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L’émergence bienvenue du modèle de la faute organisationnelle de la personne morale en matière environnementale

environnementale à la personne morale

B. L’émergence bienvenue du modèle de la faute organisationnelle de la personne morale en matière environnementale

539 R. c. Walsh, 2011 NLCA 22, 305 Nfld. &P.E.I.R. 184, [2011] N.J. No. 96, conf. par 2010 NLTD 77, 296 Nfld.

& P.E.I.R. 293, [2010] N.J. No. 135 (S.C.)

540 Gisèle Côté-Harper, Pierre Rainville et Jean Turgeon, Traité de droit pénal canadien, 4e éd., Cowansville.

Yvon Blais, 1998, p. 635.

541 Paule Halley, Le droit pénal de l’environnement : l’interdiction de polluer, Cowansville, Éditions Yvon Blais,

2001, p. 168

La faute distincte de la personne morale, difficilement conciliable avec la fiction juridique qu’elle représente, s’impose comme le nouveau modèle d’imputation de l’infraction environnementale. Elle permet de mieux réprimer les atteintes à l’environnement sans tomber dans l’excès d’une répression démesurée.

1. Une autonomisation de la faute de la personne morale préexistante

Ce basculement de modèle s’observe tant en France qu’au Canada.

a) En France

Outre la jurisprudence permettant une présomption d’imputabilité des organes et représentants de la personne morale, l’autonomisation de la faute de la personne morale est présente dans le Code pénal.

La faute organisationnelle serait une faute directement imputable à l’organisation sans passer par la médiation d’un organe ou représentant. C’est la criminalité propre de l’entreprise qui est sanctionnée.

Au sein de l’article 121-2 du Code pénal, une première manifestation d’autonomisation se révèle. L’infraction doit être commise par un organe ou un représentant. La notion d’organe peut être collégiale. En ce sens, il n’y aurait pas besoin d’identifier la personne physique qui aurait commis l’infraction, mais simplement souligner que l’infraction relève de l’organe. Cela permet de dégager une responsabilité propre de la personne morale et d’éviter d’identifier la personne physique à l’origine de l’infraction.

Ceci serait particulièrement intéressant, car le droit pénal est souvent confronté à l’anonymat des assemblées délibérantes et exécutives. Effectivement, les décisions prises à l’issue d’un bulletin de vote secret empêchent toute identification, sans qu’aucun obstacle juridique puisse justifier l’impunité de la structure543. Ainsi la Cour de cassation a jugé dans une affaire que

l’anonymat des personnes physiques composant l’organe n’est pas un obstacle à la condamnation de la personne morale dès lors que l’infraction est caractérisée dans ses éléments matériels et intentionnels à travers l’organe544. C’est donc dans ce cas la faute organisationnelle

543 Juliette Tricot, « Le droit pénal à l’épreuve de la responsabilité des personnes morales : l’exemple français »,

(2012) 1 Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, p. 35

qui est sanctionnée. Plus précisément, c’est la faute diluée qui est reprochée à l’entreprise545.

Celle-ci engage la responsabilité pénale « sans fait caractérisé d’un organe ou représentant »546.La volonté de la personne physique se noie dans la volonté collective547. Cette

faute peut être autant diluée de façon verticale, à savoir au sein d’une hiérarchie avec une succession de délégation de pouvoir, ou de manière horizontale, c’est-à-dire la décision d’un organe collectif. S’ajoute un troisième cas, la faute diluée temporelle, celle dont la succession de décisions fautives de dirigeants conduit à la commission d’une infraction548.

Par ailleurs, le législateur autorise une responsabilité pénale directe de la personne morale grâce à l’article 121-3 du Code pénal. Depuis la loi Fauchon549, en cas d’infractions non

intentionnelles, seule la personne morale est responsable lorsque le lien de causalité entre le dommage et la faute simple est indirect. En revanche, la personne physique a bénéficié d’une dépénalisation. Sa responsabilité pénale ne peut plus être engagée en pareil cas. Cette loi a été impulsée par les élus locaux et les dirigeants qui déploraient que leur responsabilité pénale soit trop facilement engagée, pour toute infraction commise sous leur supervision. Cette réforme s’inscrit dans le mouvement entamé depuis quelques années par le législateur visant à alléger la responsabilité des décideurs au détriment de la personne morale. Ainsi, en cas de lien de causalité indirect, il faudra nécessairement prouver la consommation d’une faute délibérée ou caractérisée pour rendre punissable une personne physique550. L’article 121-3 dissocie la faute

commise par une personne physique et celle commise par une personne morale.

Il est difficile alors de concilier cette absence d’infraction avec la nécessité d’identifier la personne physique, organe ou représentant ayant commis l’infraction. La chambre criminelle

545 Selon l’expression de Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec, Droit pénal général, 12 éd., Paris, Économica,

2005, n°622.

546 Jean-Christophe Saint-Pau, « La responsabilité des personnes morales : réalités et fiction » dans le risque pénal

dans l’entreprise, Litec, coll. « Carré droit »2003, p. 71

547 Geneviève Giudicelli-Delage, « La responsabilité pénale des personnes morales en France », dans Aspects

nouveaux du droit de la responsabilité aux Pays-Bas et en France, Université de Poitiers, Collection de la Faculté de droit et de Sciences sociales, 2003, p. 194

548 Jean-Christophe Saint-Pau, « La responsabilité des personnes morales : réalités et fiction » dans le risque pénal

dans l’entreprise, Litec, coll. « Carré droit »2003, p. 71

549 Loi n°2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels, JO. 11 juillet

2000

550 Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage,

mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer.

affirme alors que les personnes morales sont responsables pénalement de toutes fautes non intentionnelles de leur organe ou représentant alors même qu’en l’absence de faute délibérée ou caractérisée au sens de l’article 121-3 alinéa 4, nouveau, la responsabilité pénale des personnes physiques ne pourrait pas être recherchée551. C’est ainsi que dans ces cas, la Chambre

criminelle se contente de la faute de la personne morale et non pas de l’infraction552.

Cette jurisprudence est contra legem. Elle se contente d’une simple faute là où l’article 121-3 du Code pénal exige que l’organe ou le représentant ait consommé une infraction. On se trouve ici face à une contradiction553 dès lors que l’on envisage la responsabilité de la personne morale

par le truchement de personne physique.

Cette réécriture de l’article 121-3 du Code pénal parait être un indice supplémentaire d’une autonomisation de la faute de la personne morale par rapport à la personne physique. Les prémices d’une telle autonomisation se situent dans la circulaire générale de la garde des sceaux de 1993554 : « La responsabilité pénale d’une personne morale pourra être engagée alors même

que n’aura été établie la responsabilité pénale d’une personne physique : en effet, ces infractions auront pu être commises par les organes collectifs de la personne morale sans qu’il soit possible de découvrir le rôle de chacun de leurs membres et d’imputer la responsabilité personnelle de l’infraction à un individu déterminé ». Le vœu du législateur lors de l’élaboration de la responsabilité des personnes morales était d’éviter l’identification d’une personne physique auteur de l’infraction commise pour le compte de la personne morale. Ceci est permis eu égard notamment à la notion d’organe.

La faute distincte ou personnelle de la personne morale serait alors sanctionnée. Cette idée est soutenue par l’article 121-3 du Code pénal alinéa 3 qui ne vise pas « l’infraction » mais les « mêmes faits ». C’est dire à demi-mot que l’infraction pourrait être consommée par la personne morale mais pas par la personne physique, à défaut d’élément moral555.

Enfin, une dernière autonomisation se profile dans les incriminations hors Code pénal. Ce sera le cas notamment des obligations de sécurité en droit du travail mais également en droit de

551 Cass. crim 2 oct. 2012

552 Cass. crim. 24 oct. 2000 n°00-80.378

553 Yves Mayaud, « Vers une nouvelle conception de la responsabilité des personnes morales du chef des délits

non intentionnels ? », (2006) Revue droit pénal et sciences criminelles, 825

554 Circ. Crim 93/9FI du 14 mai 1993

555 Jean-Christophe Saint-Pau « La responsabilité pénale d’une personne physique agissant en qualité d’organe ou

représentant d’une personne morale », dans mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Les droits et le droit, Dalloz, 2007, p. 1020

l’environnement où certaines infractions visent expressement une responsabilité pénale liée au pouvoir décisionnel. En droit pénal de l’environnement, il s’agira de l’article L.541-48 du Code de l’environnement ou encore l’article L. 218-18. L’infraction ne peut être imputée qu’à un agent présentant certaines qualités. Le juge devra alors retenir la responsabilité de la personne morale sans rechercher à identifier la personne physique556. Il y a alors dualité de responsabilité

et même d’irresponsabilité. Si par exemple un fait de pollution trouve son origine dans une décision économique de l’assemblée des actionnaires, la personne physique pourrait être relaxée alors que la personne morale serait condamnée557. Le principe d’indépendance des

responsabilités doit valoir tant eu égard aux causes d’exonération qu’aux conditions de responsabilité.

Dans ces cas, les responsabilités de la personne morale et de la personne physique sont exclusives. Les responsabilités sont distinctes car les fautes à même de permettre la condamnation sont de nature juridique distincte558.

Enfin, les responsabilités sont indépendantes lorsque l’élément moral de l’infraction suppose la recherche d’un intérêt personnel559. Si l’organe ou le représentant a cherché en commettant

l’infraction, l’intérêt de l’entreprise, il est impensable que cette infraction lui soit personnellement reprochée. C’est l’application faite par la jurisprudence560.

Reste à savoir si cette mutation du modèle consiste en une mutation vers un système organisationnel ou une sophistication du modèle identificatoire561. En réalité, cette approche

tant effectuée par le juge que par le législateur semble suivre un but ; responsabiliser l’entité morale pour déresponsabiliser les dirigeants.

L’appréhension de la faute distincte permet d’outrepasser l’anonymat ou l’opacité des décisions prises au sein des assemblées délibérantes et exécutives de la personne morale afin d’atteindre

556 Cass. crim. 20 juin 2006, n°05-85.255

557 Jean-Christophe Saint-Pau « La responsabilité pénale d’une personne physique agissant en qualité d’organe ou

représentant d’une personne morale », dans mélanges dédiés à Bernard Bouloc, Les droits et le droit, Dalloz, 2007, p. 1020

558 Id, p. 1018 559 Ibid

560 Cass. crim. 8 sept. 2004, n°03-85.826,

561 Juliette Tricot, « Le droit pénal à l’épreuve de la responsabilité des personnes morales : l’exemple français »,

les défaillances de la structure562. Le terrain de prédilection de la faute distincte de la personne

morale semble se manifester en matière non intentionnelle de sorte que la faute de la personne morale sera une faute objective. Ce sera la constatation d’un manquement à une obligation ou une négligence. En revanche, sur le terrain de la faute intentionnelle, la responsabilité directe de la personne morale est loin d’être acquise. Le droit français est réticent à constater une intention de l’être moral. Il demeure attaché à la fiction que représente la personne morale. Cela pose également la question des moyens de défense offerts à la personne morale.

b) Au Canada

La théorie de l’identification n’est pas adaptée à plusieurs égards. D’abord, lorsqu’un individu possédant des pouvoirs de gestion et de direction de la personne morale commet une fraude à l’encontre de celle-ci, devenant dès lors la victime de l’infraction. Dans ce cas, l’application de la théorie de l’identification parait inadaptée563. Or une personne morale en vertu de la théorie

de l’identification, s’est vue imposer une infraction, alors que l’individu a agi frauduleusement à l’encontre de la personne morale564. La personne morale ne peut se disculper de sa

responsabilité en prétendant que l’âme dirigeante a agi en contravention à la politique d’entreprise interdisant de participer à des activités illégales565. En effet, pour la Cour suprême

reconnaitre ce type de défense permettrait à l’organisation de communiquer des directives générales interdisant toute conduite illégale.

L’âme dirigeante et dorénavant la notion de cadre supérieur font l’objet de plusieurs interprétations, conduisant à une certaine imprévisibilité dans les décisions566. Enfin, lorsque

l’infraction est commise par plusieurs personnes, sans retenir l’infraction complète à l’égard d’une personne physique, il est impossible de condamner la personne morale. La théorie de l’identification au Canada souffre ainsi des mêmes faiblesses qu’en France.

La notion d’âme dirigeante est aussi perçue comme trop restrictive ; bien que cette notion soit adaptée au sein des entreprises complexes, elle semble inadéquate dans le cas d’une petite

562Geneviève Giudicelli-Delage, « La responsabilité pénale des personnes morales en France », dans Aspects

nouveaux du droit de la responsabilité aux Pays-Bas et en France, Université de Poitiers, Collection de la Faculté de droit et de Sciences sociales, 2003, p. 194

563 Rachel Grondin, « La responsabilité pénale des personnes morales et la théorie des organisations » (1994) 25 :

3, Revue générale de droit, p.387

564 En Angleterre, dans Moore v. I. Bresler Ltd. [1944] 2 All E.R. 515 565 Canadian Dredge & Dock Co., c. La Reine, [1985] 1 R.C.S. 662

structure. Il arrivera rapidement que de simples employés, considérés comme subalternes dans certains domaines engageront la responsabilité de la personne morale parce qu’ils seront des âmes dirigeantes au sens large567. Enfin, la théorie de l’identification échoue à sanctionner les

comportements collectifs. Même s’il peut y avoir plusieurs âmes dirigeantes au sein d’une entreprise, il faut pour caractériser le comportement illégal de l’entité collective, constater l’ensemble des éléments constitutifs à l’égard d’une personne physique. Ainsi, lorsque l’activité polluante est dirigée et administrée par plusieurs personnes disposant d’un pouvoir collectif, la personne morale demeure impunissable. Or, ce sera précisément le cas dans les structures importantes et complexes. En matière environnementale, là où l’atteinte à l’environnement résulte souvent d’une succession d’omissions, il sera difficile de caractériser tous les éléments constitutifs de l’infraction à l’égard d’une seule personne physique.

Cette insuffisance a été à l’origine de la réforme des personnes morales et à leur codification dans le Code criminel. Conscient de ces difficultés, le législateur est intervenu. Comme l’affirme Rachel Grondin, la responsabilité d’une personne morale s’ajoute à celle des individus la composant. Il est alors réaliste que cette responsabilité se fonde sur un concept distinct que celui sur lequel repose la responsabilité des individus. Si tel n’est pas le cas, il est difficile de justifier le cumul des responsabilités pénales. Il n’est pas cohérent de sanctionner une personne physique et l’organisation dont elle fait partie sans distinguer les deux fautes constituant le fondement de leur responsabilité. Il faut alors reconnaitre la faute organisationnelle. A moins de fondements séparés, pourquoi ce dédoublement de responsabilité ? Pourquoi ne pas se limiter à condamner les seuls individus ?568 Il est regrettable que la responsabilité de la personne

morale ne constitue que l’extension de la responsabilité des personnes physiques. La responsabilité des personnes morales n’est pas conçue comme un danger additionnel569. Or, il

est maintenant évident que les personnes morales sont à l’origine de nombreuses infractions, notamment les infractions à l’encontre de l’environnement. Consacrer une impunité des personnes morales revient à inciter le public à ne pas respecter la loi570. La personne morale

doit être reconnue responsable sur une faute personnelle commise par la personne morale. En

567 Rachel Grondin, « La responsabilité pénale des personnes morales et la théorie des organisations » (1994) 25 :

3, Revue générale de droit, p.387

568 Rachel Grondin, « La responsabilité pénale des personnes morales et la théorie des organisations » (1994) 25 :

3, Revue générale de droit, p.387

569 M. W. Caroline, « Corporate Criminality and the Courts : Where Are They Going? », 27 (1985)Crim. L. Q. 237 570 A. Foerschler, A. Foerschler, « Corporate Criminal Intent : Toward a Better Understanding of Corporate

Misconduct », (1990) 78 Cal. L. Rev: 1287; Great Britain Law commission, Report on Criminal Law : A Criminal

effet, la personne morale ne peut « s’identifier » aux individus qui la composent. Elle possède sa criminalité propre, issue de son organisation et de sa politique, collective. Sa faute se manifeste dans la prise de décision de la direction de la personne morale.

Dans une certaine mesure, l’article 22.1 du Code criminel reconnait une forme de faute organisationnelle. L’actus reus commis par une organisation se matérialise lorsque la conduite d’un agent, dans le cadre de ses attributions, qui a eu une conduite par action ou omission, prise individuellement ou collectivement avec celle d’autres agents valant participation à l’infraction. Ainsi, la conduite peut être déduite d’une succession d’actes matériels commis par plusieurs personnes ayant contrevenu à la loi pénale571.

Or ce moyen de preuve n’est admis que si la conduite « d’un agent » vaut participation à l’infraction. Si tel est le cas, il semble alors nécessaire de caractériser l’élément matériel de l’infraction à l’égard d’une personne. L’omission cumulée ou l’action cumulée des agents, conduisant à une seule et même infraction pourrait alors ne pas être sanctionnée. Ceci est particulièrement regrettable dans les structures complexes, notamment en cas de barrage hydroélectrique comme le reflète la décision R. c. Ontario Power Generation572, ou encore en

gestion de risque de centrale nucléaire. La gestion du risque exige des vérifications superposées, servant de protection accrue. La délinquance écologique propre de la personne morale résulte souvent de l’effet cumulatif de plusieurs agissements individuels contrevenant à l’environnement. Il est dans ces cas impossible d’identifier la personne physique. L’explosion à Lac-Mégantic573 causant une importante pollution révèle les difficultés répressives. Les

causes sont complexes et multiples. L’acquittement des personnes physiques a conduit à l’abandon des poursuites contre la personne morale. Le fait de lier la responsabilité de la personne morale à celle de trois individus de statut intermédiaire dont les agissements étaient plus facilement identifiables, mais non les plus blâmables, a conduit l’opinion publique à

571 Voir Jennifer QUAID, « What’s Good for the Goose is Good for the Gander: Considering the Merits of a

Presumption of Organizational Capacity », dans Marie-Ève SYLVESTRE, Julie DESROSIERS et Margarida GARCIA, dir., Réformer le droit criminel au Canada: défis et possibilités, Montréal, Éditions YvonBlais, 2017, p. 107-112.

572 R. c. Ontario Power Generation, [2006] O.J.No. 4659 (C.J.),

573 CANADA (Bureaude la sécurité des transports du), Rapport d’enquête ferroviaire R13D0054 : Train parti à la

dérive et déraillement en voie principale, Gatineau, Travaux publics et services gouvernementaux Canada, août 2014, en ligne : <http://www.bsttsb.gc.ca/fra/rapports-reports/rail/2013/r13d0054/r13d0054.asp. Voir aussi, Bruce CAMPBELL, Lac Mégantic : Questions sans réponse, Ottawa, Centre canadien de politiques alternatives, janvier 2015, en ligne / <https://www.policyalternatives.ca/publications/reports/lac-m%C3%A9gantic-FR>.

désavouer cette forme de responsabilité de la personne morale574. Selon Jennifer Quaid575, il

s’agit d’une occasion manquée. Il aurait été judicieux de tenir compte des multiples facteurs contextuels afin d’apprécier la survenance du déraillement. Cette approche aurait permis de sanctionner la personne morale pour avoir créé une situation inacceptable d’atteinte à la vie d’autrui et à l’environnement. Dans ces cas, le sort de la personne morale ne dépendrait pas du sort des employés.

Concernant l’élément moral, la formule laisse place à interprétation. Il semble possible d’envisager l’appréhension d’une faute collective de l’organisation. Dorénavant l’écart marqué de conduite peut se manifester à l’encontre de plusieurs cadres supérieurs. Prenant en compte que la hiérarchie au sein des personnes morales n’est plus pyramidale, cette disposition est salutaire. Ici, la faute organisationnelle prend tout son sens et est parfaitement admissible.

Concernant l’article 22.2 du Code criminel, il ne laisse pas de place à la faute organisationnelle.

Enfin, concernant les infractions de responsabilité stricte, une brèche a été ouverte par la jurisprudence récente. Pour déterminer si l’entreprise a fait preuve de diligence raisonnable en droit de l’environnement, depuis l’arrêt Sault-ste-Marie576, les tribunaux font application, à titre

subsidiaire de la théorie de l’identification. En effet, ils appliquent les règles telles qu’issues de la common law. Ainsi, la conduite diligente est évaluée en fonction du comportement des âmes

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