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Chapitre 2. Principes de radiothérapie

2.1. Interactions

2.1.2. Électron-matière

En radiothérapie, l’énergie des photons est utilisée pour détruire les cellules cancéreuses. D’un point de vue microscopique, cette énergie est en fait transférée aux électrons selon les divers types d’interactions décrites plus haut et permet à ceux-ci de se libérer de l’atome. Ce sont ces électrons libres, possédant une énergie cinétique pouvant aller jusqu’à plusieurs MeV, qui sont à l’origine d’ionisations libérant d’autres électrons dont certains peuvent avoir suffisamment d’énergie pour ioniser le milieu à leur tour.

Comme les photons, les électrons interagissent donc avec la matière, soit avec d’autres élec- trons, soit avec les noyaux. Mais contrairement aux photons qui interagissent une ou quelques fois, les électrons ont de nombreuses interactions sur leur trajectoire et perdent leur éner- gie progressivement. Ils finissent par s’arrêter en occupant un état vacant dans un atome. Il existe plusieurs types d’interaction pour un électron selon la particule avec laquelle il interagit. Dans le cadre médical, trois interactions sont importantes et sont illustrées à la figure 2.3.

(a) Eau (b) Tissus mous

(c) Os corticaux

Figure 2.2. Coefficients d’atténuation massique en fonction de l’énergie des photons incidents pour les interactions Rayleigh, Compton et photoélectrique ainsi que pour la production de paires électron-positon dans (a) l’eau (b) les tissus mous et (c) les os corticaux (Coefficients d’atténuation obtenus dans la base de données XCOM du National Institute of Standards and Technology).

(1) Bremsstrahlung ou rayonnement de freinage : lors de son passage dans le champ coulombien d’un noyau, l’électron est ralenti et émet un photon emportant une partie de son énergie cinétique.

(2) Collision et diffusion : l’électron peut entrer en collision avec un autre électron lié à un atome et lui transférer une partie de son énergie. Le résultat est un électron incident ralenti et dévié et un électron éjecté de l’atome. Si l’interaction implique deux électrons, la diffusion est appelée diffusion Moller. Si elle implique un électron et un positon, elle est appelée diffusion Bhabha.

(3) Annihilation électron/positon : un positon étant l’anti-particule d’un électron, leur rencontre mène à leur annihilation mutuelle. Dans la plupart des cas, cette annihilation

survient lorsque les deux particules sont au repos ou possèdent un très faible moment. Dans ce cas, afin de conserver le moment et l’énergie, l’interaction résulte en la création de deux photons γ émis à 180 degrés et possédant chacun une énergie de 511 keV.

Chaque électron arraché et chaque photon produit peuvent à leur tour interagir d’une fa- çon ou d’une autre. Certains électrons secondaires, appelé rayon δ, ont ainsi suffisamment d’énergie pour avoir une portée non négligeable par rapport à la portée de l’électron pri- maire et créent de multiples ionisations sur leur trajectoire, formant ainsi une cascade ou gerbe d’électrons.

(a) Bremsstrahlung (b) Diffusion Moller (c) Annihilation

Figure 2.3. Illustration des interactions des électrons avec la matière. (a) Émission de rayons X de freinage lors d’une interaction avec un noyau. (b) Diffusion Moller lors d’une collision avec un autre électron qui est éjecté de l’atome. (c) Annihilation avec un positon créant deux photons de 511 keV émis à 180˚.

L’électron perdant progressivement son énergie au cours de multiples interactions, on définit le pouvoir d’arrêt S comme l’énergie perdue par l’électron par unité de longueur du matériau traversé, c’est-à-dire S = −dE

dx. Comme on l’a vu, la perte d’énergie peut être soit collision-

nelle, soit radiative. Le pouvoir d’arrêt total peut ainsi être vu comme la somme du pouvoir d’arrêt collisionnel (col) et du pouvoir d’arrêt radiatif (rad),

S(E,Z) = − dE dx ! coldE dx ! rad (2.1.8)

La perte d’énergie d’un électron due aux collisions est déterminée par la formule suivante [37] dE dx ! col = ρZ ANA 2πr2 em0c2 β2 ln " τ2(τ + 2) 2(I/m0c2)2 # + F (τ ) − δ ! (2.1.9)

où τ est l’énergie cinétique de l’électron, I est l’énergie moyenne d’excitation du matériau, β = v/c avec v la vitesse de l’électron, F est une fonction de τ et δ est un terme de correction.

La perte d’énergie due à l’émission de bremsstrahlung peut, quant à elle, être estimée comme suit, dE dx ! rad = ρZ 2 A NAαr 2 eEB(E,Z) (2.1.10)

où α est ici la constante de structure fine et B(E,Z) est une fonction variant lentement avec l’énergie et le nombre atomique.

Le comportement du pouvoir d’arrêt est complexe mais il peut être simplifié si on ne considère qu’une certaine gamme d’énergie. Ainsi, au-delà des faibles énergies, les pertes collisionnelles ne dépendent plus de l’énergie mais dépendent toujours de la densité électronique du maté- riau. Dans cette même gamme, les pertes radiatives deviennent proportionnelles à l’énergie. Pour résumer, lorsque l’énergie augmente, on obtient

dE dx ! col ∝ ρZ A et dE dx ! rad ∝ ρZ 2 A E (2.1.11)

Dans les tissus humains, les interactions des électrons permettent de briser les liaisons dans l’ADN et entraînent également l’ionisation des molécules qui peuvent ainsi devenir réactives et toxiques pour les cellules. En radiothérapie, il est donc important de connaître non seule- ment l’atténuation des photons mais aussi le rayon d’action des électrons ainsi libérés. Les figures2.4a,2.4bet 2.4cmontrent les pouvoirs d’arrêt massiques (S/ρ) pour l’eau, les tissus mous et les os corticaux selon l’énergie de l’électron. On observe bien qu’au-delà de 1 MeV, le pouvoir d’arrêt dû aux collisions est constant et que les pertes radiatives augmentent avec l’énergie. Il existe également un pouvoir d’arrêt minimum autour de 1 MeV. De plus, si on considère les énergies utilisées en radiothérapie (énergie moyenne des photons entre 2 MeV et 10 MeV), on constate que dans l’eau, dont la densité est de 1 g/cm3, le pouvoir d’arrêt est relativement constant. Ainsi, un électron dans cette gamme d’énergie perd 2 MeV/cm dans l’eau. On observe également qu’en deçà de 1 MeV, plus l’électron est lent, plus il perd son énergie rapidement.

L’élément important pour la radiothérapie est de constater que toutes les interactions dé- pendent non seulement de l’énergie des particules en jeu mais également de la densité du matériau et plus particulièrement de la densité électronique de celui-ci.

(a) Eau (b) Tissus mous

(c) Os corticaux

Figure 2.4. Pouvoir d’arrêt massique selon l’énergie des électrons pour les interactions collisionnelle et radiative dans (a) l’eau (b) les tissus mous et (c) les os corticaux (pouvoirs d’arrêt obtenus dans la base de données ESTAR du National Institute of Standards and Technology).