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Énergie marémotrice (énergie potentielle et cinétique des marées)

Chapitre I GÉNÉRALITÉS SUR LES ÉNERGIES DE LA MER

I.6. Énergie marémotrice (énergie potentielle et cinétique des marées)

L’énergie marémotrice est certainement la 1ère énergie issue de la mer à avoir rendu service à l’homme et pourtant elle reste aujourd’hui encore très peu développée dans la production de l’électricité.

I.6.1. Principe de fonctionnement

L’énergie marémotrice vient du mouvement des masses d’eau créé par les marées sous l’influence des forces gravitationnelles qu’exercent la Lune et le Soleil sur la Terre. Comme pour la houle, deux formes d’énergie en découlent :

 l’énergie cinétique qui est liée au déplacement de la masse d’eau (le courant de marée) est exploitée par les turbines hydroliennes comme on le verra dans la partie suivante

 l’énergie potentielle qui provient de l’élévation du niveau de la mer et fait l’objet de cette partie.

Les usines marémotrices sont des systèmes à barrage, qui bouchent un estuaire par exemple, et de retenue d’eau. Des vannes et des turbines sont installées dans le barrage. Une chute d’eau minimale est nécessaire pour produire de l’électricité. Le principe de fonctionnement est alors identique à celui d’une centrale hydroélectrique. Lorsque la hauteur d’eau de chaque côté du barrage est suffisante, le système est activé et la chute d’eau actionne ainsi une turbine qui entraîne elle-même un générateur d’électricité.

À marée montante, les vannes du barrage sont ouvertes (figure I-16). La mer envahit alors le bassin de retenue ce qui a pour effet d’élever le niveau d’eau du bassin. Une fois la marée haute atteinte, les vannes du barrage sont fermées. On attend ensuite la marée basse pour activer la turbine grâce à la chute d’eau (figure I-17).

Figure I-16 : Fonctionnement d'une usine marémotrice à marée montante

Figure I-17 : Fonctionnement d'une usine marémotrice à marée descendante

Les usines de ce type sont peu nombreuses mais il existe des projets en cours d’étude.

I.6.2. Usines en fonctionnement et projets

L’usine marémotrice de la Rance (voir figure I-18) près de Saint-Malo (France), en fonction depuis 1966, reste aujourd’hui encore la construction industrielle la plus importante exploitant l’énergie potentielle des marées. Constituée de 24 générateurs bulbes de 10MW chacun spécialement conçus pour fonctionner en pompage ou en turbinage [16], elle produit chaque année 544GWh (pompage déduit) et peut alimenter une ville de 250000 habitants. Cette technologie bénéficie d’une expérience unique depuis plus de 40 ans et fait preuve d’une remarquable fiabilité puisqu’aucun problème majeur de fonctionnement n’a été relevé [17].

Son exploitation optimale reste complexe et dépend de l’amplitude des marées (marnage). Il est possible d’améliorer la quantité d’énergie produite en modifiant légèrement le fonctionnement de l’usine grâce aux groupes bulbes. Pour le barrage de la Rance, 2 cycles de fonctionnement sont utilisés [17] :

I.6.2.1. Simple effet

C’est quasiment le principe décrit plus haut. La marée montante une fois terminée, les vannes sont fermées. Le niveau d’eau entre la mer et le bassin est identique. A ce moment-

par les groupes bulbes permet de surélever le niveau d’eau de l’estuaire s’il n’est pas suffisamment important. Puis ils sont stoppés. Les groupes sont couplés en turbines et activés un peu avant la marée basse. Le volume d'eau pompé sous faible chute est cette fois turbiné sous une chute plus importante. La production s'en trouvera accrue puisque l’énergie produite est 2 fois plus grande que l’énergie absorbée. Les groupes bulbes turbinent ici uniquement dans un sens : du bassin vers la mer. La production est entièrement dépendante du rythme des marées. C’est un cycle parfaitement adaptée aux marées moyennes ou de mortes eaux.

I.6.2.2. Double effet

C’est dans ce cas que réside l’intérêt des groupes bulbes qui tournent dans les 2 sens, à marée montante et à marée descendante. Le procédé est utilisé lors des grandes marées dont le marnage est supérieur à 12m, une semaine par mois en moyenne. Quand la marée est basse, le comportement est identique à celui du simple effet : l’eau de l’estuaire se déverse dans la mer en produisant de l’énergie. Pendant la marée haute, c’est l’inverse et les groupes bulbes sont ainsi utilisés en sens inverse, de la mer vers le bassin. Ils sont activés lorsque l’estuaire se trouve à son niveau le plus bas et que la mer est la plus haute. Le pompage est également utilisé pour diminuer le niveau du bassin et accroître ainsi la production lors du turbinage inverse.

Figure I-18 : Usine marémotrice de la Rance

Au bout de 40 ans de service, l’énergie produite est largement rentable, la technologie est mature et l’industrialisation du procédé est prouvée malgré un investissement de départ très élevé. Le coût d’une usine de la taille de celle de la Rance incluant tout l’aménagement nécessaire atteindrait aujourd’hui environ 850M$ [18].

A l’heure actuelle, peu d’usine sont en fonctionnement. L’usine marémotrice du site d’Annapolis dans la Baie de Fundy produit 50GWh/an depuis 1984 et le site de Kislogubsk sur les bords de la mer Blanche en Russie ne produit que 0,4MW. La Corée du Sud envisage de lancer dans le courant de l’année 2009 la construction d’un ouvrage identique à celui de la Rance mais de 250MW [6]. Elle étudie également le projet d’un barrage de 500MW dans la baie de Garolim. Le Royaume-Uni vient de relancer les études dans l’estuaire de la Severn en prévoyant l’intégration de concepts innovants comme les lagons artificiels ou les centrales à multiples bassins. Ils utilisent des écluses et des turbines pour produire l’électricité au rythme des marées. Le fonctionnement est identique à une

Mer La Rance Barrage 6 vannes Écluse 720m Usine marémotrice 24 groupes

usine marémotrice mais ne bouche pas l’estuaire. Ces projets n’en sont encore qu’à la phase d’études préliminaires [19].

I.6.3. Caractéristiques des usines marémotrices

Le principal avantage de la ressource marémotrice est sa parfaite prédictibilité que ce soit à court ou long terme contrairement à la ressource éolienne. Le barrage tout entier peut servir de route comme c’est le cas pour l’usine de la Rance. En revanche, la ressource est intermittente car la production dépend de la marée.

Le choix du site est délicat et son aménagement est un chantier long et coûteux. Le marnage doit être d’au moins 5 m et les sites doivent naturellement retenir une quantité d’eau très importante pour profiter au mieux de la ressource. Le marnage de la baie de Fundy (Nouvelle-Écosse, Canada) est le plus élevé de la planète puisqu’il peut atteindre 16m [20] à certaines périodes de l’année tandis que celui de l’estuaire de la Rance avoisine 14m. De plus, la composition des sols doit permettre à l'usine de rester en équilibre. Pour le site de la Rance, le socle rocheux étant du granit, roche dure et non friable, la construction de l’édifice en béton ne posa pas de problème. Les sites suscitant l’intérêt sont plutôt rares à causes de ces contraintes topologiques et hydrodynamiques. De ce fait, beaucoup de projets sont tombés à l’eau. Ces inconvénients majeurs expliquent pourquoi l’énergie marémotrice reste sous utilisée dans le monde et seulement 90% de l’électricité issue de cette filière provient du barrage de la Rance. Par exemple, une usine de 5,3GW dans la baie de Fundy et une autre de 8,64GW dans l’estuaire de la Severn (Angleterre) qui étaient en phase d’étude depuis plusieurs décennies ont été abandonnés [19]. Le projet de la Severn, s’il avait vu le jour, aurait coûté 15G$ [18].

Les usines marémotrices bouleversent l’écosystème. Pendant 3 ans, l’estuaire de la Rance fut totalement isolé de la mer pour mener à bien la construction du barrage ce qui a eu pour effet de transformer la rivière en un lac. La suppression des marées qui permettait un brassage de la rivière a entrainé une sédimentation excessive et la disparation quasi-totale de la faune et de la flore locales. Les études sur place ont montré qu’il fallu entre 10 et 15 années après la mise en service de l’usine pour que l’estuaire de la Rance retrouve une faune marine et une flore riches et diversifiées mais différentes de celles existant avant

l’installation de l’usine. Les marées artificielles engendrées en fonction de la stratégie d’exploitation d’EDF n’ont pas permis aux gros poissons autrefois présents de repeupler en totalité l’estuaire, les turbines empêchant de nombreuses espèces marines de remonter la rivière. Des espèces plus petites et rapides les ont remplacés. Se pose aussi le problème de l’envasement de la rivière lié à la retenue d’eau. Bien que l’usine de la Rance ait modifié l’écosystème local et soit le seul exemple où il est possible d’évaluer son impact sur l’environnement, on ne peut pas affirmer que son effet s’est avéré néfaste sur la faune et la flore sur le long terme.

I.6.4. Potentiel

Bien que le potentiel mondial techniquement exploitable par les procédés actuels basés sur l’élaboration de barrages soit difficile à calculer, il pourrait se situer aux alentours de 600TWH/an [6]. Ceci ne représente qu’une fraction des besoins mondiaux en électricité qui s’élevaient à 19000TWh en 2006.

L’utilisation de l’énergie marémotrice par la construction de barrage bouchant un estuaire requiert une infrastructure très lourde et très couteuse entrainant des dommages à la faune et la flore locale. Les emplacements disponibles pour une exploitation industrielle sont peu nombreux malgré une ressource facilement prévisible. Néanmoins l’idée de construire des lagons artificiels ou des bassins pourraient offrir de nouvelles possibilités en vue d’exploiter à l’énergie potentielle des marées. Pour le moment aucun de ces concepts n’est en phase de construction. Il est possible que dans un proche avenir l’exploitation de l’énergie marémotrice sous sa forme potentielle soit abandonnée au profit de sa composante cinétique dont l’exploitation est nettement moins contraignante.

I.7.

Énergie hydrolienne (énergie cinétique des courants