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La production cinématographique sud-sud : pour une dynamique africaine

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Langues, Cultures, Communication -L 2 C-

Volume 2 – N° 1 Janvier – juin 2018

La production cinématographique sud-sud : pour une dynamique africaine

Le Cinéma au Maroc : vers une dynamique interafricaine

Afaf ZAID

Édition électronique

URL :https://revues.imist.ma/index.php?journal=L2C

ISSN : 2550-6501 Édition imprimée

Dépôt légal : 2017PE0075

ISSN : 2550-6471

Publications du Laboratoire : Langues, Cultures et Communication (LCCom) Faculté des Lettres et des Sciences Humaines

Université Mohammed Premier Oujda, Maroc

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Le Cinéma au Maroc : vers une dynamique interafricaine

Afaf ZAID

Laboratoire de Littérature Générale et Comparée : Imaginaires, Textes et Cultures

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Université Mohammed Premier

Oujda, Maroc

Email : afaf_zaid@yahoo.fr

Résumé

Pour donner plus de sens à la coproduction cinématographique, le Maroc a opté pour une politique dynamique qui permet d’accélérer les échanges artistiques, de créer des espaces de rencontres entre artistes et acteurs culturels, à travers notamment l’organisation des festivals, conçus comme de véritables leviers de développement. Les écoles et les universités de cinéma sont aussi un fondement de base pour une cinématographie de qualité, vu leurs rôles dans la formation et l’échange. Cependant, pour que ce marché cinématographique soit une véritable industrie aux retombées économiques, il faudrait non seulement parler de formation de qualité mais aussi de films de qualité.

Avec la visibilité en croissance du cinéma marocain et africain, on est en mesure de parler, à l’ère actuelle, d’une identité cinématographique (inter)africaine commune, partagée entre les différents pays du continent, d’un cinéma transculturel qui contribue à une hégémonie culturelle des pays de l’Afrique en dépit de leurs différences.

Mots-clés : Cinéma, Maroc, Afrique, festival, visibilité.

Abstract

To give more meaning to the cinematographic co-production, Morocco has opted for a dynamic policy that allows to accelerate the artistic exchanges, to create meeting spaces between artists and cultural actors, notably through the organization of festivals, conceived as real levers of development. Given their roles in training and exchange Film schools and

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universities are also a basic foundation for cinematography quality.

However, for this film market to be a real industry with economic benefits, we should not only speak of training quality but also films quality.

With the growing visibility of Moroccan and African cinema, we are able to speak, in this era, of a common (inter) African cinematographic identity, shared between the various countries of the continent, of a transcultural cinema that contributes to a cultural hegemony of the countries of Africa despite their differences.

Keywords : Cinema, Morocco, Africa, festival, visibility.

Dans différents pays du monde, les politiques culturelles sont devenues un pôle dans lequel s’inscrivent les organismes étatiques et les actions publiques. Leur intérêt est majeur car de véritables politiques culturelles sont susceptibles de réaliser de véritables projets de société.

La place de la culture est centrale dans les stratégies et les processus de développement. La culture peut appréhender des pratiques et peut s’engager dans des biens symboliques en s’ouvrant à toutes les formes d’expression artistiques, non seulement la littérature, mais aussi les arts plastiques et le cinéma. Inversement, si le cinéma se structure en industrie, il peut contribuer à la transformation des valeurs culturelles, et au passage à une nouvelle structure sociale.

Notre objectif, à travers cet article, est de dresser un état des lieux de la politique dynamique du Maroc en matière du cinéma et de la (co)production cinématographique. Nous verrons sa contribution dans l’accélération des échanges artistiques à travers l’organisation des festivals, sa contribution dans la formation d’une cinématographie de qualité à travers les écoles et les universités de cinéma et sa vision transculturelle d’une identité cinématographique (inter)africaine commune qui contribue à une hégémonie culturelle des pays de l’Afrique, en dépit de leurs différences et de leurs diversités.

Rappelons qu’un film de cinéma constitue à la fois une œuvre d'art et un produit fabriqué, c’est pourquoi il y a plus de 50 ans, un mouvement avant-gardiste avait posé des questions majeures sur l’évolution du 7ème art au Maroc, des questions qui continuent toutefois

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à nous interpeller aujourd’hui. Il s’agit de la revue Souffles, fondée en 1966 par Abdellatif Laâbi et autres collaborateurs, qui plaidait pour une action culturelle contemporaine et futuriste. Elle faisait acte d’une révolution à l’époque vu la conscience et la volonté d’agir que manifestait chacun de ses contributeurs en faveur d’une culture nationale capable de dialoguer avec l’universel, ce qui montre qu’il s’agissait d’une vision ouverte, qui est encore aujourd’hui d’actualité.

Ainsi, dès son deuxième numéro, un dossier a été consacré au cinéma marocain dans lequel différents chercheurs et cinéastes marocains ont évoqué les difficultés rencontrées dans le secteur tout en proposant leur aspiration au sein de la filière cinématographique. Un nombre de cinéastes tels que Abdellah Zerouali, Mohamed Abederrahmane Tazi, Ahmed Bouanani, Driss Karim, Mohamed Sekkat ont défendu leurs thèses autour de plusieurs problématiques relatives au cinéma, conçu comme un moyen de divertissement, d’éducation de masses, de communication et d’expression, et aux activités cinématographiques touchant le côté industriel relatif à la production du film et le côté commercial relatif à sa distribution et à son exploitation. À ce propos, le réalisateur Abdallah Zerouali disait lors de ce débat : « Pour qu’il y ait production au Maroc, il faut un marché plus étendu que le marché national, donc à l’échelle du continent, un marché africain. » (Zerouali, 1966, pp.28-37)

Cette recommandation de faire du Maroc « un foyer du cinéma » national certes, mais aussi arabe et africain s’est imposée au fil des temps car le Maroc, avec un patrimoine culturel et touristique, matériel et immatériel en croissance, ne pouvait que relancer ce capital culturel indispensable à tout développement durable. Ainsi, une politique d’accueil des productions internationales a été concrétisée dans les studios d’Ouarzazate et de Casablanca avec les tournages sur le sol marocain de plusieurs films de nationalités différentes : des films américains, français, anglais, allemands, indiens, espagnols, belges, canadiens, italiens et égyptiens, en plus d’une riche expérience en matière de coproduction cinématographique, faisant du Maroc un exemple inspirant de la coopération Sud-Sud et de la coproduction Nord- Sud.

Le rôle du Centre Cinématographique Marocain (CCM), crée en 1944, est majeur dans ce sens, notamment dans les différentes étapes d'évolution de l'action cinématographique au Maroc. Il avait pour

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mission, dès le départ, la promotion et le développement de l'industrie cinématographique nationale à travers la production, la distribution et la projection de films, mais aussi en favorisant la coproduction avec différents pays dans le monde. Dans ce cadre, des traités et des accords entre le CCM et les cinématographies internationales et africaines ont été signés pour plus d’apports intellectuels et artistiques mais aussi financiers et techniques.

Pour donner plus de sens à la coproduction, le Maroc a opté pour une politique dynamique qui permet d’accélérer les échanges artistiques, de créer des espaces de rencontres et de confrontations entre artistes et acteurs culturels, à travers notamment l’organisation des festivals. Ces derniers sont conçus comme de véritables leviers de développement et des carrefours de discussions autour des enjeux de la création cinématographique et de la coopération transfrontalière entre les différents pays du continent africain ou même les pays étrangers.

Les festivals du cinéma deviennent aujourd’hui un véritable marché de visibilité et de mobilité, des promoteurs de films, parce qu’ils permettent de vulgariser la culture cinématographique à un temps où les salles de cinéma au Maroc deviennent de moins en moins nombreuses, voire une denrée rare, vu la vétusté de leurs équipements et les mutations technologiques connues par le secteur. C’est le cas d’ailleurs dans plusieurs pays africains, comme l’affirme Claude Forest, Spécialiste en économie du cinéma et de l’audiovisuel :

La crise de la production s’est opérée avec la fermeture des salles de cinéma et de nombreux pays n’en recensent plus aucune sur leur territoire. Si le marché primaire du cinéma, celui des salles, est resté monopolistique dans la diffusion d’images animées pendant un demi- siècle, partout dans le monde il représente une part minoritaire du marché du film derrière les autres formes d’amortissement : location et vente de vidéo/DVD, mais surtout les chaînes de télévision (en clair ou à péage), les plateformes de VOD, Internet ou la téléphonie mobile.

(Forest, 2011, p.62)

Face à cette crise, les festivals deviennent des opportunités d’échanges et de rencontres pour les cinéphiles, par le biais d’ateliers, de formations, et de débats faisant valoir les dernières créations et productions proposées à l'écran et œuvrant à couronner les nouvelles tendances et les nouveaux talents.

Pour ces manifestations cinématographiques, nous pouvons recenser plus d’une trentaine de festivals qui entrent en compétition. Ils

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sont répandus géographiquement sur plusieurs villes et régions du Maroc, et répartis en différentes catégories : les festivals internationaux, celui de Marrakech comme exemple, les festivals nationaux ou régionaux, les festivals centrés sur une thématique comme le festival Cinéma et Migrations d'Agadir..., autant de festivals dans le Royaume au point de pouvoir parler de vague ou de tendance du ‘Cinéma des festivals’.

Parmi les festivals qu’héberge la Maroc, il y a le festival du cinéma africain de Khouribga (FCAK), créé en 1977, qui est devenu un rendez- vous annuel organisé au service du cinéma africain ou interafricain puisqu’il vise à renforcer les liens bilatéraux entre les cinéastes marocains et africains. C’est une manifestation lancée d’abord par la Fédération nationale des Ciné-clubs du Maroc, puis elle poursuit son engagement militant pour l’affirmation de la cinématographie de tout le continent africain.

En septembre 2017, le festival était à sa 20ème édition et célébrait son 40ème anniversaire, ce qui confirme son engagement continuel en faveur de la diffusion du film africain. C’est une plate-forme incontournable pour les spécialistes de la filière de faire la promotion de la culture et de l’industrie cinématographiques à travers des œuvres cinématographiques arabes et africaines dont le point commun est l’identité africaine. Cette identité s’énonce dans son unité diversifiée puisque la compétition officielle de chaque édition voit la participation de plusieurs films de pays différents.

Rappelons que c’est Sembene Ousmane qui donne son nom au Grand prix du festival de Khouribga en sa qualité de grand cinéaste sénégalais, voire de pionnier du cinéma noir. Georges Sadoul témoigne de son rôle d’icône du cinéma africain : « Grâce à Sembene Ousmane, le continent noir a pris enfin place dans l’histoire du cinéma mondial ».

Ainsi, il n’est pas surprenant de voir un grand complexe cinématographique du nom de Sembene Ousmane ouvrir ses portes en avril 2018 à Dakar avec des équipements ultramodernes et l’expérience du film en 5D pour les passionnés du cinéma au Sénégal. Ce n’est pas étonnant, non plus, de voir le festival du FCAK rendre hommage à ce grand ami du cinéma et de la culture et de dresser, à travers lui, des ponts et des passerelles entre le Maroc et l’Afrique subsaharienne, en vue d’une coopération et de perspectives renouvelées, capables de pérenniser leurs identités culturelles enracinées les unes dans les autres.

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En 2015, par exemple, c’est le film marocain L’orchestre des aveugles de son réalisateur Mohamed Mouftakir qui a eu le Palmarès de la 18ème édition du FCAK. La 15ème édition du Festival s'est clôturée en 2012 avec la proclamation du Grand prix Sembène Ousmane qui est revenu à Bayiri, la patrie de Pierre Yaméogo du Burkina Faso.

Parallèlement, le Maroc est en force dans le Festival panafricain du cinéma et de la télévision d’Ouagadougou (FESPACO), créé au Burkina Faso en 1969 et qui se tient tous les deux ans. Des productions marocaines se sont inscrites dans les compétitions officielles. Il s’agit d’une véritable vitrine de la diversité culturelle et artistique, s’ouvrant sur les cultures nationales, africaines et universelles et œuvrant pour la sauvegarde du cinéma africain en tant que moyen d’expression, de conscientisation et d’éducation. En 2017, le Sénégalais Alain Formose Gomis a remporté le grand prix Étalon d’Or de Yennenga pour son film Félicité, sachant que le trophée du FESPACO a été remporté plusieurs fois par des réalisateurs marocains, comme pour le film Pégase de Mohamed Mouftakir en 2011 ou pour Ali Zaoua de Nabil Ayouch en 2001.

Au Maroc, le Ministère de la Communication attribue, à travers le CCM, un soutien financier à l'organisation des festivals cinématographiques afin de garantir leur pérennité et assurer leur rayonnement sur le plan national et international. Aussi, avec sa politique volontariste de soutenir la production africaine, le Maroc travaille en co- et postproduction avec les pays d’Afrique subsaharienne et s’engage pour la mise en place d’une structure indépendante de financement, à travers notamment un fonds d’avance sur recettes.

Les festivals ne peuvent ainsi que soutenir le cinéma grâce à la diffusion des films et aux prix décernés pour encourager les productions, c’est en fait une véritable alternative à la faible diffusion des films en Afrique. Ils sont, par ailleurs, de véritables promoteurs de la place qu’a la femme en tant que leader dans la société africaine. Si l’univers cinématographique est une sphère publique où le pouvoir a été longtemps pensé au masculin, le cinéma africain commence à relever les défis vis-à-vis d’une dialectique relationnelle entre femmes et hommes et leurs regards croisés. La femme africaine est ainsi à l’honneur dans le Festival Tazama de Brazzaville, un festival du film des femmes africaines et dans lequel l'actrice marocaine, Amal Ayouch, par exemple, a été distinguée lors de sa 2ème édition. Son film Derrières les portes fermées,

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du réalisateur Mohamed Ahed Bensouda, était en projection en ouverture du festival.

La femme africaine est aussi présente dans le Festival International du Film de Femmes de Salé, le cinéma africain était à l’honneur de sa 5ème édition avec la projection de douze films d’Afrique subsaharienne représentant le Bénin, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Sénégal, le Tchad, le Togo et la RD Congo, entre autres rassemblements culturels, qui valorisent l’insertion des femmes dans le secteur, sachant que l’industrie du film doit passer également par la diversité et l’égalité des genres. Un long chemin de parité est à parcourir si l’on sait qu’il existe à l’échelle mondiale de nombreux rapports de déséquilibres hommes/femmes dans les domaines de l’industrie du film. Si les femmes sont souvent les grandes consommatrices des biens culturels, « le pourcentage de femmes dans les trois principaux rôles créatifs -scénariste, réalisateur et producteur- a diminué pendant ces 20 années. » (Ammu, 2015, p.175). Devant ce constat, il s’avère urgent pour la femme africaine de tripler les efforts pour promouvoir son expression culturelle, et lutter pour l’égalité des droits des genres dans l’industrie du cinéma. Ce n’est plus un luxe, c’est une nécessité qu’impose la conjoncture économique et sociale du continent.

Pour ce faire, il faudrait encourager l’initiative féminine en développant les organisations, les réseaux de femmes et toutes structures en mesure de soutenir le financement des films de femmes, leur distribution et leur exposition, à l’échelle nationale et internationale. Au Maroc, la nomination récente de la réalisatrice Narjiss Nejjar au début de l’année 2018, en tant que Directrice de la Cinémathèque Marocaine au sein du CCM, est révélatrice de la place de la femme qui gagne de plus en plus en visibilité et son rôle majeur dans la réactivation de cette grande structure. La conservation et la diffusion du patrimoine cinématographique tant national que mondial est un défi qui aura ses résultats sur tout le continent africain.

Les festivals deviennent ainsi des réseaux de distribution et des acteurs incontournables pour la diffusion des films d’hommes et de femmes à la fois. C’est l’occasion pour les professionnels de l’industrie de s’y retrouver pour la présentation de leurs productions et le développement de leur réseau de contacts pour des projets futurs, tout en profitant des conférences de presse qui permettent aux festivals de

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se promouvoir et de garder les liens avec le monde médiatique et le monde extérieur : « face à la faiblesse de la diffusion et la quasi-absence de prise en compte des films d’Afrique dans les revues de cinéma, les festivals restent une vitrine essentielle et le seul lieu encore trop rare, de réflexion critique» (Barlet, 2002, p.40). Cependant, pour rester à l’écoute des besoins des professionnels du cinéma et contribuer à la visibilité optimale des productions filmiques, il faut adosser à ces festivals des marchés en vue d’une meilleure circulation du film et un développement économique de son industrie.

Le Marché du Film, qui se déroule parallèlement au Festival de Cannes, est sans doute le modèle le plus approprié et le plus prisé, à côté de l’European Film Market à Berlin. Il est devenu le rendez-vous le plus important où se rencontrent d’une part les vendeurs, sous forme de sociétés spécialisées qui possèdent des mandats de vente, regroupant des films de plusieurs producteurs, et d’autre part les acheteurs ainsi que les partenaires qui, à travers leurs réseaux professionnels, programment des coproductions futures.

Ce type de marché-festival est à louer en Afrique Centrale, il est organisé par l’Association ECRANS NOIRS à Yaoundé au Cameroun, en marge du festival Ecrans Noirs1. C’est une sorte de salon professionnel qui vise à rendre visible et accessible aux acheteurs, diffuseurs et distributeurs, les meilleures productions cinématographiques et audiovisuelles de la région.

Or, la promotion de ce genre de marchés nécessite, par ailleurs, de se pencher aussi sur la question des moyens humains du point de vue quantitatif et qualitatif. L’invisibilité des cinémas africains est due notamment à l’insuffisance financière et technique mais surtout à l’insuffisance des professionnels du secteur. Les écoles et les universités de cinéma, dans ce cas, sont un fondement de base pour une cinématographie de qualité, vu leurs rôles dans la formation. Les étudiants peuvent non seulement acquérir un savoir-faire théorique, mais aussi tester leurs connaissances professionnelles en pratique à travers leurs participations à des projets d'étudiants, à des ateliers, en s’esquissant au tournage de films, ce qui leur permettrait de s'intégrer

1 La compagnie aérienne nationale, Royal Air Maroc (RAM) a signé une convention de partenariat avec l’Association Ecrans Noirs, elle a été le transporteur officiel des participants à ce festival pour trois éditions (2015- 2016- 2017), contribuant, à sa manière, à cette manifestation culturelle et artistique en Afrique.

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dans la vie professionnelle. L’Université d’Etat du Cinéma et de la Télévision de Saint Petersburg en Russie est devancière dans ce domaine. Ses étudiants prennent part au festival du film de l'étudiant

«Piterkit» qui met en valeur leur talent, et les gagnants du festival, avec un diplôme universitaire en main, ont la possibilité de construire leur carrière professionnelle dans les grands studios de production de par le monde, ils sont d’ailleurs très demandés en Russie comme à l’étranger.

Pour revenir à l’expérience africaine, et à cette union qui doit relier les professionnels et experts du secteur cinématographique et les académiciens, le FESPACO a émis le souhait, lors de sa 25ème édition consacrée à la « Formation et métiers du cinéma et de l’audiovisuel », de faire un état des lieux pertinent des différentes formations, des compétences requises et performances obtenues, de la nature des filières enseignées et leurs objectifs concrets. Son but était de déjouer tous les défis existants afin de se préparer aux nouvelles perspectives et orientations qui permettent d’atteindre le professionnalisme et l’excellence dans le secteur.

De son côté, avec le dynamisme que connait le cinéma marocain et le cinéma étranger au Maroc, l’université marocaine répond présente à la montée de la demande du marché de certains métiers de l’audiovisuel et du cinéma. Elle propose des formations de Licence professionnelle et de Master dans les différents domaines de la filière, notamment les nouvelles technologies numériques qui pourraient apporter des solutions pour redynamiser le cinéma du point de vue de la production, compte tenu du coût et de la logistique de fabrication des films. C’est le cas de L’Université Ibn Zohr d’Agadir qui est en écho avec l’un des meilleurs sites de tournage au monde dans la région de Ouarzazate, les Studios Atlas, ou l’Institut Supérieur des Métiers de l’Audiovisuel et du Cinéma (ISMAC) à Rabat, qui est un établissement public d’enseignement supérieur placé sous la tutelle du Ministère de la Communication et qui vient consolider, depuis 2012, la dynamique de développement et de mise à niveau du secteur de l'audiovisuel et du cinéma à travers la formation de ressources humaines qualifiées. Il abrite, en parallèle, Le Festival des Ecoles de Cinéma et d’Audiovisuel d’Afrique (FECAA), en partenariat avec le CCM, avec deux objectifs majeurs à réaliser : promouvoir les travaux des étudiants et les confronter à un public de spécialistes et de professionnels du secteur et promouvoir le réseautage des formateurs africains en créant un marché

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de ressources humaines à des fins de mobilité, de coopération et de complémentarité entre les différents pays du Sud.

D’autres instituts, écoles et départements sont répandus au Maroc ayant pour mission la formation spécialisée des professionnels du septième art, conçue comme vecteur de savoir qui développerait chez le récepteur son imaginaire et son esprit critique, d’où l’importance que l’on doit accorder au secteur culturel comme source de développement d’une société de la connaissance. Les industries culturelles permettent, par ailleurs, aux acteurs créateurs et partenaires, notamment du continent africain, de se positionner comme de véritables conquérants des marchés.

Cependant, pour que ce marché cinématographique soit une véritable industrie avec des retombées économiques, il faudrait non seulement parler de formation de qualité mais aussi de films de qualité.

Cette dernière doit être assurée en s’intéressant à la fois à ce qui est technique (forme et image) et au contenu, d’où l’enjeu stratégique et concurrentiel pour un cinéma de qualité. L’actualité, dans ce cas, ainsi que les thèmes peu abordés et leur originalité, sont une source d’inspiration pour les cinéastes pour faire des films qui rencontrent souvent le succès. Le court métrage kenyan Watu Wote : « Nous tous », réalisé par Katja Benrath en 2016, a été nominé aux oscars 2018. Il raconte l'histoire de l'attaque terroriste survenue en 2015 contre un bus au Kenya. C’est une coproduction germano-kenyane2, tournée au même pays, avec la collaboration d’acteurs kenyans et d’étudiants allemands.

Son souci d’authenticité et de réalisme et son appel à la tolérance entre musulmans et chrétiens lui ont valu plusieurs prix internationaux.

Par ailleurs, l’histoire d’une enfance en errance est le thème du long métrage Lamb du réalisateur éthiopien Yared Zelek, qui a remporté le Grand prix Sembene Ousmane de la 19ème édition du FCAK en 2016.

Au FESPACO également, le grand prix Etalon d’or de Yennenga de la 22ème édition, en 2011, a été décerné au long métrage, Pégase du réalisateur marocain Mohamed Mouftakir, lauréat aussi du Grand Prix Sembene Ousmane de la 13ème édition du FCAK en 2010. Une histoire d’androgynie, de viol et d’inceste, reliant une fille à son père, a surpris le public et les membres de Jury. C’est une quête d’identité et de vérité, appuyée sur tout un travail de l’imaginaire, donnant lieu à un

2 C’est un film de fin d’études dans le cadre du programme de master class de la Hamburg Media School, l’une des écoles de cinéma en Allemagne.

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psychodrame fantastique autour d’une fille qui croit être enceinte d’un démon. C’est un sujet original qui s’ajoute à une dramaturgie qui refuse la linéarité, mouvementée entre temps et espace, faisant acte d’une construction filmique en débris.

Ces quelques exemples convergent vers une même idée, c’est que le cinéma africain divertit et instruit à la fois, c’est un art, il donne certes à voir, mais aussi à réfléchir sur les transformations tant du social que du cinéma lui-même3, d’où cette visibilité qui s’accroit de plus en plus sur le plan national et international4. Pouvons-nous parler, dans ce cas, d’une identité cinématographique (inter)africaine commune, partagée entre les différents pays du continent, d’un cinéma multiculturel ou transculturel qui contribue à une hégémonie culturelle des pays de l’Afrique en dépit de leurs différences et de leurs diversités ?

Pour plus de force, cette union africaine ne devrait-elle pas s’impliquer mieux dans le secteur culturel pour que l’art et le cinéma, en particulier, puissent bénéficier des visions géopolitiques et économiques qui sont en cours entre les pays, notamment entre l’Union Africaine et le Maroc, avec la réintégration de ce dernier à son « Continent », à sa

« Maison », selon les propos du Roi Mohammed VI lors de son discours du 31 janvier 2017 devant le 28ème Sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba. Le Souverain l’a dit clairement : « N’est-il pas l’heure de nous tourner vers notre continent ? De considérer ses richesses culturelles, son potentiel humain ? L’Afrique peut être fière de ses

3 Le film documentaire africain ou le cinéma-réalité est une autre expérience cinématographique sur laquelle il faut miser. C’est un genre qui se développe de plus en plus et qui renseigne sur l’Histoire et sur la mémoire de tout un peuple africain. Le méta-film documentaire ou méta-discursif est très révélateur, dans ce sens, puisqu’il sert à revisiter ce cinéma, de la façon la plus décomplexée, et le rapprocher du public en révélant la manière d’élaborer un film. C’est le cas du film Jimmy goes to Nollywood, un documentaire sur l'industrie du cinéma au Nigeria, réalisé en 2015 par l’acteur Jimmy Jean Louis, ou le documentaire Nollywood made in Nigeria réalisé bien avant par Léa Jamet en 2007, qui révèle l’essor économique du secteur cinématographique dans la troisième grande production du monde après les Etats-Unis (Hollywood) et l’Inde (Bollywood).

4 Le film documentaire Le choix de l’Afrique du Français Jean Daniel Bécache, réalisé en 2014, est révélateur d’un continent à destination prisée, dont les ressources sont encore vierges et peu épuisées, c’est l’eldorado d’aujourd’hui et de demain face à la crise européenne à laquelle est confronté le monde actuellement.

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ressources, de son patrimoine culturel, de ses valeurs spirituelles et l’avenir doit porter haut et fort cette fierté naturelle ! ».

En somme, de véritables synergies doivent être mises en place pour repenser le secteur cinématographique et le promouvoir, et ce, sur tous les plans, celui notamment de la production, de la distribution et de l’exploitation. C’est tout un travail collectif qui doit se faire pour aboutir au public, en passant par le scénariste, le technicien, le producteur, le distributeur et toutes autres compétences susceptibles d’améliorer la filière dans sa globalité

Pour qu’un film en appelle d’autres, pour qu’un auteur puisse continuer de travailler et qu’il fasse des émules, il faut des espaces d’action et de pensée, des cadres de travail. Il faut des lois et des financements, des machines et des hommes qui savent s’en servir, des publics et des lieux pour les accueillir, des dispositifs de transmission et de partage. Et il faut que puissent en bénéficier tous ceux qui aiment le cinéma, parce qu’ils le font, ou simplement parce qu’ils y vont. (Frodon, 2007, p.54)

Les pouvoirs publics et le secteur privé, dans les différents pays du continent africain, ont également leurs rôles à jouer pour promouvoir le champ cinématographique et faire de l’Afrique un véritable acteur dans le monde.

Références bibliographiques

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Filmographie

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Bensouda, M.-A. (2012). Derrières les portes fermées. Drame, 1h 40mn.

Gomis, A.-F. (2017). Félicité. Drame, 2h 9mn.

Jamet, L. (2007). Nollywood made in Nigeria. Film-documentaire, 52 mn.

Louis, J.-J. et DHIBOU, R. (2015). Jimmy goes to Nollywood. Film- documentaire, 52mn.

Mouftakir, M. (2010). Pégase. Drame, 1h 44 min.

Mouftakir, M. (2016). L’orchestre des aveugles. Drame, 1h 50min.

Yaméogo, P. (2011). Bayiri, la patrie. Drame, 90 mn.

Zelek, Y. (2015). Lamb. Drame, 1h 34mn.

Références

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