• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 : REVUE DE LITTÉRATURE

2.4 Écoulement d’eau dans les massifs fracturés et lois de comportement

2.4.3 Écoulement d’eau dans un massif rocheux fracturé

Quand il s’agit d’étudier l’écoulement à travers un réseau de fractures avec une matrice rocheuse essentiellement imperméable, il y a deux aspects majeurs à considérer :

i) la perméabilité du système de fractures,

Il est souvent observé sur le terrain que les masses rocheuses fracturées contiennent des ensembles de fractures discontinues avec une géométrie qui ressemble à celle de la figure 2.9. Les fractures ont une taille finie le long d’un plan. En conséquence, le degré d’interconnexion entre les plans de fractures discontinues est un facteur important pour la contribution à la conductivité hydraulique de l’ensemble du système. La densité, ou le nombre de fractures par unité de volume de roche, est un autre facteur important. L’ouverture de chaque fracture va déterminer sa perméabilité individuelle. Enfin, l’orientation va déterminer les directions le long desquelles les fluides peuvent s’écouler dans la masse rocheuse totale.

Witherspoon (1986) a montré suite à des observations sur terrain que chaque fracture peut contribuer à la perméabilité du massif rocheux uniquement si cette fracture interagit avec d’autres fractures conductrices. Ceci revient à dire que l’écoulement dans une fracture n’est pas indépendant de l’écoulement dans une autre fracture.

Certains auteurs ont postulé que l’écoulement dans une fracture est indépendant de l’écoulement dans les autres fractures, et que l’écoulement dans chaque fracture dépend uniquement de la taille et de l’orientation dans le champ d’écoulement global (Sagar et Runchal, 1977). Ces auteurs ont conclu que « une fracture qui n’apparaît pas dans la limite de l’élément rocheux considéré n’a pas d’importance dans le calcul de la conductivité hydraulique équivalente.» Ceci ne peut pas être toujours applicable, parce qu’il faut considérer les effets de l’interconnexion et de l’hétérogénéité des réseaux de fractures (Witherspoon, 1986).

Afin de résoudre un problème d’écoulement en massif fracturé, il faut tout d’abord élaborer une approche conceptuelle du phénomène physique et ensuite adopter un modèle pour représenter la situation spécifique. Les lois d’écoulement utilisées sont fonction de l’approche conceptuelle retenue et celle-ci dépend de l’échelle du problème considéré. Dans la pratique, trois approches conceptuelles sont utilisées pour résoudre les problèmes d’écoulement en milieux fracturés. Il s’agit des modèles du milieu poreux équivalent, des modèles avec fracturation discrète et des modèles hybrides. Ces derniers utilisent à la fois l’approche conceptuelle du milieu poreux équivalent et l’approche avec fracturation discrète. Berkowitz (1994) définit quatre échelles de travail pour caractériser les massifs rocheux fracturés. Il s’agit de la très petite échelle, de la petite échelle, de la grande échelle et de la très grande échelle (voir figure 2.10). À chaque échelle est associée une approche conceptuelle susceptible de s’appliquer. Selon Bear (1993), l’approche avec fracturation discrète s’applique généralement à très petite échelle comme le cas à proximité d’un puits de pompage ou d’un petit tunnel.

À ces endroits, il n’y a possiblement qu’une seule fracture et celle-ci peut être considérée comme responsable de l’écoulement local. À cette échelle, le volume de la roche intacte est petit et son apport à l’écoulement est négligeable par rapport à la contribution de la fracture.

Figure 2.10 Les quatre échelles de travail en massifs fracturés a) Très petite échelle, b) Petite échelle, c) Grande échelle, d) Très grande échelle (adaptée de Berkowitz, 1994)

À petite échelle, l’écoulement est dominé par un ensemble bien défini de fractures et la roche intacte peut jouer un rôle plus ou moins important selon sa conductivité hydraulique. À cette petite échelle, l’approche conceptuelle avec fracturation discrète est généralement employée lorsque la conductivité hydraulique de la roche intacte est faible. Dans le cas contraire, une approche conceptuelle hybride peut être utilisée.

Ceci revient à modéliser les fractures de façon discrète et la roche intacte comme un milieu poreux équivalent. À très grande échelle, le massif fracturé se comporte généralement comme une masse quasi homogène dont les propriétés hydriques reflètent à la fois celles de la roche intacte et celles du réseau de fractures. L’approche conceptuelle du milieu poreux équivalent est couramment utilisée à cette échelle (Kenny et al., 2004). Avec l’approche conceptuelle du milieu poreux équivalent, l’écoulement dans un massif fracturé est idéalisé comme étant semblable à celui dans un milieu granulaire. L’avantage de faire cette hypothèse est que les lois d’écoulement dans les milieux granulaires sont bien connues. Cette approche est généralement valide à très grande échelle pour les massifs fracturés dont la densité de fracturation et la connectivité entre les fractures sont élevées (Bear, 1993). Gale (1990) a mentionné que les arguments en faveur de l’approche d’un milieu poreux équivalent sont basés sur l’idée qu’avec une diminution de l’espacement des fractures ou une augmentation de la densité des fractures, un massif rocheux fracturé avec trois familles de fractures orthogonales peut s’approcher d’un milieu poreux homogène. Cette approche conceptuelle est basée sur la notion du volume élémentaire représentatif (VER). Si les paramètres définissant le milieu continu équivalent ne sont définis qu’à partir d’un volume minimal, le VER, il serait nécessaire de déterminer ce VER et de le comparer à l’échelle des mesures et à celle du problème. Les dimensions du VER correspondent à l’échelle à partir de laquelle un massif rocheux, localement très hétérogène, peut être considéré comme homogène.

Le tableau 2.5 permet de comparer les différentes approches conceptuelles applicables aux systèmes fracturés en présentant les avantages et désavantages de chacune d’elle.

Tableau 2.5 Différentes approches conceptuelles applicables aux systèmes fracturés (Tiré de Cook, 2003) Approche de modélisation Avantages Désavantages Milieu poreux

équivalent i) approche simple, demande peu de données.

ii) zones avec fractures de porosité et conductivité élevées peuvent être simulées.

iii) la plus adéquate pour des applications à l’échelle régionale pour écoulement régime permanent.

i) applications limitées pour l’écoulement transitoire. ii) application limitée pour des problèmes de transport de solutés.

iii) suppose que le VER peut être définis. Des prédictions ne peuvent être émises qu’à des échelles supérieures ou égales au VER.

Double porosité i) adéquate pour systèmes avec matrice ayant une porosité et une perméabilité élevées.

ii) permet les échanges d’écoulement et de solutés entre matrice et fractures.

iii) peut tenir compte des réponses hydraulique et de transport causées par le stockage de la matrice.

i) tendance à simplifier la géométrie.

ii) difficile à quantifier les paramètres nécessaires comme entrées pour le modèle double porosité. iii) suppose que le VER peut être défini. . Des prédictions ne peuvent être émises qu’à des échelles supérieures ou égales au VER.

Réseau de fractures discrètes

i) représentation explicite de fractures individuelles et de zones de fractures. ii) permet les échanges d’écoulement et de solutés entre matrice et fractures.

ii) utile pour la détermination des paramètres du milieu équivalent, basée sur des caractérisations explicites.

i) demande la connaissance la plus détaillée du terrain. ii) difficulté d’extrapoler les estimations des paramètres à petite échelle aux échelles d’intérêt plus grande.

iii) puissance de simulation nécessaire pour les réseaux complexes, spécialement quand la diffusion dans la matrice est importante. Approche

stochastique

i) possibilité de conditionner des simulations avec des données connues.

i) suppose que les paramètres statistiques équivalents du système hétérogène ne varient pas spatialement à travers le système.

La figure 2.11 montre que la variabilité des propriétés d’un massif fracturé, comme la conductivité, diminue avec l’augmentation de l’échelle jusqu'à atteindre le VER.

L’échelle de mesure a aussi un effet sur les propriétés hydrauliques dans les massifs rocheux fracturés. Dans leurs essais de tests de pompage sur des aquifères, (Nastev et al., 2004) ont constaté une augmentation de la fracturation des unités rocheuses avec la profondeur, ce qui suggère l’application de l’approche du milieu poreux équivalent à grandes échelles.

Figure 2.11 Illustration du concept de volume élémentaire représentatif VER (Tirée de Elsworth et Mase, 1993)

Nastev et al. (2004) ont développé une relation entre la conductivité hydraulique et le volume de l’aquifère investigué (en L3) sous la forme :

K (m/s) = k.V 0.92 (2.54)

avec, k une constante (dans ce cas, k = 10-7.3) et n le nombre de tests (ici n = 179) et un coefficient de corrélation de 0.61.