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B) Les mesures d’investigations : principalement attentatoires à la vie privée

2. Les écoutes téléphoniques

a. Les écoutes téléphoniques en droit canadien

L’interception de communications privées, communément appelée ‘’écoute téléphonique’’ se définit comme un « espionnage électronique effectué par l'interception frauduleuse d'ondes électromagnétiques provenant d'équipements informatiques en exploitation »319.

315 Art 489.1 (1) C.cr

316 Art 490 (1) C. cr En principe, l’Etat ne pourra détenir les biens saisis pour une période de plus de trois mois. Cependant si la détention du bien est toujours nécessaire au-delà de cette période, l’Etat pourra requérir une ordonnance de prolongation en vertu de l’art 490 (2) C.cr 317 Art 83.13 C.cr

318 Art 83.14 C.cr

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Ainsi, l’écoute téléphonique implique deux aspects : une interception (la notion d’interception est large puisqu’elle vise le « fait d’écouter, d’enregistrer ou de prendre volontairement connaissance d’une communication ou de sa substance, son sens ou son objet »320) et une communication privée (c’est-à-

dire une « communication orale ou télécommunication (…) qui est faite dans des circonstances telles que son auteur peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle ne soit pas interceptée par un tiers »321)

Par principe, les écoutes téléphoniques sont prohibées322. Toutefois et

ce depuis de nombreuses années, le législateur canadien a admis des exceptions et permet aux policiers d’utiliser ce moyen, à certaines conditions. En raison de l’importante expectative de vie privée, les écoutes téléphoniques ne peuvent se faire que dans le respect de règles strictes, à défaut desquelles elles seront déclarées contraires aux exigences de la Charte canadienne des droits et libertés. Cependant, dans un but d’efficacité, les lois antiterroristes canadiennes sont venues assouplir les exigences traditionnelles en la matière s’agissant des critères d’obtention du mandat et de sa durée.

Les articles 185 et 186 du Code criminel permettent à un agent de la paix de procéder, sous certaines conditions, à des écoutes téléphoniques. « En vertu de ces articles, lus en conjonction avec la définition du terme ‘’infraction’’, à l’article 183, cette procédure ne peut être utilisée qu’à l’égard de certains crimes prévus au Code »323 dont notamment le terrorisme324.

a.1. Conditions des écoutes téléphoniques : l’exigence d’un mandat

Les écoutes téléphoniques constituent des fouilles et saisies au sens de l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés.325 A ce titre, les

320 Art 183 C. cr et R. c. Société TELUS Communications, [2013] 2 R.C.S. 3 321 Ibid

322 Arts 184(1) et 184.5(1) C. cr. Le fait pour quiconque d’intercepter volontairement une communication privée constitue un acte criminel, passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans.

323 Pierre Béliveau et Martin Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénale, 23ème éd., Montréal, Éditions Thémis, 2016, par. 556

324 Art 183 C. cr « infraction » a) (xii.1) à (xii.91) 325 R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, par. 50

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interceptions de communications privées doivent donc être autorisées préalablement à leur exécution.

- La demande d’autorisation pour procéder à l’écoute téléphonique doit respecter plusieurs exigences326. Cette demande est présentée ex parte et par

écrit à un juge d’une cour supérieure. Elle doit être signée par le procureur général de la province, ou par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, ou par un mandataire spécialement désigné.

Au soutien de cette demande, est joint un affidavit rédigé par un agent de la paix ou un fonctionnaire public. Cet affidavit doit préciser plusieurs éléments. Tout d’abord, il doit mentionner les faits justifiant l’autorisation ainsi que les détails relatifs à l’infraction (c’est-à-dire viser une infraction précise et préciser en quoi l’écoute permettra de recueillir des preuves327). Ensuite, il doit indiquer

un ensemble de données techniques : le genre de communications privées qui sera interceptée, des informations sur les personnes visées (nom, adresse, professionnel), une description générale du lieu où les interceptions seront effectuées et une description générale de la façon dont il souhaite procéder. Egalement, si des demandes d’interception ont déjà été faites pour la même infraction, l’affidavit doit indiquer leur nombre, leur date et le nom du juge auxquelles elles ont été présentées. Enfin, il doit mentionner la période de temps pour laquelle l’autorisation est demandée.

En droit commun, en plus de ces mentions, l’affidavit doit indiquer : si d’autres méthodes d’enquêtes ont été essayées, pourquoi elles paraissent avoir peu de chance de succès le cas échéant ou, étant donné de l’urgence de l’affaire, qu’il ne serait pas pratique de mener l’enquête relative à l’infraction en n’utilisant que ces méthodes328. Dans l’arrêt R. c. Araujo329, la Cour suprême a précisé qu’il ne

s’agissait pas de montrer que l’écoute téléphonique était une mesure de dernier recours. Il faut justifier de la nécessité de procéder à l’écoute téléphonique en démontrant qu’il n’existe aucun autre moyen d’enquête raisonnable dans les circonstances de l’enquête330. A défaut d’avoir envisagé un minimum les autres

326 Art 185 C. cr

327 R. v. Shayesteh, [1996] CA O.J. No. 3934 328 Art 185(1) h) C. cr

329 R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992 par 29

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techniques d’enquête, le juge n’autorisera pas la mise en œuvre des écoutes téléphoniques331.

Cependant, cette exigence de nécessité a été supprimée en matière de terrorisme332. Ainsi, dans le cadre d’écoutes téléphoniques relatives à une

infraction de terrorisme, l’agent de la paix n’a pas à démontrer que d’autres méthodes d’enquêtes ont été tentées.

- Le juge de la Cour supérieure fera droit à la demande s’il est convaincu333 :

d’une part que l’octroi de cette autorisation « servirait au mieux l’administration de la justice » Dans l’arrêt R. c. Araujo, la Cour suprême a considéré que cette exigence signifiait « que, conformément à l’art. 8 de la

Charte canadienne des droits et libertés, il doit y avoir des motifs raisonnables et probables de croire qu’une infraction a été commise »334.

d’autre part que d’autres méthodes d’enquêtes ont été essayées, ont peu de chance de succès ou que l’urgence de la situation est telle qu’il ne serait pas pratique de mener l’enquête relative à l’infraction en n’utilisant que les autres méthodes d’enquêtes. Cependant, là encore cette exigence a été supprimée en matière de terrorisme335.

Ainsi, dans le cadre d’écoutes téléphoniques relatives à une infraction de terrorisme, la délivrance du mandat est plus aisée : le juge de la Cour supérieure pourra accorder l’autorisation dès lors qu’il est convaincu que ces écoutes serviraient au mieux l’administration de la justice.

L’autorisation d’effectuer l’écoute téléphonique doit mentionner plusieurs éléments336. Elle doit indiquer l’infraction pour laquelle l’écoute est permise, le

type de communication qui pourra être interceptée, l’identité des personnes visées, une description générale du lieu et de la façon dont les communications

331 R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S 265 par. 38, R. c. Strachan, [1988] 2 R.C.S. 980, par 47, R. c. Feeney, [1997] 2 R.C.S. 13, par. 76 et R. c. Buhay, [2003] 1 R.C.S. 631, par. 63.

332 Art 185 (1.1) c) C. cr affirme « L’alinéa (1) h) ne s’applique pas dans les cas où l’autorisation demandée vise : c) une infraction de terrorisme ».

333 Art 186 (1) C.cr

334 R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992 par.20. La Cour suprême vient ici rappeler une interprétation constante. Voir en ce sens : Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421 par.35; et R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30 par. 24

335 Art 186 (1.1) C. cr : Ce critère « ne s’applique pas dans les cas où le juge est convaincu que l’autorisation demandée vise : c) une infraction de terrorisme ».

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seront interceptées, les modalités opportunes dans l’intérêt public et la période de temps pendant laquelle les écoutes sont autorisées.

Bien que la mise en œuvre des écoutes téléphoniques soit soumise à l’exigence d’un mandat, l’article 184.4 du Code criminel permet l’interception d’une communication privée par un policier, sans autorisation préalable. Ce dernier doit avoir des motifs raisonnables de croire que l’urgence de la situation est telle qu’une autorisation ne peut être obtenue en faisant preuve de toute diligence raisonnable ; que l’interception immédiate est nécessaire pour empêcher la perpétration d’un infraction qui causerait des dommages sérieux à une personne ou un bien ; que l’une des parties à la communication est la victime ou l’auteur potentiel de l’acte. Cette disposition qui constitue le droit commun, peut bien évidemment s’appliquer dans le cadre de la lutte contre le terrorisme337.

***

Comme en France, il existe au Canada, un système administratif d’interception des communications privées338. Cette pratique est effectuée sous

certaines conditions par le CST (Centre de la sécurité des télécommunications), après autorisation du Ministre de la Défense nationale (et non d’un juge judiciaire).

En effet, le Ministre peut autoriser par écrit, l’interception de communication privée dès lors qu’il est convaincu que l’interception vise des entités étrangères situées à l’extérieur du Canada, que les renseignements ne peuvent raisonnablement être obtenus d’une autre manière, que la valeur des renseignements espérés justifie la mesure et qu’il existe des mesures satisfaisantes pour protéger la vie privée des Canadiens. Ces interceptions ne

337 La possibilité d’effectuer une écoute téléphonique sans mandat est une mesure qui doit être exceptionnelle. En effet, dans l’arrêt R. c. Tse, la Cour suprême a affirmé qu’il s’agissait de « la seule disposition [relative à l’interception de communications privées] n’exigeant ni le consentement d’une partie, ni une autorisation préalable ». Le législateur l’a toutefois assortie de conditions importantes qui « créent intrinsèquement des limites temporelles strictes » et qui garantissent « que les communications ne seront interceptées sans autorisation qu'en [véritable] situation d'urgence pour prévenir des dommages sérieux » Elle a donc conclu que la disposition était conforme à l’article 7 et à l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. (R. c. Tse, [2012] 1 R.C.S. 531 par. 27, 28 et 58)

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peuvent être effectuées que dans le seul but d’obtenir des renseignements étrangers.

a.2. Exécution des écoutes téléphoniques

- La durée de l’écoute téléphonique ne peut, en principe, excéder soixante jours339.

Toutefois, un juge d’une cour supérieure peut renouveler l’autorisation lorsqu’il reçoit une demande écrite accompagnée d’un affidavit indiquant un certain nombre d’éléments (la raison et la période pour lesquelles le renouvellement est demandé, les détails relatifs aux interceptions qui ont été faites ou tentées, le nombre de cas où une demande de renouvellement a été présentée et tout autre renseignement que le juge peut exiger).340 Le juge pourra accorder le

renouvellement d’une autorisation pour une période maximale de soixante jours s’il est convaincu que l’une des circonstances fondant l’écoute téléphonique existe encore341.

En matière de terrorisme, la durée des écoutes téléphoniques a été considérablement augmentée. En effet, lorsque l’enquête porte sur une infraction de terrorisme, la durée des écoutes téléphoniques peut être augmentée à un an342. Et ce, pour la première autorisation et pour son

renouvellement.

- L’autorisation est assortie du pouvoir pour les policiers d’installer le dispositif d’interception, de l’entretenir et de l’enlever secrètement343. Les

communications sont retranscrites par écrit. Tous les documents sont confidentiels et placés dans un paquet scellé conservé par le tribunal344.

- Les écoutes téléphoniques sont faites par principe à l’insu des participants. Toutefois, le droit canadien prévoit l’information de la personne

339 Art 186 (4) e) C. cr 340 Arts 186 (6) et (7) C. cr 341 Art 186 (1) C.cr

342 Art 186.1 c) C. cr affirme que « l’autorisation et le renouvellement peuvent être valides pour des périodes de plus de soixante jours précisées par l’autorisation et d’au plus un an chacune, dans les cas où l’autorisation vise : c) une infraction de terrorisme »

343 Art 186 (5.1) C.cr 344 Art 187 (1) C. cr

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visée par l’écoute, après un certain temps. En effet, la personne visée par l’écoute téléphonique est informée de cette mesure postérieurement, par un avis qui est donné par le procureur général de la province ou le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile345. En principe, cet avis est délivré

« dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la période pour laquelle l’autorisation a été donnée ou renouvelée »346.

Cependant, le procureur général ou le ministre peut demander au juge de prolonger ce délai.347 Cette demande est accompagnée d’un affidavit

indiquant les faits justifiant la prolongation et le nombre de fois où une demande de renouvellement a été faite348. Le juge de la cour supérieure décidera de

prolonger ce délai pour une période maximale de trois ans, s’il est convaincu que l’enquête en cours ou toute autre enquête découlant d’un renseignement obtenu « continue et que les intérêts de la justice justifient qu’il l’accepte ».349

En matière de terrorisme, les motifs pour accorder une telle prolongation ont été modifiés. En effet, le juge décidera toujours de prolonger le délai initial pour une période maximale de trois ans. Cependant, par dérogation au droit commun, le juge accordera la prolongation dès lors qu’il est convaincu que l’autorisation vise une infraction de terrorisme et que les intérêts de la justice justifient qu’il accepte.350

Ainsi, en matière de terrorisme, le législateur permet aux policiers de procéder à des interceptions de communications privées selon des conditions plus souples que le droit commun et pour un délai plus long.

Il est possible de s’interroger sur la constitutionnalité de cette disposition. Malgré l’absence de jurisprudence, certains éléments peuvent être présentés. L’écoute téléphonique est une mesure attentatoire au droit à la vie privée qui fait l’objet d’une double protection. D’une part, elle est protégée, à travers le droit à la liberté, par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés351.

345 Art 196(1) C.cr 346 Ibid. 347 Art 196 (2) C.cr 348 Art 196 (4) C. cr 349 Art 196 (3) C.cr 350 Art 196 (5) c) C.cr

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D’autre part, d’après la Cour suprême352, cette technique d’enquête constitue

une fouille, perquisition et saisie, et fait donc également l’objet d’une seconde protection par l’article 8 de la Charte.

En matière de terrorisme, le législateur a fait le choix de faciliter le recours aux écoutes téléphoniques, notamment en assouplissant les critères d’obtention du mandat. En effet, en principe, il est nécessaire de démontrer la nécessité d’avoir recours aux écoutes téléphoniques dans le cadre d’une enquête. Ainsi, la demande d’autorisation doit indiquer que d’autres méthodes d’enquêtes ont été évaluées et le juge doit le prendre en considération. Cette exigence a été supprimée par la loi antiterroriste de 2001353. Or, la Cour suprême semble

considérer que le critère de nécessité est essentiel à l’obtention d’un mandat354.

Ainsi, l’écoute téléphonique, autorisée en vertu d’un mandat qui n’aurait pas pris en considération cette exigence, semble abusive et partant contraire à l’article 8 de la Charte Canadienne des droits et libertés.

Le législateur a également augmenté le délai de la mesure. Ce procédé ne semble pas contraire en soi aux exigences constitutionnelles. Cependant, il soulève des interrogations de la part des professionnels et de la doctrine. Ainsi, dans l’arrêt R. c. Doiron355, l’avocat de la défense a affirmé « que cette période

d'un an permet que beaucoup d'autres personnes, inconnues au départ, tombent sous le coup de la "clause résiduelle". Les écoutes autorisées pourraient donc se métamorphoser, sans surveillance judiciaire, en une multitude d'autres »

Enfin, le législateur a modifié les règles classiques relatives à l’avis de la personne concernée par les écoutes téléphoniques. En matière de terrorisme, il est prévu que le juge peut prolonger le délai d’avis pour une période maximale de trois ans et selon des motifs moindres. La durée de la prolongation ne semble pas en soi contraire aux exigences constitutionnelles puisqu’une même durée est possible en droit commun. Cependant, les motifs d’octroi de la prolongation sont moins exigeants et sont donc susceptibles d’être contraire à la Charte canadienne.

352 R. c. Duarte, [1990] 1 R.C.S. 30, par. 50

353 Loi C-36 du 18 décembre 2001 (L.C. 2001, ch. 41) 354 R. c. Araujo, [2000] 2 R.C.S. 992 par. 37 et 38 355 R. c. Doiron, [2004] CBR A.N.-B. no. 208 par. 62

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Comme il a été mentionné précédemment, il n’existe aucune décision en matière d’écoutes téléphoniques relatives à une infraction de terrorisme. Mais, il est possible de se référer aux décisions en matière de criminalité organisée puisque dans ce domaine, le régime des écoutes téléphoniques est comparable à celui du terrorisme. En effet, toutes les dérogations énumérées dans cette partie s’appliquent également à « une infraction commise au profit ou sous la direction d’une organisation criminelle, ou en association avec elle »356.

Dans le cadre de la criminalité organisée, plusieurs jugements ont admis la validité constitutionnelle de ces dérogations. S’agissant du critère de nécessité, la Cour du Banc de la Reine du Manitoba a considéré qu’il pouvait être supprimé sans pour autant être contraire à la Charte canadienne des droits et libertés357. S’agissant de la durée de la mesure, la Cour du Banc de la Reine du

Nouveau-Brunswick, la Cour a également considéré que la disposition était conforme aux exigences constitutionnelles358.

Finalement, malgré les critiques exposées, il est fort possible que les dispositions en matière de terrorismes soient déclarées conformes à la Charte.

b. Les écoutes téléphoniques en droit français

Les écoutes téléphoniques, appelées ‘’interceptions de correspondance émises par la voie des communications électroniques’’ existent également en droit français et y sont définies comme des « opérations par lesquelles, sous l’autorité et le contrôle d’un magistrat, sont captées, enregistrées et transcrites les correspondances émises par la voie des télécommunications, lorsque les nécessités d’une enquête ou d’une information l’exigent »359.

En principe, les écoutes téléphoniques et plus largement, toutes les interceptions et captations de correspondances, sont prohibées360. Toutefois

des exceptions sont prévues par le législateur, permettant ainsi à un officier de

356 Art 185 (1.1) b) C.cr ; Art 186 (1.1) b) C.cr ; Art 186.1 b) C.cr et Art 196 (5) C. cr. Issu de la loi C-95 L.C. 1997, ch. 23 dite « loi anti-gang »

357 R. c. Pangman, [2000] CBR M.J. No. 300, par. 44 et R. c. Doiron, [2004] CBR A.N.-B. no 208 par. 44, 45 et 61

358 R. c. Doiron, [2004] CBR A.N.-B. no 208 par. 64

359 Thierry Debard et Serge Guinchard (dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 23ème ed., 2016.

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police judiciaire de procéder, sous certaines conditions, à des écoutes téléphoniques.

b.1. Les écoutes judiciaires

Développées en l’absence de texte, les écoutes téléphoniques judiciaires étaient, à l’origine, encadrées par la jurisprudence de la Cour de Cassation361.

Mais c’est à la suite d’une condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme362 que les écoutes judiciaires sont codifiées363. A ce titre, un certain

nombre de garanties sont prévues afin de concilier efficacité des investigations et protection des libertés individuelles (ici le droit à la vie privée).

- Traditionnellement, les écoutes judiciaires ne peuvent être ordonnées que par le juge d’instruction dans le cadre d’une information relative à un crime ou un délit dont la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement364. Ces opérations sont effectuées sous son autorité et son

contrôle. La décision d’interception est rendue par écrit, comporte un certain nombre de mentions365 (identification de la ligne, infraction motivant l’écoute,

durée de la mesure) et est insusceptible de recours366.

La durée de la mesure est de quatre mois maximum367. Toutefois, elle peut être

renouvelée pour des périodes de quatre mois, dans la limite d’un an en droit

361 Dans l’arrêt Imbert, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a admis la validité de telles écoutes (Cass. Crim., 12 juin 1952, S. 1954, I, 69 Imbert). Puis, dans l’arrêt Tournet, la Chambre criminelle a apporté des précisions en conditionnant la validité de ces écoutes à plusieurs éléments et en les fondant sur des textes très larges dont l’article 81 al. 1 et l’article 151 C. proc. pén. (Crim. 9 octobre 1980 n° 80-93140 Tournet)

362 CEDH, Ch., 24 avril 1990, Kruslin et Huvig, req. n° 11801/85.

363 Par la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances émises par la voie des communications électroniques

364 Art 100 C. proc pén. S’agissant du monopole du juge d’instruction : Cass. Crim. 13 juin 1989 n° 89-81388 et 89-81709 Bull. crim. 1989 N° 254 p. 634

365 Art 100-1 C. proc. pén.

366 Art 100 C. proc. pén. Ceci est contesté par une partie de la doctrine. Ainsi Gilbert Roussel énonce « S’agissant d’une décision portant atteinte aux libertés individuelles et prise par un juge de premier degré, elle devrait, en bonne logique, pouvoir être contestée ». (Gildas Roussel, Procédure Pénale, Vuibert droit, 7ème éd. 2016, p. 305) En effet, selon la Cour de Cassation, l’intervention du juge judiciaire au moment de la prise de décision constitue une garantie suffisante. Pourtant, la Cour européenne des droits de l’homme considère que cela revient à priver l’intéressé de tout recours, ce qui est contraire aux articles 8 et 13 de la Convention (CEDH, Cour (Chambre), 24 août 1998, Lambert c. France n° 23618/94 par. 43 et CEDH, Cour (Quatrième Section), 29 mars 2005, Matheron c. France, req n° 57752/00 par 44). 367 Art 100-2 C. proc pén.

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commun ou de deux ans en matière de criminalité organisée (dont le terrorisme)368.

Le juge d’instruction ou l’officier de police judiciaire commis peut requérir tout agent qualifié en vue de procéder à l’installation du dispositif d’interception369.

L’exécution de la mesure est confiée à un officier de police judiciaire et un