La philosophie heideggérienne reste considérée comme fondatrice, en France notamment où plusieurs générations de disciples se sont succédé, l’existentialisme sartrien laissant,[r]
Andrea Picciuolo, entretien avec FrançoisRastier Texto ! Textes et Cultures, Vol. XX, n°3 (2015)
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3. Dans vos essais de la période pendant laquelle vous avez travaillé avec Greimas (jusqu'au 1972), certains collectés dans le volume Essais de sémiotique discursive, des différences entre votre interprétation du « carré » et celle de Greimas paraissent évidentes (e.g. les deixis, et / ou les « grandeurs » à représenter sur / par le carré ) : y avait-il des différences de points de vue avec Greimas déjà au moment de la rédaction de « The interaction of semiotic constraints » ?
Témoigner et traduire : sur Ulysse à Auschwitz
Dans Ulysse à Auschwitz (prix de la fondation Auschwitz en 2005), FrançoisRastier réinterprète l’ensemble de l’œuvre de Primo Levi en tenant compte de son activité de traducteur et de ses poèmes, trop négligés par une critique qui a pris au mot l’assimilation par Levi de sa poésie à sa part irra- tionnelle. FrançoisRastier montre à rebours de cette non-lecture l’impor- tance de la poésie pour Levi, les années où il écrit le plus de poèmes étant celles où il élabore Si c’est un homme (paru en 1947) et celles qui précè- dent son dernier ouvrage, Les naufragés et les rescapés (1986). Réinscrivant leur auteur dans une tradition poétique à laquelle ils empruntent et dont ils se démarquent, les poèmes déploient une poétique à même de rendre compte de l’expérience du survivant et de sa cassure, et témoignent pour le témoin, dont la voix est redoublée par celles que la poésie rend audible.
William Winder, translator.
In Ulysses at Auschwitz (2005 Auschwitz Foundation award), FrançoisRastier reinterprets Primo Levi’s entire corpus in light of the latter’s work as a translator and a poet, an aspect of Levi’s work that is too often neglected. Critics have taken all too seriously Levi’s assertion that his poetry was the irrational part of his work. FrançoisRastier counters that critical omission by showing just how important poetry was for Levi, who produced the most poetry when he was laying the foundations for If This Is a Man (published in 1947) and as well immediately prior to his last work, The Drowned and the Saved (1986). By reminding us of the poetic tradition they grew out of as well as opposed, Levi’s poems offer a poetics that can capture the experience of survivors and their crisis, and testify for the witnesses, whose voices are echoed by those voices that poetry makes audible.
que François appelle, à la suite de Bakhtine, la compréhension-responsive au cœur du dialogue ordinaire.
8 Ceci posé – et ce sera l’objet de la deuxième partie de l’ouvrage – il reste à analyser de plus près le contenu même de ces mouvements discursifs dans le dialogue enfant- adulte et d’en tirer quelques conséquences. Un énoncé se construit par reprises, modifications, commentaires, détournements du discours de l’autre, d’où l’importance de l’étude des tours de parole. Une étude d’un dialogue entre deux petites filles (p. 54
Mais nous critiquerons néanmoins aussi cette approche sous trois angles. Tout d’abord, la distinction entre zone identitaire et zone proximale ne nous paraît guère justifiée, et semble obérée par une conception en définitive physicaliste de l’identité : le moi-ici-maintenant constitue toujours l’objet d’une construction psychologique qui mobilise nécessairement le proximal et ne parvient jamais à établir des frontières nettes avec celui-ci. S’agissant de la rupture temporelle en particulier, qu’est-ce qu’un MAINTENANT, sinon une durée construite autour du moment présent et absorbant donc largement le proximal ; si ce n’était pas le cas, on ne pourrait utiliser des formes de PRESENT que pour coder des procès coïncidant strictement avec le moment de l’acte de parole ! Et d’ailleurs, telles qu’elles sont présentées par l’auteur, les ruptures fondatrices, sont, pour les trois premières en tout cas, clairement binaires : JE/TU par opposition à IL ; ICI par opposition à AILLEURS ; MAINTENANT par opposition soit au FUTUR soit au PASSE. Ensuite, en raison précisément de cette binarité des oppositions, ainsi que du postulat d’homologie de leurs effets, cette approche des ruptures se trouve en fait assez proche de celle proposée par Benveniste dans L’appareil formel de l’énonciation (1974) et pourrait prêter le flanc à l’une des critiques adressées à l’approche de cet auteur (cf. supra, § 1, p. 52) : attribuer à ces marques énonciatives une valeur unique ou unilatérale. Comme FrançoisRastier ne l’ignore évidemment pas, ces marques peuvent être porteuses de valeurs multiples, et celles-ci s’établissent manifestement dans le cadre d’interactions complexes entre ordre du personnel, du local et du temporel, ce qui nous conduit à rejeter le postulat d’homologie de leurs effets. Enfin, outre qu’elle redouble en quelque sorte la teneur de la composante « dialogique » discutée plus haut, la rupture modale nous paraît avoir un statut fondamentalement différent des trois autres : d’une part au plan sémantique, contrairement à ces trois autres, elle n’est appréhendable en termes de proximal/distal que de manière très largement métaphorique ; d’autre part toute analyse empirique des textes révèle que ses formes de marquage (les modalisations) sont largement disjointes et indépendantes de celles des trois autres.
constituait alors l’éditorial du numéro spécial de Semiotica en l’honneur du centenaire de la naissance de Greimas (n° 214, janvier 2017). Il a été conduit pour permettre au lectorat de cette revue de « mieux connaître le travail de FrançoisRastier » et « mettre en lumière, de façon concise, le parcours de sa pensée sémiotique ». Comment comprendre la sémiotique greimassienne dans la continuité du saussurisme ? Les réponses précisent le rôle de la linguistique dans cette évolution. Une certaine continuité entre héritage philosophique et descriptions empiriques est désormais discernable. Rastier rappelle que l’objectivation de la sémiotique renforce l’unité des sciences de la culture, voire rend possible leur objectivation.
Signalons au passage que, si la distinction de la forme et de la substance dans le champ de la linguistique trouve son origine dans la glossématique, ainsi d’ailleurs que Rastier le reconnaît, les propositions de ce dernier sont également non recevables du point de vue hjelmslevien. En effet, de ce que « ce qui est substance pour la linguistique peut devenir forme pour une autre science », il s’ensuit qu’au sein d’une seule et même description on ne saurait considérer en même temps des sèmes qui seraient des formes linguistiques et d’autres qui seraient des substances linguistiques. Si Rastier voulait suivre Hjelmslev sur ce point, il devrait en toute rigueur considérer que les sèmes dits inhérents du point de vue de la description linguistique sont des sèmes afférents dès lors que leur description s’effectue en fonction d’autres normes sociales 5
s’il leur avait mis une étoile jaune. Peut-on désormais se montrer plus précis ? Peut-on, sans extrapolation excessive, induire quelque chose du fait que Vladimir et Estrag[r]
Ici, le projet artistique et la préoccupation éthique se rencontrent, car la complaisance littéraire n’est pas sans dangers : « Il existe une limite au-delà de laquelle on s’expose à de[r]
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignemen[r]
Après avoir rappelé la définition du texte, les instructions officielles en vigueur pour le collège (2005) précisent bien : « On le distinguera d’œuvre, qui s’emploie pour le[r]
Dans les sciences de la culture, les données sont ce qu’on se donne. Aussi, tout corpus assume une dimension critique car il dépend du point de vue qui a présidé à sa constitution et anticipe son interprétation. Le détour instrumental par les outils informatiques participe de son objectivation, mais ne dispense ni d’une philologie numérique ni d’une herméneutique matérielle. À titre d’illustration, je peux mentionner ici l’étude thématique des sentiments dans 350 romans français (1830-1970 ; cf. l’auteur, éd., 1996) ; ou encore le projet Morphogenres, qui a démontré expérimentalement la détermination des caractères globaux de discours et de genre sur les caractères locaux de la morphosyntaxe : en partant de 2600 textes codifiés au préalable par leur discours (ex. juridique, littéraire) et par leur genre, puis étiquetés par un jeu de 251 étiquettes morphosyntaxiques, on a pu prouver que les taux moyens d’étiquettes (tags) varient assez précisément pour qu’une classification automatique à l’aveugle puisse retrouver les classifications de discours et de genre collectivement établies lors de la constitution du corpus. Cela permet de conclure que le niveau morphosyntaxique (auquel on réduit trop souvent la langue) dépend étroitement des critères textuels globaux de discours et de genre, c’est-à-dire de normes non décrites par les grammaires (cf. Malrieu et Rastier, 2001).
— Comment expliciter l'articulation entre votre oeuvre, considérable dans le champ linguistique, et ce texte plus circonstanciel : pour ceux qui connaissent vos travaux de spécialiste, [r]
depuis le train, puisse ramener à la main comme à une persistance ou à une maintenance, à un temps qui n'en finit pas de passer (qui n'est donc jamais passé), mais s'obstine,[r]
Ainsi, nous travaillerons sur - dans l'ordre diégétique - l'éloge de Gargantua prononcé par Eudémon dans le Gargantua ; le Prologue, l'épitaphe de Badebec et le « dicton victorial » da[r]
Namur a certes perdu une partie d’elle‐même ce 1 er février 1944
mais cela n’a pas marqué la fin de l’histoire de François Bovesse. Au contraire, sa personnalité courageuse a inspiré de nombreuses personnes et son action a continué dès le lendemain de sa mort lorsque des milliers de Namurois sont descendus dans les rues malgré l’interdiction de l’occupant. Jusqu’à la fin de la guerre, et bien au‐ delà, la fidélité à ses valeurs dont a fait preuve François Bovesse tout au long de sa vie a été une source d’inspiration pour les citoyens qui ont continué son combat et bravé les armes des national‐socialistes. Ainsi, c’est également à tout le mouvement de la Résistance que nous pouvons rendre hommage aujourd’hui.
Premier cri- tique qui se soit occupé d'établir méthodiquement le texte du Lais, Bijvanck a fait l'étude des manuscrits et des imprimés dans le but de se rappro[r]
Dans un effort qui doit porter surtout sur les méthodes pédagogiques, la formation des enseignants, la recherche pédagogique, les horaires et les crédits sont pri[r]
Jean Sturm et Valentin Erythraeus, dont les écrits sont ici pris en considération, sont des dialecticiens humanistes dans la lignée de Philippe Melanchthon. Ils font partie d’un ensemble de pédagogues qui s’inspirent du De inventione dialectica (1515) de Rodolphe Agricola 18
et de la Dialectica (1529) de Georges de Trébizonde, pour défendre une logique fondée sur le dialogue. Ces pédagogues, qui rappellent à leurs élèves le lien étymologique qui unit la dialectique et le dialogue, proposent de remplacer l’ars docendi scolastique, strictement lié au logos et centré sur les formes syllogistiques du raisonnement, par un ars disserendi, centré sur la question de la topique, qui prend en compte les conditions réelles de l’argumentation et tout spécialement, la dimension interpersonnelle qu’elle implique. Comme l’indique Philippe Melanchthon, la dialectique humaniste est essentiellement une méthode pédagogique 19 . La Dialectique de Ramus, parue en 1555, substitue à cette méthode pédagogique dialogique, un art monologique qui annonce l’avènement de la logique cartésienne 20 .