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Énergie élastique sur un réseau de ressorts triangulaire

Chapitre 5 : Étude asymptotique d’un réseau de ressorts isotrope 139

5.2.1 Énergie élastique sur un réseau de ressorts triangulaire

On considère dans cette section une triangulation quelconque τ du domaine D. On renvoie à l’annexe A pour une définition des notations utilisées. On note W (τ, R2) l’espace des éléments finis P 1 défini sur le maillage τ. On note également Wadm(τ, R2) l’ensemble des déplacements admissibles :

Wadm(τ, R2) = u ∈ W (τ, R2) ∀ω ∈ τ2,∀q1, q2 ∈ τ0 ∩ ω, q1 6= q2, q1+ u(q1)6= q2+ u(q2) . On souhaite construire un réseau de ressorts sur τ tel que l’énergie totale Eτ soit équi-coercive. On rappelle que l’énergie totale est équi-coercive si elle vérifie :

∀u ∈ W (τ, R2), Eτ(u)≥ C k∇uk2,

pour une constante de coercivité C > 0 qui ne dépend pas du maillage τ choisi.

L’équi-coercivité s’obtient facilement si l’on se restreint aux triangulations régulières du plan, i.e. les triangulations qui ne contiennent pas de triangles aplatis. Ce n’est pas le cas ici, puisque l’on utilisera des triangulations construites sur un processus de Poisson. En particulier, dans cette famille de triangulations, on peut trouver des triangles quasiment plats. On renvoie le lecteur à l’expression de la loi du simplexe typique d’un maillage de Poisson Delaunay, donnée à la proposition 4.5.2.

Paragraphe 5.2. Description du problème 143

Pour remédier à ce manque de coercivité, on va placer sur τ deux types de ressorts : des ressorts de traction et des ressorts de torsion. Notons que, contrairement au chapitre 3, les ressorts de torsion n’ont pas pour but d’empêcher les effets de cisaillements. En effet, sur un maillage du plan à base triangulaire, un réseau de ressorts de traction n’est pas invariant par cisaillements. Cependant, les ressorts de torsion sont ici essentiels pour assurer la coercivité de l’ensemble. De plus, ils permettent de rajouter un degré de liberté au système, et d’obtenir, au moins dans le cas de la limite simple, un coefficient de Poisson qui dépende des constantes de raideur du maillage.

Les constantes de raideur des ressorts de traction et de torsion dépendent des angles du triangle de base des ressorts, et elles tendent vers l’infini si l’angle correspondant tend vers 0. La vitesse d’explosion est spécialement calibrée. Elle est suffisamment rapide pour que la suite des réseaux de ressorts soit coercive, et suffisamment lente pour que l’espérance de l’énergie élastique, à déplacement fixé, soit finie.

Dans tout ce chapitre, les constantes de rigidité des réseaux de ressorts sont supposées constantes. Les résultats présentés se généralisent sans difficulté au cas ou ces constantes dépendent de manière régulière du point du matériau D.

On note dès à présent Rτ l’énergie du réseau de ressorts de traction, et Tτ l’énergie du réseau de ressorts de torsion. On note de plus :

Eτ = Rτ + Tτ,

l’énergie totale sur le réseau τ. On note également, pour tout triangle t ∈ τ2 du maillage, ν1, ν2 et ν3 ses trois cotés, ainsi que θ1, θ2 et θ3 les trois angles opposés. On renvoie à la figure 5.1 pour une illustration.

Ressorts de traction

On commence par définir l’énergie élastique du réseau de ressorts de traction Rτ, et on renvoie à la figure 5.3. On note k > 0 la constante de rigidité du réseau. On place, sur chaque arrête νi de chaque triangle t du maillage, un ressort de traction de longueur à vide li =|νi| et de raideur ki, avec :

∀i ∈ Z/3Z, ki = k sin(θi).

Si ϕ ∈ W(τ, R2)est une déformation du réseau de ressort, et u = ϕ−Id est le déplacement associé, l’énergie élastique discrète de l’assemblage vaut :

Rτ(u) = Rτ(ϕ− Id) =X t∈τ2 3 X i=1 k 2sin(θi)(|ϕ(νi)| − |νi|)2 =X t∈τ2 3 X i=1 k|νi|2 2sin(θi)(k∇ϕeνik − 1)2.

Notons que, sur chaque arrête ν de l’intérieur du maillage τ reposent deux ressorts de traction. On obtient bien évidemment un unique ressort équivalent en sommant les deux rigidités.

Ressorts de torsion

On définit maintenant l’énergie Tτ, et on renvoie à la figure 5.4. On note G > 0 la constante de rigidité de torsion du réseau. On place, sur chaque angle θi de chaque triangle t du maillage, un ressort de torsion de raideur Gi :

∀i ∈ Z/3Z, Gi = Gi+1| |νi+2| sin(θi) .

Si ϕ ∈ W(τ, R2)est une déformation du réseau de ressort avec u = ϕ − Id est le déplace-ment associé, et si de plus u est dans Wadm(τ, R2), l’énergie élastique discrète de l’assemblage vaut : Tτ(u) = Tτ(ϕ− Id) =X t∈τ2 3 X i=1 G|νi+1| |νi+2|

2sin(θi) (∠(ϕ(νi+1), ϕ(νi+2))− ∠(νi+1, νi+2))2, avec ∠(·, ·) l’angle entre deux vecteurs du plan.

Extension à H1(D, R2) et changement d’échelle

On rappelle que l’on a l’inclusion :

W(τn, R2)⊂ H1(D, R2),

et on renvoie à l’annexe A pour plus de détails. On a également la propriété de densité presque sûre suivante.

Proposition 5.2.1. On a presque sûrement la propriété de densité suivante : pour toute

fonction u ∈ H1(Ω, R2), il existe une suite (un)n∈N⊂ H1(Ω, R2) telle que :

∀n ∈ N, un∈ Wadmn, R2),

et qui converge vers u pour la norme H1(Ω, R2).

Démonstration. C’est une conséquence directe de la densité de Wadm(τ, R2) dans W (τ, R2). On étend donc les énergies élastiques définies sur les réseaux de manière naturelle à H1(D, R2), en notant : Rτ: H1(D, R2)→ R Tτ: H1(D,R2)→ R u7→ ( Rτ(u)si u ∈ W(τ, R2), +∞ sinon, u7→ ( Tτ(u)si u ∈ Wadm(τ, R2), +∞ sinon.

On définit maintenant la suite d’énergies élastiques définies sur la suite des réseaux (τn)n∈N. On introduit un changement d’échelle des énergies (Eτn)n∈N pour prendre en compte

Paragraphe 5.2. Description du problème 145

l’hypothèse des petits déplacements. Soit (εn)n∈Nune suite positive qui tend vers 0. On note, pour tout entier n ∈ N :

Rn: H1(D, R2)→ R u7→ ε−2n Rτnnu), Tn: H1(D, R2)→ R u7→ ε−2n Tτnnu), et on pose : En= Rn+ Tn.

On donne enfin une version modifiée des suites fonctionnelles (Rn)n∈N et (Tn)n∈N qui prenne en compte une condition de Dirichlet sur le bord de D. Soit donc v ∈ Lip(R2, R2) la donnée du bord. On note :

∀n ∈ Wv

n(τ, R2) =u ∈ Wadm(τ, R2) ∀p ∈ τ0,dist(p, ∂D) ≤ λn, u(p) = v(p) . On pose ensuite, pour tout entier n ∈ N :

Rvn: H1(D, R2)→ R Tnv: H1(D,R2)→ R u7→ ( Rn(u) si u ∈ Wv nn, R2), +∞ sinon, u7→ ( Tn(u)si u ∈ Wv nn, R2), +∞ sinon, ainsi que : Env = Rvn+ Tnv.

5.2.2 Présentation des résultats du chapitre

On énonce maintenant les théorèmes que l’on prouvera dans ce chapitre.

Théorème 5.2.1 (Convergence simple). On a presque sûrement la propriété suivante. Pour

toute fonction u ∈ C1(D, R2), il existe une suite de déplacements discrets (un)n∈Nadmissibles, i.e. :

∀n ∈ N, un ∈ Wadmn, R2),

et qui vérifie de plus :

∀u ∈ C1(D, R2), En(un)−−−−→n →+∞ Es(u), avec : Es(u) = Z D Kλ,µe(u) : e(u)dx,

où Kλ,µ est le tenseur de Lamé du matériau, qui vérifie :

∀e ∈ M2(R), Kλ,µe: e = λtr(e)2 + 2µtr(e2),

avec λ et µ les première et deuxième constantes de Lamé, qui valent :

λ= 32k|A| 9π2 +3G|A| 4 , µ= 32k|A| 9π23G|A| 4 .

Théorème 5.2.2 (Γ-convergence). Supposons que la suite de changements d’échelle (εn)n∈N vérifie : ∃α > 0, εn= o  1 λnn1/2+α  .

Alors, la suite de fonctionnelles redimensionnées (En)n∈N Γ-converge presque sûrement vers la fonctionnelle Ehom: L2(D, R2)→ R+ définie par :

Ehom(u) =    Z D Kλhhe(u) : e (u) dx si u ∈ H1(D, R2), +∞ sinon,

où Kλhh est le tenseur de Lamé homogénéisé du matériau, qui vérifie :

∀e ∈ M2(R), Kλhhe: e = λhtr(e)2+ 2µhtr(e2).

De plus, pour toute donnée au bord v dans Lip(R2, R), la suite de fonctionnelles (Ev n)n∈N Γ-converge presque sûrement vers la fonctionnelle Ev

hom: Lp(D, R2)→ R+ définie par :

Ehomv (u) =    Z D Kλhhe(u) : e (u) dx si u − v ∈ H1 0(D, R2), +∞ sinon.

Théorème 5.2.3 (Équi-coercivité). Soit (τn)n∈N une suite de maillages du plan et (un)n∈N

une suite de déplacements admissibles de H1(Ω, R2), i.e. vérifiant :

∀n ∈ N, un∈ Wadmn, R2).

On suppose de plus que cette suite de déplacements est bornée pour l’énergie :

∃C > 0, ∀n ∈ N, En(un)≤ C.

Alors la suite (un)n∈N est bornée dans H1(Ω, R2).