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L’ES a des champs d’application très larges. Elle peut se faire autant auprès d’individus, de groupes ou de communautés, et ce, dans divers milieux (Plouffe, 2011). Elle fait également l’objet de multiples définitions dans la documentation scientifique. Dans la présente recherche, il importait de bien définir le concept d’ES afin de pouvoir l’opérationnaliser dans des instruments de collecte et d’analyse des données spécifiques aux pratiques évaluatives en ES.

1.1 Paradigmes en éducation à la santé

La principale difficulté pour enseigner en ES est la prise en compte de sa représentation de la discipline (Mulnet, 2010). Selon Fortin (2004), les principales représentations en ES se regroupent en quatre paradigmes, à savoir le paradigme : a) rationnel; b) humaniste; c) de la dialectique sociale et d) écologique.

Le paradigme rationnel est en fait un modèle biomédical basé sur la connaissance scientifique. Selon la perspective rationnelle, l’acquisition de connaissances encouragerait la modification de comportements favorables à la santé (Fortin, 2004). Une relation causale entre un comportement et un problème est établie

et l’objectif visé est de modifier ce comportement. L’action éducative se traduit de façon linéaire par une transmission de connaissances. Cette façon de voir l’ES, influencée par l’historique de l’ES en milieu scolaire, est encore très présente chez les enseignants (Fortin, 2004).

Le paradigme humaniste encourage le développement de compétences, l’estime de soi, la confiance en soi, l’affirmation de soi et le développement sensoriel (Fortin, 2004). Ces compétences aideront l’élève à prendre des décisions éclairées en matière de santé et de bien-être. Ainsi l’action éducative se traduit par l’accompagnement de l’élève dans son processus décisionnel, sans poser un regard direct sur les résultats de ses actions sur sa santé et son bien-être. D’après Fortin (2004), l’ES reste cependant toujours prescriptive.

Le paradigme de la dialectique sociale va au-delà du développement personnel et s’interroge sur la capacité de l’élève à contrôler son environnement et sur son degré de liberté au sein de son groupe social. Cette perspective vise à favoriser le développement du pouvoir et du contrôle qu’exerce l’élève sur sa santé et son bien-être (Fortin, 2004). En ce sens, l’action éducative prône la participation active alors que l’éducateur adopte une position de facilitateur qui permet à l’élève de s’approprier son milieu.

Finalement, le paradigme écologique, par sa nature systémique, est centré sur l’interaction de l’élève avec ses différents milieux de vie (école, famille, voisinage, espaces verts, politiques). L’élève est alors considéré sous l’aspect de ses connaissances, de ses émotions et de sa vie sociale. L’action éducative qui en découle vise davantage l’accompagnement de l’évolution des attitudes ou des comportements de l’élève sur le long terme que l’induction d’un comportement immédiat estimé favorable pour sa santé (Fortin, 2004).

Mulnet (2010) précise qu’il n’y a pas « de bonnes ou de mauvaises représentations, chacun a ses propres représentations » (p. 205). Ce sont plutôt les approches utilisées qui sont importantes afin d’opérationnaliser ces différents paradigmes dans l’enseignement. Cet auteur identifie deux principales approches de l’ES en milieux scolaires, soit les approches positiviste et interprétative.

1.2 Principales approches en éducation à la santé dans les milieux scolaires

L’approche positiviste propose une ES visant à diminuer les problèmes de santé par le changement de comportement tandis que l’approche interprétative vise le développement de la personne dans sa globalité et se rapproche plus de la notion d’éducation (Lebeaume, 2006). Dans cette optique, ces deux approches « apparemment opposées s’affrontent pour définir l’ES, à savoir une tendance axée sur la modification de comportement et l’autre axée sur la gestion appropriative » (Turcotte et al., 2007, p. 65). Ces deux approches viennent préciser la finalité de l’ES et influencent directement la position qu’occupe l’ES dans le domaine des sciences de l’éducation (Turcotte et al., 2007).

1.2.1 Approche positiviste

Plusieurs auteurs font référence à l’approche positiviste en ES par l’entremise d’une terminologie différente, à savoir : a) l’approche de changement de comportement (Turcotte et al., 2007) et b) l’approche behaviorale (Lhoste, 2010). La définition la plus fréquemment citée pour définir l’ES en lien avec cette approche est celle établie par l’OMS (1986), à savoir les occasions d’apprentissage délibérément suscitées pour faciliter les changements de comportement en vue d’atteindre un objectif déterminé à l’avance. Cette définition est étroitement liée au paradigme rationnel et à la tradition dominante de l’ES en sciences médicales. Les initiatives entreprises en ES en lien avec cette définition semblent trop souvent axées sur la simple transmission de connaissances (INSPQ, 2009; Lhoste, 2010). Dans un tel modèle, les résultats se

limitent à l’acquisition de savoirs ponctuels et très peu de savoir-faire et de savoir-être sont développés. De plus, ces initiatives suscitent peu de réinvestissements et de transferts des apprentissages de la part des élèves dans leur quotidien (INSPQ, 2009; Lhoste, 2010). L’approche positiviste en ES peut être synthétisée en cinq principaux éléments : a) le but visé est l’acquisition de connaissances et l’adoption de comportements responsables; b) la sélection des objectifs d’apprentissage est réalisée par l’enseignant; c) le rôle de l’enseignant est de transmettre du savoir; d) le savoir est issu des experts et e) l’élève est passif dans la réception des connaissances (Mulnet, 2010; Turcotte et al., 2007).

1.2.2 Approche interprétative

Dans la documentation scientifique, certains auteurs font référence à l’approche interprétative en utilisant une terminologie différente, soit : a) l’approche de gestion appropriative de santé (Turcotte et al., 2007) et b) l’approche d’autonomisation (Lhoste, 2010). Cette approche délaisse la notion de changement de comportement pour s’orienter vers le développement d’un processus éducatif en matière de santé et de bien-être (Turcotte et al., 2007). La conception sous-jacente à cette approche suppose une ES médiatrice entre l’individu et son environnement. La définition de Bizzoni-Prévieux, Mérini et Jourdan (2007) correspond à cette conception puisqu’ils identifient l’ES comme étant le développement d’une série de rapports à soi, aux autres, au milieu, au passé et à l’avenir, avec comme objectif de développer une vision critique permettant de faire des choix réfléchis afin que les individus et les communautés puissent atteindre le plus haut niveau de santé possible. On se rapproche alors d’une combinaison entre les paradigmes humaniste et de la dialectique sociale alors qu’on mise sur le développement de compétences et la responsabilisation de l’élève dans la prise en charge de sa santé et de son bien-être. L’approche interprétative en ES peut être synthétisée en cinq principaux éléments : a) le but visé est de rendre l’élève plus autonome dans la gestion de sa santé et de son bien-être; b) la sélection des objectifs d’apprentissage est réalisée par les élèves; c) le rôle de l’enseignant est de guider les

élèves dans différentes expériences; d) le savoir est issu de l’expérience des élèves et e) l’élève est actif dans son apprentissage (Mulnet, 2010; Turcotte et al., 2007). Le tableau 3 permet de comparer les deux approches.

Tableau 3

Comparaison des approches positiviste et interprétative

Approche positiviste Approche interprétative

Acquisition de connaissances et adoption

de comportements responsables

But visé

Rendre l’élève plus autonome dans la gestion de sa santé et de son bien-

être Par l’enseignant Choix des objectifs

d’apprentissage Par l’élève

Transmettre du savoir Rôle de l’enseignant Guider les élèves

Experts Origine du savoir Pratique

Passif Rôle des élèves Actif

Selon Lange et Victor (2010), il a depuis longtemps été démontré que « connaître les risques, les enjeux de telle ou telle pratique se révèle largement insuffisant » (p. 291). Dans le but de répondre à l’objectif principal de la promotion de la santé qui est de rendre la population autonome face à sa santé, les initiatives en ES doivent s’inscrire dans une démarche d’autonomisation dans laquelle l’élève joue un rôle actif (Lhoste, 2010; Turcotte et al., 2007). Ces méthodes actives et non directives s’inscrivent à l’intérieur de l’approche interprétative dans laquelle l’intérêt et l’implication de l’élève dans le processus sont privilégiés. La logique des programmes de formation de l’école québécoise va dans le même sens et suggère d’encourager l’enfant à explorer ses propres attitudes et opinions, à clarifier ses valeurs et celles des autres et à analyser les diverses étapes du processus de décision menant à ses choix concernant sa santé et son bien-être (Gouvernement du Québec, 2006a, 2006b, 2007).

Dans le cadre de la présente recherche, ces deux approches ont permis d’analyser les pratiques évaluatives en ES des participants au regard des situations d’évaluation mises en place, et ce, à partir des cinq indicateurs provenant de la documentation scientifique (INSPQ, 2009; Lhoste, 2010; Mulnet, 2010; Turcotte et al., 2007) identifiés dans le tableau 3.