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Érythroblastopénie d’origine infectieuse

CAS CLINIQUE N° 3

III.4. LES ETIOLOGIES DES ERYTHROBLASTOPENIES

III.4.2. Les érythroblastopénies acquises

III.4.2.2. Érythroblastopénie d’origine infectieuse

 Parvovirus B19

Le Parvovirus B19 (PVB19) a été découvert et identifié en 1975, au Royaume-Uni, par Cossart et al. qui mirent en évidence la présence de particules virales dans un isolat sérique intitulé B19 [32]. Ceci explique la dénomination du virus alors qu’il n’existe pas de Parvovirus B1 à B18.

Le parvovirus B19 est un érythrovirus de la famille des parvoviridae de 20-25 nm de diamètre, non enveloppé, isocaédrique, dont l’acide désoxyribonucléique (ADN) comporte 5,54 Kb (Figure.7). Cinq protéines sont produites dans les cellules infectées : une protéine de régulation NS1, les deux protéines de capsides VP1 et VP2 et deux protéines de 7,5 et 11 KDa [33].

La protéine VP1 diffère de VP2 par un ajout de 227 acides aminés dans la partie N-terminale de VP1 qui représente la région VP1 unique (VP1u) [34]. VP1u est exposé à la surface de la capside et porte les épitopes majeures de neutralisation. Elle joue un rôle essentiel dans la réponse immunitaire. VP1u a e´également une activité´ phospholipase A2 qui joue un rôle nécessaire dans l’infection à PVB19 et dans la production d’auto-anticorps et des anticorps antiphospholipides qui peuvent être impliqués dans la physiopathologie des maladies systémiques [35].

En ce qui concerne les protéines non structurales, la protéine NS1 joue un rôle essentiel dans la réplication et la transcription virale. Elle induit également la mort des précurseurs érythroïdes par apoptose via un arrêt en phase G1 du cycle mitotique. La NS1 peut également réguler la production des cytokines

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(IL6, TNF-a) dans les cellules infectées et jouer ainsi un rôle important dans la réaction inflammatoire chronique. Il existe également deux autres protéines non structurelles : une de 11 KDa et une autre de 7,5 KDa. Une récente étude a montré que la protéine de 11 KDa jouerait un rôle plus important que NS1 dans l’induction de l’apoptose des précurseurs érythroïdes [36].

L’antigène P de groupe sanguin ou globoside est le récepteur principal du B19 (Figure. 8). Cet antigène est présent sur les globules rouges et les érythroblastes. Il est également présent à la surface des cellules endothéliales, des trophoblastes, des tissus interstitiels du placenta, des myocytes, des cellules synoviales, de certaines cellules hépatiques, des plaquettes et des mégacaryocytes, et des fibroblastes [37].

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Figure 8 : Interaction du parvovirus B19 avec son récepteur l’antigène P et son

corécepteur a5ß1 à la surface de la cellule érythroïde [38]

Le cycle de réplication des parvovirus se déroule en phase S du cycle cellulaire ; le B19 se multiplie préférentiellement dans des cellules qui se divisent beaucoup, et tout particulièrement dans les progéniteurs érythroïdes de la moelle osseuse. L’infection in vivo et in vitro des progéniteurs érythroïdes se caractérise par la présence d’inclusions nucléaires, constituées de particules virales. Ces inclusions s’associent à la margination de la chromatine et la formation de vacuoles et la déformation du cytoplasme. La présence de proérythroblastes géants possédant ces caractéristiques (Figure. 9), est souvent pathognomonique de l’infection in vivo.

Le parvovirus B19 est un virus ubiquitaire, responsable d’infections sous forme de poussées épidémiques, principalement chez les enfants d’âge préscolaire. D’après des enquêtes sérologiques menées chez des donneurs de sang, il semble que 60 % de la population adulte ait été exposée à ce virus.

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La période d’incubation varie de 6 à 18 jours mais elle peut atteindre 28 jours au cours de certaines épidémies. Durant la phase virémique, le virus est détecté dans les sécrétions orales et nasales et le patient peut transmettre l’infection. À la phase éruptive et des manifestations articulaires, le patient n’est plus contagieux. La transmission du virus se fait principalement par voie aérienne et par voie verticale mère–enfant. La transmission par transfusion est possible car les procédés d’inactivation ne suffisent pas à éliminer le virus ; ce mode de contamination est exceptionnel avec les transfusions de globules rouges et de plaquettes, dans la mesure où la virémie est brève mais elle pourrait être plus importante avec les concentrés de facteur VIII ou IX, réalisés à partir de milliers de plasma.

Chez les sujets ayant une érythropoïèse normale, l’infection par le PVB19 produit une érythroblastopénie qui reste cliniquement inapparente. Le virus est neutralisé par une réaction immunitaire spécifique à médiation humorale mettant en jeu des immunoglobulines G (IgG) dirigées contre l’antigène de capside viral VP1.

Chez l’enfant immunocompétent, dans les rares cas où l’infection est symptomatique, le parvovirus B19 est l’agent de l’erythema infectiosum ou 5ème maladie. Chez l’adulte immunocompétent, l’infection peut se manifester par des arthralgies ou des arthrites non destructrices ou, de façon plus exceptionnelle, par une vascularite systémique et/ou une myocardite [39].

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Cinquante pour cent environ des femmes enceintes sont séronégatives pour le parvovirus B19. En cas de primo-infection, le risque de transmission fœtale lors de la virémie est de l’ordre de 30 %. Les conséquences de l’infection du fœtus sont sévères, une mort fœtale in utero ou une fausse couche survenant dans 5 à 9 % des cas [40].

L’infection au parvovirus B19 est responsable de la majorité des cas d’érythroblastopénie chez les patients atteints d’anémie hémolytique chronique. Les maladies hémolytiques les plus sensibles à l’infection par ce virus comprennent la drépanocytose, la thalassémie, l’hémoglobinose C, la sphérocytose, l’elliptocytose, le déficit en pyruvate kinase, mais aussi les anémies hémolytiques auto-immunes et l’hémoglobinurie paroxystique nocturne [41].Le tableau habituel est celui d'une majoration brutale de l’anémie. Cette dernière est régénérative et souvent très profonde car, chez ces patients, la durée de vie des hématies est brève et plus ou moins compensée par une importante hyperplasie érythroblastique. On conçoit dès lors qu'un arrêt brutal de l'érythropoïèse entraîne une chute très rapide du taux d'hémoglobine. Inconstamment une neutropénie et une thrombopénie modérée peuvent coexister via les phénomènes de séquestration splénique. L'interrogatoire retrouve souvent, dans les jours précédents, un malaise général, une rhinopharyngite, de la fièvre, des douleurs abdominales. Le diagnostic repose sur les caractères de l'anémie et ne nécessite pas le recours au myélogramme qui confirmerait l'absence d'érythroblastes ou la seule présence de rares proérythroblastes géants, avec des lignées granuleuse et mégacaryocytaire normales. Dans certains cas, la sévérité de l'anémie et sa mauvaise tolérance clinique peuvent justifier des transfusions de culots globulaires. Ces crises érythroblastopéniques sont de brève durée, l’érythroblastopénie se corrige en 8 à 10 jours et l'on n'observe jamais de rechute ultérieure [42].

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Chez les malades ayant un déficit immunitaire, une érythroblastopénie peut également survenir suite à une infection par le parvovirus B19. Dans ce cas, la charge virale est souvent élevée (> 1012 copies/ml) et l’érythroblastopénie persistante s’accompagne d’une anémie chronique. L’immunosuppression sous-jacente peut être constitutionnelle, comme dans le syndrome de Nezelof [43] – responsable d’un déficit immunitaire cellulaire avec lymphopénie T profonde, sans hypogammaglobulinémie mais avec un probable déficit humoral fonctionnel associé - ou acquise chez des malades infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) [44] ou recevant des traitements immunosuppresseurs. Parmi ces derniers, les patients recevant une transplantation d’organe semblent être les plus touchés [45], ainsi que les patients allogreffés de moelle osseuse [46], ou traités par l’alemzumab (anticorps monoclonal anti-CD52) ou le rituximab (anti-CD20) [47].

Quelques observations d’érythroblastopénie associée à une infection par le parvovirus B19 ont été rapportées chez des patients ayant une hypogammaglobulinémie [48]. Des cas d’érythroblastopénie associée à une infection par le parvovirus B19 ont enfin été rapportés chez des sujets immunocompétents [49]. Cependant, dans ces observations, aucune exploration fine de l’immunité n’a été effectuée.

Le diagnostic de certitude d’une érythroblastopénie liée au parvovirus B19 repose sur la recherche directe de virus circulant par hybridation de l’ADN viral ou par amplification en chaîne (polymerase chain reaction [PCR]), technique qui supplante largement les méthodes sérologiques (détection des IgM et des IgG), en particulier chez l’immunodéprimé, chez qui la virémie persiste, en partie au moins du fait de l’absence de séroconversion. Le myélogramme peut permettre de mettre en évidence chez ces patients des proérythroblastes géants, qui sont très caractéristiques de l’infection des précurseurs érythrocytaires par le parvovirus B19 [50].

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Figure 9 : Gigantoproérythroblaste ou pronormoblaste géant infecté par le parvovirus B19.

Le cytoplasme restant est basophile et vacuolé. On retrouve les inclusions nucléaires pathologiques typiques [51]

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 Autres agents infectieux

Les autres agents infectieux potentiellement responsables d’érythroblastopénie sont essentiellement les virus des hépatites A, B et C (une vingtaine d’observations recensées), le virus d’Epstein-Barr (EBV),le cytomégalovirus (CMV),le virus d’immunodéficience humaine (VIH)[52]. L’érythroblastopénie n’est alors pas la conséquence d’une infection du proérythroblaste, mais de mécanismes immunologiques mettant en jeu des lymphocytes T dirigés contre les précurseurs érythroïdes.

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III.4.2.3. Érythroblastopénies associées à une hémopathie ou à une

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