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La normativité et le contentieux des règles générales du droit international en droit interne : une étude comparative en droit allemand, autrichien et français

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La normativité et le contentieux des règles générales du

droit international en droit interne : une étude

comparative en droit allemand, autrichien et français

Michaël Muller

To cite this version:

Michaël Muller. La normativité et le contentieux des règles générales du droit international en droit interne : une étude comparative en droit allemand, autrichien et français. Droit. Université Panthéon-Sorbonne - Paris I, 2013. Français. �NNT : 2013PA010330�. �tel-01534168�

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La normativité et le contentieux des règles générales

du droit international en droit interne

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SOMMAIRE

Introduction générale

Première partie

Le problème de la transformation des règles générales du droit international

Titre 1 : La relation entre la validité internationale et la validité interne (selon l'ordre de production) Chapitre 1 : Le fondement constitutionnel de la transformation des règles générales du droit international en droit interne

Chapitre 2 : L'applicabilité du droit international général en dehors du fondement constitutionnel de transformation («application immédiate»)

Titre 2 : La concrétisation des règles générales du droit international

Chapitre 1 : L'habilitation générale à concrétiser les normes transformées dans la sphère interne Chapitre 2 : L'implémentation des règles générales du droit international

Deuxième partie

L'effet dérogatoire des règles générales du droit international

Titre 1 : La classification des règles générales du droit international selon la force dérogatoire Chapitre 1 : La relation selon la force dérogatoire entre les règles générales du droit international et les normes issues de procédures de production internes

Chapitre 2 : La relation hiérarchique entre normes internationales dans le cadre du système juridique interne

Titre 2 : L'application téléologique des règles générales du droit international par les organes internes

Chapitre 1 : L'obligation générale de conformité au droit international en droit interne Chapitre 2 : Les modalités de l'application téléologique du droit international par les organes internes

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LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

AFDI Annuaire français de droit international AJDA Actualité juridique. Droit administratif AJIL American Journal of International Law AÖR Archiv des öffentlichen Rechts

Ann. Dig. Annual digest of public international law cases (1919-1932) / Annual digest and

reports of public international law cases (1933-1949) AVR Archiv des Völkerrechts

BGBl Bundesgesetzblatt : Journal officiel des lois fédérales (Allemagne fédérale ou République d'Autriche).

al. alinéa

BDGV Berichte der Deutschen Gesellschaft für Völkerrecht

BGH Bundesgerichtshof (Cour de justice fédérale, Allemagne)

BVerfG Bundesverfassungsgericht (Cour constitutionnelle fédérale)

BVerfGE Entscheidungen des Bundesverfassungsgerichts : Décisions de la Cour constitutionnelle fédérale, éditées par les membres de la Cour

BVerfGG Bundesverfassungsgerichtgesetz : Loi sur la Cour constitutionnelle fédérale

BVerwGE Entscheidungen des Bundesverwaltungsgerichts : Recueil des décisions de la Cour

fédérale administrative (Allemagne)

BV-G Bundes-Verfassungsgesetz : Loi constitutionnelle fédérale

BYIL British Yearbook of International Law

C.C. Conseil Constitutionnel

CCC Les Cahiers du Conseil constitutionnel

Cass. Cour de cassation

C.D.I. Commission du droit international

C.E. Conseil d'État

C.E.D.H. Cour européenne des droits de l’homme

C.J.C.E. Cour de justice des communautés européennes

C.J.U.E. Cour de justice de l'Union européenne

C.I.J. Cour internationale de justice

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D Recueil Dalloz

DC Décision du Conseil constitutionnel

DÖV Die Öffentliche Verwaltung DVBl Deutsches Verwaltungsblatt

EJIL European Journal of International Law EuGRZ Europäische Grundrechte-Zeitschrift EuR Zeitschrift Europarecht

GYIL German Yearbook of International Law / Jahrbuch für Internationales Recht

HStR Handbuch des Staatsrechts der Bundesrepublik Deutschland ICLQ International & Comparative Law Quarterly

ILR International Law Reports JCP La semaine juridique

JDI Journal du droit international (Clunet)

JöR Jahrbuch des öffentlichen Rechts der Gegenwart JBl Juristische Blätter

lit. littera

LF Loi fondamentale : Grundgesetz

JZ JuristenZeitung

Leb. Lebon (recueil des arrêts du Conseil d'État)

LPA Les Petites Affiches

NJW Neue juristische Wochenschrift ÖJZ Österreichische Juristen-Zeitung

O.N.U. Organisation des Nations unies

P.I.L. Hans Kelsen, Principles of International Law, 2ème éd, The Johns Hopkins University, New York/Chicago/San Francisco/Toronto/Londres, 1967, 602 p.

RCADI Recueil des cours de l’Acadцmie de droit international de La Haye RCDIP Revue critique de droit international privé

Rec. Recueil

RDP Revue du droit public et de la science politique en France et à l’цtranger RFDA Revue française de droit administratif

RFDC Revue française de droit constitutionnel RGDIP Revue générale de droit international public RIDC Revue internationale de droit comparé S. Recueil Sirey

Slg Sammlung (Recueil)

StBGl Staatsgesetzblatt für die Republik Österreich : Gazette officielle des lois de l'Etat (Autriche : 1918-1920)

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Justizverwaltungssachen (Autriche)

VfSlg Sammlung der Erkenntnisse und Beschlüsse des Verfassungsgerichtshofes :

Décisions et arrêts de la Cour constitutionnelle

VwSlg Sammlung der Erkenntnisse und wichtigen Beschlüsse des

Verwaltungsgerichtshofes : Décisions et arrêts de la Cour administrative

VVDStRL Veröffentlichungen der Vereinung der Deutschen Staatsrechtslehrer

WRV Weimarer Reichsverfassung : Constitution de Weimar

ZaöRV Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht

ZL Geschäftszahl : numéro de référence (Autriche)

ZÖR Zeitschrift für öffentliches Recht (Österreichische Zeitschrist für öffentliches Recht

und Völkerrecht)

Avis

La numérotation des notes subpaginales n'est pas continue mais recommence à 1 au début de chaque chapitre. Le renvoi d'une note à une autre s'opère vers le même chapitre, sauf mention contraire. Le rassemblement de la documentation s'est arrêté au 31 janvier 2013.

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Introduction générale

L'extension de la sphère d'application du droit international conventionnel marque assurément l'évolution du droit international depuis la toute fin du XIXe s., avec comme évènement la Première conférence de La Haye de 1899 qui aboutit au « premier code international de la paix1 ». Elle prend de

l'ampleur à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, alors que la volonté des vainqueurs consiste dans structurer davantage la Communauté internationale, ce qui passe par une codification du droit international et l'institution d'organisations internationales, en commençant par l'Organisation des Nations unies, auxquelles sont attribuées une compétence de production normative assez large, par actes unilatéraux. Ce processus s'opère au détriment du droit international coutumier, qui était auparavant la principale composante du droit international ; le droit international « écrit » remplace progressivement le droit international « non écrit »2. Cette substitution est toutefois seulement partielle, notamment parce

que les principes structurants du droit international demeurent pour la plupart coutumiers (principe d'effectivité3, pacta sunt servanda4, principe d'égale souveraineté des États5, principe d'indifférence du

1 Il s'agit de l'expression employée par le baron de Staal, Président de la Conférence ; cf. Conférence internationale de

la Paix, La Haye, 18 mai-29 juillet 1899, Procès-Verbaux, lre partie, séance de clôture du 29 juillet 1899, p. 212. On relève déjà des codifications du droit international avant la Première Convention de La Haye de 1899, par la voie de conférences gouvernementales, dont aucune n'atteint cependant sa généralité ; cf. O.N.U., « Historical Survey of Development of International Law and its Codification by International Conferences », AJIL, vol. 41, 1947, suppl. pp. 29-111, spécialement pp. 29-49.

2 Les « normes internationales non écrites » sont l'ensemble des normes internationales dont la validité n'est pas conditionnée par un acte écrit (publication, ratification, signature, reconnaissance, etc.). Cf. infra, le concept de « normes internationales non écrites ».

3 Cf. Robert W. Tucker, « The principle of effectiveness in International Law », in : George A. Lipsky (éd.), Law and

politics in the World Community, Essays on Hans Kelsen's pure theory and related problems in International Law,

University of California Press, Berkeley/Los Angeles, 1953, 373 p., pp. 31-48 ; Heike Krieger, Das Effektivitätsprinzip

im Völkerrecht, Duncker & Humblot, Berlin, 2000, 521 p.

4 Les principes coutumiers du droit international réglementant le droit international, dont pacta sunt servanda, ne sont pas abrogés par la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1955. De manière générale, la Cour internationale de justice considère que : « le fait que les principes […] sont codifiés ou incorporés dans les conventions multilatérales ne veut pas dire qu'ils cessent d'exister et de s'appliquer en tant que principes de droit coutumier, même à l'égard des pays qui sont parties aux dites conventions » (C.I.J., compétence, 10 mai 1984, Affaire des activités militaires et

paramilitaires au Nicaragua, Rec. p. 421).

5 Cf. Hans Kelsen, « The Principle of Sovereign Equality of States as a Basis for International Organization », The Yale

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2

droit international par rapport au droit interne6, etc.). Plus récemment, dans la période historique dite de

globalisation, la tendance semble s'orienter vers une résurgence des normes non écrites parmi les normes internationales, dans la position de normes valables universellement. L'explication de ce phénomène est double7 : la pratique des États s'uniformise au sein de la sphère internationale en raison

de la globalisation, favorisant ainsi la formation de coutumes internationales par une praxis commune8 ;

le droit international non conventionnel peut lier les États sans ou contre leur volonté, surtout en vertu du ius cogens9, ce qui est un mode de formation du droit approprié dans le cadre d'un système juridique

international qui protège de plus en plus les droits fondamentaux de l'individu, jusqu'à limiter la « souveraineté » de l'État.

La présente analyse a pour objet d'exposer l'application des règles générales du droit international en droit interne, par une comparaison entre les droits internes allemand, autrichien et français principalement10. L'application des règles générales du droit international par les organes internes est

prévue par les dispositions constitutionnelles consistant en une obligation interne de transformer et de concrétiser ces normes dans le cadre du droit interne, mais elle est aussi conditionnée par le droit international lui-même qui, en tant que système juridique liant les États, prévoit une certaine applicabilité des règles générales du droit international par les organes internes d'application du droit. L'étude de la relation entre droit international et droit interne a surtout été entreprise par la doctrine spécialiste du droit international à propos des traités internationaux11. Cependant, son risque est double :

Grundprinzipien des Völkerrechts, Springer, Vienne, 1957, 160 p.

6 Cf. Carlo Santulli, Le statut international de l’ordre juridique étatique : Etude du traitement du droit interne par le

droit international, A. Pedone, Paris, 2001, 540 p.

7 Cf. inter alia dans une doctrine abondante : W. Michael Reisman, « The Cult of Custom in the Late 20th Century »,

California Western International Law Journal, vol. 17, 1987, pp. 133-145 ; Richard B. Lillich, « The Growing Importance of Customary International Human Rights Law », Georgia Journal of International and Comparative Law, vol. 25, 1995, pp. 1-30 ; Jost Delbrück, « Structural Changes in the International System and its Legal Order : International Law in the Era of Globalization », Schweizerische Zeitschrift für internationales und europäisches Recht, vol. 11, 2001, pp. 1-36 ; Anthea Elizabeth Roberts, « Traditional and Modern Approaches to Customary International. Law : A Reconciliation », AJIL, vol. 95, 2001, pp. 757-791 ; Joseph H. H. Weiler, « The Geology of International Law : Governance, Democracy and Legitimacy », ZaöRV, vol. 64, 2004, pp. 547-562 ; Anja Seibert-Fohr, « Modern Concepts of Customary International Law as a Manifestation of a Value-Based International Order », in : Andreas Zimmermann, Rainer Hofmann (eds), Unity and Diversity in International Law, Duncker & Humblot, Berlin, 2006, 496 p., pp. 257- 283 ; Jan Wouters, Cedric Ryngaert, The Impact of Human Rights and International Humanitarian Law on the Process

of the Formation of Customary International Law, Instituut voor Internationaal Recht, K.U. Leuven, Working Paper n° 121, février 2008, 21 p., disponible sur : www.internationallaw.be.

8 La «pratique» (praxis, élément matériel), qui est la répétition prolongée et constante d’un même comportement, constitue une condition de formation de la coutume. L'autre condition est le sentiment de la force obligatoire ((opinio

juris sive necessatis, élément psychique).

9 Ou « jus cogen ». L'article 53 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 définit le ius cogens comme une « norme impérative de droit international général acceptée et reconnue par la communauté internationale dans son

ensemble en tant que norme laquelle aucune dцrogation n’est permise. »

10 On analysera aussi d'autres systèmes juridiques nationaux en vue de compléter l'analyse (italien, grec, anglais...), surtout lorsqu'il s'agit d'appuyer la systématique qui sous-tend la présente recherche.

11 Sans entrer dans le détail d'une littérature immense, on peut remarquer que la plupart des manuels d'enseignement du droit international public, qui contiennent presque toujours un chapitre spécial en la matière, servent de référence standard. Cf. inter alia, en Allemagne : Wolfgang Graf Vitzthum (coordinateur), Michael Bothe, Rudolf Dolzer, Kay Hailbronner, Marcel Kau, Eckart Klein, Philip Kunig, Alexander Proel, Stefanie Schmahl, Meinhard Schröder,

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celui de concevoir certaines questions comme un enjeu du droit international, alors qu'elles relèvent en réalité de la sphère de compétence du droit interne, à l'exemple de la question de la transformation du droit international en droit interne ; celui de développer une vision réduite de la normativité interne du droit international centrée sur les traités internationaux, alors que c'est le droit international coutumier qui, pourtant, structure la relation entre droit international et droit interne. En optant pour une analyse comparative des systèmes juridiques internes allemand, autrichien et français, la démarche ici entreprise voudrait contribuer à amplifier la systématique de la relation entre droit international et droit interne. Pour l'entreprendre, il convient d'identifier clairement son objet (§1), de définir la méthode et les concepts adoptés en vue d'appréhender la structure de la relation entre droit international et droit interne dans les différentes structures juridiques en question (§2), mais aussi de présenter ce qui a été apporté par la recherche antérieure (§3). On pourra alors proposer une explication des données du droit positif (§4).

§ 1. Objet de l'étude

La présente étude se conçoit donc comme une comparaison de différents systèmes juridiques internes, et non principalement comme une étude du droit international (A), mais elle analyse comment les États concrétisent le droit international dans leur sphère interne (B).

A. Délimitation de l'objet de la recherche : ce qui est exclu

L'objet de la présente recherche consiste premièrement à analyser les droits internes allemand, autrichien et français, non le droit international lui-même. Néanmoins, secondairement, l'analyse des systèmes juridiques nationaux amène à rechercher le contenu du droit international en matière de relations de systèmes juridiques. En effet, les systèmes juridiques nationaux sont des sous-systèmes juridiques du droit international, au sens où ce dernier prévoit leur existence et, à un certain degré, leur contenu juridique.

L'analyse de la relation entre le droit international et le droit interne peut être entreprise soit à partir des données du droit international, soit à partir des données du droit interne, et rien n'empêche d'ailleurs de

Völkerrecht, 5ème éd., Walter de Gruyter, Berlin 2010, 769 p., spécialement pp.79-148 ; en Autriche : Hanspeter Neuhold, Waldemar Hummer, Christoph Schreuer, Österreichisches Handbuch des Völkerrechts, 2 tomes, 4ème éd., Manz, Vienne, 2004, 1278 p. ; en France : Patrick Daillier, Mathias Forteau, Daniel Müller, Alain Pellet, Droit

international public, LGDJ, Paris, 8ème éd. 2009, 1708 p. ; ou encore, au Royaume-Uni : Malcolm N. Shaw,

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juxtaposer ces deux approches12 13. Si le point de départ est le droit international, on recherchera alors

de quelle manière le droit international lie les États, c'est-à-dire quelles sont les obligations internationales qui s'adressent à celui-ci, ces obligations pouvant éventuellement même s'étendre jusqu'à la sphère domestique de l'État. La question alors soulevée concerne le statut international du système juridique de l'État. En revanche, si l'on part du droit interne, l'analyse portera sur la transformation et la concrétisation des normes internationales dans le cadre du système juridique interne.

La démarche ici exposée prend pour point de départ le droit interne. Le constitutionnaliste n'a en effet pas à se préoccuper directement du contenu du droit international, mais il a néanmoins à le constater afin d'analyser comment il est mis en œuvre par les organes de l'État dans le cadre de la réglementation constitutionnelle. La difficulté qui s'ensuit consiste à ne pas généraliser les conclusions à partir d'une analyse partielle, ce qui reviendrait à prendre la partie pour le tout. En d'autres termes, le sens de l'investigation ne doit pas être confondu avec la relation entre le droit international et le droit interne elle-même. Par exemple, le constat que l'État détermine librement, par voie constitutionnelle 14, de

transformer de telle ou telle manière les normes internationales, voire de ne pas les transformer, n'implique pas que l'État est soustrait à toute conditionnalité, c'est-à-dire que la relation entre le droit international et le droit interne dépendrait exclusivement de la volonté de l'État « souverain »15. Les

12 Les analyses systématiques actuelles adoptent parfois une démarche dans les deux sens, par exemple : Carlo Santulli,

op. cit. note 6. Toutefois, comme le remarque le Professeur Jean Combacau dans la préface de cet ouvrage, la grande majorité des analyses, même lorsqu'elles sont le produit de spécialistes du droit international, ont pour objet « le traitement fait au droit international par l'État » ; cf. Jean Combacau, « Mettre de l'ordre dans les relations des ordres », préface à la thèse de doctorat de Carlo Santulli, pp. I-XIV, spécialement p. I.

13 Hans Kelsen relate qu'il revient à Alfred Verdross d'avoir formulé pour la première fois la possibilité de concevoir le droit interne à partir des données du droit international et inversement. Cf. Hans Kelsen Das Problem der Souveränität

und die Theorie des Völkerrechts, J.C.B. Mohr (P. Siebeck), Tübingen, 1920, 320 p., p. 120. Cf. aussi : Josef L. Kunz, « The Vienna School and International Law », in : The changing Law of Nations – Essays on International Law, Ohio

State University Press, Columbus, 1968, 970 p., pp. 59-124, spécialement p. 83-84.

14 La doctrine présente souvent l'orientation de chaque constitution nationale comme le principal enjeu des recherches relatives à la relation entre droit international et droit interne, comme on le voit dans les extraits suivants :

Les Professeurs Luzius Wildhaber et Stephan Breitenmoser écrivent que : « In any case, to answer the question whether

a country follows the monistic or dualist conception in one or another moderated way, it will be necessary to examine pragmatically its actual constitutional position, its jurisprudence, as well as its doctrine. » ; cf. « The Relationship Between Customary International Law and Municipal Law in Western European Countries », ZaöRV, vol. 48, 1988, pp. 163-207, p. 173.

Le Professeur Daniel H. Joyner développe quant à lui l'analyse suivante : « As applied in world legal systems these

doctrines [monism and dualism] have been variously accepted and modified by nations and used as a basis for the integration of international law rules into their respective domestic legal system. As is readily apparent, determining which conception and what variation thereof should be accepted by a particular nation is vital to understanding how that nation should receive international law principles into its legal order. » ; cf « A normative Model for the Integration of Customary International Law into United States », Duke Journal of Comparative & International Law, vol 11, 2001, pp. 133-156, pp. 141-142.

L'analyse développée dans ces extraits est marquée par une confusion entre le «monisme» et le «dualisme» au sens théorique (qui pose la question de la relation de système entre droit international et droit interne) et le «monisme» et le «dualisme» au sens technique (relatif au mode d'applicabilité du droit international dans la sphère de chaque système juridique national). Pour une analyse détaillée de cette confusion et de ses incidences, cf. infra : « Les différentes acceptions des termes "monisme" et "dualisme" comme manifestant une confusion entre théorie et technique ».

15 Une partie de la doctrine déduit des dispositions constitutionnelles nationales relatives au droit international la relation plus générale entre droit international et droit interne. Ainsi, les constitutions nationales seraient chacune « moniste » ou « dualiste », et de cela résulterait que la structure générale de la relation entre droit international et droit interne se trouverait également « moniste » ou « dualiste » avec les nombreuses variantes possibles – suivant là

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conclusions relatives au droit interne ne présupposent en rien de l'ensemble de la relation entre le droit international et le droit interne, qui est un objet propre de recherche, que l'on traitera certes, mais surtout de façon incidente.

Il ne s'agit pas non plus de traiter le droit international du point de vue du droit interne16, comme si un

système juridique était pourvu, à l'instar des êtres humains, d'une quelconque perception. Nous ne partageons pas ainsi l'opinion selon laquelle les systèmes juridiques puissent être sujets à des émotions, comme cela semble être admis par le Professeur Jean Combacau : « le droit international a une vision "dualiste" de ses rapports avec ses rivaux possibles [les droits nationaux] : très jaloux de sa supériorité, il se perçoit en même temps comme différent d'eux, et ne prétend en aucune manière "nullifier" ou même rendre inefficace dans leur ordre ce qui en eux est contraire à ses prescriptions17 ».

Le droit de l'Union européenne n'est pas non plus l'objet principal de la recherche. Il est parfois analysé parce qu'il pose des difficultés spécifiques en tant que système juridique intermédiaire entre le droit international général et le droit interne. La construction juridique de l'intégration européenne concerne l'ensemble des États qui sont l'objet de la présente recherche, mais elle a des effets juridiques réduits sur la relation entre droit international général et droit interne. Le principal de ces effets consiste sans doute à limiter la sphère d'applicabilité du droit international général en se substituant à lui en certaines matières, surtout dans le domaine économique.

B. Délimitation de l'objet de la recherche : ce qui est inclus

La présente recherche porte sur la façon dont l'État concrétise les règles générales du droit international dans sa sphère interne (1). Il ne s'agit pas en l'occurrence d'analyser un seul droit interne, ni tous les

respectivement chaque modèle national ! La conclusion ensuite proposée paraît tautologique : comme tout dépend du droit interne en question, cela implique que ce dernier évolue séparément du droit international, donc que la relation entre droit international et droit interne demeure fondamentalement dualiste, voire « pluraliste » si l'on prend en compte tous les systèmes juridiques nationaux. La déduction opérée prête à controverse, étant donné que, trivialement, il n'est pas possible de tirer des conclusions générales relatives à la relation entre deux objets, par exemple la relation entre le droit international et le droit interne, par une analyse limitée à une seule de ses composantes, en l'occurrence le seul droit interne.

Le Professeur Emmanuel Decaux procède ainsi à une telle analyse de la relation entre le droit international et le droit interne : « Dans une société internationale dominée par le volontarisme et la souveraineté des États, le droit international n'a longtemps été que la prolongation du droit interne par d'autres moyens. C'est le cas des États de tradition dualiste, comme le Royaume-Uni, qui refusent l'application directe des traités internationaux qui n'ont pas été "incorporés" par un acte interne substantiel, acquérant ainsi la même valeur que la législation nationale, mais qui considèrent que la coutume internationale fait, en tant que telle, partie du droit interne – part of the Law of the Land. C'est également le cas des États de tradition moniste, comme la France, qui se méfient de la coutume, mais qui donnent aux traités régulièrement attribués et publiés une valeur supra-législative, conformément à l'article 55 de la Constitution de 1958. » ; cf. « Déclarations et conventions en droit international », CCC, n°21 (Dossier : la normativité), janvier 2007, 8 p.

16 Cf. par exemple la méthode employée par le Professeur Jean Combacau : « Tout est affaire [...] de point de vue et l'on doit soigneusement distinguer celui du droit étatique et celui du droit international » ; cf. « Mettre de l'ordre dans les relations des ordres », préface à la thèse du Professeur Carlo Santulli, op. cit. note 6, p. II.

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droits internes18, mais de se concentrer sur quelques droits nationaux, les systèmes juridiques nationaux

objets de la comparaison, soit les systèmes allemand, autrichien et français (2).

1. La production et la concrétisation des règles générales du droit international en droit interne est déterminée par la constitution, soit par des dispositions spécifiques, à l'exemple d'une disposition constitutionnelle prévoyant la transformation ipso iure19 du droit international en droit interne, soit par

l'intermédiaire de la réglementation constitutionnelle générale ; par exemple, la compétence attribuée au législateur de produire des normes générales l'autorise à produire une norme déterminant les modalités de la lutte contre l'infraction internationale de piraterie en haute mer20. L'absence d'obligation pesant sur

l'État d'opter pour un moyen déterminé de concrétiser le droit international dans sa sphère interne est prévue par le droit international lui-même : il s'agit du principe d'indifférence du droit international par rapport au droit interne. En cela, l'objet de la recherche consiste aussi plus globalement à analyser la façon dont les États concrétisent la latitude qui leur est en principe attribuée par le droit international pour sa propre application.

2. Cette latitude du droit international se manifeste entre autres au niveau constitutionnel par les différences de contenu entre les dispositions constitutionnelles nationales organisant la relation entre le droit interne et le droit international général21. Et on trouve au centre de la présente recherche les

dispositions constitutionnelles suivantes, ici présentées dans l'ordre chronologique22 :

18 On peut constater que les études concernant la normativité interne du droit international coutumier analysent souvent une grande quantité de systèmes juridiques nationaux, et aucun en particulier ; cf. inter alia : Lambertus Erades,

Interactions between International and Municipal Law : A Comparative Case Law, T.M.C. Asser Instituut, La Haye, 1993, 1037 p. ; Simonetta Stirling-Zanda, L'application judiciaire du droit international coutumier : étude comparée de

la pratique européenne, Schulthess, Zurich, 2000, 326 p. ; Michel Cosnard, La soumission des États aux tribunaux

internes face à la théorie des immunités des États , A. Pedone, Paris, 1996, 478 p. (dans un domaine spécial).

19 Ipso iure, c'est-à-dire «de plein droit» ou encore «par (la seule) opération du droit» : la validité interne des normes internationales transformées en droit interne est directe, en ce sens qu'elle ne dépend pas d'une procédure interne de transformation une par une (ad hoc), mais de la seule disposition constitutionnelle prévoyant leur transformation en droit interne. La transformation ipso iure est souvent dite «automatique» dans la terminologie employée par la doctrine française (cf. inter alia : Jacques Donnedieu de Vabres, « La Constitution de 1946 et le droit international », Dalloz, 1948, chron. pp. 5-8, spécialement p. 5). Le terme «automatique» est aussi, plus rarement, employé dans le même sens en langue allemande, cf. par exemple : Daniel Thürer, « Völkerrecht und Landesrecht : Thesen zu einer theoretischen Problemumschreibung », Schweizerische Zeitschrift für internationales und europäisches Recht, vol. 9, 1999, pp. 217- 224, spécialement p. 223 (« automatische Geltung »).

20 Cf. en droit français, la loi du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit abrogeant une législation ancienne relative à la piraterie, soit la loi du 10 avril 1825 pour la sûreté de la navigation et du commerce maritime. 21 L'expression « droit international général » désigne l'ensemble du droit international non conventionnel. L'expression « droit international général » (sans italiques) désigne le système juridique international, par opposition les systèmes juridiques juridiques internationaux fortement particularisées (par exemple, le droit de l'Union européenne). Cf. infra, le concept de « droit international général ».

22 Dans la présente analyse, on présentera dans la plupart des cas les différents droits internes dans l'ordre suivant : droit allemand, droit autrichien, puis droit français. En raison de la masse des données doctrinales et jurisprudentielles, la présentation du droit allemand permet de mettre en avant une grande partie des problèmes de droit positif posés ; le droit autrichien se place juste après du fait de sa ressemblance de contenu avec le droit allemand, et parce que les instruments critiques développés par la doctrine autrichienne offrent un moyen de récapitulation ; le droit français clôt l'analyse : sa plus grande originalité en la matière permet d'opérer une mise en perspective en ouvrant le champ des possibles.

(16)

7

L'article 9 al. 1 de la Loi constitutionnelle fédérale autrichienne de 1920 (B-VG 23) : « Les

règles généralement reconnues du droit international sont valides en tant que composantes du droit fédéral24 » ;

L'article 25 de la Loi fondamentale allemande de 1949 (LF25) : « Les règles générales du

droit international sont une composante du droit fédéral. Elles sont supérieures aux lois et créent directement des droits et des obligations pour les habitants du territoire fédéral.26 »

L'alinéa 14 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 auquel renvoie le Préambule de la Constitution française de 1958 actuellement en vigueur : « La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n'entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. » Les différents systèmes juridiques internes en question présentent une certaine proximité de structure constitutionnelle : État de droit, démocratie, séparation des pouvoirs, contentieux constitutionnel concentré (modèle autrichien), tradition juridique dite romano-germanique. Et, plus spécifiquement, ils contiennent tous une disposition constitutionnelle relative au droit international général27. Ces États

sont de surcroît liés de la même manière, c'est-à-dire en tant qu'également souverains28 ainsi que

membres de l'Union européenne, au droit international29.

23 « B-VG » est l'abréviation de «Bundes-Verfassungsgesetz». La Loi constitutionnelle fédérale a été votée par l'Assemblée constituante le 1er octobre 1920 (publication in : StGBl 1920/350 ; correction typographique BGBl 1020/1). Elle porte depuis l'importante révision de 1929 l'appellation de Bundes-Verfassungsgesetz in der Fassung von

1929 (BGBl 1030/1)

24 « Die allgemein anerkannten Regeln des Völkerrechtes gelten als Bestandteile des Bundesrechtes. » (ma traduction) 25 « LF » est l'abréviation de «Loi fondamentale» («Grundgesetz») . L'abréviation « LF » est devenue usuelle dans la doctrine française (abréviation allemande «GG»).

26 « Die allgemeinen Regeln des Völkerrechtes sind Bestandteil des Bundesrechtes. Sie gehen d en Gesetzen vor und

erzeugen Rechte und Pflichten unmittelbar für die Bewohner des Bundesgebietes. » (ma traduction)

27 Il n'en va pas ainsi de tous les États. Par exemple, les Constitutions néerlandaise, norvégienne, suédoise, ou encore danoise ne contiennent aucune disposition explicite relative à la normativité interne du droit international non conventionnel.

28 Le principe d'égale souveraineté des États du droit international ne signifie pas pour autant que les États se trouvent dans une même situation juridique internationale. Leur situation juridique internationale est modulée selon les caractères propres à chaque État (sphère de compétence propre, appartenance à des organisations internationales ou supra- nationales...). Pour une critique du principe d'égalité en droit international, cf. : Hans Kelsen, Principles of International

Law (P.I.L.), 2ème éd. révisée et éditée par Robert W. Tucker, The Johns Hopkins University, New York/Chicago/San Francisco/Toronto/Londres, 1967, 602 p., spécialement pp. 247-248 ; Bardo Fassbender, « Die souveräne Gleichheit der Staaten – ein angefochtenes Grundprinzip des Völkerrechts », Aus Politik und Zeitgeschichte, vol. 43, 2004, pp. 7-13. 29 Cela ne signifie pas pour autant qu'ils soient liés aux mêmes normes internationales : les normes internationales s'adressant à chaque État varie suivant les cas particuliers (par exemple, le Traité d'État de Vienne du 15 mai 1955, portant rétablissement d'une Autriche indépendante et démocratique, constitue apparemment une norme internationale d'une importance considérable pour l'Autriche ; cf. Gerhard Hafner, « L'"obsolescence" de certaines dispositions du Traité d'État autrichien de 1955 » , AFDI, 1991, pp. 239-257 ).

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§ 2. Outils d'analyse

Les outils d'analyse en vue d'appréhender la structure de la relation entre droit international et droit interne dans les différents systèmes juridiques internes en question comprennent la méthode adoptée (A) et les concepts retenus (B).

A. Méthode analytique

La méthodologie utilisée pour la présente recherche est celle développée par l'École de Vienne de la théorie du droit, de Hans Kelsen et Adolf Merkl jusqu'au Professeur Otto Pfersmann (actuellement dite « positiviste-normativiste »30 ou « normativiste »). La théorie positiviste-normativiste se distingue des

autres théories par trois idées principales : le droit est un ensemble de normes, ces normes forment un système hiérarchisé, toute production est aussi application et réciproquement. La juridicité se définit de manière récursive, au sens où une norme n'est juridique que pour autant qu'elle est fondée sur une autre norme juridique. La théorie positiviste-normativiste contraste donc avec d'autres approches qui ont pour objet de modifier le droit positif, telle celle actuellement développée par l'École de New Haven, qui souhaite élaborer un «droit international de la dignité humaine»31.

Presque dès ses commencements, soit autour de la Première guerre mondiale, l'École de Vienne de la théorie du droit, et surtout Hans Kelsen, applique sa conception de la relation entre normes à la relation entre systèmes juridiques32, et tout particulièrement à la relation entre droit international et droit

30 Le terme « positiviste » pourrait sembler suffisant mais beaucoup d'auteurs se disent « positivistes » alors que ni leurs méthode, ni leurs conclusions ne sont semblables à celles de l'École autrichienne. Tel est notamment le cas des auteurs dualistes ou pluralistes qui soutiennent que leur conception de la relation entre droit international et droit interne est « réaliste » car elle part exclusivement du droit positif. (ou, du moins, de la « pratique juridique ») ; cf. inter alia : Michel Virally, « Sur un pont-aux-ânes : les rapports entre droit international et droit interne », in : Mélanges offerts à

Henri Rolin – Problèmes de droit des gens, A. Pedone, Paris, 1964, 536 p., pp. 487-505 (« pluralisme à primauté du

droit international ») ; Jean Combacau, « Le droit international : bric-à-brac ou système ? », Archives de philosophie du

droit, 1986, pp. 85-105.

La théorie « réaliste » s'étend au-delà de la théorie de la relation entre le droit international et le droit interne ; pour une aperçu critique, cf. Otto Pfersmann, « Contre le néo-réalisme juridique. Pour un débat sur l'interprétation », Analisi e

diritto, 2001, pp. 231-284.

31 Cf. W. Michael Reisman, L’Ecole de New Haven de droit international, présentation de Julien Cantegreil, A. Pédone, Paris, 2010, 268 p.

32 A propos des rapports entre systèmes juridiques à l'intérieur de l'État fédéral, cf. inter alia : Hans Kelsen, « Die Bundesexekution. Ein Beitrag zur Theorie und Praxis des Bundesstaates, unter besonderer Berücksichtigung der deutschen Reichs- und der österreichischen Bundes-Verfassung », in : Zaccaria Giacometti, Dietrich Schindler (éds),

Festgabe für Fritz Fleiner zum 60.Geburtstag 24.Januar 1927, J.C.B. Mohr (P. Siebeck), Tübingen, 1927, 431 p., pp. 127-187.

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interne33. La construction de la « théorie moniste » succède au développement de la « théorie

dualiste »34 fondée par Heinrich Triepel et Dionisio Anzilotti au tournant du XIXe et du XXe s.35. En

insistant sur le caractère dynamique de la relation entre le droit international et le droit interne, la théorie moniste se situe en rupture avec la théorie dualiste, qui considère quant à elle que les systèmes juridiques en question évoluent certes, mais de manière déconnectée, en raison de la souveraineté des États. L'enjeu principal consiste dès lors à cerner le phénomène de la «souveraineté» de l'État : il s'agit soit d'une pré-donnée nécessaire qui détermine le rapport, et plus précisément l'absence de rapport juridique, entre le droit international et le droit national, soit d'une idéologie qui ne permet pas de rendre compte de l'état du droit positif, et de la relation dynamique entre le droit international et le droit interne36.

En vue de résoudre les problèmes de droit positif, on utilisera une méthode normativiste (1), comparative (2) et descriptive (3).

1. Normativiste

La théorie du droit retenue ici comme fondement de la méthode adoptée vise à rendre compte du droit positif tel qu'il règle sa propre production37 et sa concrétisation38. En cherchant à exclure toute

considération extra-juridique, telle qu'idéologique ou politique, la théorie normativiste ouvre la possibilité d'élaborer une méthode analytique qui permet de livrer des résultats qui correspondent à l'état du droit positif, et ce, d'une façon qui semble présenter les plus grandes qualités de cohérence logique et de potentiel explicatif.

La théorie moniste de la relation entre droit international et droit interne se présente comme un développement particulier de la théorie normativiste, en ce qu'elle conçoit cette relation comme

33 Hans Kelsen Das Problem der Souveränität und die Theorie des Völkerrechts, J.C.B. Mohr (P. Siebeck), Tübingen, ń9βŃ, γβŃ p.. Hans Kelsen relate avoir achevé son œuvre dès ń9ń6, la guerre ayant retardé l'édition (id. p. VII ; Rudolf Aladár Metall, Hans Kelsen, Leben und Werk, Deuticke, Vienne, 1968, 220 p., spécialement p. 38) ; auparavant déjà : Alfred Verdross, « Zur Konstruktion des Völkerrechts », Zeitschrift für Völkerrecht, vol. 8, 1914, pp. 329-359.

34 C'est Alfred Verdross, soit un auteur «moniste», qui utilise le premier, en 1914, le terme de « dualiste » pour désigner cette École ; cf. ibid.

35 La théorie dualiste, déjà construite dans la première décennie du XXe s., a pour fondateurs Heinrich Triepel et Dionisio Anzilotti. Cf. Heinrich Triepel, Völkerrecht und Landesrecht, C.L. Hirschfeld, Leipzig, 1899, 476 p., réédition Aalen 1958, 452 p. ; Dionisio Anzilotti, Teoria generale della responsabilita dello Stato nel diritto internazionale, Lumachi, Florence, 1902, 188 p. ; Dionisio Anzilotti, Il Diritto Internazionale Nei Giudizi Interni, Ditta N. Zanichelli, Bologne, 1905, 328 p. A propos de la théorie de Dionisio Anzilotti, cf. Denis Alland, Anzilotti et le droit international

public – Un essai, A. Pedone, Paris, 2012, 196 p.

36 Hans Kelsen, op. cit. note 33.

37 Hans Kelsen remarque que : « le droit [présente cette particularité] de régler lui-même sa propre création. […]. U ne norme est valable si et parce qu'elle a été créée d'une certaine façon, celle que détermine une autre norme; cette dernière constitue ainsi le fondement immédiat de la validité de la première. » ; cf. Théorie pure du droit, 2ème éd., trad. Charles Eisenmann, Dalloz, Paris, 1962, 463 p., p. 299.

38 Otto Pfersmann, « La production des normes : production normative et hiérarchie des normes », in : Dominique Chagnollaud, Michel Troper (éds), Traité international de droit constitutionnel (II) : Distribution des pouvoirs, Dalloz- Sirey, Paris, 2012, 806 p., pp. 483-528.

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juridiquement organisée, autrement dit comme déterminée par des normes juridiques. Les systèmes juridiques, soit des ensembles de normes, font donc partie d'un ensemble de normes plus vaste, qui contient entre autres les normes de répartition des compétences entre les différents systèmes en question. On le voit : la théorie moniste écarte aussi tout considération extra-juridique. La doctrine lui reproche parfois une excessive complexité : la théorie moniste multiplierait les artifices pour démontrer sa pertinence39. Les défauts imputables à la théorie moniste paraissent en réalité davantage

conjoncturels que structurels ; ils tiennent en effet à des contradictions internes qui ont dû être résolues lors de l'histoire de sa construction40, et l'on cherchera à opérer un travail de récapitulation tout au long

de la présente recherche.

2. Comparative

La théorie normativiste est indispensable pour le droit comparé, dans la mesure où ce denier se conçoit comme la confrontation analytique de structures normatives relevant de systèmes juridiques différents 41.

Le droit comparé analyse des phénomènes juridiques qui présentent une communauté de structure avec des variantes plus ou moins marquées dans des systèmes juridiques différents42.

La fonction du droit comparé ne consiste pas à créer un monde juridique idéal ou souhaité en s'inspirant des différentes solutions nationales, ce qui suppose nécessairement l'introduction de jugements de valeur ; le droit comparé permet de décrire les structures de n'importe quel système juridique, et ce, indépendamment du contexte terminologique et idéologique propre à chacune des doctrines nationales. Car, en effet, les doctrines nationales ne se trouvent d'une part ni confrontées à la nécessité de construire des concepts généraux en vue d'appréhender chacune des structures possibles, et de la différencier des autres structures possibles, et elles se développent souvent, d'autre part, sous l'influence d'orientations idéologiques propres :

La doctrine nationale n'a besoin que des concepts appropriés au système juridique qu'elle décrit, mais ces concepts ne trouveront pas à s'appliquer à un autre système juridique, étant donné qu'il contient des structures juridiques différentes. Le comparatiste, quant à lui, utilise les concepts

39 Cf. inter alia : Lazare Kopelmanas, « Du conflit entre le traité international et la loi interne – quelques remarques au sujet des rapports du droit interne et du droit international », Revue de droit international et de législation, vol. 64, 1937, pp. 88-143 et pp. 310-361, spécialement pp. 337-340. L'auteur évoque les « trésors d'ingéniosité » déployés par les auteurs monistes.

40 Cf. Josef L. Kunz, op. cit. note 13 ; Alfred Rub, Hans Kelsen Völkerrechtslehre : Versuch einer Würdigung, Schulthess, Zurich, 1995, 646 p.

41 Cf. généralement : Otto Pfersmann, « Le droit comparé comme interprétation et comme théorie du droit », RIDC, vol. 53, 2001, pp. 275-288.

42 Le Professeur Otto Pfersmann dit que : « Le droit comparé analyse des structures normatives communes à plusieurs ordres juridiques, en vue, notamment, d'une meilleure connaissance de leurs différences significatives » ; cf. « Classifications organocentriques et classifications normocentriques de la justice constitutionnelle en droit comparé », in : Robert Andersen (éd.), Mélanges en hommage à Francis Delpérée : itinéraire d'un constitutionnaliste, Bruylant, Bruxelles, 2008, 1790 p., pp. 1131-1145, p. 1131.

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théoriques de structures possibles, qu'il impute à des systèmes juridiques actuels, tels le droit allemand, le droit autrichien ou le droit français.

Les données juridiques nationales sont produites à l'issue de débats politiques et dans un contexte idéologique propre, et le travail de la doctrine nationale va souvent consister à rationaliser l'ensemble, en insistant sur son caractère nécessaire, voire naturel43. Le droit comparé permet, quant à

lui, de qualifier les structures juridiques nationales indépendamment de la terminologie chargée de connotations extra-juridiques que l'on trouve à la fois dans les textes normatifs et dans la doctrine nationale qui est pourtant supposée les étudier scientifiquement. La doctrine relative à la relation entre le droit international et le droit interne en offre d'ailleurs une illustration : tandis que la doctrine autrichienne demeure globalement positiviste, dans le prolongement de Hans Kelsen, qui est aussi un des principaux concepteurs de la Constitution de 192044, les doctrines allemande et française paraissent

davantage influencées par les idéologies, réciproquement celle de l'« ouverture au droit international » et celle de la souveraineté.

3. Descriptive

La théorie du droit, dans laquelle s'inscrit la théorie de la relation entre le droit international et le droit interne, explique par quels moyens – fondements, instruments de travail – la doctrine étudie les données des systèmes juridiques positifs. Ce n'est que dans une certaine mesure que l'on exposera la théorie du droit dans la présente étude :

En effet, la présente étude est principalement doctrinale, au sens où il s'agit de proposer une description des systèmes juridiques concernés. La description de la normativité et du contentieux des règles générales du droit international dans la sphère du droit interne se heurte d'ailleurs à des difficultés inhabituelles, puisqu'en l'absence de support formel écrit telle la publication au Journal officiel ou par tout autre acte écrit conditionnant leur validité, il faut utiliser des moyens appropriés pour identifier ces normes dans l'immensité des données juridiques.

La théorie du droit intervient donc là à titre critique, négativement en vue de démontrer que, sur tel ou tel point, la doctrine s'appuie sur des fondements qui manquent de cohérence, et positivement parce qu'elle rend possible une approche systématique et comparative de l'état du droit positif en matière de relation entre droit international et droit interne.

43 L'École historique du droit fondée par Friedrich Carl von Savigny montre l'effort qu'une doctrine peut déployer pour naturaliser les données du droit positif national ; cf. Friedrich Carl von Savigny, Vom Beruf unserer Zeit für die

Gesetzgebung und Rechtswissenschaft, 2ème éd., Mohr, Heidelberg, 1828, 197 p.

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a. Les sources (matériel de recherche)

La description du droit positif suppose l'accès à des sources dans lesquelles sont exposées les données du droit positif qui constituent le matériel de recherche :

Tout d'abord, les normes qui sont l'objet de la présente recherche ne sont pas toutes écrites, d'où s'ensuit certaines difficultés de documentation45. L'opération d'identification46 de leur contenu normatif est dans

la pratique surtout réalisée par plusieurs acteurs :

- la doctrine spécialiste du droit international, à laquelle participent les organes ayant pour mission de codifier le droit international coutumier, parmi lesquels figure la Commission du droit international ;

- la jurisprudence, en tant que les juridictions – internationales comme internes – sont tenues d'appliquer les normes internationales non conventionnelles et qu'elles doivent motiver leurs décisions en identifiant le contenu des normes en question47 ;

- le ministère des affaires étrangères national et les corps diplomatiques et co nsulaires dont l'argumentation expose, parfois de manière partiale, l'état du droit international ;

La présente analyse porte aussi sur des textes normatifs. Les textes normatifs qui entrent dans le corpus

45 Les règles générales du droit international sont des normes non écrites, au sens où leur validité n'est pas conditionnée par un acte écrit (cf. infra, le concept de « normes internationales non écrites »). Notamment, elles ne font pas l'objet d'une publication, ni dans le cadre du droit international en raison des modalités de leur formation, ni dans le cadre du droit interne puisque leur transformation en droit interne s'opère dans la plupart des cas ipso iure.

Le Professeur Otto Pfersmann précise, à propos de la publication, que : « la publication n’est évidemment pas, d’une manière générale, une condition de la validité. Une norme peut fort bien, selon le système, être opposable au destinataire sans que l’énoncé en ait été rendu public. Il est pourtant trivialement impossible qu’une norme n’ait aucune publicité puisqu’elle est la signification d’un ensemble d’évènements de communication. Elle doit donc être connue au moins de ceux qui sont appelés à l’appliquer (et auxquels, autrement, sera applicable une contrary-to-duty obligation), même si ceux auxquels elle sera applicable n’en ont aucune connaissance » ; cf. « temporalité et conditionnalité des systèmes juridiques », Revue de la Recherche Juridique – Droit prospectif, 1994, pp. 221-243, pp. 229-230.

46 Il convient de distinguer l'« identification » d'une norme de sa « production ». L'« identification » est l'opération cognitive par laquelle on recherche la validité et le contenu de la norme en question ; la validité d'une norme est normativement conditionnée par sa « production », qui est un fait auquel le droit attache pour conséquence l'entrée en vigueur de la norme en question (par exemple, la validité d'une loi est conditionnée par une procédure législative constitutionnellement déterminée qui est la « production » de la norme en question).

La doctrine confond souvent l'« identification » et la « production » d'une norme, et ainsi en est-il lorsqu'elle estime que le juge « dégage » certaines normes. En réalité, le juge exerce tantôt une fonction cognitive (il recherche, de la même manière que tout juriste, les normes valides ainsi que leur contenu normatif), tantôt une fonction de production normative (il concrétise des normes sur le fondement de la compétence qui lui est attribuée). Cf. Otto Pfersmann, « Le sophisme onomastique : changer au lieu de connaître - δ’interprétation de la Constitution », in : Fernand εélin- Soucramanien (éd.), δ’interprétation constitutionnelle, Dalloz, Paris, 2005, 248 p., pp. 33-60 ; Otto Pfersmann, « Explanation and Production: Two Ways of Using and Constructing Legal Argumentation », Logic, Epistemology, and

the Unity of Science, vol. 20, 2011, pp. 281-293 ; Arthur Dyèvre, « Comprendre et analyser l’activité décisionnelle des cours et des tribunaux : l’intérêt de la distinction entre interprétation et concrétisation », Jus Politicum, n°4, 2010, 43 p. (en format PDF).

47 Bien qu'on trouve dans chaque système juridique national une obligation de motiver les décisions (en ce qui concerne les juridictions constitutionnelles : art. 30, 50 et 59 de la Loi sur la Cour constitutionnelle fédérale, art. 20 de l'Ordonnance portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, art. 26 de la Loi sur la Cour constitutionnelle autrichienne), les pratiques des juridictions nationales quant à la motivation de leurs décisions varient grandement d'un État à l'autre. Cf. Otto Pfersmann, « Concrete Review as Indirect Constitutional Complaint in French Constitutional Law : A Comparative Perspective », European Constitutional Law Review, vol. 6, 2010, pp. 223-248, spécialement p. 242.

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de l'analyse relèvent de deux catégories : ceux qui conditionnent l'application du droit international non conventionnel en droit interne, soit avant tout les dispositions constitutionnelles pertinentes ; ceux qui le concrétisent, cette catégorie étant vaste : décisions des juridictions, décisions des organes exécutifs et administratifs, entre autres du ministère des affaires étrangères et des corps diplomatiques et consulaires, lois qui mettent en œuvre certaines obligations internationales (par exemple, les lois relatives à la lutte contre la piraterie), etc. Il est particulièrement difficile de réduire la catégorie des normes internes concrétisant le droit international parce que l'ensemble du droit interne lui-même peut se concevoir comme une concrétisation du droit international, à l'instar du droit interne des affaires qui peut s'analyser comme une concrétisation du droit international patrimonial, financier et commercial. En effet, soit le droit international réglemente une matière de manière plus ou moins détaillée, soit il ne la réglemente pas. Et même dans le cas où il ne réglemente pas une certaine matière, cela peut s'analyser comme une autorisation internationale adressée aux États de réglementer intégralement la matière en question48.

b. L'utilisation des indications fournies par la jurisprudence

La doctrine traite souvent la jurisprudence comme l'expression de la vérité alors que, d'une part, les décisions posées par les juridictions ne sont autre chose, en leur dispositif, que des normes particulières concrétisant des normes de degré plus général49, et que, d'autre part, rien n'empêche que les juridictions

puissent commettre des erreurs dans leur argumentation motivante50. Sans exclure une étude de la

jurisprudence, il convient de la situer dans le contexte juridique global. Un des aspects de la jurisprudence, qui fera l'objet d'une analyse constante tout au long de la recherche, réside dans sa fonction d'identification des règles générales du droit international ; étant donné que ces normes ne sont habituellement pas écrites, la jurisprudence procure une vaste littérature à leur propos, qui permet de les cerner.

48 Cf. Hans Kelsen (1967), P.I.L., spécialement pp. 290-293.

49 Une norme n'est ni « vraie » ni « fausse », mais statue un « devoir-être », c'est-à-dire une obligation, une interdiction ou une permission ; on dira qu'elle est « valide » ou « non valide », cf. infra : le concept de «norme». Une décision d'une juridiction est une norme : elle n'est pas une formulation de la vérité, mais statue une nouvelle obligation, interdiction ou permission (par exemple, une norme de sanction qui interdit à tel ou tel individu de sortir du territoire national pendant telle ou telle période).

Il convient de distinguer le « dispositif » d'une décision du juge de ses « motifs ». Les motifs de la décision ne sont pas des normes, mais une argumentation relative à l'état du droit positif destinée à justifier le « dispositif ». Un énoncé portant sur une norme peut être « vrai » ou « faux », par exemple l'affirmation « le droit des peuples à disposer d'eux- mêmes est valide en droit international » est vraie ou fausse en fonction du contenu du droit international positif. De même, les « motifs » contenus dans le texte d'une décision du juge peuvent être vrais ou faux.

50 Cf. Otto Pfersmann, « Ontologie des normes juridiques et argumentation », in : Otto Pfersmann, Gérard. Timsit (éds),

Raisonnement juridique et interprétation, Publications de la Sorbonne, Paris, 2001, 189 p., pp. 11-34 ; Otto Pfersmann (2001), op. cit. note 30 ; Otto Pfersmann (2005), op. cit. note 46 ; Otto Pfersmann (2011), op. cit. note 46.

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B. Concepts

Il s'agit ici de construire un cadre conceptuel général afin d'identifier les objets recherchés dans des systèmes juridiques différents, indépendamment de leur éventuelle dénomination par telle ou telle formulation de disposition normative nationale et de la terminologie utilisée par les différentes doctrines nationales. Comme la réflexion tient compte de la diversité des structures normatives possibles, elle suppose en effet la construction de concepts à la fois suffisamment généraux et suffisamment fins en vue d'appréhender chacune d'elles51, et de la confronter analytiquement aux autres dans une perspective

de comparaison. Il s'ensuit qu'il apparaît préférable d'introduire les concepts de manière conventionnelle. On cherchera cependant dans la mesure du possible à ne pas heurter nos intuitions linguistiques, donc à ne pas s'éloigner plus que nécessaire de la terminologie habituellement utilisée par la doctrine.

De par l'universalité du droit international, on pourrait imaginer que la terminologie utilisée à propos des relations entre le droit international et le droit interne est relativement uniforme, et ce, tant dans les énoncés normatifs que dans la doctrine52. Une telle uniformité terminologique n'existe pourtant pas, et

cela tient sans doute au moins à deux facteurs :

Les énoncés normatifs des différentes constitutions nationales contiennent des expressions divergentes pour faire référence à un même ensemble de normes internationales, que ce soit en matière conventionnelle – « traités », « accords » ou « conventions » – ou en matière non-conventionnelle, « règles générales du droit international », « règles généralement reconnues du droit international », ou encore « règles du droit public international ». En matière non conventionnelle, la différence de formulation tient grandement à la terminologie ainsi qu'à l'idéologie en vogue au moment historique où ces énoncés ont été rédigés. En dehors des textes normatifs mêmes, la terminologie employée par les organes d'application du droit, y compris au sein d'un même État, apparaît divergente et donne même parfois l'impression d'être aléatoire. Cela est sans doute lié à une doctrine de droit international elle- même hésitante dans l'usage de son vocabulaire.

Dans la doctrine des juristes spécialistes du droit international, les mêmes expressions ne recouvrent souvent pas les mêmes concepts. Par exemple, les auteurs utilisent souvent les termes d'«applicabilité directe», d'«effet direct», d'«applicabilité immédiate», de «self-executing» ou encore de «self-sufficient» de manière divergente, alors même que l'on aurait pu penser que la terminologie de droit de l'Union européenne employée régulièrement par la Cour de justice53, dans un important corpus

51Otto Pfersmann, op. cit. note 41, spécialement pp. 283-286.

52 Francesco Francioni, « International Law as a Common Language for National Courts », Texas International Law

Journal, vol. 36, 2001, pp. 587-597.

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jurisprudentiel54, allait s'imposer.

Lorsqu'il s'agit de désigner des données relevant du droit international, on adoptera dans la présente recherche la terminologie de droit international général, du moins lorsqu'elle est univoque. On utilisera par exemple la classification des formes normatives de droit international entre traité, coutume, principe général de droit reconnu par les nations civilisées et ius cogens, et non la terminologie disparate habituellement déployée par les doctrines et les jurisprudences nationales lorsqu'elles désignent l'un ou l'autre ensemble de normes internationales.

Outre les concepts relatifs à la relation entre le droit international et le droit interne (1), qui concernent spécifiquement l'objet de la recherche, on précisera aussi les concepts plus généraux qui trouveront à s'appliquer tout au long de l'analyse (2).

1. Concepts relatifs à la relation entre le droit international et le droit interne

La présente recherche porte sur la normativité et le contentieux d'un certain ensemble de normes internationales, les « règles générales du droit international », dans le cadre propre du système juridique interne. Par conséquent, il s'agit de déterminer avec précision les concepts déterminant le domaine de l'objet, c'est-à-dire ceux relatifs aux normes internationales en question (a), et ceux relatifs au rapport de système entre le droit international et le droit interne (b).

a. La désignation des normes internationales en question

α. Concept de « règles générales du droit international »

i. Histoire de la terminologie

L'expression « règles généralement reconnues du droit international » est initialement l'expression prépondérante dans la doctrine de droit international55 et sa substitution par l'expression de « règles

sur les administrations et les juges nationaux d'appliquer pleinement le droit de l'Union à l'intérieur de leur sphère de compétence («applicabilité immédiate») et de protéger les droits conférés par celui-ci aux citoyens («effet direct») . Il est vrai que certaines ambiguïtés subsistent dans la terminologie utilisée : l'«effet direct» adresse-t-il uniquement des droits et obligations au bénéfice et à la charge des particuliers ou implique-t-il que les particuliers ainsi-visés soient aussi titulaires d'un droit de les invoquer devant les juridictions ? A ce propos, cf. infra, « l'"effet direct" ».

54 Si la question de l'applicabilité directe apparaît centrale dans la relation entre Union européenne et États membres, elle ne caractérise pas exclusivement le droit de l'Union, puisque l'applicabilité directe existe aussi, en tant qu'exception, dans le cadre du droit international général.

55 Cf. par exemple l'utilisation qui en est faite dans l'ouvrage classique : Heinrich Triepel, Völkerrecht und Landesrecht, C.L. Hirschfeld, Leipzig, 1899, 476 p., réédition Aalen 1958, 452 p. ; Droit international et droit interne, traduit de

Figure

Tableau des modes d’ap plicabilité

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