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1.3 Matière sombre

1.3.1 Évidence

Amas de galaxies

Les premières évidences de l’existence de la matière sombre remontent aux débuts des années 1930, lors des observations par F. Zwicky de l’amas de galaxies Coma [35]. Un amas de galaxies est l’association de plus d’une centaine de galaxies liées entre elles par des interactions gravitationnelles. Ces mesures ont montré que la masse nécessaire pour lier les galaxies de l’amas entre elles était très supérieure à la somme totale des masses des objets lumineux de l’amas, et donc pour expliquer l’existence de l’amas, il a fallu supposer la présence d’une matière interagissante gravitationnellement mais non lumineuse. Courbes de rotation des galaxies spirales

L’évidence directe la plus importante de la présence de matière sombre à l’échelle galactique vient des mesures des courbes de rotation des galaxies. Ces mesures datent des années 1970 et ont été réalisées initialement par V.C. Rubin et par d’autres astronomes [36]. Selon la mécanique newtonienne, la vitesse circulaire v d’un objet sur une orbite stable de rayon r est donnée par

v(r)2 r = G M(r) r2 ⇒ v(r) = r G M(r) r , (1.94)

où G est la constante de gravitation et M(r) la masse totale contenue dans le disque de rayon r. Au delà de la partie ‘visible’ de la galaxie, Mvisible est constante et on devrait donc s’attendre à

v(r)∝ √1

r. (1.95)

Néanmoins, les mesures des vitesses des étoiles et des nuages de gaz en fonction de leur distance au centre galactique présentent un comportement plat (figure 1.4) à grandes distances, c’est à dire loin de la fin du disque visible.

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 38

Fig. 1.4 – Courbe de rotation de NGC 6503. Les lignes correspondent aux contributions du gaz interstellaire, du disque de matière visible et du halo de matière sombre Ref. [37]. Le fait que la vitesse reste assez constante implique l’existence d’un halo non visible dit de matière sombre avec une masse M(r) ∝ r et donc un profil de densité de masse ρ(r)∝ 1/r2 pour des grandes distances, vu que :

M(r) = 4 π Z r

0

r′2ρ(r) dr. (1.96)

Même s’il existe un consensus sur la forme des halos de matière sombre à des grandes distances du centre galactique, pour l’instant son comportement dans la région interne de la galaxie reste encore une question à éclaircir.

Lentilles gravitationnelles

Selon les prédiction de la relativité générale d’Einstein, la courbure de l’espace temps produite par la matière donne lieu à une déflection des rayons lumineux. Ce phénomène est connu sous le nom de lentille gravitationnelle. Vu que l’angle de déflection est propor-tionnel à la masse de l’objet qui cause cette déflection, on a en principe un bon moyen d’estimer directement la masse des objets astrophysiques. Il peut s’agir de planètes, de galaxies, voir d’amas de galaxies. Dans ce cas, des objets comme des galaxies distantes très brillantes ou des quasars peuvent être utilisés comme émetteurs. Une signature typique des lentilles gravitationnelles est l’apparition de plusieurs images d’un de ces objets. Les masses des corps responsables des lentilles déterminent la séparation angulaire des images.

Une analyse des observations des lentilles gravitationnelles [38] suggère que l’univers est rempli de matière sombre.

Fond diffus cosmologique

Même si les observations des amas de galaxies et des courbes de rotations des ga-laxies spirales donnent des signatures claires de l’existence de la matière sombre, elles ne permettent pas de déterminer la quantité totale de matière sombre dans l’univers. Cette quantité peut être extraite des mesures de précision du fond diffus cosmologique (CMB). L’existence de cette radiation de fond cosmologique provenant de la propagation de photons qui se sont découplés de la matière dans l’univers primordial avait déjà été prédite par George Gamow et ses collaborateurs [39] en 1948. Elle a été découverte en 1965 par Arno Penzias et Robert Wilson [40]. Les premières observations du spectre du CMB ont été faites par la mission COBE (Cosmic Background Explorer) [41] lancée à la fin de l’année 1989. Ce satellite a mesuré essentiellement un spectre de corps noir. En juin 2001, a été lancée une nouvelle mission afin de prendre le relais de COBE ; il s’agit du satellite WMAP (Wilkinson Microwave Anisotropy Probe) [13] qui est en train d’améliorer les mesures expérimentales et en particulier de détailler les anisotropies du CMB.

Les fluctuations de température du CMB ont été observées par le satellite WMAP qui a pris des mesures pendant plus de 5 ans sur tout le ciel. Le spectre de température du CMB suit avec une précision extraordinaire une loi de corps noir avec une température moyenne de 2.725 K. Cette radiation est extrêmement homogène et isotrope. Néanmoins il y a des fluctuations minuscules de 0.2 mK, correspondant à des variations de l’ordre de δT/T ∼ 0.01h. Ces variations sont reportées sur la figure 1.5, où les régions en rouge (bleu) correspondent aux zones plus chaudes (froides).

Fig. 1.5 – Variations de la température du CMB. Les régions en rouge (bleu) corres-pondent aux zones plus chaudes (froides).

Une analyse des anisotropies du CMB donne la possibilité de vérifier des modèles cosmologiques et d’imposer de fortes contraintes sur les paramètres de ces modèles. De l’analyse des données de WMAP après 5 ans de mesures, on peut tirer les abondances

CHAPITRE 1. INTRODUCTION 40 des baryons (ΩB) et de matière sombre (ΩDM) dans l’univers qui, dans le cadre du modèle ΛCDM, sont :

Bh2 = 0.02273± 0.00062, (1.97)

DMh2 = 0.1099± 0.0062, (1.98)

où h = 0.71 est la constante de Hubble en unités de 100 km s−1. Les intervalles corres-pondent à un niveau de confiance de 68%. Le satellite WMAP montre aussi que actuel-lement l’univers est composé à 4, 6% de matière baryonique ordinaire, à 23% de matière sombre et à 72% d’une énergie sombre qui accélère l’expansion de l’univers. Cette propor-tion a été présentée sur la figure 1.2.

Si l’univers était constitué exclusivement de matière lumineuse, la formation des grandes structures aurait eu lieu très tôt dans l’évolution de l’univers. Ceci exigerait des perturbations initiales telles que les anisotropies du CMB correspondantes auraient été plus grandes que celles observées : c’est donc que l’univers comporte autre chose. . .

Il existe d’autres façons d’expliquer les courbes de rotation des galaxies et des amas, l’effet des lentilles gravitationnelles et les anisotropies du CMB ne nécessitant pas l’in-troduction de matière sombre. Dans ces modèles, une modification de la gravitation à l’échelle galactique est introduite. Par exemple, les théories MOND (modified newtonian dynamics) [42] proposent que la gravité ne suit plus les prédictions de la dynamique new-tonienne pour des accélérations plus faibles que a0 ≃ 1.2·10−10m s−2. Même si, en général, cette théorie arrive a expliquer les observations astrophysiques, des nouvelles données sur l’amas de galaxies 1E0657-56 [43] semblent défavoriser les théories avec modification de la gravité. Mis à part ce fait, la principale difficulté que ce type de théories affrontent c’est qu’elles sont des théories effectives et que, pour l’instant, il n’y a pas de modèles pour les expliquer. L’existence de la matière sombre est, sans doutes, l’option la mieux motivée et la plus communément acceptée.