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MATÉRIELS ET MÉTHODES 1 LE CONTEXTE

C. ÉTAT DES LIEUX DU STRESS CHEZ LES IMG

Nous avons évalué le stress perçu des internes de médecine générale de Bordeaux à l'aide de deux questionnaires: le PSS (à 14 items puis à 4 items) et le GMRSS.

1. PSS

Le passage de 14 à 4 items pour le PSS dès le temps T1 fût motivé par la longueur du questionnaire Intern'life dans son ensemble, jugé trop long par les internes dès le premier temps T0. Nous pouvions espérer ainsi limiter le nombre d'internes perdus de vue car lassés.

Bien que le PSS 4 ne soit pas encore validé en français, on retrouve comme dans la littérature(180) une bonne corrélation des moyennes de scores entre le PSS 14 et le PSS 4, avec toutefois une légère variation. En effet, les individus ayant un score au PSS 4 "faible" sous-estime le PSS 14, et ceux ayant un PSS 4 "élevé" sur-estime le PSS 14. En somme, les individus estimés "peu stressés" par le PSS 4 seraient considérés comme "plus stressés" avec le PSS 14 et ceux que le PSS 4 estime "plus stressés" seraient "moins stressés" avec le PSS 14, comme dans l'étude anglaise de Warttig et al menée en 2013 (178).

Cependant, nos données restent utilisables afin de participer à la validation de l'échelle PSS 4 en français.

Il est ensuite important de noter que les scores obtenus par notre étude aux échelles PSS 14 ou 4, étaient largement supérieurs aux scores obtenus en population générale.

En effet, la moyenne obtenue avec le PSS 4 est de 9,19 chez les internes de médecine générale, versus 4,49 dans les études de Cohen de 1988 menées aux Etats-Unis auprès de 2387 personnes âgées de 18 ans et plus (179).

On retrouve également dans d'autres études chez les étudiants en médecine, une hausse du stress, notamment lors du passage de l'état d'étudiant au statut de soignant à responsabilités.

On peut mettre en corrélation ce taux élevé, à, comme nous l'avons vu plus haut, un temps de travail largement supérieur au taux légal. En effet la littérature est riche en ce sens. Les nombreuses études menées à ce sujet retrouvent une diminution du bien-être chez les

internes liée à un manque de temps personnel, un temps de travail trop important, un manque de sommeil.

Concernant le genre, il n'y a que très peu de différences entre les moyennes des scores du PSS 14 à T0 entre les hommes et les femmes.

Par la suite, cela reste similaire lors des différentes occasions. En effet, l'analyse par modèle univarié ne retrouve pas d'effet statistiquement significatif du temps ni du sexe sur les scores du PSS 4. Pourtant, dans la littérature, le sexe est un facteur déterminant du stress perçu, et ceci de façon identique en population générale lors de l'établissement du questionnaire(177, 179), ou en milieu médical dans différents pays, occidentaux et orientaux (180, 181, 182).

D'autre part, nous avons constaté que le nombre de passations, c'est à dire le nombre de fois qu'un interne complète le questionnaire, a un effet significatif sur les scores du PSS 4 selon un modèle univarié. S'intéresser au nombre de passations permet de s'affranchir du biais de participation des internes, participation qui peut être irrégulière. Ainsi nous avons retrouvé le résultat suivant: plus le nombre de passations est important, plus le score au PSS 4 diminue avec une baisse 2,5 fois plus forte chez les hommes.

Plus un interne répondit au PSS 4, moins il se considéra comme stressé, avec une tendance plus marquée chez les hommes. Cela met en lumière un biais de réponse à mesure que le nombre d'occasions augmente, probablement à cause d'un biais de désirabilité. Nous appelons ce biais, biais de passation, différent du biais de participation.

Ces résultats peuvent s'expliquer par le fait que plus un interne progresse dans son cursus, plus il doit être capable de gérer des situations difficiles et stressantes d'autant plus pour les hommes. Les femmes, elles, se retrouvent plus souvent en conflit dans ce milieu masculin, avec les patients ou encore le personnel infirmier, comme l'expliquent Elliot et Girard. La reconnaissance hiérarchique est également moins importante chez les femmes, et compose un facteur de stress supplémentaire chez elles(183). De plus, ces années d'internat créent un décalage avec les envies personnelles familiales et le souçi de réussite, comparativement au reste de la population, ce qui est plus sensible chez les femmes (184).

2. GMRSS

Le GMRSS est un questionnaire récent créé par la faculté de Paris Descartes spécialement pour l'étude Intern'life mise en place un an avant celle de Bordeaux. Il n'y a donc pas encore d'article publié à ce jour sur cet outil de mesure du stress perçu chez les internes de médecine générale.

Cependant devant la spécificité de l'internat, jonglant entre le statut d'étudiant et celui de soignant, le GMRSS semble être le seul outil vraiment adapté pour évaluer les notions de charge de travail, et de responsabilité de façon concomitante.

Comme nous l'avons vu précédemment, PSS et GMRSS évaluent la même chose: le stress perçu. Le GMRSS étant spécifique aux internes de médecine générale, et le PSS étant l'outil reconnu et validé pour la mesure de stress perçu, il était donc logique que nous retrouvions une corrélation positive entre ces deux questionnaires, quelque soit le sexe et l'occasion.

Notre étude retrouvant une validité de convergence entre ces deux questionnaires, elle pourrait donc permettre de valider le GMRSS dans cette population.

Dans nos résultats, nous avons observé des scores plus élevés chez les femmes que chez les hommes, de façon significative, contrairement aux résultats obtenus avec le PSS, mais conformément à ce que l'on peut retrouver dans la littérature concernant le stress perçu (177, 179, 180, 181, 182, 185) avec une tendance à la diminution de ces scores en fonction des occasions et du nombre de passations.

L'analyse statistique de nos résultats selon un modèle linéaire uni-varié, retrouva un effet significatif du temps, du sexe et du nombre de passations avec le GMRSS total.

Comme avec le PSS 4, la diminution des scores au cours du temps, comme en fonction du nombre de passations, était plus marquée chez les hommes, probablement à cause du même biais.

Cependant, dans un modèle multivarié, méthodologiquement plus fort, le nombre de passations et le sexe n'étaient pas significatifs, ni les occasions et le sexe, excepté lors de T2. Ce qui veut dire que les femmes ont été significativement plus stressées que les hommes lors de T2. Nous ne retrouvons pas d'explication claire à cet écart lors de cette occasion.

Le GMRSS comprend des sous-catégories évaluant le stress perçu en fonction de la charge de travail d'une part, et de la responsabilité médicale d'autre part.

Dans notre étude, le stress lié à la charge de travail était stable lors de la première année d'étude, mais le score au GMRSS diminuait lors de T3, c'est à dire après un an et demi d'internat.

On peut l'expliquer par le fait qu'il s'agit d'un moment où la proportion de stage libre augmente, liée probablement à la hausse de stage ambulatoire chez le praticien, avec un nombre d'heures travaillées moins important. Les conditions d'exercice étaient alors différentes.

On retrouve dans ce sens une revue de la littérature de 2005 concernant la qualité de vie et la santé des internes. Les facteurs stresseurs étant liés à la charge de travail, tels que le nombre d'heures travaillées, le manque de sommeil, le manque de temps pour la vie privée (81).

Nous constatons également que les femmes semblaient plus stressées par la charge de travail que les hommes mais sans que cela soit statistiquement significatif, que ce soit en fonction du temps ou du nombre de passations. On retrouve cette notion dans l'étude de Cohen et al(71)menée au Canada en 2008, où la charge de travail est le premier facteur de stress cité (pour 49% des internes), notamment chez les femmes (57% versus 43%).

Concernant la responsabilité médicale, une étude anglaise ayant suivi pendant cinq années des étudiants en médecine devenus résidents (correspondant à notre internat en France) démontre en effet une hausse du stress lors du changement de statut, passant d'étudiant à soignant à responsabilités. Les facteurs exposés alors étaient le doute quant à sa capacité personnelle de soins, la peur de faire une erreur, et la réalisation d'un manque de connaissances, semblant trop vastes (186).

Malheureusement nos résultats n'étaient pas significatifs mais l'on observait tout de même que les femmes ressentaient cette responsabilité comme un poids plus important que les hommes.

De plus notre modèle prédit significativement une chute de ce score beaucoup plus importante chez les hommes que chez les femmes lors de la troisième passation. Cela peut s'expliquer par le biais d’échantillonnage, puisqu'il n'y avait que très peu d'hommes (effectif de 22) qui ont fait trois passations pour le GMRSS. Cependant, comme nous l'avons vu plus

haut, le monde médical est également plus favorable aux hommes qu'aux femmes, pouvant expliquer cette chute de score chez les hommes après un an d'internat.

3. STRESS ET TRAIT DE PERSONNALITÉ

En faisant une corrélation des scores du TIPI et du PSS 4, nous retrouvâmes des résultats statistiquement significatifs pour trois traits de personnalité sur cinq:

- Il existe une corrélation positive entre les scores aux PSS 4 et les items du TIPI correspondant au trait de personnalité "névrosisme". Il semble donc que les internes ayant des scores élevés sur le névrosisme ont une tendance à être plus stressés que ceux ayant un faible score. Ce résultat pouvait être attendu car ce trait est associé à une instabilité émotionnelle et une hyper réactivité, le ressentiment d'émotions négatives(163). Le stress perçu pouvant être une émotion négative, ce résultat fait sens. C'est ce que démontrent également les travaux menés par Bruchon Schweitzer et Dantzer (187).

- Par ailleurs, dans notre population, nous retrouvons une corrélation négative cette fois, entre les traits "extraverti" et "agréable". Ces deux traits de personnalité peuvent donc être considérés comme des traits protecteurs contre le stress.

Van Heck démontre que la personnalité, en plus des facteurs environnementaux, influence l'impact du stress sur la santé de l'individu (188).

À travers cela, il est important de ne pas oublier les stratégies de coping, en partie liées à la personnalité, qui ont un impact franc sur le stress ressenti. Par exemple, une personnalité névrosique aura tendance à délaisser le coping centré sur le problème pour utiliser plutôt une stratégie centrée sur les émotions afin de résoudre la situation, or on sait aujourd'hui que cette stratégie, négativement corrélée au stress perçu, peut être source de détresse psychologique telle que l'anxiété dans des situations relativement contrôlables.

Ces stratégies restent des facteurs relativement modulables, sur lesquels un apprentissage peut aider à l'amélioration du vécu des situations stressantes.