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Le fondement constitutionnel de la transformation des règles générales du droit international en droit interne

Section 1 Les techniques de transformation

Les normes internationales transformées en droit interne par le biais d'une disposition constitutionnelle (I) doivent satisfaire certaines conditions (II).

I. Le mode d'applicabilité

Les constitutions nationales déterminent un mode d'applicabilité du droit international en droit interne parmi plusieurs possibles (A). Dans les constitutions actuellement en vigueur, il est principalement opté pour une transformation ipso iure1 du droit international général en droit interne («transposition») (B).

Il s'ensuit une série de difficultés d'identification des normes en question ; car elles n'ont pas été formulées par un acte juridique écrit, ni dans la sphère du droit international (il s'agit de normes non écrites), ni dans la sphère du droit interne (absence de formalités procédurales) (C).

1 Ipso iure, c'est-à-dire «de plein droit» (ou encore «par (la seule) opération du droit») : la validité interne des normes internationales transformées en droit interne est directe, en ce sens qu'elle ne dépend pas d'une procédure interne de transformation une par une (ad hoc), mais de la seule disposition constitutionnelle prévoyant leur transformation en droit interne. La transformation ipso iure est souvent dite «automatique» dans la terminologie employée par la doctrine française (cf. inter alia : Jacques Donnedieu de Vabres, « La Constitution de 1946 et le droit international », Dalloz, 1948, chron. pp. 5-8, spécialement p. 5).

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A. Les significations possibles du fondement constitutionnel quant au mode d'applicabilité

1. La question de la continuité avec la tradition constitutionnelle ancienne :

Les dispositions constitutionnelles relatives au droit international général (parfois dites « clauses de droit international ») ont toutes été adoptées dans la constitution nationale dans un contexte d'après- guerre2. L'article 4 de la Constitution de Weimar (WRV3) et l'article 9 de la Loi constitutionnelle

fédérale autrichienne4 (B-VG) suivent la Première guerre mondiale ; l'article 25 de la Loi fondamentale

allemande (LF)5, encore plus «ouvert» au droit international que l'article 4 WRV6, et l'alinéa 14 du

Préambule de la Constitution de 1946 entrent en vigueur après la Seconde guerre mondiale.

Le contexte de la production de ces différentes normes constitutionnelles présente en apparence une nette similarité : il s'agit après les conflits armés mondiaux d'introduire dans les systèmes juridiques nationaux une obligation de se comporter conformément au droit international afin d'éviter d'éventuelles dérives nationalistes7 et de démontrer la volonté renouvelée des États concernés d'adhérer

pleinement à une Communauté internationale en recomposition8. Une différence se remarque

néanmoins dans le contenu des normes constitutionnelles nationales : tandis que les pouvoirs constituants allemand et autrichien importent une tradition étrangère, « international law is part of the

2 Walther Schücking observe que : « Es gehört einmal zur Tragik des Völkerrechts, daß sich die größere Öffentlichkeit

für das Völkerrecht erst zu interessieren beginnt, wenn es sich um Kriegsrecht handelt. », ; cf. Die völkerrechtliche

Lehre des Weltkrieges, Veit, Leipzig, 1918, 239 p., p. 8. 3 « WRV » est l'abréviation de « Weimarer Reichsverfassung » .

4 Article 9 al. 1 de la Loi constitutionnelle fédérale autrichienne (B-VG) : « Les règles généralement reconnues du droit

international sont valides en tant que composantes du droit fédéral ».

5 Article 25 de la Loi fondamentale allemande (LF) : « Les règles générales du droit international sont composantes du

droit fédéral. Elles sont supérieures aux lois et créent directement des droits et des obligations pour les habitants du territoire fédéral. »

6 En dépit une certaine opposition, dont celle du chrétien-démocrate Hermann von Mangoldt. Pour un résumé de l'histoire de l'article 25 LF, cf. Werner Matz, « Entstehungsgeschichte der Artikel des Grundgesetzes – Art. 25 », JöR, vol. 1, 1951, pp. 229-235.

7 Cf. notamment : Antonio Cassese, « Modern Constitutions and International Law », RCADI, vol. 192, 1985, pp. 331- 475 ; Peter C. Caldwell, « Sovereignty, Constitutionalism, and the Myth of the State: Article Four of the Weimar Constitution », in : Leonard V. Kaplan, Rudy Koshar, The Weimar Moment: Liberalism, Political Theology, and Law, Lexington Books, Lahnam, 2012, 554 p., 33 p. (format word).

8 La thèse selon laquelle les normes d'ouverture au droit international ont été introduites dans les constitutions nationales afin d'engager l'État dans la Communauté internationale, non seulement vis-à-vis des États étrangers et organisations internationales, mais aussi vis-à-vis des particuliers (investisseurs étrangers, organisations non gouvernementales, etc.), est amplement défendue par le Professeur Tom Ginsburg. La méthode de l'auteur se veut un syncrétisme entre science juridique et science politique : cf. Tom Ginsburg, « Locking in Democracy: Constitutions, Commitment and International Law », University of Illinois College of Law, Law and Economics Working Papers, n°55, 2006, 65 p., disponible sur http://law.bepress.com/uiuclwps/papers/art55 ; Tom Ginsburg, Zachary Elkins, and Svitlana Chernykh, « Commitment and Diffusion: How and Why National Constitutions Incorporate International Law »,

University of Illinois Law Review, 2008, pp. 201-238. Cf. aussi : Jon Pevehouse, « Democratization, Credible Commitments, and Joining International. Organizations », in : Daniel W. Drezner (éd.), Locating the Proper Authorities:

The. Interaction of International and Domestic Institutions, University of Michigan Press, Ann Arbor (MI), 2003, 280 p., p. 25 et svtes.

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law of the land »9, le pouvoir constituant français tend plutôt à la continuité. « La République française,

fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n 'entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n'emploiera jamais ses forces contre la liberté d'aucun peuple. » La première phrase prévoit explicitement une telle continuité ; la seconde phrase n'est autre chose que la reproduction d'une disposition révolutionnaire classique10.

On analysera successivement l'histoire des dispositions constitutionnelles allemande, autrichienne et française. La norme constitutionnelle autrichienne passe certes pour la plus ancienne dans sa rédaction, mais elle trouve incontestablement son modèle dans l'article 4 de la Constitution de Weimar. L'article 4 WRV s'avère d'ailleurs la première norme constitutionnelle écrite prévoyant l'obligation pour l'État de transformer dans sa sphère interne le droit international coutumier. Et il constitue, outre l'article 9 B- VG, le modèle de beaucoup d'autres normes constitutionnelles postérieures11, même récentes12. L'alinéa

9 Pour une opinion contraire, cf. notamment : Alfred Verdross, Völkerrecht, 5ème éd., Springer, Vienne, 1964, 690 p., spécialement pp. 61-68 et p. 118. Alfred Verdross soutient que les dispositions constitutionnelles d'après-guerre ne sont que des codifications d'une pratique déjà accomplie par les juridictions. L'auteur ne voit donc pas que les juridictions pratiquaient anciennement l'application immédiate du droit international général, et ce au cas par cas, c'est-à-dire réservée à certaines circonstances, tandis que les normes constitutionnelles nouvelles prévoient la transformation ipso

iure du droit international général en droit interne, avec obligation pour l'ensemble des organes de l'État de les appliquer. Cf. aussi Christian Dominicé, François Voeffray : « Qu'il figure expressément de la constitution ou qu'il découle de la jurisprudence, l'adage d'origine anglo-saxonne "International law is part of the law of the land" vaut de manière quasi-universelle », « L'application du droit international général dans l'ordre juridique interne », in : Pierre- Michel Eisemann (éd.), L'intégration du droit international et communautaire dans l'ordre juridique national, Kluwer, La Haye/Londres, 1996, 587 p., pp. 51-62, p. 53.

10 Robert Redslob, « Völkerrechtliche Ideen der französischen Revolution », in : Festgabe fur Otto Mayer zum

siebzigsten Geburtstag, 29 marz 1916, J.C.B. Mohr (P. Siebeck), Tübingen, 1916, pp. 273-301 ; Boris Mirkine- Guetzévitch, « La renonciation à la guerre et la Révolution française », Le monde nouveau, 1929, n°3, p. 183 et svtes. 11 Il en va ainsi, après la Première guerre mondiale, des constitutions de l'Estonie (art. 4 de la Constitution du 15 juin 1920), de l'Espagne (article 7 de la Constitution du 9 décembre 1931) et de Cuba (article 7§2 de la Constitution du 5 juillet 1940). Gustav Adolf Walz évoque en 1927 une « sphère juridique d'Europe centrale continentale » ayant adopté ce principe ; cf. Die Abänderung völkerrechtsgemäßen Landesrechts; grundsätzliche Untersuchungen zum englischen,

amerikanischen, deutschen und österreichischen Recht, Dümmler, Berlin, 1927, 174 p., spécialement p. 157.

La formulation de l'article 4 WRV continue d'ailleurs d'inspirer les États postérieurement à la Seconde Guerre mondiale, alors même que la République fédérale d'Allemagne n'a pas conservé le texte ancien. Cf. par exemple, l'article 28 § 1 de la Constitution grecque de 1975 disposant que « les rчgles gцnцralement reconnues du droit international […] font partie intцgrante du droit hellцnique interne […] ». D'autres dispositions constitutionnelles modernisent le texte de l'art.

4 WRV en supprimant l'adjectif « reconnu », par exemple l’article 8 § ń de la Constitution portugaise suivant lequel : « les normes et les principes du droit international général ou commun font partie intégrante du droit portugais ». 12 On peut d'ailleurs noter que l'expression « règles généralement reconnues du droit international » a souvent été retenue par le pouvoir constituant, même dans les constitutions les plus contemporaines, et ce bien que l'expression puisse sembler «vieillie», et bien qu'elle ait disparu de la constitution allemande. Cf. par exemple, généralement : Vladlen S. Vereshchetin, « New Constitutions and the Old Problem of the Relationship Between International Law and National Law », EJIL, vol. 7, 1996, pp. 29-41 ; à propos des États de l'ancien bloc socialiste : Eric Stein, « International Law in Internal Law : Toward Internationalization of Central-Eastern European Constitutions? », AJIL, vol. 88, 1994, pp. 427-450 Gennady M. Dalinenko, « Implementation of International Law in CIS States: Theory and Practice », EJIL, vol. 10, 1999, pp. 51-69 ; Jiri Malenovsky, « Dix ans après la chute du Mur : les rapports entre le droit international et le droit interne dans les constitutions des pays d'Europe centrale et orientale », AFDI, vol. 45, 1999, pp. 29-54 ; Hannes Vallikivi, « Domestic Applicability of Customary International Law in Estonia », Juridica International, vol. 7, 2002, pp. 28-38. Par exemple, l'article 15 al. 4 première phrase de la Constitution de la Fédération russe, approuvée par référendum du 12 décembre 1993, dispose que : « les principes et normes généralement reconnus du droit international

et les traités internationaux de la Fédération de Russie sont valides en tant que composante de son système juridique »

О щ Р

Ф . », ma traduction ; la plupart des traductions, tant en

français qu'en anglais, ne paraissent pas totalement fidèles au texte original : le terme « universellement » est utilisé à la place de « généralement »).

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14 du Préambule de la Constitution de 1946 paraît quant à lui relativement éloigné de ce modèle, et il se rapproche davantage d'autres normes constitutionnelles originales, tel l'article 10 al. 1 de la Constitution de la République italienne du 27 décembre 1947 qui dispose que : « L’ordre juridique italien se conforme aux normes du droit international généralement reconnues. »

a. Les normes constitutionnelles allemande et autrichienne en rupture avec le modèle traditionnel :

A la toute fin du XIXe siècle, Heinrich Triepel dans son ouvrage classique Droit international et droit interne13 s'étonne du principe « international law is part of the law of the land »14. L'auteur constate

préalablement que la conception dominante dans la jurisprudence et la doctrine anglo-américaine est que le droit international général « serait en même temps partie du droit national anglais et américain15 ». L'existence d'un tel principe en droit positif lui semble douteuse :

« Je ne peux […] pas m'empêcher d'examiner la question : cette conception est-elle réellement en Angleterre et en Amérique indiscutée ou dominante, son essence correspond-elle à la formule par laquelle on l'exprime, […] comment s'expliquer dans la science juridique anglaise une conception qui contredit si diamétralement les nôtres ?16 ».

Heinrich Triepel, après avoir constaté la positivité de la maxime dans les systèmes juridiques anglais et américain, conclut à l'exotisme du principe « international law is part of the law of the land » :

« Le principe ne s'applique qu'à l'Angleterre et aux États-Unis. Depuis Blackstone jusqu'à nos jours, on a précisément considéré comme la caractéristique du droit anglais, que le droit international soit passé en lui. Blackstone explique le fait par l'originalité de la Constitution anglaise 17. Wharton18 par

l'originalité de l'organisation judiciaire anglaise et anglo-américaine : il souligne et loue l'importance en notre matière de cette organisation, qu'il oppose à l'organisation des tribunaux dans les pays du continent européen. La plupart se contentent d'affirmer que le droit international public a toujours été considéré comme droit interne anglais ou nord-américain19, ou l'appellent simplement une partie de la

common law, c'est-à-dire d'un ensemble juridique, dont la mention ne peut faire penser qu'à un droit

13 Heinrich Triepel, Völkerrecht und Landesrecht, C.L. Hirschfeld, Leipzig, 1899, 476 p., réédition Aalen 1958, 452 p. ;

Droit international et droit interne, traduit de l’allemand par René Brunet, A. Pedone, Paris, ń9βŃ, 448 p.

14 A propos des aspects techniques du principe « international law is part of the law of the land », cf. supra : « Le modèle anglais concernant le mode d'applicabilité des coutumes internationales. »

15 Heinrich Triepel, Droit international et droit interne, traduit de l’allemand par René Brunet, A. Pedone, Paris, ń9βŃ, 448 p., p. 132.

16 Ibid. p. 133.

17 Henry John Stephen, New Commentaries on the Laws of England, IV, 12ème édition, Londres, 1895, p. 188 (cité par l'auteur, l'ouvrage est en partie un commentaire de William Blackstone).

18 Francis Wharton, Commentaries on Law, 1884, p. 194 (cité par l'auteur) ; cf. aussi : Francis Wharton, Treatise On

The Conflict Of Laws, 2ème éd., Philadelphie, 1881 ; James Kent, Commentaries on American law, 14ème éd.,John M. Gould, Boston, 1896 ; dans la jurisprudence : Chambre des Lords, 1764, Triquet v. Bath, 3 Burrows Reports p. 1478, à propos de l'immunité d'un serviteur domestique du Ministre de Bavière en Grande-Bretagne.

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anglais20. […]. [international law is part of the law of the land] n'est pas comprise dans le sens d'une

théorie dont la validité soit générale. 21»

Le principe « international law is part of the law of the land » se trouve malgré cet exotisme introduit dans les textes constitutionnels allemand et autrichien à la suite de la Première guerre mondiale 22.

L'article 4 de la Constitution allemande de Weimar (WRV) précède chronologiquement l'article 9 de la Loi constitutionnelle fédérale autrichienne (B-VG)23. La ressemblance de formulation et de contenu

s'explique au moins en partie par un contexte historique proche : la nouvelle République d'Autriche ne continue sans doute pas en droit international la personnalité juridique de la Double monarchie austro- hongroise, mais elle est tout de même traitée par les Alliés, au même titre que la République de Weimar, comme un État coupable des atrocités de la Première guerre mondiale tenu de prouver sa volonté de réintégrer la Communauté internationale.

α. De l'article 4 WRV et sa neutralisation progressive à l'article β5 δF

Aucune indication n'est contenue dans la Constitution du Reich allemand du 6 avril 1871 quant à la question de la normativité interne du droit international général24. La Constitution de Weimar rompt

avec la tradition constitutionnelle impériale par son article 4 :

« Les règles généralement reconnues du droit international sont valides comme composantes obligatoires du droit du Reich allemand25 ».

20 Cf. inter alia (cités par l'auteur) : William Blackstone, Commentaries on the Law of England, tome 1, Oxford 1769 ; Henry John Stephen, New Commentaries on the Laws of England, IV, 12ème éd., Londres, 1895, p. 188 ; pour la jurisprudence : Chambre des Lords, 1767, Heathfield v. Chilton, 4 Burrows Reports, p. 2016.

21 Heinrich Triepel, op. cit.. note 15, p. 138.

22 Cf. inter alia : Max Emcke, Art. 4 der RV. unter Berücksichtigung des amerikanischen und englischen Rechts, thèse de l'Université de Kiel, Kiel, 1920, 95 p. ; Wilhelm Schmöe, Art. 4 der Reichsverfassung und die anglo-amerikanische

Rechtspräromie : « International is a part of common law » in Theorie and Praxis, thèse Göttingen, Baruth-Mark, Berlin 1927, 50 p. ; Josef L. Kunz, « Völkerrechtliche Bemerkungen zur österreichischen Bundesverfassung », Annalen

des Deutschen Reichs, vols. 54/55, 1921/22, pp. 295-324, spécialement p. 309 et svtes ; Rudolf Aladár Metall, « Das allgemeine Völkerrecht und das innerstaatliche Verfassungsrecht – Zur Auslegung des Art. 9 der österreichischen Bundesverfassung », Zeitschrift für Völkerrecht, vol. 14, 1928, pp. 161-187, spécialement p. 162 et p. 165-166 ; Walter Rudolf, « die innerstaatliche Anwendung partikulären Völkerrechts », in : René Marcic, Hermann Mosler, Erik Suy, Karl Zemanek (éds), Internationale Festschrift für Alfred Verdross zum 80. Geburtstag, W. Fink, Munich-Salzbourg, 1971, 596 p., pp. 435-448, spécialement pp. 435-437 ; Manfred Rotter, « Die allgemein anerkannten Regeln des Völkerrechts im österreichischen Verfassungsrecht », ZÖR, vol. 27, 1976, pp. 1-42 ; Frank Schorkopf, Grundgesetz und

Überstaatlichkeit : Konflikt und Harmonie in den auswärtigen Beziehungen Deutschlands, J.C.B. Mohr (P. Siebeck), Tübingen, 2007, 355 p., spécialement pp. 40-48.

Cf. aussi la source primaire suivante : Verhandlungen der verfassungsgebenden Deutschen Nationalversammlung, tome 336, Berlin, 1920, spécialement pp. 32-33 et p. 405 et svtes ; Selon Ernst von Simson de l'Office allemand des affaires étrangères, l'art. 4 WRV « den Satz, der in der anglo-amerikanischen Rechtsprechung und Staatenpraxis herrschend ist,

zum Ausdruck bringen ».

23 Pour une comparaison entre droit constitutionnel allemand et droit constitutionnel autrichien datant de l'époque : Alfred Verdross, « Staatliches Recht und Völkerrecht – Die Stellung der neuen deutschen und osterreichischen Verfassung zum Völkerrecht », Schweizerische Juristenzeitung, vol. 17, 1920, p. 246 et svtes.

24 RGBI. 1871, p.63.

25 « Die allgemeinen anerkannten Regeln des Völkerrechts gelten als bindende Bestandteile des deutschen

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Ce texte attribue au droit international général une portée beaucoup plus étendue que dans la plupart des constitutions de l'Europe continentale alors en vigueur. Ceci résulte sans doute de la défaite allemande à l'issue de la Première guerre mondiale et des violations du droit international reprochées à l'Empire allemand. Néanmoins, et dès la rédaction de la Constitution, les juristes d'idéologie nationaliste contestent l'attribution d'une telle normativité aux normes internationales dans la sphère du droit du Reich26 ; puis, la tendance dominante devient, tout au long de la République de Weimar, de

minimiser au possible les effets juridiques de cette disposition constitutionnelle. La doctrine et la jurisprudence s'accordent en effet de plus en plus pour restreindre l’attribution de la qualification de «générales et reconnues» aux seules normes internationales reconnues de manière évidente ou expresse par le Reich. Autrement dit, seule une règle généralement reconnue du droit international ayant fait l'objet d'une reconnaissance par un organe du Reich, par exemple le législateur, devient une composante du système juridique interne allemand27. Aussi, le retrait d’une telle reconnaissance par une loi du Reich

entraîne le retrait de la validité interne de la norme en question. Il est supposé, et bien que cela ne soit aucunement spécifié par la Constitution elle-même, que le rang d’une règle généralement reconnue du droit international se situe entre le rang de «simple» («einfach») droit du Reich et le rang de droit constitutionnel fédéral.

Le régime national-socialiste conserve cette lecture de l'alinéa 4 WRV relativement commode, étant donné qu'elle conditionne l'applicabilité du droit international par une procédure de droit interne. Le droit international peut certes se «transformer» en droit interne, mais seulement pour autant et aussi longtemps qu'il est explicitement reconnu par l'Allemagne28.

Presque toutes les Constitutions des Länder de 1946/1947 de la zone Ouest reproduisent le texte de

26 Des réserves importantes à l'encontre cette formule sont émises devant la Commission constitutionnelle à l'occasion de la première lecture. Ces réserves concernent surtout l’incertitude du contenu de la formulation « règles généralement reconnues du droit international », ainsi que l’applicabilité directe du droit international, car la doctrine dominante de l'époque soutient que l’application du droit international aux citoyens repose uniquement sur les actes de législation de l’État auquel le citoyen appartient. Par une décision prise à la majorité au cours de la première lecture, la formule issue du projet du ministre de l’intérieur d’État Hugo Preuss (article γ) est rayée par la Commission constitutionnelle. Elle est alors remplacée par une formule qui vise à limiter les effets juridiques des règles généralement reconnues du droit international à la sphère des relations entre le Reich avec les États tiers, aux côtés des traités d’État et d’éventuelles normes d’alliance entre peuples (« Für die Beziehungen des Deutschen Reiches zu auswärtigen Staaten sind die

Staatsverträge, die allgemein anerkannten Regeln des Völkerrechts und, wenn das Reich in den Völkerbund eingetreten ist, dessen Bestimmungen maßgebend »). Au cours de la deuxième lecture, la formule initiale, et au final définitive, est rétablie, suivant ici la volonté exprimée par le ministère des affaires étrangères et le ministère de la justice du Reich d’adopter un mode d’applicabilité du droit international général s’inspirant, selon le rapporteur, de la jurisprudence anglo-américaine (« international Law is part of the law of the land ») et de la pratique nouvelle des États.

27 Wolfgang Pigorsch, Die Einordnung völkerrechtlicher Normen in das Recht der Bundesrepublik Deutschland – Eine

Studie zu den Artikeln 25, 59 und 79 des Grundgesetzes für die Bundesrepublik Deutschland vom 23. Mai 1949 , Hansischer Gildenverlag – Joachim Heitmann & Co, Hambourg, 1959, 135 p., p. 28.

28 Ernst Rudolf Huber, Verfassungsrecht des Grossdeutschen Reiches, Hanseatische Verlagsanstalt, Hambourg, 1939, 527 p., p. 266. Plus spécialement : Gustav Adolf Walz, « Das Verhältnis von Völkerrecht und staatlichem Recht nach nationalsozialistischer Rechtsauffassung », Zeitschrift für Völkerrecht, vol. 8, 1934, pp. 145-154 ; à propos de la conception national-socialiste du droit international : Eduard Bristler (=John H. Herz), Die Völkerrechtslehre des

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