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Les éventuelles solutions dans les voies de recours existantes

Paragraphe 1 : Les alternatives juridictionnelles pour faire respecter l’État de droit

B. Les éventuelles solutions dans les voies de recours existantes

Des réponses à la crise de l’État de droit peuvent être trouvées parmi les procédures contentieuses existantes au niveau de l’Union européenne, le recours en manquement peut permettre à terme de sanctionner un État membre qui violerait l’État de droit (1). En outre, la doctrine a également apporté sa pierre à l’édifice en proposant notamment de repenser la procédure d’infraction (2).

241 V. plus récemment l’arrêt rendue s’agissant l’indépendance de la nouvelle chambre disciplinaire de la Cour suprême dans

1.   L’utilisation du recours en manquement

Une solution pour répondre aux problèmes actuels liés l’État de droit réside dans la procédure en manquement. Conformément à l’article 259 du TFUE, un ou plusieurs États membres peuvent former une action directe contre un autre État membre pour violation de ses obligations qui lui incombent en vertu des traités et porter l’affaire devant la Cour de justice. La procédure présente l’avantage de contourner les réticences des États membres à ce que leur pratique de l’État de droit soit évaluée par la Commission. Par ailleurs, cette procédure contribuerait à dépasser une absence de consensus unanime dans le cadre de l’adoption du prochain CFP. En application de l’article 259 du TFUE, la Commission doit prendre part à la procédure ce qui pourrait enclencher un débat intéressant au sein de cette institution. Si la Commission prend part à la procédure, le recours ne relèvera plus de la procédure de l’article 259 du TFUE mais de l’article 258 du TFUE.

Si un tel recours était introduit devant la Cour de justice, il lui offrait l’opportunité de juger si des atteintes systémiques à l’indépendance de la justice d’un État membre peuvent conduire à la suspension du principe de confiance mutuelle. Une fois lancée, cette action pourrait mener à un point de non-retour en matière de division européenne et de tensions avec l’État qui sera cité dans l’affaire. Si la procédure de l’article 7 du TUE est régulièrement qualifiée d’option « nucléaire », un tel scénario est en réalité digne de cette appellation242. Dans

l’hypothèse où la Cour de justice se prononcerait en faveur du défendeur, la Commission pourrait demander, en vertu de l’article 260 du TFUE, une amende ou des pénalités. Pour Martin Michelot, le paiement de pénalités pourrait être déduit des fonds structurels européens prévus pour l’État membre en cause dans l’action en manquement. La question serait alors de savoir s’il y aurait une automaticité entre l’arrêt rendu par la Cour de justice et la procédure de suspension des fonds par la Commission ou si un autre dialogue politique avec les États membres sera nécessaire243. Comme la procédure du renvoi préjudiciel, le recours en

manquement peut constituer une réponse juridique intéressante pour faire respecter l’État de droit. Elle pourrait aboutir à un retrait de la confiance mutuelle envers un État membre ne se conformant pas à l’État de droit et justifier la suspension des fonds européens. À l’heure actuelle, des arrêts en manquement ont été rendus par la Cour de justice condamnant la Pologne pour ses réformes judiciaires ce qui ne l’a pas pour autant empêché d’adopter des nouvelles

242 MICHELOTM., préc., V. p. 11. 243 Ibid.

mesures en contradiction avec l’État de droit au début de l’année 2020. Ainsi, plusieurs questions se posent notamment quant à l’efficacité du recours en manquement et sur une éventuelle l’utilisation de l’article 260 du TFUE à l’avenir. Parallèlement au recours en manquement, la doctrine a proposé de se recentrer sur la phase précontentieuse en révisant la procédure d’infraction pour la rendre plus efficace.

2.   La proposition d’une nouvelle procédure d’infraction

L’idée de mettre en place une nouvelle procédure d’infraction directement rattachée au respect des valeurs énumérées à l’article 2 du TUE a notamment été évoquée par le Professeur Olivier De Schutter244. La procédure d’infraction inscrite à l’article 258 du TFUE permet

d’éviter un recours direct à la procédure de l’article 7 du TUE. Elle consiste à avertir un État membre sur les risques avant qu’ils ne deviennent systémiques pour l’État de droit. Pour rester dans le champ des traités, la Commission n’emploie pas directement le recours en manquement sur des questions relatives à des violations de l’État de droit. Dans le cas polonais par exemple, la Commission avait introduit un recours concernant la question de l’égalité entre hommes et femmes et pas directement liée à sa réforme de la justice. De manière générale, la procédure d’infraction n’a pas déployé tout son potentiel notamment dans le domaine de l’État de droit. La procédure d’infraction présente pourtant l’avantage de ne pas nécessité, comparé à une saisine de la Cour de justice, une intervention initiale des cours nationales ou des justiciables. Elle est également avantageuse puisque son but premier est la prévention des conséquences concrètes et potentiellement irréversibles des violations portées à l’État de droit. Partant, la doctrine envisage un usage renforcé par la Commission européenne des recours en infraction, en particulier dans le champ des atteintes à l’État de droit. Des alternatives juridictionnelles au mécanisme de protection du budget de l’Union en cas de défaillance généralisée de l’État de droit existent bel et bien, elles doivent encore être approfondies pour être complètement exploitées et efficaces. Une révision des traités devra certainement être envisagée. Au regard de la progressive dégradation de la valeur de l’État de droit dans certains États membres de l’Union européenne, des propositions institutionnelles ont aussi été formulées.

244 DESCHUTTERO., “Infringement proceedings as a tool for the enforcement of fundamental rights in the European Union”,