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Échanges dans un climat chaleureux

Echelle de participation communautaire

5.3 Échanges dans un climat chaleureux

La communication a une place importante dans le développement du pouvoir d’agir du groupe. En effet, une circulation efficace et accessible pour tous, ainsi qu’une transparence dans les prises de décisions permettent de créer un climat de confiance (Ninacs, 2008). Les points suivants parleront des moyens de communication mis à disposition au niveau de l’organisation de la structure, puis de la manière dont cette communication semble être vécue par les participantes.

5.3.1 Communauté

Plusieurs sujets abordés durant l’évaluation participative traitent de problèmes de

communication. À titre d’exemple, certaines participantes et animatrices se sont

plaintes des arrivées tardives en début d’après-midi. Cela pose un problème car les instructions et les tâches à effectuer sont données à ce moment-là. Les personnes qui arrivent plus tard et qui ne se renseignent pas lors de leur arrivée n’ont donc pas connaissance de cet état des lieux. L’une des animatrices a souligné un autre problème de communication lors du partage des fruits et légumes :

« C’est comme la dernière tranche de gâteau, tout le monde la veut et la regarde. Personne n’ose la prendre. Quelqu’un la prend finalement et après on sent de petites tensions. C’est pas une question de contrôler qui prend quoi, mais c’est juste une question de communication entre nous qui doit mieux fonctionner. Il faudrait oser dire oui moi je veux et pas attendre la dernière minute qu’une personne prenne ce qu’il reste et la regarder avec des yeux énormes. »

D’autres soucis concernant le partage des fruits et légumes – toujours en lien avec la communication - ont émergé durant le focus group. Apparemment, lors d’un atelier, les animatrices auraient donné l’autorisation à certaines participantes de venir cueillir des tomates en dehors de l’atelier hebdomadaire. Suite à cela, d’autres jardinières ont appris que des membres s’étaient rendus au jardin dans le courant de la semaine, sans toutefois savoir qu’il s’agissait d’une exception (il y avait beaucoup de tomates à cueillir) et que les jardinières avaient l’autorisation des animatrices. À la suite de cet événement, nous avons pris du temps pour débattre sur le fait d’autoriser ou non la récolte en dehors des vendredis après-midi. L’une des jardinières a réclamé un traitement plus égalitaire « (…)

Les membres de la communauté s’attribuent les réussites effectuées ;

o Ils représentent le groupe lorsqu’ils sont en lien avec l’extérieur

Imputabilité positive lors de la fête de l’inauguration (fierté) ;

Les jardiniers prennent des décisions

si les autres vont deux-trois fois et que tu leur dis oui et tu dis non à quelqu’un d’autre, je m’excuse mais ça va pas. Ou tu dis aux deux oui, ou à tout le monde non ». Ces exemples montrent bien l’importance d’accorder une attention particulière à la communication au sein du jardin solidaire dans un but d’efficacité et d’égalité. Une partie de ces problèmes peut être anticipée en privilégiant un certain type de moyens de communication.

Certaines femmes migrantes semblent rencontrer des difficultés à se positionner à propos du projet lorsque leur avis est sollicité. Elles ont notamment tendance à se sous-estimer. J’ajoute une nouvelle hypothèse à celles émises précédemment - en lien avec leur niveau d’éducation et des questions de genre - qui permettrait d’expliquer ce phénomène : les moyens de communication utilisés par les animatrices influencent l’efficacité et l’accessibilité de la communication. Le sous-chapitre suivant développe davantage cette remarque.

5.3.2 Niveau organisationnel

Ce sous-chapitre traite du temps consacré aux échanges dans le jardin solidaire et explique pourquoi il paraît important d’adapter les moyens de communication utilisés. Le dernier paragraphe avant l’hypothèse réalise un petit détour par la philosophie de Paolo Freire concernant le dialogue.

5.3.2.1 Temps consacré à la communication

L’atelier de discussion qui suit le jardinage commence généralement par une

transmission d’informations de la part des animatrices. Elles profitent de ce moment pour donner des renseignements concernant les prochains vendredis après-midis et les divers événements en lien avec le jardin solidaire ou l’association AMIS. Ces communications sont faites dans un cadre chaleureux et ludique ; des boissons et des biscuits sont offerts par l’association. Parfois, des participantes apportent des spécialités culinaires de leur pays. Cette ambiance favorise l’émergence d’un climat de confiance et de détente entre les membres du groupe, indispensable pour le développement de la composante de la participation selon Ninacs (2008).

5.3.2.2 Moyens et outils de communication

En animant les trois ateliers dans le cadre du projet d’accompagnement, j’ai pris conscience de l’importance du choix des outils utilisés, selon la population et les objectifs visés. En effet, le type d’activité choisie va permettre de favoriser la communication ou au contraire de la restreindre. À titre d’exemple, les méthodes d’animation du brainstorming et de l’analyse des succès, échecs, potentialités et obstacles (SEPO) font émerger les idées des participantes. Dans ce contexte, les jardinières ont été invitées à s’exprimer sur le projet. Il est important d’utiliser des moyens de communication accessibles à tous, peu importe le niveau de scolarité des membres du groupe (certaines

participantes sont non-lectrices au niveau du français, alors que d’autres ont fait des études).

5.3.2.3 Dialogue selon Freire

Selon Freire (1980), la transformation sociale n’est possible qu’au travers d’un véritable échange. Pour dialoguer, nous avons besoin de la parole qui est composée de deux dimensions indissociables : l’action et la réflexion. L’organisation du jardin permet d’explorer parfaitement ces deux éléments. En effet, en allant jardiner durant une heure et demie les participantes sont d’abord en action. Puis, elles se rendent dans le cabanon afin de boire une boisson chaude et discuter à propos de différentes thématiques en lien avec le jardin solidaire. Les intervenants qui accompagnent les « éduqués » ne doivent pas se croire supérieurs à ces derniers si l’on veut pouvoir effectuer un dialogue « libérateur ». Cette condition est également favorable au sein du projet car les animatrices se mettent sur un pied d’égalité avec les femmes migrantes dans leur comportement.

5.3.3 À retenir : transmission des informations importantes et climat

de confiance

En transmettant chaque vendredi les informations importantes aux jardinières, les animatrices favorisent la composante de la communication selon Ninacs (2008). De plus, ces échanges se font en toute transparence et dans un climat chaleureux et de confiance. Maintenant qu’un comité a été créé, il faudra observer dans quelle mesure la communication au sein du jardin solidaire sera modifiée et de quelle manière les décisions prises par les personnes du comité seront transmises aux autres participantes.

Figure 12 : la communication au jardin solidaire (Ninacs, 2008 ; Massé & Baudry, 2008 ; Michaud, 2014)