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Élever un enfant avec un mode de vie low-tech

Choisir de privilégier les low-tech et renoncer à un bon nombre d’high- tech est un principe que l’on adopte personnellement. Nous choisissons les concessions que l’on fait, nous mangeons ce que nous voulons et nous réduisons donc nos moyens selon nos besoins.

Cependant, lorsqu’on est un enfant, on ne choisit pas son mode de vie, on suit ce que nos parents nous enseignent : on prend généralement les mêmes chemins de mode de vie que nos parents. Par mimétisme, nous apprenons ce que nos parents font et nous prenons leurs habitudes. Je parle ici de généralités, en étant consciente évidemment des différences d’éducation que nous pouvons recevoir et que nous n’appliquons pas forcément après l’adolescence.

Je ne vais pas parler ici de la démesure en ce qui concerne l’éducation des enfants dans les familles qui participent à la surconsommation et à l’achat de masse en leur offrant le plus de cadeaux et de jouets possibles. Je pense avoir eu, à un moment de ma vie, une vision binaire de l’éducation des enfants : ceux qui dépensent beaucoup, qui ont une éducation matérialiste (ou visant à l’être de plus en plus) et ceux qui n’ont pas de moyens financiers et donc peu de moyens matériels. Or, je conçois aujourd’hui, (et heureusement) que parfois, le « peu de moyens » est un choix et une volonté et que c’est même une façon d’éduquer ses enfants. Parfois, ces familles sont pointées du doigt, parce qu’elles priveraient leurs enfants d’objets, et ainsi leur développement ne serait pas aussi poussé. Plusieurs études ont démontré que les enfants des familles ayant choisi de les élever sans suivre les diktats de la société et du marketing, ne ressortent pas de l’adolescence en jeunes adultes moins bien éduqués que les autres (et même au contraire, mais nous n’allons pas entrer dans ce débat).

En évitant la consommation à outrance, l’encombrement et le superflu, et en privilégiant des jouets construits avec le respect de l’environnement ou des objets déjà utilisés, ces enfants sont déjà dans une optique de monde low-tech et responsable. En effet, il est moins difficile d’opter pour un mode de vie low-tech quand on est né avec des habitudes responsables déjà en place, plutôt que de vouloir changer ses habitudes, bien ancrées, de société de consommation lorsqu’on est adulte.

Il semble toutefois difficile d’imaginer élever des enfants avec très peu de moyens pour un bon nombre de personnes parce que s’occuper des enfants prend du temps, et le low-tech aussi. Comment donc est-il possible de gérer l’éducation de plusieurs enfants avec un mode de vie

low-tech « à la maison » tout en gérant une vie professionnelle associée Changer ou r

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Source : WeDoData, avec Arte Futur http://www.wedodata.fr/arte-lowtech.php

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Pour comprendre ces idées d’éducation, je suis partie à la rencontre de Julien et Anna, qui ont deux filles, Yuna et Aëlle maintenant âgées de 11 et 10 ans. Étant maraîcher de métier depuis 2007, et possédant 4 ateliers dans son entreprise morbihannaise (pain, maraîchage, poules, moutons), ils habitaient pendant la première année de la vie de l’entreprise dans une maison en location.

Ayant une AMAP dans leur entreprise, ils n’étaient pas sereins à l’idée de quitter le magasin tous les soirs et de le laisser sans surveillance. L’activité de maraîchage et d’élevage étant également un métier gourmand en temps et en énergie, Julien et Anna ont décidé d’habiter dans un mobile home à côté de l’entreprise avec un accord provisoire du maire. Pris sous l’aile du maire, ils ont pu rester un certain temps dans leur mobile home, se raccorder à l’eau et avoir une boîte aux lettres. Le but était de finir par construire une maison, mais ne possédaient pas l’argent nécessaire. Le fait de vivre dans un mobile home était en accord avec leur mode de vie et ils ne se sont donc pas pressés pour déposer un permis de construire. De ce fait, ils ont habité pendant une dizaine d’années dans ce mobile home, couplé à un deuxième lorsque leurs deux filles sont nées.

Puis, dans un second temps, parce qu’ils étaient angoissés à l’idée de ne pas dormir dans le même mobile home que leurs filles : « ma femme, elle stressait un peu d’un départ de feu ou qu’il y ait une des deux qui crie et qu’on l’entende pas et puis on avait un écoute-bébé, là, mais qui était un peu foireux ». Julien a donc construit un cube en bois sur pilotis mieux relié au mobile home principal, pour remplacer l’un des mobiles homes qui commençait à vraiment se dégrader et pour que toute la famille puisse dormir ensemble.

Le système de chauffage était constitué d’un chauffage à inertie avec des radiateurs à fluide (bain d’huile) et d’un poêle à bois dans le deuxième mobile home. Cependant, pendant les hivers « on trichait un peu, quand ça caillait bien, on avait un poêle à pétrole électrique, un poêle avec une double combustion qui chauffe très rapidement et on mettait ça un quart d’heure, vingt minutes le matin avant de lever les filles […] et quand les filles étaient petites, on avait beau leur mettre chaussons, chaussettes, j’ai déjà vu geler à l’intérieur. Et puis j’avais un peu la flemme de me lever une heure avant pour faire le feu, pour qu’il fasse bon le matin ». Ce genre d’habitation n’étant pas isolée et avec des enfants en bas âge, on comprend facilement la nécessité de faire des concessions dans ce type de situation. Il est vrai que l’on peut plus facilement culpabiliser lorsque ce sont les pieds de nos enfants qui sont gelés, plutôt que si ce sont les nôtres, parce ce sont nos propres choix.

La machine à laver n’avait pas de place dans l’habitation mobile et est donc actuellement toujours installée à la ferme, mais tout de même à proximité : « elle est un petit peu participative, soit pour les affaires de ferme ou soit pour nos affaires familiales ». Même si le mobile home possédait l’équipement nécessaire à la vie quotidienne comme un petit frigo, certains appareils comme la machine à laver se partageaient. Il faut juste sortir de chez soi et faire 50 mètres pour aller laver son linge. Les toilettes sèches du mobile home ont cependant demandé beaucoup d’énergie et de concessions à la famille. Ce jeune maraîcher de 38 ans s’est « cassé le dos pace que les toilettes se remplissaient drôlement vite, et les mobiles homes, tu sais, les portes sont un peu étroites, donc c’était un peu galère de sortir les poubelles. J’aurais pu attaquer un projet d’ouverture de porte par l’extérieur pour sortir les poubelles par dehors, mais bon. Toutes les semaines, ça finissait par être un peu galère ». On remarque en effet que la contrainte du vidage des toilettes sèches a fait renoncer à ce système un certain nombre de familles, même après quelques années d’expérience. Par contre, tout en gardant ce concept à la ferme, ils ont trouvé un moyen plus facile pour la future nouvelle maison, qui était de raccorder l’eau de la cuve des toilettes aux eaux pluviales : « c’est un bon compromis, c’est pas l’eau potable, mais c’est l’eau pluviale. Mais c’était un peu la condition du permis aussi, de se raccorder à l’eau pluviale ».

Heureusement que les toilettes sèches ne convenaient pas à cette famille, parce que les réglementations, actuellement en contradiction avec ce mode de vie peu consommateur, les auraient de toute façon contraints à renoncer aux toilettes sèches.

Les couches lavables ont fait également partie du quotidien des deux petites filles pendant un temps. Si l’aînée n’a connu que les couches lavables, quand la deuxième est arrivée 15 mois après, le nombre de couches à laver tous les jours est devenu insupportable pour les parents.

« Il fallait presque lancer une machine tous les jours » et Julien dira même : « ça devenait un gros casse-tête de machine à laver mais surtout de séchage. Autant avec la première on était bien organisé mais avec l’arrivée de la deuxième, pour faire sécher ça en mobile home, ça devenait un peu galère ». Parfois, il est important de se dire que certains choix comme les couches lavables ou les toilettes sèches ne sont pas toujours possibles à long terme ou à certaines périodes de la vie, et deviennent très contraignantes d’autant plus lorsque la famille vit dans un mobile home, habitation de petite taille et non isolée.

Pour Julien, le fait de passer d’un mobile home à un autre plusieurs fois par jour, par une terrasse extérieure, de grandir dans une ferme bio, n’a fait que du bien concernant la santé des filles, « puisqu’elles ne sont jamais malades ».

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Vivre dans un monde low-tech sans que le monde autour de soi ne le soit, n’est pas une chose facile, et il ne peut l’être que dans une certaine mesure.