canada, 2007). De plus, l‘état de santé du mangeur peut influencer son alimentation : plus du quart de tous les ménages comportent une personne qui doit respecter un régime spécial en raison d‘un diabète ou d‘une allergie par exemple (Agriculture et agroalimentaire Canada, 2011).

Si les mangeurs plus favorisés sont de plus en plus friands de produits biologiques, enrichis, de produits de marque, et recherchent la variété en achetant des produits alimentaires importés et des produits frais hors saison (Agriculture et agroalimentaire Canada, 2011; Santé Canada., 2006), ce n‘est pas le lot de tous. La nourriture qui atterrit parfois dans nos estomacs est présente partout et n‘est pas toujours de grande qualité. Épiceries, dépanneurs, pharmacies, kiosques de rue: difficile d‘y échapper (French et al., 2001). La consommation d‘aliments à densité énergétique élevée (sucrés, gras, pauvres en fibres, etc.), d‘aliments transformés ou d‘aliments consommés en dehors de la maison ont augmenté, tout comme la consommation de boissons gazeuses et la taille des portions (Dietz, Benken, & Hunter, 2009). Confronté à une grosse portion, le mangeur se satisfait « d‘en avoir pour son argent », même si en bout de ligne, cette grosse portion l‘encourage à manger davantage, et ce, de façon inconsciente (Herman, 2005; Schaefer et al., 2000). L‘augmentation des portions ne concerne pas que les fast-foods et restaurants. Par exemple, une étude comparant l‘évolution des portions et du conte nu en calories de 18 recettes d‘un magazine de cuisine, de 1936 à 2006, rapporte que depuis 70 ans, le contenu en calories par portion a augmenté en moyenne de 32.5 %, à cause de l‘ajout et/ou de l‘utilisation d‘ingrédients plus riches en calories et de l‘augmentation de la taille des portions dans les recettes (Brian Wansink, 2009).

1.3.2 Abondance de messages nutritionnels

Le mangeur, face à une multitude de possibilités de choix alimentaires doit faire un choix. Son environnement lui donne des conseils: ses yeux et ses oreilles sont bombardés de conseils de toutes sortes. Famille, amis, télévision, journaux, publicités, étiquettes nutritionnelles: le mangeur ne peut échapper aux messages nutritionnels divers qui jalonnent son quotidien : messages portant tant sur les caractéristiques nutritionnelles que sur le comportement alimentaire.

La règlementation sur l‘étiquetage nutritionnel a rendu obligatoire le tableau de valeur nutritive et autorise la présence d‘allégations nutritionnelles, facultatives, qui fleurissent de plus en plus sur les emballages de produits alimentaires. D‘abord créées pour aider le mangeur à faire des choix éclairés et ainsi contribuer à la réalisation des objectifs de santé publique, les étiquettes nutritionnelles sont devenues obligatoires et standardisées depuis 2003 au Canada. Les allégations santé associées aux aliments sont facultatives. Elles peuvent aider la population à prendre des décisions éclairées concernant ses choix alimentaires. Elles peuvent également servir d‘atout marketing aux compagnies alimentaires. Afin d‘améliorer les choix alimentaires, l‘accès à des aliments sains, l‘éducation visant à encourager les consommateurs à adopter des modes de vie sains, les instances nationales, fédérales et locales ont mis en place des lois et règlements. En 2004, moins de 10% des pays possédaient de l‘étiquetage nutritionnel (Hawkes, 2006).

1.3.3 Cacophonie (compréhension et confusion)

Quels effets ont la diversité des sources d‘information et l‘omniprésence des informations relatives à la nutrition sur le mangeur? Le mangeur s‘y retrouve -t-il dans cette montagne d‘informations? L‘information en nutrition est-elle une stratégie efficace pour aider les mangeurs dans leurs choix alimentaires? Depuis une vingtaine d‘années, le débat est ouvert et est loin de faire consensus (Williams, 2005). Trop d‘information nutritionnelle mêle -t-il le consommateur? Il est difficile d‘évaluer l‘impact des informations provenant de sources plus informelles. Cependant, beaucoup d‘études se sont intéressées à évaluer l‘impact des étiquettes et des allégations nutritionnelles (Williams, 2005). En effet, les étiquettes et allégations nutritionnelles représentent une des sources les plus importantes d‘information nutritionnelle (Campos, Doxey, & Hammond, 2011) et parmi une des plus utilisées, même si cette source est relativement peu utilisée lors de l‘achat de produits alimentaires (Cowburn & Stockley, 2005). Les différentes formes que peuvent avoir l‘étiquetage nutritionnel ainsi que les allégations nutritionnelles relatives à la santé aggravent le sentiment de confusion chez les consommateurs (Hodgkins et al., 2012).

Certains aspects peuvent aggraver le sentiment de confusion. Tout d‘abord, mentionnons le degré de difficulté de compréhension de certaines allégations. Par exemple, une allégation portant sur les maladies cardio-vasculaires sera plus difficile à comprendre qu‘une allégation sur le contrôle du poids. Plus il est difficile de s‘imaginer le chemin/mécanisme par lequel le produit a un effet sur la santé, moins l‘allégation est comprise (Van Trijp & Van Der Lans, 2007). De plus, les allégations relatives au contenu (ingrédient, nutriment) sont généralement moins bien comprises par les mangeurs, qui préfèrent à celles-ci les allégations relatives à la santé (Williams, 2005). La multiplicité des allégations sur un même produit aggrave le sentiment de confusion (Hawkes, 2006). Les étiquettes nutritionnelles semblent avoir moins d‘impact sur le jugement favorable d‘un produit alimentaire que les allégations ou que le contexte qui l‘entoure (Kozup, Creyer, & Burton, 2003). Les consommateurs sont d‘ailleurs de plus en plus nombreux à trouver que les étiquettes et allégations sont « trop compliquées » et ne réussissent pas à les aiguiller pour effectuer des choix santé (Hawkes, 2006; Williams, 2005). Le degré de crédibilité des informations entre aussi en ligne de compte : les consommateurs qui rapportent utiliser le plus les allégations et les étiquettes nutritionnelles sont ceux qui se déclarent également les plus sceptiques. Sceptiques? Les consommateurs soulignent l‘autorisation légale de certaines allégations dont l‘évidence scientifique semble controversée ainsi que le manque de prise de position claire et constante des instances médicales. Beaucoup d‘études démontrent que les consommateurs désireraient un contrôle plus serré des allégations (Williams, 2005). Cette surabondance d‘aliments et d‘information nutritionnelle, dans un contexte où la gestion du poids devient une préoccupation de plus en plus importante rend l‘acte de manger de plus en plus complexe.