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Icône et Langage iconique

4.4 Étude et décomposition des icônes

Dans cette section, nous présenterons rapidement différentes approches pour l’étude des icônes. Nous insisterons notamment sur ce qu’elles peuvent nous apporter lors de la conception de nouvelles icônes.

4.4.1 Sémiologie des icônes

La sémiologie ou sémiotique est la science qui étudie les signes, leur sens et la manière dont ils fonc-tionnent. Les icônes sont des signes visuels, et sont donc concernées. Un signe visuel est la réunion d’une perception rétinienne (œil) et de l’image mentale associée4. La perception rétinienne se rapporte en clair à quelque chose qu’on perçoit par la vue. La chose vue se retrouve (projetée) sur la rétine puis transmise au cerveau.

Deux figures emblématiques ont marqué la sémiologie (la sémiotique). Il s’agit de Peirce Charles Sanders et Ferdinand De Saussure.

Dans le cadre de nos travaux, la sémiologie d’obédience peircienne a plus pesé, quand bien même celle de Saussure ne nous a pas fait défaut pour fortifier notre compréhension des signes (symptôme, icône, symbole, indice).

A travers [41], [69] et [234], Peirce présente le signe sous forme d’indice, d’icône et (ou) de symbole. Cette forme triptyque est appelée la trichotomie de l’objet, comme le montre le tableau 4.3, plus explicitement.

L’analogie (ou la ressemblance) spontanée entre l’icône et son référent, doit être de mise. A l’endroit des destinataires, est également visée la spontanéité de la reconnaissance de l’icône dénotant ce référent. Il faut comprendre que celui à qui l’icône est renvoyée doit également recevoir un stimilus réactif (effet manifeste mais silencieux, effet visible ou vif dans le changement de comportement). Admettons cela sous le vocable de réactivité dans une tâche donnée.

Types Peircéens de signe : Trichotomie

Fonction Description et exemple Catégorie de signe Relation à priori entre signifiant et

signifié

indice contiguïté de faits

L’indice est un signe qui entretient un lien physique avec l’objet qu’il indique. E.g : la fumée pour le feu ou encore les nuages pour

la pluie ; montrer le paquet de cigarette pour demander une cigarette, grattement à

la porte permettant de comprendre que le chien manifeste d’entrer, signe symptôme d’une réalité complexe, bouton de furoncle, percevoir la queue du lion camouflé, le lion

arrêté en face à 50 m de soi.

le signifiant est sur le même plan de réalité

que son objet (référent). identité (totale ou partielle) symbole fonctionnent par convention

Le symbole entretient avec ce qu’il représente une relation arbitraire, conventionnelle. Le signe symbolique rompt toute ressemblance et toute contiguïté avec la chose exprimée. E.g : le drapeau d’un pays africain, deux symboles en MM dont l’un exprimant la masculinité ou l’autre la féminité, la langue et le signe linguistique

(syntaxe et lexique), le calcul mathématique.

le signifiant n’a pas de rapport autre que

conventionnel avec son objet (référent).

aucune relation de ressemblance (symbole établi par pure convention, par

loi, par habitude culturelle) pour référer un objet

icône similitude L’image est classée sous cette catégorie du fait qu’il y a un rapport d’analogie entre le signifiant et le référent. Les signes iconiques

sont des représentations analogiques détachées des objets ou phénomènes représentés. e.g : l’icône d’une plante.

le signifiant ressemble à son objet (référent).

analogie, ressemblance

Figure 4.3 – Triangle sémiotique de base selon Peirce

Cette analogie repose sur une convention apprise préalablement codant en correspondance associative l’icône et son objet. Le signe a un lien conventionnel avec son objet ou est reconnu à partir d’une norme apprise. C’est même le cas des langages oraux et écrits. Les trois types de signes de Peirce ont chacun leurs avantages, mais le signe iconique est préférable lorsque l’on recherche l’universalité.

NB : En outre, autour de ces trois types percéens de signe (indice, symbole et icône), il manque un consensus entre sémioticiens (Peirce, Hegel, Wallon, Jung ...). Ce qui est discerné par Barthes [31]. En lieu et place de ces trois types peircéens (indice, symbole et icône), certains de ces sémioticiens excepté Peirce lui-même, parlent encore de signal, indice, icône, symbole, signe et allégorie [31]. Cette contradiction nous réconforte dans notre choix : icône. Nous admettons ainsi icône pour supplanter l’ensemble de ces termes (signal, indice, icône, symbole, signe et allégorie). Icône est donc suffisamment acceptable pour le langage iconique envisagé dans le cadre de nos travaux.

Relativement à son alphabet, les symboles de la langue française (langue parlée et écrite), ne sont pas des images. Nous parlons de terme quand le symbole est utilisé. Ce sont ces termes, les signifiants que nous dressons "canoniquement" en classes (concepts axiomes avec consensus) en LDs, inspirés des symboles logiques et mathématiques.

Selon Peirce C S, un signe a trois dimensions de compréhension à savoir son objet, son icône et son interprétant. Saussure en a une perception double : signifiant et signifié. Nous optons pour le signe Peircien pour son aspect plus pragmatique.

4.4.2 Triangle sémiotique

Nous présentons succinctement le triangle sémiotique (ou sémiologique) au sens de Peirce C S, formé par les concepts clés : signifié, signifiant et référent (voir figures 4.3 et 4.4).

Figure4.4 – Triangle sémiotique Signifié Signifiant Référent de Peirce : Signes graphique et terminologique

– le référent est un objet concret ou abstrait de la réalité observable. Il a des caractéristiques propres. Il peut devoir son existence à l’assemblage d’autres objets. Il peut être immatériel comme un sen-timent, une émotion, un concept abstrait (vitesse, liberté, grandeur, ...). Peuvent être substitués au terme référent les éléments objet, fait, individu, observable. Ce sont des continuants (endurants) et occurrents (perdurants).

– Le signifié est le sens qu’on donne aux choses. Il est une abstraction qui se rapporte au référent faisant partie de la réalité. On peut parler du monde mental ou du concept. C’est l’idée qu’on se fait de quelque chose de tangible ou d’immatériel. Le signifié fait partie de la réalité subjective. Il peut être remplacé par idée, interprétant, modèle mental. C’est le concept [237], l’image mentale, une représentation générale et abstraite d’un objet jouant le rôle de relais entre le signifiant et l’objet. – Le signifiant dit aussi representamen, est une chose de la réalité objective qui a la fonction de

représenter, de dénoter un référent. Selon la figure 4.4, on a le signe graphique (croquis ou icône d’arbre) ou le signe terminologique (arbre) qui représente spécifiquement un arbre et symbolise le concept "arbre". Le signe renvoie indirectement à la réalité par l’intermédiaire du signifié.

Pour Peirce, "un signe est quelque chose qui tient lieu pour quelqu’un de quelque chose sous quelque rapport ou à quelque titre" dans [119] de Heon. Sur la figure 4.4, via l’exemple de la plante, le signifiant symbolique et terminologique est "arbre" et le signifiant graphique et iconique, "silhouhette arbre" (un pictogramme).

L’analogie poursuivie par Peirce entre le signe iconique et son référent, constitue un support solide à celle de Carlos [53] qui considère la trilogie de stratégies de représentation dans les icônes. Ces trois stratégies sont :

– la similarité visuelle ou analogie ; – l’association sémantique ;

– la convention arbitraire nécessitant un apprentissage préalable (e.g : drapeau d’un pays).

La similarité visuelle (ou analogie) est la stratégie qui semble la plus appropriée pour représenter iconiquement des concepts concrets, c’est à dire des objets matériels. S’agissant des concepts abstraits (pensée, processus, activité, ...), la règle d’association sémantique est plus appropriée à appliquer, suivie de la règle de convention arbitraire.

Lois de la théorie de la Gestalt (GestaltThéorie) Expression Élément de connaissances de forme de base Loi de proximité ou de la régularité

Des éléments proches sont plus facilement perçus comme appartenant à une forme commune que des éléments éloignés

Loi de similarité (ou d’égalité)

Des éléments de la même forme ou de même taille sont plus facilement vus comme appartenant à une même forme d’ensemble

Loi de bonne continuation On a tendance à naturellement continuer de façon rationnelle une forme, si elle est inachevée

Loi du destin commun

Les choses et les points qui se déplacent selon une même trajectoire apparaissent groupés dans une même forme

Loi de fermeture

Une forme fermée paraît plus prégnante qu’une forme ouverte qui ne constitue pas réellement une forme tant qu’elle reste incomplète

TABLEAU 4.4 – Cinq (5) lois émanant de la Gestalt

Toute icône ou tout iconème est réalisé par application d’au moins une de ces trois règles.

4.4.3 Théorie de la Gestalt

Pour mettre en œuvre la similarité visuelle dans une icône, il est important de pouvoir expliquer quelles formes globales seront-elles perçues dans cette icône, et le cas échéant dans les iconèmes qui composent l’icône elle-même.

Cette manière de procéder est inspirée de la Gestalt5. Selon Vanmalderen [237], la Gestalt signifie "mettre en forme, donner une structure signifiante". Plus explicitement, parlant de Gestalt, il s’agit d’un ensemble structuré où chaque élément, chaque processus ne peut s’envisager que dans son rapport au tout. La théorie de la Gestalt propose des lois pour expliquer pourquoi certaines formes sont-elles perçues au détriment d’autres. Ces lois ont notamment été appliquées et s’appliquent à la perception visuelle (tableau 4.4). La Gestalt est beaucoup utilisée dans les sciences cognitives comme en psychologie, en arts plastiques (image et dessin) et bien d’autres.

Par exemple, la même table recouverte de livres et de papiers, prend une signification différente lors-qu’on la revoit recouverte d’une nappe et de feuilles séchées de plantes : sa "Gestalt" globale ou d’ensemble a changé. Cinq (5) lois émanent de la théorie structurale de la Gestalt. Le tableau 4.4 les présente suc-cinctement.

4.4.4 Propriétés des icônes

Sur la base des trois (3) types de signe (tableau 4.3) et des cinq (5) lois du gestaltisme (tableau 4.4), cinq (5) critères importants sont à faire observer par l’icône lors de sa conception. En tant que propriétés, ces critères sont aussi qualifiés de normes d’intérêt de l’image iconique [160]. Ce sont simplicité/complexité, pragmatisme iconique, familiarité, sens et distance sémantique.

– simplicité/complexité : il faut en entendre la non surcharge de l’icône ;

– pragmatisme iconique : lié à la propriété précédente, il consiste à rendre opérationnelle et pratique l’utilisation de l’icône. Le long "texte" iconique est à éviter. Ainsi, quel est le nombre maximal d’iconèmes (et/ou d’icônes également) acceptable dans une icône ? Par exemple, combien d’icônes de plantes doit-on admettre dans celle d’une recette, voire celle d’un remède traditionnel ? Les icônes de posologies, de contre associations (ressources médicinales (plantes)), de contre indications, de contre état patient (enfant, adulte, genre, femme en grossesse, ...), sont concernées par ce même type de questionnement. Comment doit-on maintenir la spontanéité et l’immédiateté à tout point de vue (degré de modularité et granularité convenable) dans la compréhension réactive (homme, machine) ;

– familiarité de l’icône : elle concerne sa fréquence dans l’environnement quotidien de l’utilisateur afin d’en mesurer son apprentissage (assimilation) par ce dernier ;

– sens : c’est celui donné à l’icône traduisant sa reconnaissance spontanée (ou ce après apprentissage) ; – distance sémantique : elle exprime le caractère relationnel et fermé (hermétique) qui lie l’icône à l’objet qu’elle représente (dénote). Il y a notoirement le degré d’évidence de la reconnaissance de l’objet par l’intermédiaire de l’icône. On parle de similarité. Ici, c’est une distance qu’on voudrait faire tendre vers zéro [160].