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Chapitre 2 Réaction de Friedel-Crafts sur des alcools benzyliques

2.3. Étude de l’étendue de la réaction

Les conditions de l’entrée 3 du Tableau 2.1 ont été considérées comme optimales et ont été employées pour la formation de divers 1,1-diaryl et 1,1,1-triarylméthanes à partir des alcools benzyliques ou 1,1-diarylméthanols correspondants. Dans un premier temps, la réaction entre l’alcool 4-tert-butylbenzylique (2.5) et des nucléophiles aromatiques variés a été étudiée (Schéma 2.5). Onze nucléophiles différents ont été engagés dans la réaction et les rendements isolés obtenus varient entre 51 et 100 %. Selon le nucléophile utilisé, un mélange de régioisomères peut se former, c’est le cas des diarylméthanes 2.9 à 2.16. Dans ces circonstances, les isomères n’ont pas pu être séparés par colonne chromatographique et les ratios (ortho/para) sont présentés entre parenthèses. Seul le régioisomère majoritaire est représenté dans le Schéma 2.5. Les composés aromatiques neutres ou riches en électrons ont permis l’obtention des diarylméthanes désirés avec de hauts rendements. Les cycles aromatiques plus désactivés comme le benzène ou le fluorobenzène ont dû être utilisés comme co-solvant à la place du dichlorométhane afin de former les 1,1-diarylméthanes 2.8 et 2.11 avec des rendements supérieurs à 80 %. L’emploi d’arènes électrodéficients, tels que le chlorobenzène ou le α,α,α-trifluorotoluène, n’entraînent la formation que de faibles quantités (rendements inférieurs à 5 %) des diarylméthanes désirés. Le produit majoritaire alors obtenu résulte de la polymérisation du composé 2.5 (Schéma 2.6).

Contrairement à ce qui était observé lors de l’étude de l’étendue de la réaction de Friedel- Crafts sur des fluorures benzyliques activés par le HFIP,79 dans ces conditions, l’acétanilide et le phénylacétate peuvent tous deux être utilisés comme nucléophiles. Les diarylméthanes correspondants 2.12 et 2.13 sont obtenus avec des rendements de 78 et 51 %

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respectivement (Schéma 2.5). Ces valeurs ont été estimées par RMN, car les mélanges de régioisomères n’ont pas pu être séparés de l’excès de nucléophile par colonne chromatographique. Il est intéressant de noter que dans ces deux cas la substitution en position ortho est majoritaire. À ce jour, nous n’avons pas d’explication quant à cette sélectivité inhabituelle que le groupe de Chandrasekaran avait observée précédemment.89

Schéma 2.5. Réaction de Friedel-Crafts entre l’alcool 4-tert-butylbenzylique et divers nucléophiles aromatiques.

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Schéma 2.6. Polymérisation de 2.5 en présence de nucléophiles pauvres en électrons.

Ensuite, la réactivité de divers alcools benzyliques dans les mêmes conditions envers le p- xylène a été étudiée (Schéma 2.8). De nombreux substituants sont parfaitement tolérés comme le groupement phényle ou des halogènes (composés 2.18 à 2.22). Pour certains substrats, une augmentation du nombre d’équivalents de XtalFluor-E et/ou un temps de réaction plus long ont été nécessaires pour obtenir conversion complète. Notons que la présence d’un groupement méthoxy en position para de l’alcool benzylique inhibe la réaction de Friedel-Crafts (produit 2.23) et que, dans ce cas, seul le composé résultant de la polymérisation du substrat est observé. En revanche, le déplacement du groupement méthoxy en position méta de l’alcool benzylique permet l’obtention du 1,1-diarylméthane désiré (2.24) avec un rendement de 44 %. L’emploi d’un substituant moins électrodonneur qu’un groupement méthoxy tel qu’un acétate cède l’accès au composé voulu (2.25). Étonnamment, et contrairement à la méthode développée précédemment pour l’arylation de fluorures benzyliques,79 la présence d’un groupe nitro sur l’alcool benzylique n’empêche pas la transformation d’avoir lieu. Les produits 2.26 et 2.27 sont alors obtenus avec 78 et 64 % de rendement, respectivement. Puisque les groupements fortement électroattracteurs semblent tolérés, nous avons alors envisagé d’utiliser des alcools benzyliques portant un groupement pentafluorosulfanyle. Ainsi, il serait possible d’accéder à des diarylméthanes pentafluorosulfanylés. Ces derniers ont un intérêt potentiel en chimie médicinale90 mais sont peu présents dans la littérature.91,92 Deux diarylméthanes portant un groupement SF5

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Zhang, Y.; Wang, Y.; He, C.; Liu, X.; Lu, Y.; Chen, T.; Pan, Q.; Xiong, J.; She, M.; Tu, Z.; Qin, X.; Li, M.; Tortorella, M. D.; Talley, J. J. J. Med. Chem. 2017, 60, 4135-4146.

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sont alors obtenus (2.28 et 2.29) avec des rendements de 68 et 73 % respectivement. Cependant, lorsque l’alcool benzylique utilisé porte un groupement fortement électroattracteur (nitro ou pentafluorosulfanyle), un produit secondaire minoritaire est observé : l’éther de dibenzyle. Celui-ci résulte d’une dimérisation de l’alcool de départ (Schéma 2.7) par attaque de celui-ci sur l’intermédiaire activé (2.37, Schéma 2.11) et/ou sur le carbocation (2.38, Schéma 2.11). En utilisant un excès de XtalFluor-E, la formation de ce produit secondaire est limitée à moins de 20 %. Récemment, le groupe de Moran a développé des conditions qui permettent, elles aussi, d’effectuer des réactions de Friedel- Crafts sur des alcools benzyliques fortement désactivés.91

Schéma 2.7. Réaction secondaire de dimérisation.

L’utilisation du 3-pyridineméthanol fournit le produit désiré (2.30) avec un rendement RMN de 30 %. Ce résultat démontre que des alcools possédant un hétérocycle pourraient être employés dans cette réaction, mais une optimisation approfondie des conditions réactionnelles serait nécessaire. Enfin, la chimiosélectivité de la transformation a été démontrée par l’emploi de l’alcool 4-(chlorométhyl)benzylique, un substrat qui porte à la fois un alcool et un chlorure benzylique. Seul le produit résultant de la substitution du groupement hydroxy (2.31) a été obtenu avec un rendement de 79 %.

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Par la suite, la réactivité des alcools benzyliques secondaires a été étudiée. Cependant, lors de l’engagement de dérivés du 1-phényléthanol dans les conditions réactionnelles optimisées, les diarylméthanes substitués désirés n’étaient synthétisés qu’en faible quantité. De nombreuses sous-réactions semblaient avoir lieu et des produits d’élimination ont pu être détectés. Pour éviter leur formation, nous nous sommes tournés vers la production de 1,1,1-triarylméthanes à partir de 1,1-diarylméthanols (Schéma 2.9). En général, les rendements isolés sont élevés (> 80 %) et de bonnes sélectivités (ortho/méta/para) sont obtenues pour un temps de réaction de 48 h. Cependant, la réaction semble mal tolérer la présence d’un groupement fortement électroattracteur tel qu’un SF5 sur un des cycles

aromatiques et aucun triarylméthane portant un substituant pentafluorosulfanyle n’a pu être isolé.

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Toujours pour éviter les réactions secondaires d’élimination ainsi que dans l’intérêt de trouver des nouvelles méthodes de synthèses de composés trifluorométhylés, le 2,2,2- trifluoro-1-phényléthanol a été engagé dans les conditions optimales de la réaction de Friedel-Crafts (entrée 3, Tableau 2.1). Cependant, après 4 h de réaction, seule une très faible conversion était observée et après 48 h seuls 15 % du produit désiré (2.36) avaient été formés. Faire du p-xylène le co-solvant et augmenter la température à 60 °C ont permis d’augmenter le rendement RMN jusqu’à 56 % (Schéma 2.10). Les conditions récemment développées par le groupe de Moran permettent l’obtention de dérivés du diaryltrifluoroéthane à partir de 2,2,2-trifluoro-1-aryléthanols.91

Schéma 2.10. Réaction de Friedel-Crafts sur le 2,2,2-trifluoro-1-phényléthanol.

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