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Ça bouge, en France, dans la lutte contre la résistance bactérienne aux antibiotiques !

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54 | La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXI - n° 2 - mars-avril 2016

TRIBUNE

Ça bouge, en France, dans la lutte contre la résistance bactérienne aux antibiotiques !

Upgrading, in France, the fight against antibiotic resistance

La résistance aux antibiotiques est aujourd’hui un problème de santé publique mondial (1-3). La France est bien sûr touchée par ce phénomène.

De nombreux pays, dont le Royaume-Uni et les États-Unis, ont déjà mis en place des programmes ambitieux, avec des moyens financiers importants. David Cameron et Barack Obama se sont exprimés publiquement sur ce sujet. Très impliquée dans la lutte contre l’antibiorésistance, Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, a mis en place, en janvier 2015, un groupe de travail spécial pour la préservation des antibiotiques pour une durée de 6 mois. La mission, confiée au Dr Jean Carlet, avait pour objectif de proposer un nombre restreint d’actions innovantes et originales, mais aussi concrètes et réalisables (4). Cette “Task Force” a ainsi réuni 120 acteurs engagés dans la maîtrise de ce risque. Il s’agissait de professionnels de santé de toutes spécialités, de chercheurs, d’universitaires, de membres d’associations de patients, de représentants de l’industrie pharmaceutique et des biotechnologies, ainsi que des représentants des agences sanitaires et des différentes administrations centrales. L’objectif final fixé par la ministre était de réduire la consommation d’antibiotiques de 25 % en 2 ans.

Trois domaines d’intervention étaient identifiés dans la lettre de mission de la ministre :

la communication et l’information, en particulier à destination du grand public ;

les comportements de prescription des professionnels de santé ;

l’attractivité en matière d’innovation pour le développement de nouveaux

antibiotiques ou de nouvelles stratégies thérapeutiques, ainsi que de nouvelles méthodes de diagnostic.

Cinq groupes de travail pluridisciplinaires ont donc été créés afin de proposer des mesures spécifiques à chaque domaine d’intervention :

Le groupe “Coût de l’antibiorésistance”, coordonné par le Dr Bruno Coignard (lnstitut de veille sanitaire [InVS]), a eu pour objectifs de proposer une méthodologie afin de calculer les coûts humain et économique de la résistance bactérienne.

Deux études récentes menées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et l’InVS, non encore publiées, ont permis d’apporter, pour la première fois, des données quantitatives sur la morbidité et la mortalité des infections liées à des bactéries multirésistantes en France. Il a ainsi été montré que, chaque année, 158 000 patients développent une infection à bactéries multirésistantes, et que 12 500 en meurent.

Jean Carlet

Président de l’Alliance mondiale contre le développement des bactéries multirésistantes (ACdeBMR/WAAAR).

Président du groupe de travail spécial sur la préservation des antibiotiques.

Pierre Le Coz

Diplômé en sciences politiques et en santé publique.

Corapporteur du rapport du groupe de travail spécial sur la préservation des antibiotiques.

0054_LIF 54 18/04/2016 14:25:01

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La Lettre de l'Infectiologue • Tome XXXI - n° 2 - mars-avril 2016 | 55

TRIBUNE

Le groupe “Bon usage des antibiotiques”, coordonné par le Pr Céline Pulcini (CHU de Nancy), a formulé des propositions innovantes et consensuelles afin de renforcer les équipes multidisciplinaires opérationnelles

en antibiothérapie dans les hôpitaux, de créer des centres régionaux de conseil en antibiothérapie, d’améliorer la formation des professionnels de santé sur l’antibiorésistance, de réduire les consommations d’antibiotiques, d’améliorer la qualité des prescriptions en ville et à l’hôpital, et de proposer des indicateurs de bon usage des antibiotiques.

Le groupe “Communication, information et éducation”, coordonné par Claude Rambaud (Collectif interassociatif sur la santé [CISS]) et Alain-Michel Céretti (association Le Lien), a proposé des objectifs pour une prochaine campagne nationale d’information, ainsi que divers outils innovants pour amener chaque citoyen à participer à la préservation des antibiotiques. Ces mesures s’inscrivent dans le temps et visent

à améliorer globalement l’état des connaissances des citoyens et des patients sur l’antibiorésistance. La campagne s’adressera également aux professionnels de santé.

Le groupe “Recherche, innovation et nouveaux modèles médico-économiques”, coordonné par Florence Séjourné (Da Volterra) et le Pr Laurent Gutmann (hôpital européen Georges-Pompidou, Paris), a associé divers acteurs de la recherche et de l’industrie afin de proposer un ensemble de mesures visant à instaurer un continuum unique pour les antibiotiques. Il a également formulé des propositions pour la création d’un plan national de recherche transversale sur l’antibiorésistance, notamment en sciences sociales et en économie, afin de comprendre ce phénomène dans sa globalité.

Le groupe “Antibiorésistance et environnement”, coordonné

par le Pr Antoine Andremont (université Paris-Diderot) et Gilles Pipien (ministère de l’Environnement), a été créé afin d’exploiter les projets de recherche en cours sur la relation entre activités humaines, animales,

environnementales et antibiorésistance. Il a proposé des mesures visant à mettre en valeur le problème de l’antibiorésistance dans l’environnement, encore trop souvent négligé.

Quatre axes majeurs ont été identifiés pour parvenir à limiter l’émergence et la dissémination des résistances bactériennes. Il est urgent :

d’adopter une stratégie nationale en faveur de la recherche

sur l’antibiorésistance et du développement de produits innovants luttant contre la résistance bactérienne aux antibiotiques ;

de proposer un ensemble d’indicateurs permettant de mesurer et d’observer dans le temps l’antibiorésistance ainsi que son coût, dans les différents secteurs (humain, animal et environnemental) ;

d’améliorer le bon usage des antibiotiques en finançant des structures d’appui à la prescription, en mettant à la disposition des prescripteurs un ensemble d’outils pédagogiques, et en renforçant la responsabilité professionnelle individuelle et collective ;

de sensibiliser davantage tous les publics à l’antibiorésistance au moyen d’actions nationales et locales ciblées, inscrites dans la durée.

0055_LIF 55 18/04/2016 14:25:01

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TRIBUNE

Le groupe de travail a recommandé en urgence 4 actions politiques, transversales et fondamentales :

mettre en place un comité interministériel en charge de coordonner les actions de lutte contre l’antibiorésistance, piloté par un délégué interministériel ;

créer un plan national interdisciplinaire de recherche sur l’antibiorésistance, coordonné par les alliances de recherche Aviesan et AllEnvi, en lui affectant les ressources nécessaires pendant 5 ans, afin de comprendre le phénomène dans sa globalité ;

soutenir le développement de produits innovants contre l’antibiorésistance par la création d’un statut particulier pour les antibiotiques ;

reconnaître, en 2016, la lutte contre l’antibiorésistance comme “grande cause nationale”.

Ces 4 propositions ont été accueillies très favorablement par la ministre, et les mesures qui en découlent sont en cours de concrétisation ou seront mises en place rapidement.

En complément du plan national d’alerte sur les antibiotiques, qui se termine

en 2016 (5), du Propias 2015 (Programme national de prévention des infections associées aux soins) [6] et du plan vétérinaire EcoAntibio, qui se terminera en 2017 (7), le bon accueil donné aux propositions de ce rapport témoigne d’une réelle prise de conscience de nos décideurs. Le prochain comité interministériel se réunira au cours du deuxième semestre 2016, autour du thème de l’antibiorésistance, et un délégué ministériel a été nommé récemment (le Pr Christian Brun-Buisson). Un dossier de candidature pour la grande cause nationale 2016 a été déposé auprès du Premier Ministre par 8 associations (ACdeBMR, SPILF, Le Lien, SFM, SF2H, ONERBA, Institut Maurice-Rapin, Institut Pasteur). Un fonds de 340 millions d’euros, le Fonds d’accélération biotech santé (FABS), est dégagé pour aider les start-up qui travailleraient sur des produits innovants. La ministre est en contact avec la Commission européenne pour le statut particulier des antibiotiques.

Cependant, l’obstacle principal risque d’être financier. Des ressources financières et humaines seront nécessaires pour mettre en place les actions proposées par le groupe de travail. Par exemple, l’augmentation du nombre de postes pour les référents

antibiotiques et la mise en place de réelles équipes multidisciplinaires opérationnelles, sur le modèle des équipes opérationnelles d’hygiène, seront très coûteuses,

mais elles sont absolument nécessaires dans les établissements de santé publics et privés. De même, le plan national de recherche, comprenant le secteur vétérinaire et le secteur environnement, doit être financé sur 5 ans, ce qui représente une dépense à la fois importante mais aussi déterminante pour la compréhension globale du phénomène. Enfin, le soutien à apporter aux start-up et aux firmes pharmaceutiques dans la recherche et le développement de nouveaux antibiotiques sera inévitablement conséquent. Toutes ces dépenses pourraient être financées par la réduction

des coûts directs et indirects induits par l’antibiorésistance.

Toutes ces propositions s’inscrivent dans une dimension européenne et internationale, et vont témoigner de l’action de la France dans le champ

de la lutte contre l’antibiorésistance dans les années à venir. Souhaitons désormais que nous parvenions, tous ensemble, à sauver les antibiotiques…

1. Laxminarayan R, Duse A, Wattal C.

Antibiotic resistance-the need for global solutions. Lancet Infect Dis 2013;13(12):1057-98.

2. Piddock LJ. The crisis of no new anti biotics-what is the way forward?

Lancet Infect Dis 2012;12(3):249-53.

3. Bush K, Courvalin P, Gautam D et al.

Tackling antibiotic resistance.

Nat Rev Microbiol 2011;9:894-5.

4. http://social-sante.gouv.fr/IMG/

pdf/rapport_antibiotiques.pdf 5. http://social-sante.gouv.fr/IMG/pdf/

Plan_antibiotiques_2011-2016_.pdf 6. http://social-sante.gouv.fr/

soins-et-maladies/qualite-des- soins-et-pratiques/securite/

article/programme-national- d-actions-de-prevention-des- infections-associees-aux-soins 7. http://agriculture.gouv.fr/

ministere/ecoantibio

J. Carlet déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec cet article.

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