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Les pancréas bioartificiels

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Texte intégral

(1)

SYNTH�SE

,;titci..efsâmm 1r;86; 2 : 87-93

Gérard Reach

Maitre de recherches Inserm Michel

Y.

Jaffrin Proftsseur à l' Université de technologie de Compiègne

ADRESSE ---

G. Reach : lnsenn U ZI)O, Hôpital Saint-�azare, 107, rue du Faubourg-Saint-Denis, 7501 0 Paris.

M. Y. Jaffrin : Université de technologie de Com­

piègne, Cnrs UA 858, dépanement Génie Biolo­

gique, BP 233, 6o:zo6 Compiègne.

m/s n• 2 vol. 2 ftWitT 86

Les pancréas bioartificiels

En

«

concurrence

»

avec la greffe d'îlots de Langerhans, le pancréas bioartificiel constitue l'une des voies possible� du traitement idéal des diabétiques : l'administration d'insuline régulée en permanence par la glycémie.

L e développement d'organes artificiels pour pallier la défaillance de grandes fonctions de l'organisme constitue un des domai­

nes-clef du génie biomédical : dans tous les cas, ce développement passe par l'analyse des fonctions de l'or-

.

gane défaillant, le choix de la (ou des) fonctions(s) qu'il est essentiel de suppléer, enfin l'élaboration d'un moyen de reproduire cette fonction par un appareil artificiel : hémodia­

lyseurs, pompes cardiaques artifi­

cielles, oxygénateurs, articulations artificielles constituent autant d'ap­

plications de cette démarche.

Le concept d'organes

<<

bioartificiels ou hybrides

>>

procède d'une appro­

che différente : ici, on utilisera le tissu

vivant

lui-même, avec la pléni­

tude de ses fonctions, et la partie

artificielle

de l'appareil aura pour rôle de protéger ce tissu contre le rejet immun, en le séparant physi­

quement du receveur par une mem­

brane. Un tel principe peut donc s'appliquer au remplacement de tous les tissus dont la fonction ne nécessite pas un contact direct avec l'hôte (fonction de sécrétion ou de détoxication, par exemple).

Le but de cet article est de présenter les questions posées par le dévelop­

pement de pancréas bioartificiels, comme champ d'application privilé­

gié de ce nouveau type d'organes ar­

tificiels.

1

Pourquoi un pancréas bioartificiel ?

tion et dans l'homéostasie glycémi­

que. Le traitement actuel, qui vise à remplacer l'insulinosécrétion défail­

lante par l'administration exogène d'insuline (par injections disconti­

nues ou par perfusion continue au moyen d'une pompe), est impar­

fait : en effet, à la différence de l'in­

sulinosécrétion physiologique, cette administration d'insuline n'est pas régulée en permanence par la gly­

cémie concomitante : il est donc dif­

ficile d'éviter la survenue de pics hyperglycémiques ou d'épisodes hypoglycémiques, même au prix d'une adaptation fréquente des doses d'insuline en fonction des résultats de mesures glycémiques et de la recherche de sucre dans l'urine. A court terme, les accidents hypoglycémiques peuvent représen­

ter une entrave à une vie sociale et professionnelle normale; à long terme, l'hyperglycémie chronique est au moins en partie responsable de la survenue de complications sévères, en particulier rénales et oculaires [ 1].

On comprend que le développement de systèmes d'administration d'in­

suline

<<

en boucle fermée

>>,

dans lesquels l'insuline serait délivrée d'une manière automatiquement régulée par la glycémie, consti­

tuerait un progrès décisif dans le traitement du diabète sucré. Il s'agit d'un exemple typique d'<< organe artificiel

>>

selon la définition don­

née plus haut : la fonction à rempla­

cer est ici une administration d'insu­

line asservie par la glycémie. Cet objectif peut être réalisé de manière entièrement artificielle : par exem­

ple, les << pancréas artificiels électro­

mécaniques

>>,

développés dans les années soixante-dix, associent un capteur de glucose qui permet une mesure glycémique continue géné- Le diabète sucré insulinodépendant

est une affection qui touche environ 120 ooo sujets en France. Il est caractérisé par une perte de la capa­

cité du pancréas à sécréter l'insu­

line, une hormone qui joue un rôle

essentiel dans la fonction de nutri- rant un signal électrique, et un ordi-

---

87

(2)

88

nateur qui traite ce signal et com­

mande le débit d'une pompe [z) ; la faible longévité du capteur de glu­

cose (au mieux quelques jours) limite actuellement le dévelop­

pement de ces systèmes pour une application çlinique. On essaie éga­

lement de développer un

<<

pancréas artificiel chimique

•),

dans lequel l'insuline, fixée à un support, serait l.ibérée lorsque la glycémie s'élève : il est possible de montrer, du moins in vitro, que la liaison de certaines insulines glycosylées aux récepteurs des oses des lectines peut être dépla­

cée par le glucose [3].

L'alternative biologique, utilisant le tissu pancréatique vivant (trans­

plantation de pancréas ou d'îlots de Langerhans isolés), se heurte actuel­

lement à deux obstacles : le rejet immun du greffon et la difficulté d'approvisionnement en tissu trans­

plantable. C'est dire l'intérêt qu'au­

rait le développement d'un pancréas bioartificiel

(figure

1 ) qui permet­

trait l'utilisation de tissu pancréati­

que hétérologue, voire allogénique.

En effet, il s'agit là d'une appli­

cation parfaite du concept d'organes bioartificiels puisque la fonction que l'on souhaite suppléer (la sécrétion d'insuline régulée en fonction de la glycémie) ne nécessite pas un con-

glucose

!1r:­

insuline .!1:r

-

îlots

tact physique avec l'hôte : le poids moléculaire du glucose (180) et de l'insuline (5 900) permet d'envisager l'utilisation de membranes semiper­

méables qui seraient imperméables aux lymphocytes et aux immuno­

globulines.

1 2

type$ de pancréas bioartifieie/s

'

.

Plusieurs �olutions géométriques sont possibles pour concrétiser sous forme d'un outil thérapeutique .le principe de pancréas bioartificiel

(figure

1 ). On peut les classer sché­

matiquement en deux groupes [4).

Dans les pancréas bioartificiels

extra­

vasculaires,

le tissu pancréatique est placé à l'intérieur d'une chambre dont les parois sont constituées par la membrane : il s'agit de chambres de diffusion (un anneau sur lequel sont fixées deux rondelles de mem­

brane), de microcapsules, ou de fibres creuses, à l'intérieur desquel­

les se trouvent les îlots de Langer­

hans; ils pourraient être implantés dans la cavité péritonéale. Les pan­

créas bioartificiels

vasculaires

sont conçus sous forme d'un canal dont la paroi est constituée par la mem­

brane et à l'intérieur duquel circule le sang de l'hôte diabétique, les îlots

de Langerhans étant placés de l'au­

tre côté de la membrane; ils seraient donc connectés-à un axe vasculaire,

tel un shunt artério-veineux.

Q!Jelle que-soit la géométrie envisa­

gée, la conception d'un pancréas bioartificiel doit respecter plusjeurs impératifs [5] ; les deux premiers découlent de la définition même du pancréas bioartificiel : d'abord la membrane doit assurer une protec­

tion efficace contre le rejet immun et ensuite le pancréas bioartificiel doit foncfionner comme un système d'administration d'insuline en bou­

cle fermée, c'est-à-dire répondre à une charge en glucose par une aug­

mentation de sa production d'insu­

line; cette réponse doit être suffi­

samment rapide pour permettre une régulation efficace de la glycémie.

Les deux impératifs suivants ont trait au caractère potentiellement implantable à long terme de la pro­

thèse : les îlots de Langerhans pla­

cés à l'intérieur de l'appareil doi­

vent avoir une survie fonctionnelle prolongée et les propriétés fonction­

nelles d'échanges et d'immunopro­

tectioo de la membrane ne doivent pas être altérées par un contact pro­

longé avec les tissus de l'hôte; dans le cas des systèmes . vasculaires,

jJ

faudra de plus éviter la thrombose

•ystèmos

.,.,..,,.,.,,;,�

1

· a • •

1

chambre de diffusion

Gt fibre creuse

microcapsules

Figure

1 . A gauche : principe des pancréas bioartificiels. A droite : différents types de pancréas bioartificiels.

m/s 11° :z vol. 2 ftrritr 86

(3)

du canal sanguin. Enfin, la concep­

tion du pancréas bioartificiel doit tenir compte du nombre d'îlots de Langerhans nécessaire à la correc­

tion du diabète sucré humain (que l'on peut estimer à

3

ooo ilots par kilogramme, d'après des expérien­

ces de transplantation, soit environ 200

QQQ

îlots chez l'homme).

1

Quel type de membrane?

Les membranes artificielles peuvent être subdivisées en deux types : les membranes microporeuses, utilisées par-exemple pour la plasmaphérèse, sont imperméables aux cellules, mais perméables aux protéines de gros poids moléculaire comme le complément et les immunoglobu­

lines; les membranes semi-per­

méables, utilisées en hémodialyse, oe sont pas perméables aux pro­

téines d'un poids moléculaire supé­

rieur à 50 ooo comme l'albumine.

On a proposé d'utiliser les deux types de membrane, mais ceci mérite d'être discuté : s'il s'agissait seulement d'éviter la survenue du rejet immun du tissu transplanté, il est vraisemblable qu'une immuno­

protection efficace pourrait être assurée par des membranes micro­

poreuses : en effet, des cellules allo­

géniques placées dans des chambres de diffusion utilisant des membra­

nes Nucléopore (taille des pores 0,45 J.!M), qui empêchent seulement le contact cellulaire entre le greffon et le receveur, peuvent être trans­

plantées avec succès [6]. Ainsi, la transplantation chez le rat rendu diabétique par la streptozotocine, d'îlots de Langerhans hétérologues placés dans de telles chambres n'en­

traîne pas chez le receveur l'appari­

tion d'anticorps anti-îlots [7]. En fait, la situation est plus complexe dans le cas spécifique de la trans­

plantation d'îlots de Langerhans chez l'homme diabétique, pour deux raisons : d'abord le sérum de sujets humains normaux et diabéti­

ques contient des facteurs cytotoxi­

ques pour les îlots de Langerhans;

ces facteurs ne sont pas dialysables, sont détruits par la chaleur ou le traitement du sérum par le zymo­

san-A, ce qui suggère une liaison avec le système complémentaire [8].

Ensuite, il existe spontanément chez

mjs n° 2 t•o/ . .2 firrier 86

de nombreux patients atteints de diabète sucré insulinodépendant des anticorps cytotoxiques en présence de complément pour les îlots de Langerhans, ce qui témoigne de la nature auto-immune du diabète sucré humain [9] ; bien que l'effet de ces anticorps n'ait été

-

démontré qu'in vitro et que leur rôle patho­

gène réel reste- incertain, il paraît hasardeux d'utiliser pour une im­

plantation à long terme une mem­

brane qui serait perméable aux anti­

corps ct au complément : de fait, des cellules placées dans des cham­

bres de diffusion sont rejetées lors­

que les animaux receveurs ont été

au préalable immunisés contre ces cellules [1o]. Il semble donc néces­

saire, lors du développement d'un pancréas bioartificiel, de s'assurer du pouvoir d'exclusion moléculaire de la membrane que l'on souhaite utiliser. L'imperméabilité aux immunoglobulines et au complé­

ment a été démontrée, notamment dans le cas des microcapsules d'algi­

nate-polylysine, qui ont été propo­

sées pour la conception d'un pan­

créas bioartificiel r Il]

:

des cellules insulinosécrétrices microencapsu­

lées sont protégées

(figure

2) contre l'effet cytotoxique de sérums de sujets diabétiques [ 12].

60 cellules RI Nm5f libres

50·

40- 30·

20

1 0

0

·;c ë3 B - 1 0

>-0 u 60

"tl Q)

)( 50

"tl Q)

.E 40

30 20

1 0 0 -1 0.

sujets témoins

(6)

0101

cellules RI Nm5f microencapsulées

0102

Figure

2. Démonstration de l'immunoprotection par la microencapsulation.

Des cellules R/Nmsf (une lignée cellulaire insulinosécrétrice), libres (en haut) ou microencapsulées (en bas) sont incubées en présence de sérum de sujets témoins et de deux patients diabétiques (DIDI et DID2), et de complément natif (barres grises) ou inactivé par la chaleur (barres roses). Les cellules ont été au préalable marquées avec du 5 1 Chrome, et on détermine en jin d'incubation le pourcentage de chrome libéré dans le milieu, ce qui permet de calculer un index de cytotoxicité. Il apparal"t clairement que les cellules sont tuées à /'état libre par le sérum des sujets diabétiques et qu'elles sont protégées contre cet effet cytotoxique lorsqu'elles sont microencapsulées.

D'après [ 12 ], modifié.

(4)

90

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Ces données soulignent - l'impor­

tance du choix du modèle expéri­

mental pour la démonstration de l'efficacité de l'immunoprotection : le succès de la transplantation à long terme d'îlots de Langerhans hétéro­

logues placés dans un pancréas bio­

artificiel ne sera pleinement démonstratif que si un modèle autoimmun est utilisé; à ce jour, le succès de l'implantation d'îlots de Langerhans microencapsulés [13]

ou placés dans des fibres creu­

ses [14] n'a été démontré que dans des modèles toxiques de diabète expérimental.

1

de Cinétique la réponse

Normalement, la réponse insulino­

sécrétrice du pancréas à une charge en glucose est rapide; on peut démontrer, soit par des techniques de modélisation cinétique [15], soit par l'utilisation chez le sujet diabéti­

que d'un pancréas artificiel électro­

mécanique [16], que le temps de réponse doit être inférieur à quinze minutes pour être compatible avec la réalisation d'une administration d'insuline

<<

en boucle fermée

>>.

Dans le cas d'un pancréas bioartifi­

ciel, la présence de la membrane, en retardant la transmission du signal glycémique du sang aux îlots et le retour de l'insuline sécrétée, risque de gêner la réalisation de cet impé­

ratif cinétique. De fait, la diffusion du glucose et surtout de l'insuline à travers la membrane est un phéno­

mène lent [17], ce qui explique la lenteur (plus de vingt minutes) de la réponse à une charge en glucose de pancréas bioartificiels de type vasculaire dont la fonction était éva­

luée in vitro [18, 19].

Cet obstacle peut être surmonté de deux façons. D'abord en diminuant au maximum le volume du compartiment contenant les îlots, afin de limiter l'effet de dilution [18] : il est donc vraisem­

blable que parmi les pancréas bioar­

tificiels extra-vasculaires, les micro­

capsules et les fibres creuses repré­

senteraient une géométrie plus favorable que les chambres de dif­

fusion; toutefois, la cinétique de réponse de ces systèmes n'a pas été évaluée à ce jour, par exemple en les implantant chez des animaux diabé-

tiques totalement insulinopéniques et en dosant l'insulinémie au décours d'une charge en glucose.

Une deuxième solution consiste à associer aux mouvements par diffu­

sion du glucose et de l'insuline à travers la membrane, des mouve­

ments par convection, ce qui est possible dans les pancréas bioartifi­

ciels de type vasculaire : ceci revient à faire balayer le compartiment con­

tenant les îlots par un flux d'ultrafil­

trat produit à travers la membrane à partir du sang circulant; ce flux apporterait aux îlots le signal glycé­

mique et remporterait l'insuline. De fait, des ilots de Langerhans périfu­

sés in vitro avec un ultrafiltrat de sang répondent normalement au glucose, ce qui démontre la faisabi­

lité d'une telle approche [2o].

Le développement d'un tel pancréas bioartificiel pourrait utiliser l'exis­

tence du flux spontané d'ultrafiltra­

tion-réabsorption qui existe dans les systèmes de type vasculaire : on peut démontrer [21] que la baisse de la pression hydrostatique due à l'écoulement du sang produit un flux d'ultrafiltration dans la pre­

mière moitié du canal, suivi d'une réabsorption de liquide à travers la membrane

(figure

3A); ceci rap­

pelle le phénomène de Starling de la microcirculation, dans lequel une ultrafiltration au niveau de l'arté­

riole génère du liquide interstitiel qui est réabsorbé au niveau de la veinule; une telle disposition vascu­

laire existe au niveau de l'îlot de Langerhans [22]. Il est possible de visualiser ce

<<

phénomène de Star­

ling artificiel

>>

dans les pancréas bioartificiels de type vasculaire en faisant circuler à travers le

<<

canal sang

>>

une molécule colorée de fai­

ble poids moléculaire, la vitamine B 12. Si on donne au canal sang une forme en U

(figure

3

B),

on raccour­

cit encore le temps de réponse puis­

que le flux d'ultrafiltration-réab­

sorption traverse désormais le compartiment contenant les îlots comme un court circuit· [23]. Le temps de réponse au glucose de la production d'insuline d'un pancréas bioartificiel construit selon ce prin­

cipe a été trouvé inférieur à cinq minutes (figure 4).

Ceci démontre qu'il est nécessaire d'introduire dans la conception d'un pancréas bioartificiel une étape de

mfs n" 2 vol. 2 fivritr 86

(5)

. 0

3 A

modélisation cinétique des trans­

ferts du glucose et de l'insuline à travers la membrane, de même que le développement d'un pancréas artificiel électromécanique passe par un affinement des algorithmes qui permettent de calculer la dose d'insuline administrée en fonction de la mesure de la glycémie par le capteur. Ce n'est qu'à ce prix que la géométrie d'une maquette conçue pour être évaluée chez le petit ani­

mal de laboratoire pourra être trans­

posée sous forme d'un appareil utili­

sable chez l'homme.

La survie des ilots immunoprotégés

Ce troisième objectif peut être atteint : il est possible de cultiver in vitro pendant plusieurs mois des îlots de Langerhans à l'état micro­

encapsulé [24]; de même, la survie fonctionnelle d'îlots de Langerhans placés dans un pancréas bioartificiel de type vasculaire a été démontrée lorsqu'on faisait circuler dans le canal sang un milieu de cul­

ture [25, 26].

A ces données de l'expérimentation in vitro (

figure

5,

voir p. 92)

s'ajoutent les résultats de l'implan­

tation de tissu pancréatique hétéro­

logue à l'état microencapsulé [13]

ou à l'intérieur de fibres cteu­

ses [14], chez le rat diabétique : le diabète a été corrigé pertdant plus d'un an (

figure

6,

voir p. 93),

ce qui s'est traduit par l'absence d'appari­

tion de cataracte ou des lésions réna­

les secondaires au diabète. L'évalua­

tion in vivo de la survie d'îlots de Langerhans placés dans des pan­

créas bioartificiels de type vasculaire a été en général écourtée par la sur­

venue d'une thrombose du canal sang : la durée rapportée la plus

mfs n• 2 vol. 2 fivritr 86

3 8

Figure Phénomène de Starling dans les pancréas bioartificiels de type vasculaire. 3A : structure linéaire ; 3B : structure en U, dans laquelle les flux d'ultrafiltration ( uf) et de réabsorption ( r) traversent le compartiment contenant les îlots comme un court-circuit.

c:

·e

...

Ill

8 g ... ...

Cl

...

c:

Q) c:

:; Ill .5

1 5

5

0

0 30

m ± sem (n=6)

60 min

Figure

Réponse rapide d'un pancréas bioartificiel au glucose. Un pancréas bioartificiel dont la structure est représentée sur la figure 3B est perfusé avec un milieu synthétique dont on augmente la concentration en glucose en onde carrée (rectangle rouge) . On dose f insuline à la sortie de l'appareil. D'après [ 23 ], modifié.

91

(6)

92

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vivre de manière prolongée lors­

qu'ils sont séparés des tissus du receveur par une membrane artifi­

cielle.

La correction à long terme, vue plus haut, du diabète expérimental par des îlots microençapsulés ou placés à l'intérieur de fibres creuses, démontre que la survie fonction­

nelle de la membrane de ces sys­

tèmes peut dépasser un an.

1

Survie fonctionnelle de la membrane

Ceci peut être dû à leur géométrie [28]

:

dans le cas moins favorable des chambres de diffusion, les mem­

branes en forme de disque étaient rapidement recouvertes par une réaction de fibrose [29]. La situa­

tion est plus complexe dans le cas des systèmes de type vasculaire, dans lesquels il faut considérer, en plus du dépôt possible de protéines sur la membrane, le risque de

20

1 5

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300 1 00 300 1 00

thrombose du canal sang et des accès vasculaires. Actuellement, l'évaluation in vivo de ces pancréas bioartificiel� a été réalisée chez des animaux traités par l'héparine de manière systémique, ce qui est dif­

ficilement acceptable pour une uti­

lisation clinique à long terme chez l'homme. Le développement de tels systèmes nécessite donc une analyse soigneuse des phénomènes res­

ponsables de la survenue du phéno­

mène de thrombose, en terme d'hémocompatibüité des biomaté­

riaux utilisés, de la géométrie des surfaces au contact du sang, et du débit sanguin. Des progrès en ma­

tière de développement de surfaces rendues non thrombogéniques sont en particulier indispensables au dé­

veloppement à terme de ces projets;

leur retentissement dépasserait le cadre des pancréas bioartificiels.

1

/solement de masse d'ï/ots de Langerhans

L'isolement d'îlots de Langerhans à partir du pancréas de gros animaux ou de pancréas humains est beau-

300 concentration

OL---�----�----�----�----�----�----��-;

10 20 30 40 50 60 70 80

durée de la culture (jours)

Figure

Survie fonctionnelle prolongée d'îlots de Langerhans placés dans un pancréas hioartificiel (expériences in vitro) . Un pancréas bioartificiel, dont la structure est représentée sur la figure 3A, contenant so ooo îlots de chien, est perfusé pendant 8o jours avec un milieu de culture contenant des concentrations variables de glucose. L'insuline produite par jour à la sortie de f appareil est mesurée.

D'après [ 26/, modifié.

mfs n" 2 t•u/. 2 fit'Titr 86

(7)

400 300 . 200 1 00

400 300

400

400 300 200 1 00

Ir

v

-10 0 40

1 -

80 1 20 1 60 200 240 340 365

jours

Figure 6. Normalisation à long terme de la glycémie par une unique injectio11 {tr) de 4500 îlots de Langerhans microencapsulés chez cinq rats rendus diabétiques par la streptozotocine. Chez deux animaux, le diabète a été corrigé pendant un an.

D'après f 13/. modifié.

coup plus difficile à réaliser que l'isolement d'îlots de rongeurs, en raison du caractère plus fibreux du pancréas. Des progrès récents [30]

permettent maintenant d'obtenir à partir d'un unique pancréas de bœuf, de porc, ou de chien plusieurs dizaines de milliers d'îlots de Langerhans, et certains laboratoires s'attachent à développer des métho­

des d'isolement de masse sur des bases industrielles.

1

Conclusion

Cet article a tenté de démontrer que le concept de pancréas bioartificiel est valide puisque : (a) des îlots de

Langerhans peuvent survivre de manière prolongée alors qu'ils sont séparés des tissus du receveur par une membrane artificielle; (b) il est possible de les protéger efficace­

ment contre le rejet immun par une membrane appropriée; (c) certains systèmes peuvent répondre avec une cinétique rapide d'insulino­

sécrétion à une charge en glucose;

(d) il devient possible d'isoler un nombre suffisant d'îlots de Lan­

gerhans. Le développement de matériaux biocompatibles est sans doute l'étape qui permettra à ces systèmes de devenir une réalité clinique : elle nécessitera une approche multidisciplinaire

Summary

The.. principle of bioartificial pancreas is to permit the trans­

plantation of non syngeneic is­

lets of Langerhans for the treat­

ment of human diabetes melli­

tus. An artificial membrane, permeable to glucose and insu­

lin, but not so to immunoglobu­

lins and lymphocytes, separates the islets from the host ; th us, the islets would be protected against immune rejection. This review presents the evidences that 1) islets of Langerhans can sur­

vive for a long period of ti me ( up to one year) in immunoprotected state, 2) immunoprotection of endocrine cells by appropriate membranes is feasible, 3) the response time of the deviee to a glucose challenge can be short enough to be compatible with the achievement of closed-loop insu lin delivery, 4) enough is­

lets can be currently isolated from the pancreas of large spe­

cies. The development of bio­

compatible materials is required to transform this attractive idea into a therapeutic tool.

TIRÉS A PART ---

Gérard Reach : Inserm U 290, hôpital Saint­

Lazare, 107, rue du Faubourg Saint-Denis, 75010 Paris.

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