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Étude du système hydrologique du lac Laflamme (Québec)

Description du bassin versant

Le bassin versant du lac Laflamme est situé à 80 kilomètres au nord de la ville de Québec. Il subit l’influence des conditions particulièrement froides et humides tout au long de l’année. Il repose en totalité sur un massif imperméable de gneiss charnockitique du Bouclier canadien qui est recouvert de till sablo-granuleux de faible épaisseur en altitude et d’épaisseur maximale sous le lac. La figure 13-22 définit les limites du bassin versant et montre sa topographie. Le début de la fonte de neige survient en avril et la majorité en mai, époque où l’on enregistre les débits de pointe. La période d’étiage a lieu en janvier et en février. Le tableau 13-5 résume les principales caractéristiques du bassin.

Ce bassin lacustre est l’objet (depuis quelques années) de nombreuses études hydrologiques dans le cadre d’un vaste programme d’études sur l’impact des pluies acides sur les composantes de l’écosystème aquatique et forestier. L’un des objectifs importants de ce programme est d’effectuer un bilan ionique et une caractérisation de l’évolution chimique des eaux de surface du bassin. Pour y parvenir, il est nécessaire de cerner l’importance relative des écoulements superficiels et souterrains et de quantifier le bilan hydrique aussi exactement que possible. De plus, il est important d’évaluer le temps de contact de l’eau et du sol, par la vitesse et la direction de l’écoulement, de même que les échanges réciproques entre le domaine superficiel et le domaine souterrain. Il s’agit d’une caractérisation dynamique affectée d’une variabilité spatiale et temporelle à l’échelle du bassin.

De par sa nature, ce cas constitue un excellent exemple pour illustrer les étapes de la démarche décisionnelle d’élaboration et d’utilisation d’un modèle de bassin versant (Deschesnes, 1984 ; Deschesnes et Villeneuve, 1983). L’utilisation d’un modèle mathématique peut rendre compte avantageusement de la finalité de l’étude quantitative pourvu que le choix de l’outil soit approprié aux objectifs de celle-ci. Ainsi, en se basant sur les objectifs de l’étude et après avoir pris connaissance des caractéristiques du bassin et des informations disponibles, le modèle escompté doit incorporer les éléments et les caractéristiques essentielles suivantes:

∙ La nature du problème exige du modèle de prendre en compte les principales composantes d’écoulement du cycle de l’eau, à savoir, les écoulements en surface, les écoulements en milieu non saturé, les écoulements souterrains ainsi que les échanges réciproques surface-souterrain.

∙ Le modèle doit tenir compte de la variabilité de la structure et des phénomènes, entre autres, pour mieux cerner les échanges surface-souterrain et pour éventuellement étudier un ou plusieurs secteurs du bassin. Le modèle doit donc disposer d’une discrétisation en mailles de tailles variables.

Description du modèle retenu, modélisation du bassin de drainage et des processus hydrologiques

Le modèle retenu, nommé modèle couplé, a pour objectif la simulation conjointe des écoulements de surface et des écoulements souterrains sur un ou plusieurs bassins versants (Villeneuve et al., 1982 ; Girard et al., 1981 et Ledoux, 1980). Il intègre les précipitations, l’évapotranspiration, les écoulements en rivière, les écoulements en surface, les écoulements dans la zone non saturée, les écoulements souterrains et l’échange réciproque entre le domaine de surface et souterrain.

Il s’agit d’un modèle discrétisé en surface et en souterrain. Le mode de discrétisation découpe le bassin en mailles emboîtées de dimensions variables sur la couche de surface et sur autant de couches souterraines que le laisse supposer l’analyse géologique et hydrogéologique de la région à modéliser. En appliquant le modèle on est amené à regrouper les mailles: 1) qui présentent un temps de transport de l’eau identique jusqu’à l’exutoire et 2) qui possèdent des caractéristiques météorologiques homogènes (regroupement en zones météorologiques).

Le calcul des fonctions de production, définie pour chaque type d’utilisation du sol, est mené à chaque pas de temps des données météorologiques et sur chacune des zones pluviométriques homogènes (méthode de Thiessen, chapitre 3, paragraphe 3.2.1). La figure 13-23 donne le schéma de principe de la fonction de production de « type-sol ». Il s’agit d’une fonction standard où les valeurs des paramètres sont différentes et ajustées suivant le type de sol considéré. Un type de fonction production pour les plans d’eau est également incorporé au modèle et effectue essentiellement un bilan entre la pluie, l’évaporation et le ruissellement.

Le réseau hydrographique principal est mis en évidence à l’aide de mailles de rivières qui prennent en compte le calcul des échanges à double sens avec le domaine souterrain ainsi que le transfert en rivière vers l’exutoire. Les autres mailles forment la zone de ruissellement de

surface. Cette dernière fournit l’eau de ruissellement dans chacune des mailles de rivières en établissant des sous-bassins de calcul préalablement identifiés à l’aide des mailles présentant un temps identique de transfert vers l’exutoire (figure 13-24).

Modélisation

La modélisation se réalise en gardant constamment à l’esprit les informations qualitatives et quantitatives obtenues lors de la phase cognitive du travail et de la conceptualisation du système que nous envisageons.

Ainsi, le modèle considère une couche de surface et une couche souterraine d’extension identique débordant les limites du bassin dans la région de l’exutoire. Cette façon de représenter le système facilite la quantification des volumes d’eau s’écoulant hors du bassin par voie souterraine tout en permettant la possibilité de simuler les débits de surface à la station d’observation.

La discrétisation spatiale adoptée est la même pour l’ensemble des domaines de surface et souterrain. Le maillage comprend trois niveaux de découpage en mailles carrées respectivement de 100, 50 et 25 m de côté, pour un total de 309 mailles sur chacune des couches. Le découpage plus fin est limité aux parties du bassin où l’on suppose un échange actif surface-souterrain (figure 13-25). Ainsi, des 309 mailles de surface on retient 172 mailles rivières.

Les fonctions de transport

Nous retenons deux types de fonction de production selon qu’il s’agit d’une surface occupée par un sol ou par un plan d’eau. Les surfaces occupées par un sol sont représentées par une fonction de production s’adaptant à chacune de ces zones. Cette fonction est réalisée à partir de la fonction de production standard de type « sol » du modèle couplé. La fonction de production de type « plan d’eau » est appliquée au lac. Seule l’évaporation y sera prélevée.

Pour exécuter le transfert en rivière, le modèle utilise une combinaison des méthodes isochrones et à réservoirs. L’algorithme de transport considère le réseau hydrographique principal comme une arborescence de biefs se vidant les uns dans les autres de l’amont vers l’aval suivant une loi de tarissement exponentielle définie par un coefficient de vidange. Les biefs sont établis par le regroupement des mailles rivières ayant le même temps de transfert jusqu’à l’exutoire. Le transfert porte sur la quantité totale d’eau du bief. Pour représenter les mouvements de l’eau dans la zone saturée, le modèle utilise l’équation classique de diffusivité dont la formulation est exposée au chapitre 11.

Le calage par essais et erreurs

Le type et la durée des historiques des données d’observation mises à notre disposition pour les simulations et le calage du modèle sont présentés à la figure 13-26. Il s’agit dans la majorité des cas de valeurs journalières. Il est à noter que la qualité et la quantité des données ne sont pas adéquates pour un calage définitif des paramètres du modèle. On doit bien comprendre qu’il s’agit ici d’une étude préliminaire réalisée à un stade peu avancé des études d’inventaire et que toutes autres données subséquentes pourront s’incorporer au modèle pour en augmenter sa crédibilité.

Cette étape de la modélisation s’est effectuée en deux phases reliées entre elles. Après avoir calculé une piézométrie initiale moyenne à l’aide d’un passage en régime permanent, un premier calage des paramètres des fonctions production a porté sur l’ensemble de la période 1981-1982 en comparant les valeurs calculées de ruissellement et d’infiltration avec les débits observés. Il faut remarquer que les valeurs d’infiltration calculées à ce moment-là ne sont pas indépendantes du calage du modèle souterrain. Nous avons donc réalisé une première approche en ajustant les paramètres des fonctions de production et avons calé définitivement ces paramètres après avoir réajusté ceux du modèle souterrain. Le calage définitif du modèle souterrain a été réalisé sur les mois de 1982, seule période pour laquelle nous possédons des observations piézométriques. Ce calage a été fait en régime transitoire influencé, c’est-à-dire en période d’alimentation.

Les résultats

Le tableau 13-6 regroupe les paramètres à caler des fonctions de production. On remarque que les paramètres CRT et DCRT, représentant la valeur moyenne et la valeur minimale du stock en eau dans le sol, sont plutôt faibles traduisant un état de saturation du sol élevé tout au long de l’année. Le coefficient de tarissement du réservoir de ruissellement (CQR) nous montre une vidange plutôt lente reflétant les conditions d’écoulement superficielles hypodermiques.

Dans cette première approche, compte tenu des objectifs de l’application, la simulation a été effectuée avec un pas de temps de cinq jours permettant un calage global. La figure 13-27 A montre les hydrogrammes observés et calculés sur la période entière de simulation. La synchronisation des pointes de crues est très bonne, bien que la restitution des quantités d’eau durant la période d’hiver et de printemps (1981) soit trop grande. Ceci est dû en partie aux fortes pluies qu’a connu cette région au mois de février rendant difficile la détermination de la quantité d’eau disponible pour le ruissellement (interaction neige-pluie) et en partie par la quantité de neige fondue probablement surestimée.

La restitution des niveaux piézométriques est bonne (figure 13-27 B). Les simulations confirment que le niveau de la nappe s’élève passablement lors de la période de fonte des neiges pour rester près de la surface durant le reste de l’année.

Le modèle a permis d’établir un bilan hydrique dont la composante de ruissellement représente 55 % des précipitations totales. La majorité de l’eau infiltrée se retrouve en rivière s’ajoutant à la composante ruissellement pour donner un écoulement à l’exutoire représentant 70 % des précipitations, tandis que le drainage par voie souterraine compte pour 8 %.

L’utilisation de ce type de modèle répond adéquatement aux objectifs formulés. Bien que le court historique des données ainsi que leur qualité (fonte de neige, piézométrie) limitent la précision de l’estimation du bilan hydrique, il n’en demeure pas moins que l’on a pu vérifier la cohérence du système en ce qui a trait à la définition de sa structure, aux hypothèses de son comportement et à l’identification de l’importance relative des principales composantes de l’écoulement.

Enfin, cet exemple montre qu’il est possible, à l’aide du modèle couplé eau de surface - eau souterraine, de réaliser une modélisation à un stage peu avancé des études d’inventaires.

Le modèle peut être remis constamment à jour au fur et à mesure que parviendra de nouvelles données et informations sur le bassin versant.

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