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Étude de l’échantillon subfossile AL10

Chapitre 2 : Précipitation extracellulaire de carbonates par les cyanobactéries

C. Étude de l’échantillon subfossile AL10

L’échantillon AL10 a été prélevé sur un microbialite subfossile émergé de couleur marron. Ce type de microbialite est minoritaire sur les bords du lac d’Alchichica en comparaison des microbialites blancs dominés par l’hydromagnésite. A part l’échantillon AL10, tous les autres échantillons présentés dans ce travail ont été prélevés sur des microbialites blancs.

L’analyse par diffraction des rayons X sur poudre de l’échantillon AL10 (Figure 14) révèle que celui-ci est composé d’aragonite. Une autre phase est également présente mais n’a pas pu être identifiée sur la base de l’analyse DRX pour l’instant. L’échantillon AL10 diffère donc de l’ensemble des autres échantillons par l’absence d’hydromagnésite.

Figure 14 :: Diffractogramme de poudre réalisé sur l’échantillon de microbialites AL10. Les pics de

diffractions présents sont tous attribués à l’aragonite à l’exception de ceux indiqués par une étoile qui n’ont pas pu être indexés.

L’imagerie SEM sur la surface polie de l’échantillon AL10 montre qu’il existe bien deux phases minérales (Figure 14). L’aragonite est la phase majoritaire, la seconde phase qui est

porteuse de silicium, de fer et de magnésium est distribuée sous forme de lamines ou de marbrures dans l’aragonite. Cette seconde phase est donc un silicate de fer et de magnésium. Par ailleurs nous avons observé sur la surface polie de nombreux microfossiles circulaires de taille variable dont les contours sont soulignés par la présence du silicate Fe-Mg (Figure 15).

Comme dans l’étude précédente, des microfossiles ont été préservés dans l’aragonite. Cependant ici il semble que la mise en place de la seconde phase type silicate de Fe-Mg soit systématique dans le processus de fossilisation. La nature exacte du rôle de cette phase dans la préservation de l’intégrité des microfossiles lors de la diagénèse restera à préciser. De plus ici des microfossiles de toutes tailles on été observés, en particulier des microfossiles sphériques de 50-60 µm de diamètre (Figure 15C), qui ne ressemblent pas aux plages quasi mono- spécifiques de Pleurocapsales décrites auparavant dans les microbialites blancs et qui pourraient correspondre ici à des eucaryotes.

Il est à noter que la phase silicatée présente dans l’échantillon AL10 est différente de celle mise en place dans les autres microbialites d’Alchichica (Chapitre 1, I, B) puisqu’elle ne contient pas d’aluminium.

Figure 15 : (A-D) Images SEM (mode AsB) de la surface polie de l’échantillon AL10. La phase

majoritaire porteuse de calcium est l’aragonite, elle apparait gris-clair. On note qu’il existe une seconde phase (blanche). Elle forme des marbrures et entoure des microfossiles (B et C). Le microfossile présenté en C présente une paroi où plusieurs strates sont visibles (D). L’analyse EDX du

Pour aller plus loin dans la caractérisation de ces microfossiles et des phases minérales associées, des lames FIB ont été préparées dans l’échantillon AL10. La lame g1 (Figure 16) a été préparée dans un microfossile putatif de taille micrométrique. L’analyse de cette lame montre qu’elle est constituée essentiellement d’aragonite présentant une texture fibreuse. Le microfossile putatif au centre de la lame est lui aussi rempli d’aragonite mais il est bordé par une phase qui apparaît peu ou pas cristalline au TEM, qui est le silicate de Fe-Mg. Cette phase a également été retrouvée au niveau des marbrures que l’on voit de part et d’autre du microfossile en STEM (Figure 16 B) et qui correspondent sans doute aux anneaux concentriques autour du microfossile sur l’image A (Figure 16). L’alternance de minéraux

carbonatés et de silicate formant des lamines à micro-échelle a déjà été observée dans d’autres exemples de microbialites modernes (Sanchez-Navas et al. 1998; Leveille et al. 2000; Leveille

Figure 16 : Etude de la lame FIB g1. (A) Localisation du trait de coupe sur une image SEM de la

surface polie d’AL10 à travers deux microfossiles putatifs. (B) Image de la lame FIB entière (TEM mode STEM) (C) Image d’une portion de la lame FIB (mode TEM) qui montre une différence de texture l’ensemble de la lame constituée de nano-baguettes d’aragonite en faisceau et le tour du microfossile qui est très lisse. (D) Zoom sur la partie de la lame FIB portant le microfossile analysé en

préparation de l’échantillon. (F) Cartographie EDX des éléments Fe, Si et Ca sur la zone du microfossile. On voit que l’intérieur de celui-ci est en aragonite et qu’il est limité par le silicate de fer. Les zones d’acquisition des spectres sont matérialisées par les cercles en pointillés.

Une seconde lame FIB (a1) a été préparée dans une lamine de 10µm de largeur de silicate de Fe-Mg (Figure 17). L’étude de cette lame FIB révèle encore une fois qu’il existe

une différence nette de texture entre l’aragonite fibreuse organisée en nano-baguettes et le silicate de Fe-Mg peu ou pas cristallisé. Par ailleurs on note que la lamine de silicate de Fe- Mg présente un grand nombre de microfossiles putatifs de tailles et de formes très variables. Certains d’entre eux semblent présenter une gaine, d’autres semblent être filamenteux.

Figure 17 : Etude de la lame FIB a1. (A) Localisation du trait de coupe de la lame FIB à travers une

lamine de silicate de fer sur la surface polie d’AL10 (mode AsB). (B) Image de la lame FIB qui a été prélevée partiellement. On note une grande concentration de microfossiles dans le silicate de fer (Image TEM mode STEM). (C) Image TEM d’une partie de la lame FIB montrant l’interface entre

l’aragonite à gauche avec une texture en baguette très fine et le silicate de fer à droite. (D) Cartographie élémentaire du Fe, Si et Ca superposés d’une partie de la lame FIB. On voit que le calcium marque l’aragonite alors que Si et Fe sont distribués au niveau du silicate de fer.

L’étude de l’échantillon AL10 présente un exemple de fossilisation des micro-organismes associés aux biofilms d’Alchichica très différent de ce qui a été vu précédemment dans le cas des Pleurocapsales. Il a été proposé que les biofilms microbiens piégeant les ions (e.g. PO43-, Ca2+, CO32-, Fe, Al, Si) au niveau des exopolymères pourraient former une matrice qui en se déshydratant donnerait un gel, précurseur de la cristallisation de la phase silicatée (Leveille et

al. 2000). Ce mécanisme permettrait d’expliquer pourquoi la phase silicatée est plus ou moins

amorphe au sein d’un même échantillon (Sanchez-Navas et al. 1998). De plus si ce mécanisme existe il pourrait également permettre d’expliquer qu’une grande diversité de microorganismes présentant des morphologies variables ait pu être préservée. En effet la mise en place d’un gel qui minéraliserait secondairement pourrait préserver une image instantanée du biofilm avec toute sa diversité. De plus le fait que la phase qui se forme soit partiellement amorphe pourrait également permettre d’expliquer le bon état de préservation, en effet la croissance de cristaux aurait pu altérer la morphologie des microorganismes. Ce mécanisme serait alors très différent de celui présenté pour la fossilisation des Pleurocapsales, car dans ce cas là, les autres microorganismes ne sont pas préservés.

Des données STXM au seuil K du carbone ont été acquises sur les lames a1 et g1. Le traitement préliminaire de ces données montre que les zones constituées du silicate de fer présentent des bandes de faible intensité à 285eV, 288.4eV et 290.2eV que l’on peut attribuer respectivement aux groupements aromatiques, carboxiliques et carbonates (Benzerara et al.

2004; Benzerara et al. 2006). Une analyse plus fine de ces données sera nécessaire pour

mieux caractériser la distribution des groupements organiques. Des études complémentaires par spectroscopie XANES seront également à mener sur les lames FIB aux seuils d’autres éléments tels que le calcium et le fer pour mieux caractériser la phase silicatée. L’étude de cet échantillon est très prometteuse dans le cadre de la recherche de microfossiles dans les roches anciennes. En effet le cas de l’échantillon AL10 montre qu’il est a priori possible de préserver une grande quantité de microorganismes différents et donc potentiellement de mieux contraindre la diversité microbienne présente au moment de la formation du microbialite.