• Aucun résultat trouvé

Le contrat didactique dans la théorie des situations didactiques en mathématiques

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Le contrat didactique dans la théorie des situations didactiques en mathématiques"

Copied!
42
0
0

Texte intégral

(1)LE CONTRAT DIDACTIQUE, DANS LA THÉORIE DES SITUATIONS.. Alain Mercier, Ecole Nationale de Formation Agronomique, Toulouse, France Conférence aux Premières Journées de Didactique des Mathématiques de Montréal, prononcée à l’Université de Montréal le mercredi 4 juin 1997. Remerciements Je remercie l’Universite de Montréal pour son invitation, et toutes les personnes qui ont travaillé opiniatrement pour que se tiennent ces Premières Journées de didactique des mathématiques. Je remercie chaleureusement Jean Portugais, qui a voulu ces Journées et veille à leur bon déroulement avec tant de soin, je remercie encore Gisèle Lemoyne, qui sera demain la marraine de Guy Brousseau pour son doctorat honoris causa, et Nadine Berdnarz, Benoît côté, Marie-Jeanne Haguel, qui ont réalisé un dispositif de travail efficace avec l’aide de leurs collègues des universités de Montréal, du Quebec, et du Canada. L'invitation qu'ils m'ont faite me ravit, car on n'a pas tous les jours l'occasion de parler du contrat didactique ; leur invitation m'honore, car elle est liée à la reconnaissance du travail de Guy Brousseau, à qui je dois à la fois mon intérêt pour la didactique, et la direction bienveillante de mon entrée dans le monde de la recherche. Je parlerai de ce que vingt ans de frayage m’ont appris sur l’espace de problèmes que le concept de « contrat didactique » a ouvert. Ouverture Car le projet, formulé par Guy Brousseau, d’étudier expérimentalement les conditions d’une genèse artificielle des savoirs mathématiques, portait une ambition qui nous fit rêver. Mais l’élève n’est pas seulement un sujet connaissant : il produit des objets sociaux, les savoirs. A cet effet, il entre dans un jeu coopératif avec l’enseignant, dans le but de produire des objets conformes à une attente sociale. Le concept de contrat didactique rend compte de cette coopération, et le projet initial de Guy Brousseau, transformé par l’irruption des problèmes qui forment l’extension de ce concept, ouvre aujourd’hui sur une théorie de la transmission intentionnelle des savoirs socialement désignés : la théorie des situations didactiques. Les problèmes que porte cette théorie balisent l’espace de ce que l’on nomme désormais le didactique. J’en proposerai une.

(2) visite, en centrant mon intérêt sur le contrat pour en donner une interprétation venue des questions que j’ai pu étudier personnellemnent.. INTRODUCTION La dimension humaine, et collective, des savoirs scientifiques J’exprimerai ainsi le motif de mon adhésion profonde au programme de la didactique des mathématiques : On ne peut comprendre comment les hommes savent les sciences en tenant pour négligeable le fait que la science soit toujours le produit d’une institution collective de recherche, quand bien même certains progrès des sciences seraient attribués à des hommes en particulier. Pourtant, l’étude de l’apprentissage des sciences a souvent été menée dans les laboratoires, sur des “ sujets ” isolés. Travailler sur le développement de la compréhension de la science en observant l’apparition ou la non-apparition d’un comportement attribuable à la connaissance d'un des concepts de la science en ignorerant la dimension sociale de l’activité scientifique et technologique caricature tout autant la réalité qu'une recherche de métaphysique sur les religions chrétiennes qui travaillerait sur le développement du sentiment religieux en observant l’apparition d’un comportement attribuable à l’idée de consubstancialité chez de jeunes communiants pris individuellement dans une situation bien contrôlée : le concept est un objet de la théorie, il appartient au rapport de l’institution et non pas à celui de la personne. Cette affirmation, posée a priori pour les besoins de cette conférence, énonce un des acquis - à mon avis essentiels - de la didactique des mathématiques. Je l’ai prise comme a priori parce qu’elle ouvre de plain pied sur deux problèmes qui introduisent mon sujet : Comment deux hommes pourraient-ils échanger à propos d’une idée nouvelle si l’inventeur n’avait aucun moyen de réduire la nouveauté de son idée pour l’autre ? Comment l’humanité pourrait-elle accumuler le savoir, si les aînés n’avaient aucun moyen d’aider leurs successeurs à s’en saisir ? L’inventeur d’une idée ou d’une théorie qui ne désire pas rester un savant incompris pose, et tente de résoudre le problème que tout enseignant rencontre. Cet inventeur dispose de deux types de stratégies (Je fais référence par exemple à la conférence de Thurston Proof and progress in mathematics. New York, 21 octobre 1993). Soit, il fait exister pour d’autres les conditions qui rendront son savoir nécessaire c’est-à-dire, qu’il pose le problème même que résout son idée nouvelle, et qu’il viabilise le terrain sur lequel la solution trouvée pourra être construite à nouveau, par d’autres. Le balisage du territoire dont la connaissance commune fondera la répétition de l’exploration première semble certes la solution.

(3) idéale, mais l’expérience montre que les touristes ne vivent pas exactement la même aventure que l’explorateur, et qu’ils ne retirent pas le même bénéfice de leur déplacement. Soit, il cache la nouveauté de son savoir c’est-à-dire, qu’il minimise le problème et qu'il présente la solution comme une organisation d’éléments connus. Il pose alors des problèmes partiels qui produisent une familiarisation avec le nouveau, longtemps avant de montrer l’importance du problème et l’originalité de la construction. L'existence d'un contrat didactique est un des moyens de la résolution pratique et implicite de ces problèmes. Le contrat didactique, dans l’enseignement des mathématiques Une relation didactique, qui s’enracine dans la décision d’enseigner et celle d’apprendre des savoirs précis, est sous-tendue par l’histoire didactique des protagonistes qui produit un système réciproque d’attentes entre le maître et les élèves : c’est cela que nomme le concept de contrat didactique. Dans une Ecole, les savoirs, qui sont une production sociale, doivent leur reproduction à une autre organisation sociale ; le concept de contrat didactique permet justement d’étudier certaines des dimensions sociales nécessaires à l’apprentissage des savoirs. Nous pensons et décrivons les responsabilités respectives du professeur et de l'élève au regard du savoir traité, en classe comme en dehors des temps de l’interaction scolaire proprement dite, et les conditions générales dans lesquelles ces responsabilités pourront évoluer, sous le terme de contrat didactique. La compréhension de ce que la connaissance du contrat didactique apporte à la connaissance des phénomènes d’enseignement et d’apprentissage, suppose une certaine familiarité avec l’ensemble des champs de recherches didactiques dans lesquels il intervient. C’est pourquoi je vous propose une série de vignettes où j’essaie de montrer en quelques minutes comment l’intervention du contrat a semblé nécessaire, et les connaissances ou les problèmes qu’elle a produits. Ces mises en situation introduiront donc chaque fois à un domaine ou à un thème de recherches particulier. Elles m’aideront à présenter quelques-uns des problèmes dont le concept de contrat didactique s’est nourri pour moi, ainsi que la manière dont il a contribué à produire des solutions particulières dans des environnements variés. Chacune constitue comme l’une des touches de couleur d’un portrait impressionniste dont la connaissance suppose que l'on oublie les détails pour prendre, enfin, un certain recul. Je suivrai l’ordre que voici : Introduction 1. Quel sens attribuer à un comportement observé ? 2. Le Contrat est-il pédagogique ou didactique ? 3. Le scandale des “ effets de contrat ”, Le cas du professeur.

(4) 4. Le contrat didactique, moyen d’enseignement 5. Le scandale des “ effets de contrat ”, le cas de l’élève 6. Deux nouveaux problèmes, La dévolution et l’institutionnalisation 7. Les paradoxes de l’intention didactique 8. Le contrat et le milieu, la mémoire didactique 9. L’entrée dans un contrat, et le maintien de la relation didactique 10. Questions étudiées et questions vives de la recherche actuelle Conclusion. 1. QUEL SENS ATTRIBUER À UN COMPORTEMENT OBSERVÉ ? Une série de techniques erronées produisent des réponses exactes Je décrirai les phénomènes liés au contrat didactique en évoquant une observation dont la publication a produit une surprise certaine chez le jeune chercheur que j’étais, il y a vingt ans. Voici comment on pourrait présenter les observations concordantes de nombreux chercheurs (Izorche, 1977), (Brousseau, 1980), (Margolinas, 1982), (Léonard et Sackur, 1986 et 1991) : “ Interrogée au téléphone, une personne doit résoudre le problème 1 ci-dessous : “ Déterminer la somme des deux nombres suivants : deux virgule trois et quatre virgule un ” (problème 1) Elle répond six virgule quatre. C’est juste, mais que sait-elle de l’addition des décimaux ? On ne peut rien en dire, parce qu'on ne peut pas prévoir, de ce comportement conforme, son comportement face au problème 2 qui lui serait posé à la suite et dans les mêmes conditions : “ Déterminer la somme des deux nombres suivants : deux virgule treize et trois virgule sept ” (problème 2) La réponse obtenue dépend des personnes interrogées, et plus précisément des conditions matérielles et sociales dans lesquelles elles ont déjà rencontré de tels problèmes, des techniques qui leur sont matériellement et intellectuellement disponibles, des explications associées qu’elles connaissent : de leur biographie relative à cet objet mathématique qu’est “ l’addition des décimaux ”. Ainsi, de deux personnes qui répondaient unanimement six virgule quatre, Untel répondra maintenant cinq virgule quatre-vingt-trois tandis que Telautre répondra cinq virgule vingt. Ce dernier résultat s’obtient en ajoutant deux et trois, puis treize et sept, agissant avec les décimaux ainsi que l’indique la manière dont on les lit :.

(5) comme un couple d’entiers constituant pour le premier, la partie entière du nombre décimal, et pour le second, sa partie fractionnaire décimale. La réponse exacte au premier problème pouvait être produite avec cette technique, mathématiquement incorrecte. Le deuxième problème la disqualifie, en principe. Mais il existe une règle pratique consistant à ramener les décimaux au même nombre de décimales. Il suffit d'écrire les nombres “ en chiffres ” et d'égaler les longueurs des parties décimales pour obtenir un problème de substitution, “ Déterminer la somme des décimaux 2,13 et 3,70. ”, qui se résout très bien par addition séparée de 3 et 2 d’un côté, 70 et 13 de l’autre. La somme est 5,83, un résultat qui ne signe donc pas un rapport univoque aux décimaux. Chacun le savait bien sûr : des problèmes relevant de conditions différentes correspondent à des connaissances différentes. Mais personne n’en avait tiré des observations aussi surprenantes, parce que personne n’avait pensé ceci : le savoir est déterminé par une situation épistémologique. L’attribution scolaire de réussite On constate alors que dans les classes, de tels problèmes sont posés à des élèves pour tester leur connaissance des décimaux. Et, les élèves qui ont juste se voient attribuer la connaissance de l’addition des décimaux, tandis que les autres se voient refuser cette attribution. Ma surprise devant l’observation était donc l’effet de ma pratique d’enseignant : je pratiquais ainsi moi-même, sans en avoir conscience. Car les chercheurs n'avaient pas repéré un phénomène cognitif attribuable aux élèves, mais une contrainte à laquelle le professeur est soumis : Pour enseigner des savoirs, et pour que les élèves apprennent à résoudre des problèmes qui utilisent ces savoirs, le professeur est en droit de leur poser des questions auxquelles ils pourraient ne pas répondre juste. En retour, les élèves doivent impérativement répondre. (Cette obligation les dégage de celle de répondre juste : ils doivent une réponse, même si elle doit être fausse.) Cependant, si les élèves répondent juste, le professeur doit officiellement considérer qu'ils maîtrisent le savoir correspondant. Cela règle l’interprétation du comportement du professeur, qu’autrement nous aurions donné l’impression de dénoncer : il semble en effet paradoxal qu’un professeur attribue la connaissance à des élèves qui manifestement “ ne maîtrisent pas le concept ”, comme dirait un mathématicien. Cette contrainte, Guy Brousseau l’a nommée “ un élément du contrat didactique ”. - du “ Contrat ”, parce qu’avec d’autres contraintes du même genre elle décrit et caractérise le lien implicite du professeur et de l’élève ; - “ Didactique ” parce qu’elle tient au savoir lui-même, à l’enjeu de la relation des acteurs d’une situation didactique. La contrainte que nous avons maintenant identifiée est une des lois fondamentales du contrat didactique, du lien implicite qui tient ensemble.

(6) professeur et élève. Mais plus généralement, dès que l’on interroge la pertinence de l’idée de contrat didactique, on remarque que le sens des comportements de l’élève comme le sens des comportements du professeur tiennent à ce lien. Ainsi, l’analyse du contrat aide le chercheur à sortir d’une problématique prescriptive typique du discours pédagogique (qui dit ce qui aurait dû être, et juge de ce qui est), pour entrer dans une problématique descriptive à proprement parler scientifique (où l’on comprend ce qui est, pour imaginer ce qui pourrait être). En conclusion, la première description des actions menées dans un système didactique montre des pratiques apparemment paradoxales, alors que leur interprétation comme des effets du contrat qui lie les acteurs montre que le contrat produit en pratique et implicitement des comportements utiles. Mais je ne vais pas anticiper sur la suite de mon propos, car je dois traiter une question liminaire.. 2. LE CONTRAT EST-IL PÉDAGOGIQUE OU DIDACTIQUE ? L’hypothèse du contrat pédagogique Par-delà les styles personnels que revendiquent enseignants ou enseignés, Janine Filloux, maître de conférences en Sciences de l'Education, explore (Filloux, 1974) les formes de ce qu'elle nomme “ la dimension inégalitaire de la relation de qui possède le savoir à qui l'ignore1 ”. Elle construit un problème dont ces styles seraient des solutions : celui du fonctionnement de ce qu’elle nomme “ un champ pédagogique ”. Sa conclusion pose trois affirmations fortes. Elle interroge la légitimité de la position d’enseignant, pour conclure que l’inégalité structurelle de la relation pédagogique est cachée dans une “ alliance ”, que l’école produit2 “ en instituant un premier contrat […] ” qui fait de l’enseignant un agent institutant. Par un nouveau contrat, qu’il institue dans le cours de la relation pédagogique, l’enseignant masque qu’il sait plus alors qu’il tient son pouvoir instituant de cette différence. Cela est possible, explique-t-elle,. 1. Pourtant, une inégalité peut être réelle sans que la relation ne soit inégalitaire : le plus souvent, le préposé à la distribution du courrier ne tire pas avantage de la supériorité que lui donne la possession de nos lettres d'amour 2 Op. cit., p. 313. L’auteur indique en note 4 p. 315 que, “ Pour formuler cette question du “ contrat pédagogique ”, nous nous sommes inspirée de l’étude d’Althusser sur le contrat social de Rousseau, en nous autorisant de l’affinité du discours de nos pédagogues et du discours rousseauiste pour une libre transposition du modèle d’analyse proposé par cet auteur..

(7) en raison des phénomènes transférentiels : c’est l’objet de la deuxième affirmation. L’enseignant se fait l’objet des transferts (des projections affectives et des identifications) des membres du groupe qu'est la classe, il se trouve en position de faire valoir ceci : “ Aimez-moi, pour que mon pouvoir sur vous devienne productif, mais il faut plus encore : que je sois maître de vos désirs afin qu’il n’y ait pas d’ambivalence entre nous et que vous soyez assurés que ce qui se passe est pour votre bien3. ” Telle est, selon Janine Filloux, la clause inconsciente qui fonde la relation pédagogique. En substituant le contrat pédagogique au contrat primitif, le transfert permettrait que la violence du rapport inégalitaire au savoir soit niée. Janine Filloux affirme alors, c’est le troisième point de son argumentation, que dans ces conditions, la question du savoir ne se pose jamais, parce que le contrat pédagogique interdit le travail explicite de l’enseignant sur la connaissance des élèves. S’il rompait le contrat pédagogique, explique-t-elle, et s'il s’autorisait de la possession du savoir pour questionner véritablement les élèves, il serait ressenti - et se ressentirait lui-même - comme un bourreau autoritaire. Selon l’auteur, l’enseignant se trouve ainsi réduit, dans sa parole, à n’être que : “ le véhicule d’un savoir transmissible, sans discontinuité […] d’un bien fétichisé capable d’être exhibé, vu, donné ou reçu. ”4. La question du savoir dans la relation didactique Guy Brousseau décide de travailler sur une ligne orthogonale, développant l’idée d’un contrat fondamentalement lié au savoir, pour observer comment les paradoxes bien réels de la position d’enseignant sont résolus par les professeurs. Il étudie la manière dont ces paradoxes pourraient être résolus à l’aide des dispositifs qu’il produit et expérimente à l’Ecole Jules Michelet, à l’envers de la dérive pédagogique par laquelle l’enseignant se présente en ayant masqué son savoir (une dérive que Janine Filloux pense irrémédiable). Le travail de Guy Brousseau s’appuie naturellement sur le modèle des situations d’action, de. 3. Op. cit., p. 324. Janine Filloux observe alors que chacun invente pour lui-même ce qui ne peut être que “ une réponse personnelle ”. Il n’est pas d’autre issue, l’enseignement étant l’un des trois “ métiers impossibles ” signalés par Freud. Son sous-titre “ Comment faire aimer les mathématiques à une jeune fille qui aime l’ail ? ” rappelle d’ailleurs la demande de l’utopiste Charles Fourier, dont voici la réponse, : partant d’un goût premier (ici, l’amour de l’ail), “ Il faut engrener les goûts dans une chaîne d’analogies qui conservent l’attraction et non les égrener en les réduisant au silence ”. Pour l’auteur, la réponse de l’utopiste relève du fantasme et “ renvoie encore une fois l’enseignant à lui-même ”. 4.

(8) formulation, et de validation, qu’il a mis au point dans ses premiers travaux. Mais dès lors, les interactions de l’élève avec ces situations sont comprises dans un système plus large où joue le contrat. C'est la situation didactique. Le premier produit du concept de contrat didactique est donc la notion de situations adidactiques, parts dédidactifiées de la situation didactique5. Le modèle primitif peut se décrire ainsi :. élève (joueur) " é " — " m " (antagoniste du joueur). milieu de l'action Il se répète dans le cas de chacune des situations d’action, de formulation, et de validation. Mais il est maintenant complété par l’apparition d’un autre, le professeur, qui porte une intention : il a produit le milieu, et le jeu :. élève (joueur) " é " — " m " (antagoniste du joueur). milieu de l'action professeur " p " Les situations modélisées deviennent les situations adidactiques (parties de la situation où le professeur n’intervient pas comme joueur) et elles se trouvent prises à l’intérieur d’une situation didactique. Dans un premier temps, les situations adidactiques apparaissent comme simplement “privées du professeur” ; cela devient en fait beaucoup plus compliqué, j'y reviendrai. Mais surtout, “p” a construit “m” pour “é afin que “é” puisse agir dans “m” et rencontrer le problème dont le savoir à enseigner est en principe la solution ; et “é” sait que “p” a construit “m” pour qu’il y agisse, connaisse ainsi le problème posé, et re-produise le savoir qui permet de répondre. Et dans le rapport contractuel à “p”, “é” se trouve en interaction avec les autres élèves, parce qu’il est question des situations adidactiques dans lesquelles ils étaient acteurs. En conclusion, le contrat didactique décrit les relations du professeur (qui. 5. Guy Brousseau les a nommées avant-hier les situations non didactiques à usage didactique..

(9) enseigne) à l’élève (qui étudie) comme les rapports du didactique à l’adidactique, dans une institution scolaire. Il devient donc le concept-clé d’une “ théorie des situations didactiques ” qui nomme, et pense, l’espace social des interactions et des décisions des acteurs, au-delà de l’espace des contraintes qui déterminent les effets possibles de leurs actes.. 3. LE SCANDALE DES “ EFFETS DE CONTRAT ”, LE CAS DU PROFESSEUR Le premier acteur d’une situation didactique à être observé dans la dimension de son action qui est prise dans le contrat est le professeur. Et on observe d’abord comment il attribue la connaissance à des élèves qui n’en possèdent que l’image : la réussite à un problème. Ce faisant, et l’on va mieux comprendre la conclusion de Janine Filloux, il fait du savoir un fétiche6. Les emblèmes de ce type d’attitude du professeur sont les héros de deux pièces de théâtre célèbres en France : les professeurs du Bourgeois Gentilhomme, de Molière, et Topaze, de Marcel Pagnol. Topaze n’étant, je crois, connu que par le moyen de deux versions cinématographiques anciennes, je me permets de vous remémorer les deux scènes auxquelles je fais allusion. Après la classe, Topaze donne une leçon particulière à un élève. Il dicte. Topaze, il dicte en se promenant. “ Des moutons... des moutons... étaient t-en sûreté... dans un parc ; dans un parc. (Il se penche sur l'épaule de l’Elève et reprend.) Des moutons... moutonss... (L'Elève le regarde, ahuri.) Voyons, mon enfant, faites un effort. Je dis moutonsse. Etaient (il reprend avec finesse) étai-eunnt. C'est-à-dire qu'il n'y avait pas qu'un moutonne. Il y avait plusieurs moutonsse. ” L'Elève le regarde, perdu.. A ce moment, par une porte qui s'ouvre à droite au milieu du décor, entre Ernestine Muche. Etc. En quelques instants, la dictée a changé de nature. Il ne s’agit plus de comprendre le pluriel, indiqué par l’article des, mais d’entendre les “s” et les “ent” qu’il faut écrire. Et parmi vous, chacun de ceux qui furent confrontés en élèves à ce type d’exercice peut se remémorer la manière dont un “ bon ” instituteur lui dictait, en distinguant par exemple, jusque dans les mimiques du 6. Le mot est à prendre dans le sens originel de ce terme qui vient du portugais factice et désignait les faux dieux, les dieux païens..

(10) visage, les différents sons “ é ”, “ è ”, “ ê ”, “ aie ”, et aussi en laissant entendre les liaisons, les “ h ” aspirés, les consonnes doubles7, etc. Mis devant l’échec de sa première tentative, Topaze redéfinit la tâche pour assurer la réussite de l’élève, et il perd le contenu de savoir que la réussite portait. Le maître de philosophie de Monsieur Jourdain ne pratique pas de même, comme l’extrait suivant le montre : Monsieur Jourdain - Apprenez-moi l’orthographe. Maître de Philosophie - Très volontiers. Monsieur Jourdain - Après vous m'apprendrez l'almanach, pour savoir quand il y a de la lune et quand il n'y en a pas. Maître de Philosophie - Soit. Pour bien suivre votre pensée et traiter cette matière en philosophe, il faut commencer selon l'ordre des choses, par une exacte connaissance de la nature des lettres, et de la différente manière de les prononcer toutes. Et là dessus, j'ai à vous dire que […] Il y a cinq voyelles ou voix : A, E, I, O, U. Monsieur Jourdain - J’entends tout cela. Maître de Philosophie - La voix A se forme en ouvrant fort la bouche : A Monsieur Jourdain - A, A, oui. [...] Maître de Philosophie - Et la voix I, en rapprochant encore davantage les mâchoires l’une de l’autre, et écartant les deux coins de la bouche vers les oreilles : A, E, I. Monsieur Jourdain - A, E, I, I, I, I, I. Cela est vrai. Vive la science!. Le professeur de philosophie a commencé par un beau discours sur la méthode. Mais le problème de la prononciation des lettres n’est plus un problème d’orthographe. Le professeur a par avance transformé la tâche. Il va laisser son élève - qui réussit - croire qu’il a appris un savoir relevant de l’orthographe. A partir d’une tâche de substitution qu’il n’a pas signalée, et sur la foi d’une réussite que chacun peut constater, le professeur attribue indûment à l’élève le savoir lié à la tâche substituée8.. 7. Vous pouvez prononcer ainsi, en dictant, avec n’importe lequel des accents du français. 8 Remarquons que dans les deux cas il s’agit d’orthographe, un savoir certes très “ franco-français ”, mais un savoir qui (comme les mathématiques) caractérise bien l’Ecole parce qu’il n’existe pas, comme savoir autonome.

(11) Le Bourgeois Gentilhomme prête à rire, en raison de sa naïveté d’élève face à une substitution d’objet aussi grossière. Topaze en revanche ne cherche qu'à sortir d’une situation sans issue ; tandis que l’élève, qui n’imagine même pas qu’on l'aide, prend Topaze au piège d’un procédé qui était manifestement la dernière chance du professeur. Les effets Diénes (le glissement métadidactique) et Papy (l’usage abusif de l’analogie), ainsi nommés en hommage aux réformateurs de l’enseignement qui les ont produits à l’époque où Brousseau engageait les recherches sur les effets de contrat, sont des effets semblables à l’échelle d’un système d’enseignement tout entier. Je n’en parlerai pas, ce sont des choses que vous connaissez, et l’observation de n’importe quelle classe de mathématiques montre quotidiennement des phénomènes semblables. La force qui engage les professeurs à agir comme l’Instituteur Topaze ou comme le Professeur de Monsieur Jourdain, c’est la nécessité impérieuse de maintenir le lien contractuel qui les lie aux élèves, parce que ce lien est le seul gage de la possibilité d’enseigner encore, plus tard. Les professeurs en sont parfois réduits, pour ces mêmes motifs, à sauver les apparences c’est-à-dire, à n’enseigner qu’officiellement dans l’espoir de trouver quelque jour le moment d’enseigner vraiment. Je conclurai cette vignette par deux remarques. Mon explication suppose que le lien contractuel soit indispensable à l’accomplissement de toute action d’enseignement. Je crois en avoir déjà suggéré une démonstration, je la reprendrai plus tard, lorsque nous traiterons des paradoxes de l’intention didactique. Mais remarquons déjà, que Topaze redéfinit la tâche de l’élève pour arriver à déclarer qu’il a russi une dictée ; et que les injonctions didactiques faites à Monsieur Jourdain ne sont légitimes qu’à être suivies d’une déclaration de succès : la nécessité de déclarer la rèussite des injonctions didactiques fut la première contrainte contractuelle dont nous identifiâmes les effets. Mon explication suppose aussi que les formes du maintien de la relation didactique que j’ai présentées ici sauvegardent une forme de relation didactique pouvant être efficace : je vais commencer de montrer, sur l’exemple présenté en introduction, comment cela peut se faire.. 4. LE CONTRAT DIDACTIQUE, MOYEN D’ENSEIGNEMENT Soit donc un professeur qui commence un enseignement sur l’addition des décimaux. Il pose, sans aucune explication, les problèmes 0 puis 4, dont l’un appelle une addition d’entiers et l’autre est le cas particulier qui ne nécessite pas. (visible), ailleurs qu’à l’Ecole (ou à l’Université), chez ses utilisateurs (ses producteurs)..

(12) d’addition d’un problème sur les décimaux pour lequel une addition pourrait aider à répondre de manière plus générale ; puis il pose le problème 1, et enfin, le problème 2, à des élèves qui savent l’addition des entiers et qui n’ont qu’une connaissance des décimaux comme “ compte-rendus de certaines opérations de mesure9 ”. “ Imaginez que vous êtes chez l’épicier et que vous avez 7 pièces de un dollar (voici ces sept pièces). Disposez-vous d’assez d’argent pour payer des achats de, respectivement, trois dollars et deux dollars ? ” (problème 0) “ Imaginez que vous êtes chez l’épicier et que vous avez 7 pièces de un dollar (voici ces sept pièces). Disposez-vous d’assez d’argent pour payer des achats de, respectivement, deux virgule treize dollars et trois virgule sept dollars ? ” (problème 4) “ Déterminer la somme des deux nombres suivants : deux virgule trois et quatre virgule un ” (problème 1) “ Déterminer la somme des deux nombres suivants : deux virgule treize et trois virgule sept ” (problème 2) Voici une calculatrice graphique, résolvez ces deux problèmes : “ Déterminer la somme 2,3 + 4,1. ” “ Déterminer la somme 2,13 + 3,7. ” (problèmes 3) En proposant sans commentaires les problèmes 1 puis 2 après les problèmes 0 et 4, qui engageaient à calculer une addition d’entiers puis à tenter de la généraliser, le professeur a donné à penser que l’addition des décimaux “ ne fait pas vraiment problème ”. En recevant toutes les réponses, qui sont sans doute normalement exactes pour les trois problèmes 0, 4, 1, il donne à penser à ceux qui ont ajouté séparément les valeurs entières et les valeurs décimales (sans doute, la. 9. Par exemple, ces élèves savent lire et écrire de tels nombres, qu’on leur a présentés comme les comptes-rendus de mesures réalisées dans un système décimal d’unités et de sous-unités..

(13) plupart des élèves), qu’ils possèdent le savoir attendu10. Le problème 2 renforce même cette croyance tant que les élèves ne sont pas amenés à confronter les résultats différents. Et si le professeur pose maintenant le problème 3, il donne à tout élève un moyen de “ vérifier ” les solutions des problèmes 1 et 2. C'est alors que le problème d'addition que soulève le problème 4 peut être traité. C'est sans doute là un enseignement peu orthodoxe, mais cette évocation me sert à vous convaincre de l'existence d'un vaste espace de liberté pour le professeur. Que gagne un professeur, à procéder ainsi ? C’est maintenant une évidence : il gagne des élèves qui ont un problème. Même, ils se sont engagés dans sa résolution, ils l’ont résolu correctement au moins une fois ; ils ne peuvent pas dire que c’est un problème sans intérêt. Si sa stratégie est, sur cette question, d’enseigner que “ Pour additionner deux décimaux, on les ramène au même rang décimal. ”, tout va bien : cette règle permet de produire le résultat exact de l'addition suggérée par le problème 4. Certes, d’autres problèmes se poseront lorsque l’addition portera sur 12,83 et 3,6 ; mais pour justifier la retenue, il suffira que le professeur de la classe concernée corrige “ les erreurs ”, en indiquant une règle de conduite. Ainsi, plus d’un professeur en arrive, conformément aux usages institutionnels, à énoncer en cinq ou sixième année ce type de technique : “ Après réduction au même rang décimal, on traite les décimaux 12,83 et 3,60 comme les entiers 1283 et 360, dont la somme est 1643, et on remet la virgule au rang où elle se trouvait pour écrire la somme cherchée : 16,43 ”. Le programme de mathématiques du Lycée (10e à 12e année d’enseignement) permet en principe de donner une technologie de cette technique.. Pour justifier la réduction au même rang décimal, -2 -1 12,83 + 3,6 = 1283.10 + 36.10 -2 -2 -2 = 1283.10 + 360.10 = 1643.10 = 16,43. et, pour justifier le traitement séparé de la partie entière, 0 -2 0 -1 12,83 + 3,6 = 12.10 + 83.10 + 3.10 + 6.10. 10. L’idée d’ajouter séparément les pieds et les pouces, ou les dollars et les centimes, est l’effet normal d’un enseignement des décimaux fondé sur les systèmes d’unités de mesure..

(14) 0 -2 -2 = 15.10 + 83.10 + 60.10 -2 = 15 + 143.10 = 15 + 1,43 = 16,43 (est-ce par addition séparée ?). Cela rend mathématiquement acceptable le produit de l’accumulation de corrections successives d’un procédé qui devient donc institutionnellement invisible : nul ne s’apercevra plus que pour 80% des énoncés de l’Ecole ou du Collège, il était possible de donner la réponse exacte à l’aide d’une technique fausse dans son principe. Même, l’efficacité de cette stratégie didactique à chaque niveau de l’enseignement est telle, qu’elle s’est imposée : c’est le choix implicitement réalisé dans la plupart des lieux où (comme c’est le cas en France) l’usage des décimaux s’enseigne par le moyen de l’enseignement des mesures décimales11. Je montrerai plus loin comment dans la plupart des cas un tel procédé va finalement échouer. Je retiendrai de cette analyse la démonstration de la possibilité, pour le contrat didactique, d’être producteur d’apprentissages, même si ce ne sont pas toujours ceux que l’on attendrait. J’insiste sur quelques points. - Premièrement : Un contrat est présent pour tout apprentissage intentionnellement dirigé . - Deuxièmement : Ce contrat permet que des apprentissages se produisent dans le cadre de presque tout enseignement. Troisièmement : Les évaluations institutionnelles ne disciminent pas fortement entre les connaissances venues des différentes organisations didactiques. - Quatrièmement : De nombreuses formes de contrat relatives à. 11. Un système d’enseignement dont les professeurs procèdent ainsi évite des difficultés redoutables. Il crée en revanche un “ obstacle didactique ” (Brousseau, 1986) à la compréhension de la division ou à celle des approximations de réels. En effet, la division ne peut plus faire sens dans le cas de nombreux problèmes concrets (Mercier, 1988), et l’étude des réels se mène au moyen des suites décimales illimitées, qui ne se déduisent pas aisément des écritures décimales ainsi enseignées..

(15) l’enseignement et à l’apprentissage d’un même objet mathématique nommé dans un programme d’enseignement peuvent donc12 exister simultanément. En conclusion. Il est donc en principe possible d’enseigner et d’apprendre de la manière que je viens de décrire (cela ne se voit que par la limitation institutionnellement invisible du domaine d’usage des outils que pourraient être les décimaux : les limites de leur emploi paraissent aux élèves et aux professeurs comme une loi de la nature ; par exemple, comme une propriété de la cognition humaine, ou comme une propriété du programme, qui font qu’on s’interdira de poser tel exercice, réputé trop difficile). Et si cette manière est réalisée en quelque lieu terrestre, on peut y trouver de nombreux adultes instruits, qui ont terminé leurs apprentissages sur les questions numériques sans s’être jamais trouvé dans le cas de “ construire le concept de décimal13 ”.. 5. LE SCANDALE DES “ EFFETS DE CONTRAT ”, LE CAS DE L’ÉLÈVE Une histoire de cour de récréation, prise au pied de la lettre Les faits sont bien connus, et Sarrazy (1996) montre par cette citation que Gustave Flaubert a posé, il y a plus d’un siècle, ce problème à sa soeur Caroline (lettre du 15 mars 1843) : “ Puisque tu fais de la géométrie et de la trigonométrie, je vais te donner un problème : Un navire est en mer, il est parti de Boston (pas du jeu) chargé d’indigo, il jauge 200 tonneaux, fait voile vers Le Havre, le grand mât est cassé, il y a un mousse sur le gaillard d’avant, les passagers sont au nombre de. 12. Selon la théorie neutraliste de l’évolution (Motoo Kimura), une mutation génétique (un gêne d’un type nouveau) peut diffuser dans une population si elle n’a aucun effet, ce qui garantit avant tout qu’elle n’a pas d’effet nuisible. Ainsi une part importante de la population peut porter la mutation, et être sélectionnée (ou éliminée) d’un coup lorsque le gêne trouve à s’exprimer en raison du changements des conditions extérieures. 13 Les psychologues du développement cognitif de ce lieu ne peuvent qu’en déduire cette idée : “ (par chez nous) Le développement de ce concept est (particulièrement) lent. ”. Ils doivent, pour s’apercevoir que ce “ développement ” dépend du “ par chez nous ” c’est-à-dire, de l’enseignement qui en est fait, procéder à de multiples études comparatives dont les résultats leur restent ininterprétables..

(16) 12, le vent souffle N.E.-E., l’horloge marque 3 heures un quart d’après-midi, on est au mois de mai… On demande l’âge du capitaine. ” Le fait que les élèves répondent massivement à des problèmes absurdes a été en France à l’origine d’une polémique qui n’a pas fini de produire des effets ravageurs. Cela allait tant que personne ne l’avait dit. Mais ce fut vérifié par une l’Equipe Elémentaire de l’IREM de Grenoble (1980), et publié dans le Bulletin numéro 323 de l’Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public. Alors, certaines bonnes âmes14 qui recommencent à l’envi l’expérience, dénient cependant la nécessité d’un contrat. Elles crient au scandale, parce que l’existence d’un contrat démontre que les acteurs d’un système (ils pensent en être les décideurs, ou leurs conseillers) ne sont pas tout puissants. L’idée de relation contractuelle, dans laquelle elles seraient ellesmêmes prises comme acteurs sociaux, leur est insupportable. Hélàs ! Leur position a des effets sociaux, quand bien même ce ne sont pas les effets qu’ils attendent : ainsi, les professeurs doivent-ils enseigner “ la lecture d’énoncés de problèmes ” en proposant systématiquement aux élèves des énoncés hors normes. Les uns ne posent pas de questions, les autres ne fournissent pas toutes les données, d’autres multiplient les données inutiles ou aberrantes. Un des effets pervers de l’étude des énoncés de problèmes hors-normes est donc la disparition des normes et de l’appui qu’elles fournissaient : dorénavant, tous les apprentissages nécessaires doivent être explicitement organisés, et naturellement ils manquent toujours d’autant plus cruellement, qu’ils ne sont pas identifiés. L’éthique la plus élémentaire devrait pourtant interdire de recommencer éternellement à s’indigner d’un phénomène si naturel, qu’il suffit de l’évoquer pour être convaincu de son existence universelle : chacun de nous en effet l’a déjà vécu à maintes reprises et peut, par un léger effort de mémoire, se le rappeler. Voici donc, en deux mots, les faits. A la question : “ Dans ta poche droite, il y a cinq billes et dans ta poche gauche, six billes. Quel âge as-tu ? ”, la plupart des élèves de deuxième ou troisième année primaire répondent à l’aîné qui les interroge : “ Onze ans ” ; sommés de s’expliquer, ils confirment le plus souvent : “ parce que 5+6 = 11. ”. Mais ils sont furieux de s’être faits piéger par leur savoir additionner tout neuf, si on leur explique15. J'insiste, il n’est pas nécessaire que demain vous reproduisiez une fois encore cette expérience auprès de dix mille. 14. Ils appartiennent à un cercle social qu’Yves Chevallard a nommé, par dérision, la noosphère. Les didacticiens en font, naturellement, partie. 15 Les élèves de cinquième année refusent massivement de résoudre ce problème, qu’ils trouvent “ Un peu bizarre. ”, mais ils répondent majoritairement “ Vingt-huit ans ” à la question “ Dans la classe, il y a 4 rangées de 7 tables. Quel âge a la maîtresse ? ” et ils expliquent à la demande “ c’est parce que 4X7 = 28. ”..

(17) élèves. L’existence des petites histoires qui circulent parmi les enfants d’âge scolaire suffit à en démontrer l’importance : voici deux exemples, pris dans le même numéro de “ Pif le Chien ”, revue amusante et éducative pour les enfants. “ LE PROFESSEUR DE FRANÇAIS. - Il existe des mots qui prennent un s au singulier. Élève Toto, dis-nous ce qu’ont en commun souris et gaulois ? ELÈVE LILI. - Euh… Oui ! les moustaches ! ” “ LE PROFESSEUR DE MATHÉMATIQUES. - Si je soustrais un nombre à luimême, je trouve zéro. Dis-moi, Élève Lili, si j’ai deux poissons dans mon assiette, et que je les mange, qu’est-ce qu’il reste ? ELÈVE TOTO. - Euh… Oui ! les arêtes ! ” Pour comprendre ces comportements, et le rire qu’ils provoquent lorsque le contrat est comme dans ces deux histoires, respecté par le professeur sans que, pourtant, les élèves y soient pris, il est nécessaire de les situer dans le système générateur de sens qu’est le contrat didactique. Ce système comporte une clause implicite, qui va tellement de soi que j’ai pu m’appuyer sur elle pour tous les problèmes que je vous ai présentés.. 0) Les caractères d’un problème légitimement proposable à un élève, sont définis à partir de cette exigence, qu’un élève doit pouvoir répondre avec les moyens dont il dispose officiellement. 1] un problème légitime possède une réponse acceptable, et une seule ; 2] pour parvenir à cette réponse, a) toutes les données proposées doivent être utilisées, b) aucune autre indication n’est nécessaire, c) l’utilisation pertinente des données fournies se fait selon un schème mettant en jeu des procédures familières aux élèves concernés ; 3] la responsabilité des élèves consiste à mettre en œuvre convenablement ces procédures, la responsabilité du professeur consistant alors, a) s’il font des erreurs, à démontrer comment il attend que les élèves procèdent, b) s’ils s’engagent dans une procédure inadéquate, à montrer la procédure qu’il attendait, qui est donc contractuellement pertinente.

(18) En conclusion. Comme les observations réalisées par l’équipe grenobloise, les histoires de Pif le Chien montrent des propriétés normalement invisibles du contrat. Les premières, parce qu’elles sont le fruit d’un type de rupture interdit à l’enseignant qui normalement, garantit la pertinence des énoncés qu’il propose ; les secondes, parce qu’elles mettent en scène des comportements que normalement on ne rencontre pas, ils sont le fait d’élèves hors contrat. La confiance dans le contrat Bien que la rupture ne soit pas pensable par un enseignant, elle reste possible. Depuis la position d’extériorité momentanée que leur confère l’appartenance à une Équipe IREM16, des enseignants peuvent imaginer de réaliser une telle expérience, sans savoir qu’ils enfreignent comme noosphériens une règle qu’ils respectaient comme enseignants. Comme toujours lorsqu’il est question de contrat, la règle est implicite et la régularité des comportements va de soi, pour une position institutionnelle donnée, parce qu’un comportement non régulier serait perçu (par les acteurs qui occupent l’autre position) comme un non-sens. C’est que le contrat assure l’élève, - que le problème qui lui est posé a une réponse, - qu’il peut produire cette réponse avec les outils de pensée que l’enseignement lui a présentés et avec les moyens cognitifs qui sont les siens. Ainsi, imaginons qu’un professeur demande : “ Procurez-vous une calculatrice ordinaire, et utilisez-la pour déterminer le produit 76,032950754 X 1592970814,00105. ” C’est qu’il peut démontrer à chacun des élèves présents, qu’un emploi ordinaire de la calculatrice permet de produire la réponse. Et, si les élèves s'apercoivent qu'ils ne peuvent pas répondre aussitôt, ils doivent en déduire que le professeur veut leur montrer par là qu’ils ne savent pas résoudre de chic tous les problèmes de multiplication qu’il leur serait possible de rencontrer, pour introduire un nouvel enseignement : alors, il ne laisse pas les élèves attendre plus longtemps que la durée de l’effet de surprise. Il viabilise aussitôt le problème, auquel un élève n’aurait jamais accédé spontanément, de manière autonome. Je conclurai par deux remarques. Le contrat didactique est un cadre interprétatif (Schubauer-Leoni, 1986) capable de donner un sens mathématiquement acceptable au problème proposé. Ainsi, l’assurance contractuelle est le prix à payer pour obtenir des élèves qu’ils s’attaquent aux problèmes qu’on leur pose : c’est la raison pour laquelle il y a grand danger, pour un professeur, à trahir la confiance des élèves sur ce point. Un deuxième effet est tout aussi essentiel pour l’élève. Le contrat assure le 16. Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques..

(19) partage entre ce qui est la tâche de l’enseignant et ce qui est la tâche de l’élève. Ce faisant, le contrat didactique permet à l’élève d’accéder à des tâches partielles qui font sens dans des systèmes de tâches bien plus complexes que ceux qu’il pourrait aborder par lui-même. Sans la compréhension de cela, on ne pourrait pas comprendre comment l’apprenti, qui ne réalise pourtant que des gestes partiels du travail de l’artisan, apprend des gestes qu’il pourra réutiliser lorsqu’il sera luimême artisan, responsable de l’intégralité du procès de production. On ne pourrait comprendre comment l’élève qui, telle année, résout un problème d’étude de fonction en cinq questions comportant jusqu’à trois sous questions et s’arrête avant d’aborder l’enjeu de l’étude, peut, l’année suivante, prendre entièrement à sa charge l’étude d’une fonction paramétrée pour obtenir la résolution graphique d’une famille d’équations dépendant d’un paramètre.. 6. DEUX NOUVEAUX PROBLÈMES, LA DÉVOLUTION À L'ÉLÈVE ET LA PRODUCTION D'INSTITUTION SAVANTE Un geste didactique essentiel L’élève n’a pas un accès spontané et autonome aux problèmes, parce qu’il doit apprendre d’abord que les problèmes ont des solutions, et ce n’est le cas qu’en milieu scolaire, pour les problèmes que pose le professeur. A l’Ecole, le geste enseignant de poser la question ne peut pas être très éloigné de celui de montrer la réponse, parce que les problèmes scolaires ont nécessairement une réponse : la décision de faire un problème d’une question, appartient au professeur, qui en principe s’affronte aux questions avant de se présenter devant les élèves. Ces derniers supposent qu’il a éliminé les questions qui ne sont pas didactiquement pertinentes : celles qui ne font pas un problème, pour ses élèves. Mais comment la confiance des élèves dans les problèmes scolaires se construit-elle ? Comment peut-elle échouer à s’installer, dans le cas de certains élèves, puisque le contrat fonctionne comme s’il était toujours-déjà-là sans jamais avoir été passé explicitement, et que l’on peut considérer que les contractants - professeur, et élève - sont produits par leur entrée dans le contrat didactique. Avant, ils étaient adulte et enfant, filles ou pères : sujets d’autres institutions, pris dans d’autres contrats. Il existe bien, cependant, des élèves dont on dit qu’ils sont hors contrat ; par exemple, parce qu’ils ne font pas confiance aux problèmes scolaires. Le travail de Guy Brousseau et des élèves de l’Ecole d’Orthophonie de Bordeaux sur la question des échecs électifs en mathématiques a renouvelé le questionnement usuel. Car ils ont cherché à savoir si ces échecs pourraient être des pathologies du contrat didactique et non des pathologies personnelles ou sociales. Les tentatives.

(20) de remédiation ont été limitées ; elles ont plusieurs fois abouti à des impasses, et une fois à un succès relatif. Mais ces études ont inauguré un progrès théorique majeur, parce qu’elles ont lancé l’étude des rapports de la situation adidactique à la situation didactique. Je vais en résumer l’histoire. Ce qui réussit dans le cas célèbre de Gaël, c’est que l’intervenant va trouver les conditions pour que Gaël ose commencer d’agir dans le milieu de la situation adidactique que l’intervenant lui propose. Cet élève a par ailleurs des difficultés avec certaines pratiques de souscomptage, surtout au passage des dizaines. Il se comporte comme si addition et soustraction étaient des opérations équivalentes ou plutôt, comme s’il n’était pas de sa responsabilité de choisir entre ces deux opérations celle qui est pertinente. Guy Brousseau, qui dispose d’un modèle pour calculer les conditions d’apparition d’une connaissance dans le cas de la soustraction, se propose de placer Gaël dans ces conditions, de telle manière que sa stratégie lui coûte bien trop cher, et qu’il en change. Mais ce qui produit cet effet pour une classe entière n’agit pas nécessairement pour tel élève, isolé, et Gaël se refuse à agir dans le cadre proposé. Il persiste dans sa position d’élève soumis au contrat en donnant sans broncher une réponse dont il ne vérifie pas l’exactitude ; jusqu’à ce que Brousseau lui propose de parier sur sa réponse, et que Gaël risque une première correction. Puis, qu’il corrige encore son pari durant le temps de la vérification, que Brousseau effectue à sa place pour lui laisser l’occasion et le temps de s’engager dans l’élaboration d’une stratégie. Les développements de la théorie Brousseau nommera plus tard dévolution ce geste didactique initial du professeur et de l’élève, sans lequel le modèle des situations adidactiques ne peut trouver les conditions de son efficacité. La dévolution, c’est l’acte par lequel un magistrat est installé dans sa fonction par le magistrat suprême. Au fondement de cet acte, la dévolution est un renoncement de ce magistrat suprême à son pouvoir - qui permet le transfert de la puissance de véridiction au magistrat subalterne. Dans le domaine didactique, il faut comprendre par là l’acte par lequel l’élève est légitimé par le professeur, et se trouve lui-même habilité à juger de son action. C’est un acte qui a force sur le réel puisqu’il prend effet dans le rapport à un ensemble d’objets grâce auxquels une action doit se dérouler sous la responsabilité de l’élève. Le pari ouvre à Gaël l’espace d’une action dont il pourra juger l’efficacité et la réussite par lui-même. Il lui permet de s’emparer de l’enjeu de la situation. Par exemple, le pari permet à Gaël d’admettre qu’il s’est trompé, et de reprendre son action en tentant de mieux la régler. Le succès de l’opération vient de ce que la situation d’action proposée à Gaël n’est pas quelconque : c’est une situation adidactique, une situation modélisable par un jeu formel à un joueur contre la nature. Les stratégies de l’action par laquelle Gaël tentera de réaliser l’opération viendront alors normalement de la situation adidactique et de ses.

(21) évolutions. Ces stratégies auront le sens de connaissances, attribuables à Gaël. Il faut ici revenir au petit schéma que je vous ai proposé tout à l’heure, pour le compléter.            professeur " p0 " (produisant la situation adidactique et le milieu) . élève (joueur) " é1 " — " m " (antagoniste du joueur). milieu de l'action.       élève " é0 " . (produisant des savoirs)  . professseur " p1 " Il faut désormais faire intervenir dans le schéma l’élève, comme partenaire du professeur dans la relation didactique que tous deux entretiennent. Dans la situation didactique, le professeur et l’élève visent le savoir. Le premier régule la production de connaissances en contrôlant le milieu de la situation adidactique et en proposant des jeux nouveaux, le second revient sur l’action qu’il a menée dans la situation adidactique, dont il est alors sorti, pour étudier les stratégies du jeu. L'élève (le sujet didactique) est donc défini comme le joueur, soit qu'il joue, soit qu'il étudie le jeu. Certes, la modélisation de 1974 supposait un système antagoniste du joueur ; la séparation du maître - qui intervient dans la situation didactique proprement dite - d’avec le milieu défini comme ce sur quoi l’élève agit date de 1977 ; mais ce n’est qu’en 1982 avec le problème de la dévolution que les différentes positions du maître relativement au milieu, système antagoniste de l’élève dans le jeu de l’élève, sont analysées : le schéma devient alors beaucoup plus complexe, et seuls les chercheurs qui ont suivi l’évolution de ses usages dans la production théorique arrivent à s’en saisir17, et le schéma 17. Un temps important de cette dialectique, qui s’appuie sur les thèses qui seront publiées au début des années 90, est marqué par le texte de 1988 qui a été distribué pour la préparation des Journées “ Le contrat didactique : le milieu ”, où le milieu est repris dans une construction théorique qui part explicitement de la.

(22) produit pour les autres, qui pensent qu’à lui seul il enferme la théorie des situations didactiques, un effet Papy caractérisé : la compréhension qu’il semble donner ne correspond pas à un usage efficace. A l’encontre de cet effet, les travaux de André Rouchier et de Claire Margolinas sont, ici, décisifs. Le savoir est maintenant présent dans le schéma, c’est l’effet de la nouvelle position d’élève " e0 " : dans la situation didactique, c’est une position réflexive sur la situation adidactique (médiatrice de la relation didactique) qui le produit. La production d'institution savante est l’autre geste didactique identifié dans cette période, un geste dont la dévolution à l'élève est comme le pendant. Car si l’élève s’engage dans une interaction avec un problème en agissant dans le milieu d’une situation d’où le professeur s’est officiellement retiré, il ne peut le faire en confiance que parce que le professeur lui garantit (par contrat) que la connaissance qu’il retirera de cette interaction sera celle-là même qui fait l’enjeu de leur relation didactique actuelle. Et l'entrée dans les dialectiques de la communication et de la validation des connaissances produites correspond à l'organisation d'un collectif de pensée (une institution) qui traite des connaissances personnelles et en recherche la valeur culturelle. Les gestes de dévolution à l'élève et de production d'institution savante correspondent par conséquent à la nécessité d’un contrôle a priori de l’idonéité des productions futures de l'élève, et naturellement au processus a posteriori par lequel la conformité culturelle des savoirs appris sera déclarée. L’idonéité d’un savoir, c’est en particulier la propriété qu’il aura d'être adapté à certains de ses usages ultérieurs. C'est donc non seulement sa capacité à produire des réponses aux problèmes posés, mais surtout sa capacité à transformer des questions nouvelles en problèmes que l’on pourra résoudre : sa valeur pratique de théorie. La conformité d'un savoir se mesure à la performance qu'il permet à son possesseur, dans la résolution des problèmes socialement définis comme les emblèmes de la compétence que le savoir apporte. Ainsi, l’institutionnalisation conforte Gaël, parce qu’il en retire l’idée qu’il apprend le savoir qui l’avait mis en échec. Il sait ainsi que les bricolages qu’il tente fonderont les techniques qui lui manquent, que le travail qu’il ose mener avec Guy Brousseau a bien un enjeu didactique, et qu’il est en train d’apprendre la soustraction.Il est possible de résumer cela : s’il faut entrer dans le jeu pour accéder au problème qui nécessite le savoir, il faut sortir du jeu pour accéder finalement au savoir dans sa dimension de technique, d’objet social, et à la valeur culturelle qu’il confère à qui le maîtrise.. connaissance du contrat, après une version première de 1986 intitulée : “ La relation didactique : le milieu ”..

(23) 7. LES PARADOXES DE L’INTENTION DIDACTIQUE L’implicite, dimension fondamentale du contrat Le contrat produit du sens pour des actions qui apparaîtraient souvent, sans le caractère d’évidence naturelle de l’interprétation qu’il fournit, paradoxales, et contraires à la plus élémentaire éthique enseignante18. Une autre des raisons qui empêchent qu’il soit étudié réside dans sa dimension de producteur d’aveuglements institutionnels19. Retenons pour l’instant l’idée que le phénomène didactique exploré à l’aide du concept de contrat didactique est tout aussi difficile à admettre que le phénomène de l’inconscient exploré par la théorie freudienne. Le mot ne fait rien à l’affaire. De multiples interprétations de la théorie de l’inconscient visent à montrer comment on pourrait prendre conscience de son inconscient, sans comprendre qu’on ne peut que le travailler et qu’on méconnaît toujours le produit du travail. De nombreuses interprétations du concept de contrat didactique amènent à rendre explicite ou à formuler un contrat, ce qui ne produit qu’un travail non maîtrisé des cadres implicites de la relation didactique. C’est actuellement à tel point que Guy Brousseau a pu sembler douter de la pertinence du terme de contrat : mais le changer ne résoudrait pas la question du fantasme de maîtrise que porte le discours pédagogique, qui emporte toute précaution épistémologique. Le nouveau travail de Brousseau sur la régulation permet de produire une typologie des contrats, des moins didactiques (comme ceux que j'ai présentés) aux plus didactiques (comme ceux que Guy Brousseau a proposés). Les paradoxes du didactique Les élèves apprennent assez souvent, pour qu’on n’ait pas encore de moyen d’enseignement des savoirs plus économique que l’Ecole telle que nos sociétés. 18. C’est d’ailleurs ce qu’Althusser reproche à la notion de Contrat Social, de Jean-Jacques Rousseau, dans l’étude intitulée “ L’impensé de Rousseau ”. 19 L’évidence du sens des actions de l’autre est donnée en échange de la soumission à l’emprise du contrat, et d’ordinaire cette évidence désintéresse les chercheurs de la question qui les avait menés dans la classe : les observations qu’ils rapportent sont connues de chacun (alors qu’elle font effet à l’insu de tous). Ainsi, par exemple, toute une institution d’enseignement peut ignorer ce que des centaines de milliers d’écoliers apprennent sur l’addition des décimaux (Bronner, 1997). Je l’ai montré au Chapitre 4..

(24) l’ont progressivement inventée depuis deux siècles. Cette Ecole, qui a échappé aux deux écueils de la répétition du texte sacré appris par cœur (l’école coranique) et du recommencement indéfini des commentaires exégétiques du texte (l’école talmudique), en devenant le lieu d’une cathéchèse, où s'enseigne la norme institutionnelle de l'Eglise, qui se méfie de l'accès personnel direct au texte sacré comme des divagations du commentaire érudit. De manière étonnante et malgré qu'elle en aie, l'école de l'Eglise a produit une relation contractuelle dont l’étude de savoirs institutionnels, œuvres humaines, est déjà l’enjeu. Je n’appellerai pas moderne l'école profane qui se propose la transmission des savoirs humains, car l’expression moderne vieillit mal et laisserait croire qu’il n’y a plus d’évolution de l’Ecole, mais, suivant en cela le sociologue Michel Verret, je la nommerai l’école bureaucratique, et ce terme n’a pas ici de connotations péjoratives. L’école bureaucratique semble liée à la culture scientifique et à la gestion des rapports techniques au monde dans les sociétés dites bureaucratiques20. Ce qui la distingue des autres systèmes identifiés de la transmission des savoirs humains : familial, où des comportements spontanés considérés comme conformes sont reçus, interprétés et encouragés (c’est le dressage), initiatique, où les savoirs demeurent internes à l’institution qui en contrôle l’emploi (c’est l’intronisation), aristocratique, où les savoirs sont propriété de naissance, qui n’a qu’à se révéler pour être reconnue par les pairs (c’est l’élection), ou professionnel., où les savoirs sont transmis avec les postes de travail, parce qu’ils sont inscrits dans la division sociale des tâches (c’est le frayage). Dans ces systèmes, les contrats didactiques correspondent à d’autres formes de solutions aux paradoxes du savoir, de son enseignement et de son apprentissage, de la relation didactique et de sa dimension intentionnelle. Chacun de ces systèmes de transmission propose une solution particulière aux différents paradoxes didactiques, selon les valeurs de variables que nous n'avons pas encore identifiées. Les paradoxes de la transmission intentionnelle des savoirs qui ont été reconnus en didactique des mathématiques scolaires, et que cette théorie prend aujourd’hui en charge, sont ici regroupés en trois champs : le cognitif (marqué par l’opposition personnel/institutionnel), l’épistémologique (marqué par l’opposition manière de faire/technique), et le didactique (marqué par l’opposition intention didactique/injonction didactique). Les paradoxes qui portent sur les formes de la cognition : - Pour être enseignable, une connaissance doit pouvoir être approchée 20. Ce sont, entre autres, celles où nous vivons, celles où vivent les chercheurs avec lesquels nous avons des relations culturelles, celles avec lesquelles nous avons des relations de coopération industrielle et technique : la forme démocratique n’y est pas générale.

Références

Documents relatifs

“ enseigner ”. Apprendre ne consiste pas à exécuter des ordres, ni à recopier des solutions de problèmes. d) Si on admet de plus que les connaissances de l’élève doivent être

- écoute, conseil et aide concrète aux ressortissants ou leurs aidants pour bien vieillir à domicile (de la mise en place de service à la personne à la recherche

MONITEUR MULTI-TERRAIN* § AVEC CAMÉRA DE VISION SOUS VÉHICULE* § ET SYSTÈME DE VISION 360°* § Le MTM est conçu pour vous fournir en temps réel une vision complète

Deuxième scénario : dans le cadre d’une évolution des organisations scolaires et des pratiques d’ensei- gnement et d’apprentissage, le champ scientiique peut s’enrichir

9 Les théories des situations illustrent les diverses manières dont les mathématiques interviennent en didactique, comme objet d’étude (les « mathématiques didactiques

Mais la convergence des deux œuvres n’est pas seulement épistémologique, elle est aussi dans la méthode : pour Brousseau, toute connaissance est modélisable par une

Enfin, la leçon se termine par une partie jouée par un élève volontaire contre l’enseignant à une nouvelle déclinaison du jeu, à savoir «qui dira 30 ?» en

Nous avons volontairement choisi un environnement d’enseignement et apprentissage particulier avec la géométrie dans l’espace, domaine des mathématiques dans