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B. Les étapes clés du procédé biologique de transformation de la lignocellulose en éthanol

CHAPITRE I : ETAT DE L’ART

I.2. B. Les étapes clés du procédé biologique de transformation de la lignocellulose en éthanol

La biomasse végétale est principalement composée de cellulose, d’hémicelluloses et de

lignine. Dans le cadre de la conversion de la biomasse en éthanol, le prétraitement est toujours une

étape indispensable. Il a pour objectif d’hydrolyser les hémicelluloses et/ou de solubiliser la lignine

afin d’augmenter la réactivité de la cellulose à l’attaque enzymatique. Le procédé de production

d’éthanol 2G se décompose donc en 4 étapes principales : le prétraitement, l’hydrolyse enzymatique,

la fermentation et la distillation (Figure I.7).

Figure I.7 : Schéma général de la production d'éthanol de 2

ème

génération à partir de la biomasse

lignocellulosique (Source IFP Energies Nouvelles)

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I.2.B.1.Le prétraitement

Le but du prétraitement est de modifier la structure et la composition de la matrice

lignocellulosique afin de rendre la cellulose plus accessible aux enzymes. D’une manière générale, le

prétraitement peut avoir plusieurs effets comme l’augmentation de la surface accessible, la diminution

de la cristallinité de la cellulose, la dépolymérisation partielle de la cellulose, la modification de la

structure de la lignine ou encore la dépolymérisation et la solubilisation des hémicelluloses et/ou de la

lignine. Taherzadeh and Karimi (2008) résument parfaitement les caractéristiques d’un prétraitement

idéal :

- Produire des fibres de cellulose réactives à l’attaque enzymatique

- Eviter la transformation de la cellulose et des hémicelluloses en produits de

dégradation tels que le 5-HMF et le furfural

- Eviter la formation d’inhibiteurs de l’hydrolyse enzymatique et de la fermentation

- Réduire le coût en énergie (ex : broyage) et le coût des installations (ex : corrosion lors

de l’utilisation d’acide, etc…)

- Consommer un minimum de produits chimiques, ces derniers devant avoir un faible

coût

- Produire le moins possible d’effluents (notion de sélectivité vers les produits d’intérêt

recherchés)

Pour atteindre ces objectifs, de nombreux prétraitements ont été mis au point et testés. Dans la

littérature, quatre grandes classes de prétraitement coexistent : les prétraitements physiques,

chimiques, physico-chimiques et biologiques (cf : I.2.C.1).

I.2.B.2.L’hydrolyse enzymatique

I.2.B.2.a.Production du cocktail enzymatique

Dans la nature, la biodégradation de la cellulose est aussi bien réalisée en aérobiose qu’en

anaérobiose par des microorganismes cellulolytiques, tels que les champignons et les bactéries. Parmi

les champignons cellulolytiques, Trichoderma reesi a été le plus étudié pour la production de

cellulases à l’échelle industrielle. En effet, outre sa production importante de cellulases très actives, ce

champignon produit également des hémicellulases, ce qui est un atout majeur pour la production de

sucre provenant des hémicelluloses.

I.2.B.2.b.Mise en œuvre

L’étape d’hydrolyse enzymatique permet la transformation de la cellulose en glucose et

s’effectue par simple contact du matériau lignocellulosique prétraité avec les enzymes. Cependant des

conditions précises doivent être respectées pour optimiser le rendement en sucres fermentescibles,

telles que le pH, la température et une agitation lente et régulière. Le rendement en sucres

fermentescibles va également dépendre du ratio entre la quantité d’enzymes et la quantité de biomasse

ainsi que du temps de réaction.

La dégradation de la cellulose est permise par l’action synergique de trois familles particulières

d’enzymes. On distingue (Figure I.8 et Tableau I.2):

- Les endo-1,4-β-D-glucanases (EGs) (E.C.3.2.1.4) qui hydrolysent aléatoirement les

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des oligosaccharides de différentes longueurs et par conséquent de nouvelles

extrémités réductrices et non réductrices. Ces enzymes facilitent l’action des

cellobiohydrolases et sont responsables de la diminution du degré de polymérisation

moyen de la cellulose. Elles représentent un peu moins de 20 %pds MS d’un cocktail

enzymatique standard (Bayer et al. (1998)).

- Les exo-1,4-β-D-glucanases ou cellobiohydrolases (CBHs) (E.C.3.2.1.91) qui agissent

de manière processive sur les extrémités des chaînes de glucose permettant ainsi la

libération du cellobiose. Il en existe deux types : les CBHI qui agissent sur les

extrémités réductrices et les CBHII qui agissent sur les extrémités non réductrices.

Elles représentent environ 60 %pds MS du cocktail enzymatique standard (Ballerini

and Alazard-Toux (2006)).

- Les β-glucosidases (BGs) (EC 3.2.1.21) hydrolysentles cellodextrines et les

cellobioses en glucose (Jørgensen et al. (2007)).

Les EGs et les CBHs agissent directement sur le substrat solide après adsorption sur celui-ci

tandis que les BGs agissent en phase liquide sur les cellobioses solubles.

Figure I.8 : Représentation schématique de l’hydrolyse enzymatique de la cellulose (EG :

endoglucanase ; CBH : Cellobiohydrolase ; BG : β-glucosidase) (Huron et al. (2016))

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Tableau I.2 : Caractéristiques des enzymes présentes dans les cocktails enzymatiques pour l’hydrolyse

de la biomasse lignocellulosique

Endoglucanases Cellobiohydrolases β-glucosidase

Abréviation EG (I, II, III, IV, V) CBH I CBH II BG

Structure CB (site catalytique) + liaison peptidique + CBD (Cellulose Binding Domain) CB

Adsorption Faible 40% réversible 100% réversible -

Mode d’action Aléatoire sur les zones

amorphes

Processive à partir des extrémités des chaînes

Hydrolyse terminale

Réductrice Non réductrice

Produit libéré Cellobiose + ouverture

de chaînes Cellobiose, glucose, cellotriose

Glucose

Inhibiteur

principal Cellobiose Cellobiose

Glucose

Actuellement un grand nombre de cocktails enzymatiques, comme Celluclast 1.5L, Cellic

CTec2, Cellic CTec3 et GC220, sont disponibles dans le commerce et sont obtenus principalement à

partir de Trichoderma reesi, d’Aspergillus niger et de Bacillus subtilis .Généralement les productions

des deux dernières souches permettent de supplémenter le cocktail enzymatique de Trichoderma reesi

en BGs car ce dernier est souvent limité en β-glucosidases.

I.2.B.3.La fermentation

Après l’hydrolyse de la cellulose en glucose, l’étape de fermentation permet de transformer les

sucres fermentescibles en éthanol. On distingue deux types de fermentation, l’une par des levures et

l’autre par des bactéries.

En fermentation par les levures, Saccharomyces cerevisiae est largement utilisée en industrie.

Cependant cette levure n’est pas capable de transformer les pentoses, notamment le xylose, en éthanol.

D’autres levures telles que Pichiastipitis ou Candida shehatae peuvent le convertir mais leurs

performances restent faibles. A l’heure actuelle, des études sont menées pour modifier le génome de S.

cerevisiae soit par action recombinante, soit par pression sélective afin de la rendre capable de

transformer le xylose en éthanol (Chu et al. (2007)). En 2012, par exemple, Aresta et al. (2012)ont

réussi à produire une souche de S. cerevisiae recombinée qui permet la fermentation du xylose dans

son intégralité.

En fermentation par les bactéries, la conversion des pentoses (sucres à 5 atomes de carbone :

xylose, arabinose) en éthanol est possible grâce à certaines espèces bactériennes thermophiles

(Clostridium thermohydrosulfuricum) ou mésophiles (Escherichia coli).

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I.2.B.4.Les différentes configurations

Différentes configurations peuvent être utilisées durant le processus de bioconversion de la

biomasse lignocellulosique. En effet les étapes d’hydrolyse enzymatique et de fermentation peuvent

être réalisées soit en simultané, soit séparément. Comme le montrent Danquah et al. (2011), on

distingue principalement 3 types de configuration :

- L’hydrolyse et la fermentation séparées (Separate Hydrolysis and

Fermentation = SHF) (Figure I.9 / A). Dans cette configuration, le substrat prétraité

est séparé afin de récupérer la cellulose et la lignine d’un côté et un jus riche en sucres

C

5

de l’autre, provenant de l’hydrolyse des hémicelluloses. Le mélange

cellulose + lignine est ensuite hydrolysé en glucose (C

6

) dans une étape d’hydrolyse

enzymatique, puis les sucres C

6

sont fermentés en éthanol dans un second réacteur. Le

jus C

5

peut aussi être fermenté dans un troisième réacteur. Cette méthode permet de

réaliser l’hydrolyse enzymatique et la fermentation, chacune dans leurs conditions

optimales de température et de pH. De plus l’étape de fermentation est facilitée car la

quantité de substrat solide après hydrolyse est diminuée. Cependant cette configuration

possède deux inconvénients. Premièrement, les cellulases et les β-glucosidases sont

fortement inhibées par l’accumulation de cellobiose et de glucose dans le réacteur.

Deuxièmement, l’hydrolyse enzymatique peut subir à tout moment une contamination

microbienne à cause de la concentration élevée en glucose car le matériel n’est

généralement pas stérilisé pour des raisons de coût et de disponibilité.

- L’hydrolyse et la fermentation simultanées du glucose (Simultaneous Saccharification

and Fermentation = SSF) (Figure I.9 / B). Ici, l’hydrolyse et la fermentation du

glucose se font simultanément, c’est-à-dire que le glucose libéré par l’hydrolyse

enzymatique est rapidement converti en éthanol par des levures présentes dans le

même réacteur. Cette configuration a été élaborée par Gauss en 1976 dans un brevet

où les auteurs ont montré que le rendement en éthanol était maximisé par rapport au

procédé SHF (Gauss et al. (1976)). Cette augmentation est permise par l’élimination

rapide du glucose et du cellobiose qui sont des inhibiteurs de l’hydrolyse enzymatique.

Ce procédé permet également d’utiliser une quantité inférieure d’enzymes par rapport

à la SHF et d’éviter un risque de contamination grâce à la consommation rapide par les

levures du glucose produit par les enzymes. Le principal inconvénient de cette

technique est qu’un compromis doit être fait sur la température. En effet les optimums

de température pour les enzymes et les levures sont différents. La température du

réacteur de SSF est généralement autour de 32-38°C pour garantir la survie des

levures. Elle est donc plus faible que la température idéale d’hydrolyse enzymatique

qui est plus proche de 50°C. Cette baisse de température réduit la vitesse d’hydrolyse

enzymatique qui est, tout ou en partie, compensée par l’absence de glucose inhibiteur.

- L’hydrolyse et la co-fermentation simultanées des sucres C

5

(xylose, arabinose) et C

6

(glucose, galactose, mannose) (Simultaneous Saccharification and

Co-Fermentation = SSCF) (Figure I.9 / C). La SSCF est une variante de la SSF dans

laquelle l’hydrolyse enzymatique et la fermentation des sucres C

5

et C

6

se font dans un

même réacteur. Ce procédé se fait soit en mono soit en co-culture de microorganismes,

c’est pourquoi la levure S.cerevisiae recombinée est majoritairement utilisée dans

cette configuration car elle permet la fermentation des C

5

et des C

6

en simultané (cf.

§ I.2.C.1.d). Ce procédé possède les mêmes avantages et inconvénients que la SSF.

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Pour cette configuration également, un compromis doit être trouvé sur la température

(Danquah et al. (2011)).

Figure I.9 : Schéma des différentes configurations possibles de la biomasse lignocellulosique

prétraitée pour la production d’éthanol (A. Configuration SHF ; B/ Configuration SSF ; C/

Configuration SSCF) (Aresta et al. (2012))

Pour l’ensemble des configurations, il existe un inconvénient global. En effet, les levures et les

enzymes ne peuvent pas être réutilisées car il est difficile de les séparer du mélange réactionnel du fait

de leur adsorption sur le substrat. Enfin, il est quasiment impossible de travailler à haute concentration

en matière sèche car cela occasionne des difficultés de mélange et de transfert de matière et de chaleur.

I.2.B.5.La distillation

La distillation est la technique la plus couramment utilisée pour séparer et purifier les

composés d’un mélange. Elle repose sur l’évaporation partielle d’un composé suivie de la

condensation des vapeurs obtenues pour retrouver le composé purifié, ici l’éthanol, sous forme liquide.

Le procédé utilise donc la différence de volatilité entre les constituants afin de les séparer. Il faut

remarquer que le distillat obtenu n’est pas un produit pur, l’opération de vaporisation-condensation

doit donc être répétée afin de concentrer davantage le produit volatil. Pour ne pas répéter cette étape,

une distillation fractionnée (ou par rectification) peut être envisagée.

I.2.C.Focus sur les différents types de prétraitement et leurs impacts