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3 Concepts et champ disciplinaire infirmier

3.1 Concepts

3.1.1 Éducation thérapeutique du patient atteint d’insuffisance cardiaque

Depuis le 20ème siècle, les progrès de la médecine sont à l’origine de l’augmentation de l’espérance de vie et par conséquent du développement des maladies chroniques (Formarier & Jovic, 2009, p. 162). Dans le cadre d’une maladie aiguë, tel qu’un infarctus du myocarde, l’aspect curatif est primaire, à contrario pour la maladie chronique la prévention des complications semble essentielle. Ce qui incite d’impliquer le patient à ce jour comme acteur de la prise en charge de sa santé :

L’ETP est un processus par étapes, intégrée dans la démarche de soin, comprenant un ensemble d’activités organisées de sensibilisation, d’informations, d’apprentissages et d’aide psychologique et sociale, concernant la maladie, le traitement, les soins destinés à aider le patient et sa famille, comprendre la maladie et les traitements, collaborer aux soins, prendre en charge son état de santé et favoriser un retour aux activités normales (Formarier & Jovic, 2009, p. 163).

L’approche de l’ETP se divise en quatre étapes symboliques (Juillière & Jourdain, 2011, p. 13).

La première étape repose sur « l’identification des besoins, des attentes du patient ainsi qu’à la formulation avec lui des compétences à acquérir ou à mobiliser » (Jourdain & Juillière, 2011, p. 4), en d’autres termes, c’est une anamnèse de la situation du patient. C’est une étape indispensable, dans laquelle il est nécessaire de prendre en compte les différents aspects de la vie du patient, par exemple ses besoins, ses attentes et ses ressources dans son rapport à sa maladie. L’objectif du diagnostic éducatif est « de mettre en adéquation les priorités du patient en regard de celles souhaitées par les professionnelles de santé » (Jourdain & Juillière, 2011, p. 4). À savoir que ce diagnostic éducatif peut être redéfini et modifié à tout moment du processus de l’ETP dans le but de proposer un programme personnalisé (Jourdain & Juillière, 2011, p. 4). Le diagnostic éducatif se réfère à une liste de compétences qui pourront être acquises au terme du programme d’ETP. Il existe huit différentes compétences qui sont les suivantes :

o Faire connaître ses besoins, ses valeurs, ses attentes, ses émotions, informer son entourage.

o Comprendre son corps, sa maladie, s’expliquer sur la physiopathologie, les répercussions sociofamiliales de la maladie, les principes du traitement.

o Repérer des signes d’alertes, des symptômes précoces, analyser une situation à risque, mesurer ses signes vitaux.

o Faire face, décider dans l’urgence, connaître la conduite à tenir face à une crise.

o Résoudre un problème thérapeutique quotidien, de gestion de sa vie et de sa maladie, résoudre un problème de prévention, aménager un environnement et un mode de vie favorables à sa santé.

o Pratiquer les techniques thérapeutiques, pratiquer les gestes comme l’auto-examen des œdèmes, des pulsations.

o Adapter sa thérapeutique à un autre contexte de vie, réajuster le traitement, intégrer les nouvelles technologies médicales dans la gestion de sa maladie et de son traitement.

o Utiliser les ressources du système de soins, faire valoir ses droits. o Utiliser les ressources du système de soins, savoir où et quand

consulter, qui appeler, où rechercher des informations utiles, faire valoir ses droits, participer à des associations de patients, etc. (Fischer & Tarquino, 2014, p. 49).

La deuxième étape comprend la réalisation d’objectifs pédagogiques basés sur les besoins du patient identifiés dans l’étape précédente (Juillière & Jourdain, 2011, p. 14). « Cette volonté de compréhension mutuelle est capitale, car elle évite de reproduire des situations dans lesquelles le soignant se forge une opinion sur les besoins du patient sans que ce dernier puisse exprimer son point de vue » (Simon et al., 2007, p. 10). Ces objectifs singuliers au patient sont inscrits et permettent d’évaluer l’avancée de celui-ci dans son processus d’autogestion de la maladie (Juillière & Jourdain, 2011, p. 14).

La troisième étape, appelée aussi période d’apprentissage, a une durée plus ou moins variable. Elle est basée sur un autoapprentissage et peut se dérouler en séances collectives ou individuelles, grâce à l’utilisation de certains outils thérapeutiques adaptés au profil d’apprentissage du patient ainsi qu’à sa situation de santé (Juillière & Jourdain, 2011, p. 14). « L’acquisition de nouvelles compétences doit tenir compte du « savoir agir », du « vouloir agir » et du « pouvoir agir ». Le « savoir agir » est la façon dont l’individu gère sa situation avec des ressources pertinentes. Le « vouloir agir » se rapporte à la motivation de l’individu ainsi qu’au contexte qui peut être plus ou moins significatif pour l’apprentissage. Pour terminer, le « pouvoir agir », lui se réfère

à l’existence d’un contexte favorable et d’une organisation de vie bénéfique pour l’ETP (Jourdain & Juillière, 2011, p. 5).

La quatrième étape se caractérise par l’évaluation des différents acquis et lacunes restantes. Elle prend en compte toutes les composantes éducatives, c’est-à-dire au niveau du domaine biomédical, psychosocial et pédagogique (Juillière & Jourdain, 2011, p. 14). L’évaluation est un élément clef qui va permettre des ajustements et des réorientations dans les activités d’ETP mises en place. Elle comprend une évaluation des compétences acquises par le patient, de leur impact sur sa vie et elle peut être proposée à tout moment de la prise en charge lorsqu’elle s’avère nécessaire (Jourdain & Juillière, 2011, p. 11).

Dans le cadre de l’insuffisance cardiaque (IC), l’ETP a démontré son efficacité, par exemple « une heure d’éducation individuelle dispensée par une infirmière à la sortie du patient permet une réduction de 35% du risque de décès ou de réhospitalisations et une diminution des coûts des soins » (Juillière & Jourdain, 2011, p. 14). De plus, lorsqu’il s’agit d’une prise en charge interdisciplinaire, par exemple par un médecin traitant, un cardiologue, un infirmier spécialisé, un pharmacien, un diététicien, une assistante sociale, son action s’en trouve enrichie (Labrunée et al., 2012).

L’ETP se base principalement sur la prévention des risques cardiovasculaires dans les pathologies cardiaques chroniques (Labrunée et al., 2012).

L’adhésion au traitement, le changement des habitudes de vie et des mesures hygiénodiététiques sont des éléments clés pour l’amélioration de l’efficacité de la prise en charge de l’insuffisance cardiaque. En effet, près de 35 à 45 % des hospitalisations lors de poussée d’IC seraient évitables par une meilleure observance (Jourdain et al., 2003, p. 329).

Dans le cadre d’une ETP d’un patient atteint d’IC, les objectifs indispensables pour la sécurité doivent comprendre les éléments suivants : « connaître les signes d’alertes et réagir de manière adaptée, de prendre régulièrement son traitement, d’adapter son activité physique, de suivre les recommandations diététiques et d’organiser son suivi médical et sa prise en charge » (Jourdain & Juillière, 2011, p. 4). Selon Jourdain et Juillière (2011), il existe diverses connaissances et compétences que le patient atteint d’ICC peut acquérir lors d’un processus éducationnel. Ils les classent autour de quatre grands domaines distincts qui sont la pathologie, le traitement, l’alimentation et l’activité physique (Jourdain & Juillière, 2011, p. 5). De plus, l’ETP a également une influence sur le psychisme : « certains patients et proche-aidants expriment que l’ETP apporte un plus par rapport à un simple traitement par médicaments, qu’ils se sentent plus en confiance dans la gestion de leur maladie et plus entourés » (Garbacz et al., 2015, pp. 465‑466).

Dans ce travail, l’ETP concerne le domaine de la pathologie dans le but d’une autogestion des symptômes par le patient atteint d’ICC. Les acquisitions peuvent être séparées en trois catégories particulières qui sont les connaissances, le savoir-faire et le savoir-être (Jourdain & Juillière, 2011, p. 6).

Concernant les connaissances, le patient pourrait par exemple connaître : la physiologie du cœur sain ; la physiopathologie de son IC ; les principaux signes cliniques annonciateurs d’une décompensation cardiaque, tels que la prise de poids rapide, les œdèmes, l’augmentation de la dyspnée, etc. ; les signes de décompensation et identifier ses propres signes de décompensation ; les risques d’aggravation de l’IC; les facteurs favorisants d’une décompensation cardiaque (Jourdain & Juillière, 2011, p. 6).

Concernant le savoir-faire, le patient serait à même d’acquérir les compétences d’autosurveillance et d’agir en fonction de l’observation faite, par exemple se peser régulièrement, augmenter les diurétiques s’il y a une prise de poids selon les dires du médecin, savoir où appeler en cas de besoin, etc. (Jourdain & Juillière, 2011, p. 6).

Concernant le savoir-être, le patient serait capable de : reconnaître les compétences de chaque professionnel et de leur suivi ; comprendre que l’acquisition des compétences permettra d’améliorer la qualité de vie ; comprendre que le traitement médicamenteux à lui seul ne suffit pas ; tenir à jour une courbe de surveillance du poids ; adapter son comportement face à l’apparition de symptômes, tels que la prise de poids de plus de 2kg en trois jours, les œdèmes des membres inférieurs, la dyspnée, les douleurs thoraciques, la fièvre, la bronchite, la fatigue, etc. (Jourdain & Juillière, 2011, p. 6).