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Arrivé à ce stade de notre analyse, il s’agit maintenant de synthétiser les éléments recueillis et de les confronter à la question de recherche initialement posée : Les représentations élaborées par les étudiants infirmiers de l’évaluation en situation simulée : préparation d’une perfusion, peuvent elles témoigner de leur professionnalisation ?

- 55 - Tout d’abord, se pose à nous en préambule, la question de la généralisation des réponses apportées. Notre échantillon se veut le plus représentatif possible de la promotion des étudiants de seconde année. Toutefois notre étude reste localisée à l’IFSI de Cahors et il nous est difficile de pouvoir inférer les propos. Moscovici (1961, p.77 78) définit l’individu « comme un soi généralisé, donc comme un porte parole de son groupe, de sa classe…et non pas comme une personne particulière. Bien plus, lorsqu’il se pose en tant que particulier, l’individu, au cours d’une enquête… le fait pour prendre de la distance vis-à-vis de ce qu’il déclare en tant que « soi généralisé », pour devenir le commentateur de son propre discours présenté comme « leur discours » ou le discours « de tout le monde ». Il semblerait donc que les propos des étudiants enquêtés, lorsqu’ils expriment majoritairement un point de vue, puissent servir de bases pour être ultérieurement confrontés à d’autres études portant sur le même thème. En effet, ce type d’évaluation en situation simulée répartis sur les 3 années de formation est une exigence récente du référentiel métier et à ce titre les étudiants comme les formateurs y accordent de l’intérêt.

Dans notre cadre conceptuel, nous avons sollicité l’approche de la professionnalisation des acteurs de Wittorski, selon laquelle, se professionnaliser impliquerait le développement des connaissances, savoirs et compétences mais aussi « la construction d’une identité de professionnel » (2007, p.16). Au cours de notre enquête avons-nous pu retrouver des éléments de professionnalisation chez les étudiants infirmiers ?

Des liens ont été établis entre les représentations des étudiants de l’évaluation en situation simulée et les éléments de la compétence 4. Nous constatons que la simulation mobilise des savoirs théoriques, des savoir- faire et des savoirs procéduraux sous la forme de protocoles chez les étudiants. Pour analyser une prescription médicale et mettre en œuvre des protocoles thérapeutiques, les étudiants convoquent des processus intellectuels de réflexion, de déduction, d’anticipation, leur permettant de comprendre l’action. Le questionnement initié par l’étudiant doit pouvoir être repérable par le formateur tout au long de l’évaluation. Il semblerait, que par ce questionnement, les étudiants « sachent refréner les explications qui nous viennent de façon trop immédiate et qui fonctionnent comme un arrêt de la pensée » (Astolfi, 2010, p.74).

Le questionnement mesure aussi l’écart référent/référé, il atteste de la multiplicité des savoirs inhérents à la complexité professionnelle. Il implique l’étudiant par une prise de conscience

- 56 - de sa responsabilité mise en jeu dans la situation de soins à l’égard du patient potentiel pris en charge.

En termes de savoir- faire, c’est un moment propice proposé aux étudiants, pour manipuler du matériel réel, des médicaments, qui participe au développement de leur dextérité, de leur habileté gestuelle.

La rencontre avec l’erreur est aussi riche en enseignements. Etant dédouané de tout risque pour le patient, les étudiants, lorsqu’ils y sont confrontés, vont au bout de l’erreur et peuvent l’analyser avec plus de sérénité afin de réajuster leurs actions. Ainsi « une logique de professionnalisation par l’action se caractérise par une production par tâtonnement, et essai- erreur » (Wittorski, 2007, p.63).

En résumé : les éléments de professionnalité se déclinent chez les étudiants infirmiers en terme de savoirs acquis, de savoir-faire, de questionnement, mais aussi par une prise de conscience de la responsabilité inhérente au métier lors des prises de décisions nécessaires à l’accomplissement d’actes techniques tel qu’une préparation de perfusion.

Travailler sur une trame d’entretiens construite à partir du concept de représentation a été une chance pour nous. En ce sens que, cela nous a permis, d’une part d’analyser les entretiens en lien avec les éléments de la compétence 4, mais aussi d’avoir accès à 4 autres thématiques qui pourraient participer à la professionnalisation des étudiants infirmiers.

Ainsi concernant le savoir être, les étudiants ont mis en évidence l’importance du stress lors de cette évaluation et les moyens qu’ils utilisent pour le canaliser au mieux. Se connaître soi, pour mieux appréhender des situations professionnelles stressantes, c’est ici, tout l’intérêt perçu par les étudiants.

Ceci étant, ce type d’évaluation parait aussi imprégné d’indices d’un processus identitaire en construction, les étudiants seraient porteurs « d’un désir de métier » (Chaix, 2007, p.3). D’une part, ils s’approprient un vocabulaire spécifique aux professionnels infirmiers, d’autre part, ils recherchent une reconnaissance de leurs pairs, des soignants, des formateurs. Zarca (cité par Chaix, 2007, p. 4) parle « d’un processus d’identifications croisées porté par une gestuelle et une langue propre au métier ». Cette quête d’une identité professionnelle reconnue, leur

- 57 - permet de se projeter dans l’exercice professionnel. Au delà de la certification inhérente à l’évaluation simulée, les étudiants recherchent « un apprentissage pratique, une expérience professionnelle », signant « leur appartenance à un groupe professionnel » (Chaix, 2007, p.4). Revenons sur le terme construction d’un processus identitaire, l’utilisation de ce mot nous renvoie bien à l’idée de mouvement, d’évolution, de dynamique. Ceci pour signifier que l’identité des étudiants infirmiers n’est en aucun cas « une donnée figée, constituée une fois pour toute…elle n’est pas un état mais également un devenir » (Kaddouri, 2007, p.148). Si l’évaluation par son aspect certificatif atteste de la présence ou pas de connaissances, de savoirs, il est à noter que la genèse identitaire n’est pas évaluable, elle fait partie de la construction personnelle de l’étudiant.

En résumé : Pour les étudiants infirmiers, les éléments de professionnalisation apparaissent ici sous la forme du savoir-être, plus particulièrement du stress qu’ils appréhendent comme faisant partie intégrante de leur travail. Par ailleurs leur processus identitaire se construit à travers l’appropriation d’un vocabulaire professionnel et d’un authentique désir de reconnaissance.

L’étude de la posture des formateurs pendant cette évaluation peut nous amener à réfléchir sur des perspectives d’amélioration de nos pratiques professionnelles.

Parlant du terme professionnalisation, Kaddouri le qualifie de « clair/obscur » (ibid., p.148). Il en souligne son caractère polysémique, la difficulté d’en donner une définition dépourvue de confusions et d’ambiguïtés. En effet, il n’est pas aisé de repérer des indices de professionnalité, pour autant cette quête se révèle pleine de surprises, d’interrogations. Elle oscille entre compétences, connaissances, savoirs ou identité professionnelle. Dans tous les cas, elle est sûrement une source de réflexion pour les formateurs que nous sommes.

L’objectif pédagogique que nous poursuivons, celui de professionnaliser les étudiants, se révèle donc être « de l’ordre de la « symphonie inachevée » : malgré la nécessité d’accorder à un moment donné une certification qui est une reconnaissance institutionnelle, le développement restera toujours à construire et à reconstruire en fonctions des contextes et de leurs évolutions » (De Ketele, 2011, p.36).

- 58 - Le chapitre suivant abordera l’approche praxéologique avec les limites du travail et les repères pour l’action avant de terminer par un retour sur l’expérience professionnalisante à travers une autoévaluation de mon développement professionnel.

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Approche praxéologique

Au début de ce mémoire, j’avais pour objectif de mieux travailler la pratique de l’évaluation en situation simulée. J’avais l’intuition qu’elle pouvait amener autre chose à l’étudiant que l’unique validation d’une unité d’enseignement. Au delà de la compréhension du concept d’évaluation, des liens possibles sont apparus avec la professionnalisation de l’étudiant infirmier. Cette étude a enrichi mes connaissances sur le sujet et a changé mon regard sur l’évaluation. Avant de proposer dans cette partie praxéologique des repères pour l’action, il est nécessaire de présenter les limites de ce travail.

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