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La composition de la végétation détermine la diversité et la composition des champignons décomposeurs édaphiques par plusieurs chemins. Tout d’abord, il existe des préférences voire des

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5 spécialisations des champignons décomposeurs en fonction des espèces (Zhou et Hide2001; Ushio

et coll.2008; par ex. aiguille de conifère, feuille d’arbre caducifolié), des génotypes (Schweitzer et coll. 2008), des organes (par ex. feuille, branchage) et de la composition chimique du sol (Allison et coll. 2009; Ayres et coll. 2009). La végétation peut également affecter indirectement la communauté fongique de décomposeurs édaphiques, par exemple par une modification de la communauté mycorhizienne qui interagit fortement avec les décomposeurs (Averill et coll. 2014; Fernandez et Kennedy2015a).

Figure I.13 – Faciès de décomposition d’origine fongique : a, b) Faciès de décomposition de type pourriture blanche (ou molle) causée par la dégradation de la lignine et de la cellulose. c) Souche de pin laricio comportant un gradient de faciès de décomposition du bas (pourriture blanche, flèche blanche) vers le haut (pourriture cubique, flèche orange) en relation avec un gradient hydrique. d et e) Faciès de décomposition typique de la pourriture brune (ou cubique) causée par la dégradation de la cellulose et de l’hémicellulose sans décomposition de la lignine. Source d :·c[nom d’utilisateur : Beentree]. f) La décomposition du bois est un travail d’équipe. Si les micro-organismes, dont les champignons, sont indispensables, les animaux tels que les oiseaux (par ex. les pics) et les insectes (par ex. les termites et les Coléoptères saproxyliques) participent activement à ce processus. g et h) Faciès de décomposition en nid d’abeille de Xylobolus subpileatus.

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5 FigureI.14 Illustration des

relations entre niche d’habitat et niche trophique à travers la terminologie associée : Les types d’interactions sont indiqués en vert, les préférences trophiques en bleu et les préférences d’habitat en rouge. Les guildes étudiées dans cette thèse sont indiquées en gris excepté celle des endophytes foliaires.

Les perturbations structurent également les communautés de champignons décomposeurs édaphiques. Le feu est une des perturbations naturelles majeures sur terre (Moritz et coll. 2014, section 7 de l’introduction). Les incendies réduisent fortement la biomasse fongique (Dooley et Treseder2012; Holden et Treseder2013) et modifient la composition des champignons du sol, que ce soit dans le cas de feux prescrits (Oliver et coll.2015) ou de feux naturels (Holden et coll.2016). Les procédés par lesquels le feu influence ces communautés incluent la mort des micro-organismes ou d’autres espèces en interactions41, mais aussi les modifications à plus ou moins long terme des caractéristiques physico-chimiques du sol (Holden et coll.2013). D’autres perturbations altèrent les communautés fongiques en particulier les activités humaines. Il en est du management forestier à court terme (Paillet et coll.2010) comme de l’usage des sols à long terme (Dupouey et coll.2002). Nous verrons également dans le manuscritIque les chablis sont aussi des déterminants de la structure des communautés de plusieurs guildes de champignons dont les champignons saprotrophes et saproxyliques.

Taylor et coll. (2014) ont identifié des champignons du sol qui sont des indicateurs d’habitat (sec vs humide ; acide vs non acide ; organique vs minéral). Ils trouvent de nombreux indicateurs opposés au sein d’un même genre ou d’une même guilde. Ils en déduisent un partitionnement de la niche plus fort avec déplacement de caractères42 après spéciation.

41. Par exemple, des modifications de la composition des plantes et des prédateurs peuvent transformer les

communautés fongiques du sol (Neary et coll.1999; Mataix-Solera et coll.2009; Dooley et Treseder2012).

42. Le déplacement de caractère est une accentuation évolutive des différences de traits entre espèces sympatriques,

causé par la compétition pour la ressource (Silvertown2004). On parle aussi de limitation de la similarité quand on veut

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5 Tableau I.3 – Niche d’habitat et influence relative hypothétique des règles d’assemblage des

communautés : Les colonnes correspondent aux préférences d’habitats et les lignes à quatre déterminants potentiels des communautés fongiques. L’importance relative est indiquée par le nombre d’étoiles. Les positions des quatre guildes traitées dans ce travail sont indiquées en dessous du tableau.

Le cas des champignons saproxyliques

On connaît l’écologie des champignons décomposeurs du bois principalement sous l’angle des fructifications. Les communautés de champignons saproxyliques des forêts tempérés dépendent de nombreux paramètres. La taille du matériel à décomposer (par ex. branche ou tronc), son âge (temps depuis la mort et depuis le contact avec le sol) et l’exposition au soleil structurent les communautés de champignons saproxyliques. Certaines espèces de champignons préfèrent les trouées de grandes tailles sans végétation au-dessus (Heilmann-Clausen 2005). Le rôle de l’histoire, c’est-à-dire de l’ordre d’arrivée des espèces dans la communauté, est également important chez les champignons saproxyliques (Fukami et coll.2010).

Durant le processus de décomposition, les propriétés physico-chimiques du bois changent graduellement. Les champignons sont en partie responsables de l’augmentation de la teneur en eau et en lignine et donc de la diminution de la biomasse et de la densité du bois pendant le processus de décomposition (Rajala et coll.2012). Les espèces fongiques se succèdent sur le bois (Rayner et Boddy1988). Au début on trouve surtout des Ascomycètes responsables de pourriture molle (def. dans tableauI.2) qui sont remplacés par des champignons – surtout des Basidiomycètes – capables de dégradation de type pourriture blanche et brune (def. dans tableauI.2). La succession est donc fortement dirigée par le basculement entre des espèces capables de dégrader uniquement la cellulose vers de espèces capables de dégrader des substrats plus riches en polyphénols, dont fait partie la lignine (Daniel et Nilsson1998). Pendant cette altération du bois, la richesse spécifique des champignons présents dans le bois tend à augmenter (Kubartová et coll.2012). Par conséquent, les interactions

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interspécifiques augmentent en complexité avec l’âge du substrat. Comme signalé dans cette section, la niche trophique n’est pas suffisante pour étudier l’écologie des communautés des champignons saproxyliques. En effet, on trouve du mycélium, et parfois des fructifications, de champignons ECM dans le bois (Ottosson et coll. 2015) et leur abondance relative augmente avec la décomposition (Rajala et coll.2012).

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Figure I.15 – Illustration des organes visibles chez les macromycètes saproxyliques : (a) Rhizomorphes (voirglossaire) d’armillaires (Armillaria mellea) sur tronc de hêtre. (b-d) Fructification du polypore Phylloporia pini sur pin maritime. (c) Fructification de Lentaria subcaulescens avec faciès de décomposition particulier en lambeaux perpendiculaires. (e) Fructification de Stereum insignitum sur tronc de hêtre au sol. (f) Fructification de Xylobolus subpileatus sur chêne vert. La surface du champignon est en partie recouverte par un myxomycète (plasmode jaune appartenant sans doute à l’espèce Badhamia utricularis) en pleine fructification.

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(i) Les champignons décomposeurs jouent un rôle central dans le fonctionnement des écosystèmes, notamment de part la capacité de certains Basidiomycètes à dégrader la lignine.

(ii) La composition des communautés de champignons décomposeurs du sol (saprotrophes édaphiques) est déterminée par la taxinomie de la végétation, par la composition chimique du sol, mais aussi par les perturbations comme le feu. Il semble également que la compétition entre espèces structure ces communautés.

(iii) Les communautés de champignons décomposeurs du bois (saproxyliques) sont structurées par l’ordre d’arrivée des espèces et suivent une succession au cours du processus de décomposition. De plus, le type et l’origine du substrat jouent un rôle primordial dans la composition de ces communautés.

Résumé

(i) Saprotrophic fungi are central in ecosystem functioning, especially due to the capacity of some Basidiomycetes to degrade lignin.

(ii) Community composition of soil saprotrophic fungi is driven by above-ground vegetation taxonomy, soil chemical composition, competition, and disturbances such as fire.

(iii) Communities of wood saproxylic fungi are structured by order of arrival on the wood. Moreover, those communities follow a succession along the decaying process. Lastly, the nature and origin of the substrate undoubtedly shape those communities.

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