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3.2 Existence et dégénérescence de la solution

3.2.2 Étude exhaustive d’un cas simple

On définit pour commencer la notion de deux ensembles du plan complexe dont les points sont entrelacés.

Définition 3.2.5. Soient E = {a, b} et F = {c, d} quatre points distincts du plan com-plexe cocycliques ou alignés, autrement dit, sur un même cercle généralisé noté C.

On note ab l’arc de cercle -le segment dans le cas de 4 points alignés- joignant a à b deı

mesure minimale pour la mesure de Lebesgue sur le cercle C, de même pour cd.ı

On dit que les points des ensembles E et F sont entrelacés si et seulement si les points (a, b, c, d) sont sur un même cercle généralisé C et si les arcs ab etı cd sont d’intersectionı

non vide et non inclus l’un dans l’autre.

On considère maintenant le problème de Zolotarev pour des fractions rationnelles de l’ensemble R1 dans le cas de deux ensembles réels de deux points alignés entrelacés. Lemme 3.2.6. Pour κ ∈ (0, 1), on définit les ensembles discrets E = {−1, κ} et F = {−κ, 1}. On a alors

Z1(E, F ) = 1,

ce qui signifie que ce problème admet une solution dégénérée égale à la fraction rationnelle constante 1.

preuve : On a tout d’abord l’inégalité Z1(E, F ) 6 1 en rappelant que la fraction rationnelle constante 1 est un candidat pour le problème Z1(E, F ), il suffit donc de prouver l’inégalité Z1(E, F ) > 1 pour conclure.

On définit les matrices

X := Ñ 1−κ 1+κ 2√ κ 1+κ 2√ κ 1+κ1−κ 1+κ é , A := diag (−1, κ) et B := diag (1, −κ).

La matrice X est unitaire, et par conséquent le conditionnement de X vaut 1, et on montre par simple calcul matriciel que la matrice AX − XB est de rang 1.

On a alors d’après l’équation (1.10) comme ρA,B(X) = 1 l’inégalité

Z1(E, F ) > 1

kXkkX−1k = 1,

3.2 Existence et dégénérescence de la solution 53

Les points de E et F dans le cas du lemme 3.2.6 sont entrelacés, et dans ce cas, le problème de Zolotarev admet un minimiseur dégénéré.

On cherche maintenant à généraliser ce résultat en explorant les cas de dégénérescence dans le cas de deux ensembles de deux points distincts quelconques du plan complexe, en tirant partie de l’invariance de la quantité de Zolotarev par transformation homo-graphique. Pour ce faire, on précise quelques définitions et autres résultats classiques de géométrie dans le plan complexe dans ce qui suit.

On définit pour commencer le birapport de quatre points distincts du plan complexe, quantité qui permettra de simplifier considérablement les calculs explicites que l’on mènera pour un condensateur réel dans le chapitre 7.

Proposition 3.2.7. On rappelle la définition du birapport de quatre nombres complexes distincts.

[a, b, c, d] := c− a c− b

d− b d− a.

Si l’un des points est infini, on étend la définition de la quantité ci-dessus par passage à la limite.

Si h est une homographie, alors

[h(a), h(b), h(c), h(d)] = [a, b, c, d]. Le lemme suivant est cité de [Han04, p. 188].

Lemme 3.2.8. Soit a, b, c, d quatre réels distincts tels que [a, b, c, d] > 0. Il existe un unique élément k de (0, 1) tel qu’on ait l’égalité des birapports

[a, b, c, d] = [−1, −k, k, 1], et celui-ci est donné par

k := k(a, b, c, d) = 1»[a, d, b, c] 1 +»

[a, d, b, c].

Lemme 3.2.9. Soient (a, b, c, d) quatre points disctincts du plan complexe. Alors,

[a, b, c, d]∈ R ⇔ (a, b, c, d) sont sur un même cercle généralisé, et dans ce cas,

[a, b, c, d] < 0⇔ les points de E et F sont entrelacés.

preuve : La première partie de l’énoncé est classique et ne sera pas redémontrée ici. Si (a, b, c, d) sont sur un cercle C de centre z, en se placant dans un repère de centre z et d’axe des abscisses la droite (za), un calcul simple donne en notant θw la mesure dans [0, 2π) de l’angle azw dans ce repère où C est orienté dans le sens trigonométrique,

[a, b, c, d] = sin Äθ c−θa 2 ä sinÄθ c−θb 2 äsin Äθ d−θb 2 ä sinÄθ d−θa 2 ä,

ce qui prouve le résultat dans le cas de points cocycliques. Un raisonnement similaire permet de conclure dans le cas de points alignés. 

54 Problème de Zolotarev pour des ensembles discrets

Proposition 3.2.10. Soient C1 et C2 deux cercles généralisés, z1, z2, z3 et w1, w2, w3

deux triplets de points distincts appartenant respectivement à C1 et C2. Alors, il existe une homographie h envoyant C1 sur C2 de façon à ce que

h(z) = w, ℓ∈ {1, 2, 3}.

Les rappels de géométrie nécessaires à ce qui suit étant réalisés, voici maintenant la proposition principale de cette section.

Proposition 3.2.11. Avec les mêmes notations que précédemment,

Z1(E, F ) = 1 ⇔ les points de E et F sont entrelacés.

preuve : Supposons les points de E et F entrelacés, soit C le cercle généralisé auquel appartiennent ces points.

Alors, [a, b, c, d] est un réel strictement négatif d’après 3.2.9, donc [a, c, b, d] > 0 et on note k := k(a, c, b, d) défini en 3.2.8.

Alors, en notant K := q c−a b−ad−cd−b − 1 q c−a b−ad−cd−b + 1 et h1(z) = k 2z− (c + b) + K(b − c) 2zK + (b− c) − K(c + b), cette homographie vérifie

h1(a) =−1, h1(b) = k, h1(c) =−k et h1(d) = 1,

et les points des ensembles {−1, k} et {−k, 1} sont entrelacés d’après le signe de leur birapport.

Pour ce choix de k, on a alors d’après 3.1.2

Z1({a, b}, {c, d}) = Z1({−1, k}, {−k, 1}) , ce qui permet de conclure d’après le lemme 3.2.6.

Supposons maintenant les points de E et F non entrelacés. Daprès 3.2.10, il existe une homographie h telle que h(a) = −1, h(b) = 1 et h(c) = 2. Quitte à échanger la valeur de h(c) pour une autre valeur réelle strictement supérieure à 1, on suppose que z := h(d) n’est pas infini.

Si [a, b, c, d] ∈ R, les points (a, b, c, d) sont cocycliques ou alignés et non entrelacés, et dans ce cas z est réel et n’appartient pas à [−1, 1]. Pour ε > 0 assez petit, les disques généralisés DE := ß |w| 6 1 + ε 2 et DF :={|w| > 1 + ε} contiennent respectivement h(E) = {−1, 1} et h(F ) = {2, z}.

Alors, la fraction rationnelle r(z) = z vérifie

max

z∈h(E)|r(z)| < 1 + ε

2 et max

z∈h(E)|r−1(z)| < 1

3.2 Existence et dégénérescence de la solution 55

et par conséquent, Z1(h(E), h(F )) < 1. Enfin, comme Z1(h(E), h(F )) = Z1(E, F ) par invariance de la quantité de Zolotarev par transformation homographique d’après 3.1.2, cela permet de conclure dans ce cas.

On suppose maintenant [a, b, c, d] /∈ R et on adapte la preuve précédente.

On choisit alors un cercle C dont le centre est sur l’axe imaginaire de rayon suffisamment grand pour que z ne soit pas pas dans le disque D := conv(C), notons ω le centre de C et R son rayon. Pour ε > 0, on note Dε l’image de D par l’homothétie de rapport 1 + ε et de centre ω.

Pour ε > 0 suffisamment petit, les points −1 et 1 sont dans l’intérieur de Dε et les points 2 et z dans son complémentaire Dc

ε, et on a même {−1, 1} ∈ Dε/2 et {2, z} ∈ Dc

ε.

On définit alors la fraction rationnelle r(z) := z − ω, et celle-ci vérifie par construction max z∈h(E)|r(z)| < R Å 1 + ε 2 ã et max z∈h(E)|r−1(z)| < R(1 + ε)1 , d’où le résultat. 

Nous disposons donc maintenant d’un critère géométrique simple de dégénérescence dans le cas n = 1 et E et F de cardinal 2. On généralise ce critère dans la section suivante.