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2.1 Les représentations sociales : une théorie de la connaissance socialement

2.1.2 Élaboration et émergence d’une représentation sociale

Dans le cadre du processus de leur élaboration, les représentations sociales se créent à partir de matériaux tels que des images, des formules sémantiques, des souvenirs personnels ou collectifs (contes, mythes), des clichés et idées reçues (préjugés, stéréotypes). Les individus ou les groupes vont donc percevoir la réalité à partir des représentations qu’ils ont élaborées. La réalité ainsi constituée pourra alors être adaptée aux normes et aux valeurs admises par ce groupe. Tout ce processus se fait dans des rapports de communication.

Parlant de la communication, Bonardi et Roussiau (1999), s’inspirant de Moscovici (1976), mettent en évidence que les représentations sociales offrent aux personnes un code pour leurs échanges et un code pour nommer et classer de manière univoque les parties de leur monde, de leur histoire individuelle ou collective. Ils en tirent la conclusion suivante : « On peut donc dire que les représentations sociales sculptent la pensée sociale, actualisant des connaissances spécifiques et, en assurant la communication entre individus, orientent leurs conduites » (Bonardi et Roussiau, 1999, p. 21).

Le fait que les représentations sociales soient fédérées par un système cognitif fait que ce système reste toujours dépendant, d’une part, d’un objet social (phénomène, fait social, personnes, groupes) qui le suscite et, d’autre part, de l’individu (ou du groupe) qui l’exprime et le construit.

Une représentation sociale est un ensemble d’opinions, de jugements, d’attitudes ou de croyances organisé autour d’un objet. La représentation sociale est socialement élaborée, donc dépendante du groupe d’où elle émerge. « Elle est fortement marquée par des valeurs correspondant au système socio-idéologique et à l’histoire du groupe qui la véhicule pour lequel elle constitue un élément essentiel de sa vision du monde » (Abric, 2005, p. 59).

Moliner (1996) identifie trois conditions préalables à l’apparition d’une représentation sociale. La première condition est la dispersion de l’information concernant l’objet de représentation. Pour Moliner, la difficulté d’accès aux informations relatives à l’objet « va favoriser la transmission indirecte des savoirs et donc l’apparition de nombreuses distorsions » (p. 34). La seconde condition est relative à la position de l’objet de représentation vis-à-vis du groupe social. Cette position va déterminer l’intérêt ou non de certains éléments de l’objet par le groupe. « Ce phénomène, que la théorie désigne sous le nom de focalisation, va empêcher les individus d’avoir une vision globale de l’objet » (p. 34). La troisième condition est liée au besoin, que les individus formant le groupe social ont « de développer des conduites et des discours cohérents à propos d’un objet qu’ils connaissent mal » (p. 34). Cette phase, dite « de la pression à l’inférence », explique les adhésions des individus à l’opinion dominante du groupe. Ces trois conditions réunies, les individus se trouvent dans une situation où ils doivent communiquer sur un objet dont ils n’ont que des informations partielles, et vis-à-vis duquel ils doivent prendre position.

Bien que nécessaires, ces trois conditions sont insuffisantes pour voir émerger une représentation sociale. Dans une société, un individu peut avoir des opinions ou des attitudes sur un objet sans pour autant en construire une représentation sociale.

Pour, Moliner (1996), en plus des trois conditions que sont la dispersion de l’information, la focalisation et la pression à l’inférence, cinq exigences président à l'émergence d'une représentation sociale. Il s’agit de l'objet, du groupe, de l'enjeu, de la dynamique sociale et de l'orthodoxie.

L’objet

Une représentation sociale s’élabore à partir d’un objet social. Mais, chaque objet n’engendre pas forcément des représentations sociales. Selon Moliner (1996), pour qu’un objet engendre une représentation sociale, il faut que cet objet soit polymorphe, c'est-à-dire qu’il apparaisse sous différentes formes dans la société. Cet objet s’exprime dans la société sous plusieurs formes. « En ce sens, l’objet de représentation correspond toujours, selon nous, à une classe d’objets ou, si l’on préfère, à un objet qui, de son polymorphisme, en regroupe plusieurs » (p. 37). Une autre propriété de l’objet est sa maîtrise notionnelle ou pratique qui doit constituer un enjeu pour les groupes sociaux qu’ils concernent.

Le groupe

Une représentation sociale est toujours liée à un groupe. L’émergence d’une représentation suppose des échanges entre les individus d’un groupe. Pour Farr (2005), chaque fois que des individus échangent sur des sujets d’intérêts mutuels, on se trouve en présence des représentations sociales. Étudier une représentation sociale, c’est connaitre le groupe social dans lequel elle s’est élaborée. « C’est identifier un ensemble d’individus communiquant entre eux régulièrement et situé en position d’interaction avec l’objet de représentation » (Moliner, 1996, p. 38).

Dans le cadre de l’étude d’une représentation sociale, la position du groupe par rapport à l'objet de représentation est déterminante. Pour Moliner (1996), si l’objet est à la base de la création du groupe, on parlera de configuration structurelle. Si l’objet intervient dans l’histoire du groupe, on parlera cette fois-ci de configuration conjoncturelle.

Les enjeux

Deux enjeux essentiels déterminent le processus représentationnel. Ces enjeux, Moliner (1996) les pose en termes d'identité ou de cohésion sociale. S’agissant de l’identité du groupe, Moliner dit qu’il se fonde sur le maintien de l'identité psychosociale des

individus qui le composent. La cohésion sociale quant à elle relève d'une configuration conjoncturelle qui confronte le groupe à un objet étranger et problématique.

La dynamique sociale

Pour Moliner (1996), pour qu’une représentation sociale s’élabore, il faut qu’elle s’inscrive dans une dynamique qui met en présence les trois composantes qui lui sont indispensables : le groupe, l'objet et l'autrui social. L'interaction sociale investit l'objet de représentation d'une valeur d'enjeu. La représentation de l'objet est utile au groupe social car elle correspond à un besoin. Ce besoin est soit un besoin de cohésion sociale soit une nécessité identitaire.

L'orthodoxie

Selon Moliner (1996), le sujet orthodoxe est celui qui accepte et demande que sa pensée et ses conduites soient réglées par le groupe. Ainsi, le groupe orthodoxe se caractérise par la présence en son sein d'instances de contrôle et de régulation de l'activité individuelle. En d'autres termes, l'influence pesante de systèmes de contrôle et de régulation dans une situation sociale métamorphosant cette situation en système orthodoxe, ne permet pas l'apparition du processus représentationnel en favorisant l'émergence de l'élaboration idéologique ou scientifique. L'absence de système orthodoxe est la cinquième condition d'émergence de la représentation sociale.

Intéressons-nous à présent à l’organisation interne d’une représentation sociale à travers sa structuration.