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Étude rétrospective concernant les mineurs hospitalisés en psychiatrie adulte

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Academic year: 2022

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L’Information psychiatrique 2018 ; 94 (3) : 183-8

Étude rétrospective concernant les mineurs hospitalisés en psychiatrie adulte

Julien Guidi

1,2

Jean-Paul Sigaud

3

Florence Guiot

1,4

1Service intersectoriel du pôle de psychiatrie de l’enfant et l’adolescent,

Centre hospitalier Montperrin, 109 avenue du Petit Barthélémy, 13617 Aix-en-Provence, France

2PH Résados

3Assistant qualité à la Duqag

4Chef de service

Résumé. L’hospitalisation d’un mineur en service de psychiatrie adulte pose des questions fondamentales de nature éthique et thérapeutique, et soulève un risque trau- matogène.

Cette étude analyse de fac¸on objective ces situations, leurs modalités d’hospitalisation et les parcours de soins. Elle a également permis un travail d’échange, d’interrogations des pratiques et de décloisonnement entre pédopsychiatrie et psychiatrie adulte.

Ce travail souligne notamment l’existence de situations sévères dès l’adolescence et le besoin de lieu de prise en charge intensive spécifique, inscrite dans le temps, et dans la continuité du parcours sanitaire, médico-social et social.

Mots clés :mineur, adolescent, hospitalisation psychiatrique, hospitalisation à temps complet, isolement thérapeutique, étude rétrospective, pédopsychiatrie, adulte, parcours de soin

Abstract.Retrospective study concerning adolescents in general psychiatry.The hospitalization of a minor in a general psychiatric ward raises fundamental ethical and therapeutical issues, as well as potential exposure to traumatizing events. This study aims to objectify these situations, the different ways of hospitalization and the global pathways of care for minor patients. Our study has, at the same time, permitted critical thinking of current clinical practice as well as the division between pediatric psychiatry and general psychiatry.

Our study emphasizes, in particular, the existence of severe cases in adolescents and the need for their admission to a specific intensive care ward in accordance with clinical, medico-social and social pathways.

Key words:minor, adolescent, psychiatric hospitalization, full-time hospitalization, the- rapeutic isolation, retrospective study, child psychiatry, adult, care pathways

Resumen. Estudio retrospectivo sobre menores hospitalizados en psiquiatría adulta.La hospitalización de un menor en un servicio de psiquiatría adulta plantea cues- tiones fundamentales de índole ético y terapéutico y supone un riesgo traumatógeno.

Este estudio analiza de modo objetivo estas situaciones, sus modalidades de hospita- lización y losrecorridosde cuidados. También favoreció una labor de intercambio, de interrogaciones de las prácticas y de enfoque global entre pedopsiquiatría y psiquiatría adulta.

Esta labor puntualiza en especial la existencia de situaciones severas ya desde la ado- lescencia y la necesidad de algún lugar de atención intensiva específica, inscrita en el tiempo y en la continuidad del recorrido sanitario, médico-social y social.

Palabras claves: menor, adolescente, hospitalización psiquiátrica, hospitalización a tiempo completo, aislamiento terapéutica, estudio retrospectivo, pedospsiquiatría, adulto, recorrido de cuidados

Contexte

Lorsqu’un mineur ne consent pas aux soins en hospitali- sation alors que son état psychique l’impose, son admission en service de soin temps plein constitue un problème sur la plus grande partie du territoire franc¸ais. En effet, les dif- ficultés rencontrées durant l’adolescence et ses crises ont longtemps été réduites à l’expression de conflits matura- tifs, plus ou moins passagers, sans caractère de gravité particulier ce qui explique encore un faible équipement en

unité d’hospitalisation temps plein pour les mineurs [1-3].

Or, de plus en plus de professionnels s’accordent à repé- rer un certain nombre de situations sévères d’adolescents présentant, en tenant compte de certaines particularités développementales, une clinique assez semblable à celle de l’adulte. La majorité des unités d’hospitalisation pour ado- lescent fonctionnent sur la notion d’adhésion et de contrat de soins. C’est ainsi que dans certaines situations cliniques sévères nécessitant des soins en unité temps plein, et lorsque le mineur est opposé aux soins, l’hospitalisation peut s’organiser par défaut en secteur adulte. Le recours à cette solution semble être plus fréquent qu’on ne le suppose [4-6], alors qu’assez peu d’études figurent dans la bibliogra- phie [7-10].

doi:10.1684/ipe.2018.1769

Correspondance :J. Guidi

<guidijulien@yahoo.fr>

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Circonstances légales et éthiques

Voici ce que dit la loi, ou plutôt ce qu’elle ne dit pas.

Jusqu’à ce jour, sur le plan légal, les adolescents hospi- talisés en service adulte sont le plus souvent considérés comme en soins libres puisque réalisés, par la contrainte de minorité, avec l’accord des titulaires de l’autorité parentale. Il s’agit en réalité d’un point aveugle sur le plan réglementaire.

En effet, aucune des procédures de garantie des libertés du patient accompagnant habituellement les hospitalisations sous contrainte des majeurs (certificat médical d’un méde- cin extérieur à l’établissement, certificat des 24 h, audition par le juge des libertés, etc..) n’est ici nécessaire [11].

Les mineurs hospitalisés en secteur adulte échappent ainsi à toutes les procédures habituelles de contrôle, recen- sement et surveillance des soins sous contrainte. Il n’existe par ailleurs aucun observatoire ni dispositif de repérage ou de veille comptabilisant l’hospitalisation des mineurs en ser- vice adulte.

Vécu institutionnel

Le premier constat concernant ces situations fut la surprise de découvrir leur fréquence ainsi que le climat émotionnel qui les entoure. En effet, l’hospitalisation d’un mineur en secteur adulte est un événement couramment vécu comme révoltant pour les équipes qui s’en occupent, déclenchant de vifs sentiments de colère, violence, vécu d’injustice, de contrainte du fait de ne pas se sentir concerné par la question. S’en suit donc logiquement un vécu d’impuissance, de solitude, de culpabilité, d’incompétence voir d’illégitimité à s’occuper de telles situations. On observe que ces sentiments et vécus peuvent rapidement débou- cher sur des mouvements de surinvestissement/rejet, de sidération, ou déclencher des situations de clivage fort au sein même des équipes. On retrouve une forte crainte d’une certaine iatrogénie secondaire aux modalités d’accueil non spécialisées, une sensation de maltraitance institutionnelle, ainsi que des fantasmes de toute puissance de l’autre, dont on imagine facilement qu’il possède une solution plus adaptée, qu’il saurait mieux faire, et que l’hospitalisation se passerait donc bien mieux ailleurs. Nous retrouvons donc globalement dans ces situations des vécus et sen- timents puissants et fortement négatifs. Ces perceptions sont retrouvées en miroir, tant chez les professionnels de psychiatrie adulte que chez les équipes de pédopsychiatrie.

Malheureusement, ces réactions émotionnelles sont souvent si vives qu’elles font régulièrement écran et rendent l’accès aux situations difficiles, et l’élaboration de projets de soins complexe.

Lorsque nous essayons d’en savoir davantage sur la nature de ces situations et leur parcours, les professionnels de pédopsychiatrie et de psychiatrie adulte nous rapportent des analyses souvent hétérogènes, les raccourcis et géné- ralisations apparaissant particulièrement fréquents, et le sentiment de travail mal accompli prédominant sur tout autre aspect. Au final, il existe de tels écarts entre les représen-

tations des différents professionnels concernés par le sujet qu’il semble indispensable d’élaborer un outil spécifique afin d’objectiver et préciser les caractéristiques de cette popula- tion, d’analyser les modalités et le déroulement de ce temps d’hospitalisation en secteur adulte, ainsi que de retracer les parcours d’amont et d’aval de ces mineurs.

Méthodologie

L’étude inclut l’ensemble des mineurs hospitalisés en secteur adulte sur le centre hospitalier Montperrin sur les années 2013-2014. Les analyses portent sur la totalité de l’échantillon. Les données ont été complétées par un pédo- psychiatre, au travers d’un entretien avec le psychiatre adulte ayant pris en charge le patient durant son temps d’hospitalisation en secteur adulte. Ce mode de recueil, bien que chronophage et coûteux en termes d’organisation, s’est avéré extrêmement intéressant dans la mesure où il permet- tait de respecter la confidentialité des identités des patients tout apportant un affinement de l’évaluation et de nombreux éléments cliniques supplémentaires. De plus, cela été un bon moyen d’instaurer un lien de travail et de discussion entre collègues et a permis d’engager une certaine dyna- mique de travail autour de cette question au sein de l’hôpital.

L’analyse porte sur environ 160 critères informatisés par le logiciel Sphinx.

En fonction de leur nature, les critères sont analysés sur l’ensemble des 31 hospitalisations, ou uniquement sur la première hospitalisation de chaque mineur afin d’éviter des biais dans le cas des hospitalisations multiples.

À noter, dans le cas de 3 mineurs, le recueil n’a pu être réalisé auprès du psychiatre adulte référent et ce dernier a donc eu lieu par défaut sur dossier anonymisé.

La faible taille de l’échantillon ne retentit que peu sur la puissance de l’étude du fait qu’il soit total et constitue donc une représentation absolue de cette population sur ces deux années, ce qui apporte une certaine légitimité aux résultats. Néanmoins, et afin d’obtenir davantage de préci- sions et d’objectivité, il serait pertinent d’étendre l’analyse dans le temps sur plusieurs années, et dans l’espace en multicentrique.

Résultats

Sur ces deux années, 18 mineurs ont transité par les services de secteur adulte de psychiatrie de l’hôpital Montperrin. Cela correspond au total à 31 hospitalisations, 5 mineurs ayant été hospitalisés à plusieurs reprises (à 2-3 et pour l’un d’eux à 7 reprises). Notons néanmoins que cette étude ne recense pas l’ensemble des situations de mineurs hospitalisés en pédiatrie ou dans les services d’urgence, parfois contentionnés, dont certains retiennent des indica- tions d’hospitalisations qui ne sont pas réalisées du fait du refus parental à l’hospitalisation en secteur adulte faute de structure adaptée accessible rapidement.

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48,4 %

29,0 %

9,7 % Nb

Décompensation psychiatrique aiguë

Auto-agressivité Agitation psycho-motrice

Refus de soins qui s’imposent Épuisement des équipes en charge Défaut de solution accueil Autres préciser Total

Hétero-agressivité

15

9 20 25

18 3 3 2 31

9,7 % 6,5 %

80,6 %

64,5 % 58,1 %

Figure 1. Indication principale de l’hospitalisation et critères d’admission.

La moyenne d’âge se situe à 15 ans, le sex-ratio est équili- bré (60 % garc¸ons/40 % filles). Les mineurs présentent glo- balement un morphotype adulte (moyenne des tailles de 170 cm, des poids de 62 kg).

Vulnérabilité et environnement

Plus de la moitié des patients étaient encore scolarisés au moment de l’hospitalisation. On retrouvait chez un tiers l’existence d’une notion de handicap (notification MDPH). La moitié d’entre eux bénéficiaient d’une mesure accompagne- ment éducatif (administrative ou judiciaire), mais seuls 20 % dans le cadre d’une mesure de placement. À noter néan- moins que 30 % présentaient un antécédent de placement dans leur parcours. On retrouve également des antécédents de rupture dans les liens affectifs (rupture de contact ou décès d’un parent, incarcération, rupture du lien durant un placement) dans plus de 50 % des cas. On retrouve des antécédents psychiatriques familiaux dans plus de 40 % des cas chez les apparentés de premier degré, ce qui alerte for- tement si l’on y ajoute les situations dans lesquelles les antécédents n’ont pas été révélés lors de l’hospitalisation du mineur, ainsi que les situations de troubles psychiatriques non repérés. Il n’existait pas de sur-représentation de situa- tion d’adoption (1/18).

Parcours en amont

Les patients étaient connus et repérés dans un parcours de soin d’amont dans 96,8 % des cas (30/31). Il existait des antécédents d’hospitalisation temps plein en secteur ado- lescent dans plus de la moitié des cas, et pour 38,8 % à plusieurs reprises. À noter également que 22,2 % avaient un antécédent d’hospitalisation en secteur adulte lors de leur 1rehospitalisation en 2013-2014. Plus de 50 % bénéfi- ciaient d’un traitement médicamenteux, et moins de 20 % étaient dans une rupture de prise en charge au moment de l’hospitalisation.

Ces critères indiquent donc manifestement une gravité particulière de ces situations ainsi qu’une forme d’impasse dans les prises en charge thérapeutiques.

SL avec accord parental OPP

SDRE Autre

Total 31

1 7 23 Nb

0

22,6 % 3,2 %

74,2 %

Figure 2.Mode d’hospitalisation.

Sur le plan des antécédents psychiatriques personnels, peu d’entre eux présentaient des troubles ou pathologies identifiées avant leur hospitalisation. Les diagnostics rete- nus jusqu’alors les concernant étaient essentiellement de nature symptomatique et centrés sur un versant compor- temental (trouble du comportement 89 %, troubles de conduites 55 %, consommation de toxiques 55 %). On peut donc conclure qu’il s’agit donc visiblement d’une fac¸on générale de problématiques émergentes à l’adolescence, s’exprimant principalement de fac¸on externalisée et sur un mode comportemental, ce qui explique la difficulté des prises en charge ainsi que la nécessité de contenance.

Modalités d’hospitalisation

L’hospitalisation est organisée à la demande d’un méde- cin dans>70 % des cas, en accord avec une demande de la famille dans>40% des cas, soutenue par la demande d’un juge dans>20% des cas. Le mineur transite par un service d’urgence et/ou de pédiatrie dans environ 60 % des cas, alors qu’il est transféré d’un service de temps plein adoles- cent dans environ 40 % des cas. Le cas d’admission directe ou programmée demeurant exceptionnel (figure 1).

La durée médiane d’hospitalisation s’élève à 10 jours (la médiane a été choisie ici plutôt que la moyenne qui était fortement biaisée par une hospitalisation de 371 jours), (figure 2).

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L’hospitalisation est très majoritairement réalisée en soin libre avec accord parental (74,2 %), alors que l’adolescent y est opposé dans plus de 80 % des cas.

Isolement thérapeutique

Rappelons la définition de l’isolement présentée par l’Anaes « tout patient dont la porte est verrouillée et qui est séparé de l’équipe de soins et des autres patients et se trouve de ce fait en isolement. Cet isolement ne peut être qu’à but thérapeutique conformément à la mission de soins des établissements de santé»[12].De nombreux auteurs se questionnent sur les indications et les modalités de recours à l’isolement thérapeutique chez les enfants et adolescents [13-16].

Le recours à l’isolement thérapeutique est ici fréquent et ce même en soin libre, à l’inverse de ce que disent les lois du 27 juin 1990 et circulaire ministérielle du 19 juillet 1993 qui rejettent pourtant toute mesure d’isolement thérapeutique en soin libre [17].

Dans notre cohorte, l’hospitalisation a été réalisée dans 80 % des cas en chambre d’isolement thérapeutique (CIT) et ceci dès le début de l’hospitalisation. Les principaux motifs retenus pour le placement en CIT sont l’hétéroagressivité (52 %), l’agitation (48 %), le risque de fugue (68 %), ainsi que la protection du mineur des autres patients qui a été systématiquement retenu. À noter que l’indication de CIT à l’unique motif de la protection du mineur ne s’est retrouvée qu’une fois et ceci concernant un mineur particulièrement jeune. Néanmoins, le motif de protection étant systémati- quement retenu, on peut se demander si d’autres solutions pour faire face à l’agitation, l’agressivité et/ou le risque de fugue ont été tentées avant de réaliser la mise en CIT. De plus l’indication posée dans 100 % des cas dès le début de l’hospitalisation, à l’entrée du mineur (voir parfois en préalable comme condition d’admission) est également un argument fort en ce sens.

On peut donc retenir qu’il existe un recours beaucoup plus systématique à la CIT dans le cas d’un mineur hospita- lisé en secteur adulte, de surcroît au motif de sa protection ce qui constitue une forme de paradoxe.

Ceci questionne encore davantage lorsque l’on se réfère aux dernières recommandations de l’HAS concernant la question de l’isolement en psychiatrie, notamment dans la note de recadrage de juillet 2015 [18], confirmée par la synthèse de la recommandation de bonne pratique de février 2017 [19]. En effet, l’HAS insiste ici fortement sur le principe de restriction minimale, positionnant l’isolement comme indication de « dernier recours », ne concernant

« que des patients faisant l’objet de soins psychiatriques sans consentement », mis en place dans un but «théra- peutique »et «en aucun cas pour résoudre un problème administratif, institutionnel ou organisationnel, ni répondre à la rareté des intervenants ou des professionnels».

Concernant le diagnostic retenu par les médecins de sec- teur adulte durant l’hospitalisation, on retrouve 13 accès psychotiques aigus, 8 états limite, 8 troubles des conduites,

1 trouble du comportement secondaire à une cérébro-lésion et 1 trouble envahissant du développement non spécifié (TED NS).

Un lien a été établi avec les équipes de pédopsychiatrie dans plus de 83 % des cas. Les parents ont été rec¸us dans le service adulte dans 96,8 % des cas. Des liens ont été effectués avec les partenaires extérieurs dans plus de 60 % des cas.

L’indication d’hospitalisation était validée par les psy- chiatres de secteur adulte dans 67,7 % des cas bien que tous regrettassent que cette dernière soit réalisée dans un milieu non adapté à la classe d’âge du patient et non équipé en personnels et moyens spécialisés et adaptés à la situation.

Les multi-hospitalisations

Cinq patients ont été multi-hospitalisés au centre hospita- lier Montperrin en secteur adulte sur les années 2013-2014.

Le sex-ratio de cet échantillon reste équilibré. Par contre, la proportion des OPP augmente considérablement par rap- port à l’échantillon général (60 % des cas). Une mesure d’accompagnement éducatif judicaire était systématique- ment présente, une mesure de placement dans 40 % des cas. Des antécédents de placement étaient retrouvés dans 60 % des cas, des antécédents de rupture de lien affec- tif dans 80 % des cas et des antécédents psychiatriques familiaux connus dans 40 % des cas. On retrouvait ici une notification MDPH (ITEP et/ou IME) dans 100 % des cas.

Ces 5 situations étaient connues, et prises en charge sur le plan sanitaire, et 60 % avaient déjà été multi hospitalisés en secteur adolescent et en pédiatrie. On retrouve donc dans le cas des multi-hospitalisés en secteur adulte une gravité cli- nique particulière manifestement complexifiée par le cumul des différents types de problématiques, psychique, sociale et médico-sociale.

Parcours en aval et risque de rupture

L’exploration des données d’aval est délicate, notam- ment lorsque les jeunes sont perdus de vue et qu’il est alors difficile d’imaginer les recontacter à distance pour prendre de leurs nouvelles après ce type de parcours.

Au terme de leur hospitalisation en secteur adulte, 38 % des mineurs ont été transférés en secteur temps plein ado- lescent, 16 % sur une prise en charge en hôpital de jour alors que 45 % ont été adressés sur de la consultation ambula- toire.

Sur le plan des ruptures dans le parcours, si l’on exa- mine les résultats sur la 1rehospitalisation, on ne retrouve qu’assez peu de ruptures dans le parcours social héberge- ment, médico-social ou sanitaire. Par contre, si on l’on centre l’analyse sur la dernière hospitalisation de l’échantillon des multi hospitalisés, on retrouve une augmentation de ces 3 risques, particulièrement significative surtout sur la ques- tion de l’hébergement. On peut donc penser qu’il existe un fort risque de rupture concomitant de la multi-hospitalisation en secteur adulte et faire l’hypothèse de différentes explica- tions plus ou moins associées en fonction des situations

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(gravité des troubles, difficultés au maintien des prises en charge durant les hospitalisations prolongées en secteur adulte, épuisement de l’équipe).

Nous avons connaissance d’un cas de décès par suicide sur cet échantillon, pourcentage très supérieur au taux de suicide en population générale. Ce risque augmenté semble confirmé par la connaissance d’autres décès par suicide dans les échantillons de mineurs hospitalisés en secteur adulte des années suivantes, actuellement encore en cours d’analyse.

Discussion

Malgré le caractère assez restreint de l’échantillon, il se dégage un certain nombre de grandes tendances relative- ment homogènes. Ainsi et contrairement à bon nombre de représentations classiques chez les professionnels, les mineurs hospitalisés en secteur adulte sont des patients connus et repérés depuis plusieurs mois dans leurs par- cours de soins comme difficiles, ayant épuisé les dispositifs et outils classiques de prise en charge en pédopsychia- trie sans obtenir d’amélioration suffisante. L’hospitalisation s’organise donc en secteur adulte, généralement dans une circonstance d’urgence qui l’impose, faute d’autre solution accessible rapidement.

Dynamique évolutive actuelle ?

Même si cela mérite d’être vérifié par des explorations plus étendues dans le temps et dans l’espace, il semblerait qu’il existe une dynamique d’augmentation du nombre de ces situations sur ces dernières années. C’est ainsi qu’alors que le nombre de mineurs hospitalisés en secteur adulte sur le centre hospitalier Monteprrin était d’environ 10 par an (ce qui correspond aux résultats de l’étude sur 2013- 2014), ce nombre augmente actuellement avec 13 mineurs en 2015, 15 en 2016 et encore davantage en cette année 2017 alors même qu’une unité de soins intensifs intersecto- rielle pour adolescent a été ouverte sur notre département dans un hôpital voisin. Cela pose la question d’une réelle augmentation actuelle du nombre de cas, d’une évolution de la présentation clinique, de l’expression des difficul- tés. On peut également se poser légitimement la question de l’expression de plus en plus précoce, insécurisée et intense du vécu de crise chez des adolescents traversant de nos jours cette période dans une société de plus en plus pessimiste, elle-même en crise, et dans laquelle beau- coup doutent de l’avenir et d’une amélioration possible.

De la même fac¸on, l’affaiblissement des institutions, la réduction des moyens, la diminution des ratios person- nels soignant/patient permet-elle de continuer d’assurer une fonction contenante pour les jeunes générations ?

Quelles sont les conséquences d’un tel parcours ?

Il n’est pas rare de retrouver dans la littérature un cer- tain nombre d’articles rapportant l’existence de dynamiques

très positives autour du mélange de quelques adolescents pris en charge dans des services de psychiatrie adulte [20-23]. Néanmoins nous avons repéré à plusieurs reprises des vécus traumatiques de l’hospitalisation en secteur adulte, particulièrement lors de situation d’isolement thé- rapeutique. En effet, ce passage peut représenter un épisode particulièrement violent et difficile dans leur par- cours de soins, surtout chez les mineurs présentant de fortes angoisses ou des vécus d’abandon. De plus, les vives réactions émotionnelles des professionnels, l’inadéquation et la non-spécificité des moyens mis à disposition, ren- forcent parfois le sentiment d’insécurité du patient du fait de la difficulté des équipes à l’accueillir et à le contenir. Ces observations cliniques vont dans le sens de constats dres- sés par d’autres équipes et auteurs comme Palazzolo [24].

Cela nous pose par conséquent la question de la iatrogénie de la prise en charge en l’absence de dispositifs adaptés, et explicite et légitime le sentiment révolté des équipes de soins, des patients et de leur famille.

Quelles solutions ?

Le nombre relativement faible de ces situations ne per- met que le déploiement sur des territoires géographiques larges de dispositifs réduits, pris d’assaut, embolisés et donc malheureusement trop souvent non accessibles en urgence.

Il apparaît donc indispensable que chaque hôpital confronté à ce problème puisse lancer une réflexion décloisonnée entre secteur adulte et pédopsychiatrie, afin que des pra- tiques connues, repérées et consensuelles soient établies et mises en place par des équipes formées afin d’accueillir ces patients difficiles de manière plus adaptée et constructive, et dans un souci de réduire leur risque d’impact trauma- tique lié à la prise en charge. Ceci permettrait notamment d’appliquer les recommandations de l’AACAP qui a publié en 2002 desguidelines[25] autour des situations d’isolement chez l’enfant et l’adolescent.

Enfin, la création d’un observatoire relevant cette problé- matique sur le plan national et en recensant le nombre de cas et leur suivi apparaîtrait intéressant et nécessaire pour améliorer la qualité des soins d’une fac¸on globale et sensibi- liser tutelles et professionnels à ces questions délicates et hautement problématique sur le plan éthique.

Conclusion

Le faible encadrement législatif autour de la situation des hospitalisations contraintes chez les mineurs et l’absence d’équipements adaptés génèrent une mauvaise lisibilité de ces situations ainsi qu’une grande hétérogénéité dans les pratiques des professionnels de santé, souvent en grande difficulté face à la complexité de ces problématiques. Ces situations donnent lieu à des problèmes institutionnels importants qui génèrent beaucoup de souffrance chez les équipes et de conflits entre les professionnels.

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Les critères étudiés révèlent une gravité particulière ainsi qu’une forme d’impasse dans les prises en charge thé- rapeutiques concernant des problématiques émergentes à l’adolescence, s’exprimant principalement de fac¸on externalisée et sur un mode comportemental. Plus que l’hospitalisation en secteur adulte en elle-même, c’est davantage le recours trop systématisé à la CIT et sa durée d’utilisation prolongée qui apparaissent les éléments les plus préoccupants lorsqu’ils ne correspondent ni aux besoins thé- rapeutiques des patients, ni aux recommandations de la littérature. Enfin, le paradoxe du risque traumatogène lié à l’isolement chez un mineur au titre de sa protection finit de questionner ces pratiques et semble imposer leur évolution.

C’est ainsi, forte de ces constats et réflexions, que la communauté médicale du centre hospitalier Mont- perrin a récemment décidé de réaffirmer collégialement l’importance de la non-systématisation de l’isolement concernant les mineurs hospitalisés en secteur adulte, et mis en place un protocole de recours à des équipes et moyens spécialisés mobilisant la pédopsychiatrie mais aussi des soignants de psychiatrie adulte venant renforcer les effectifs des unités. Ce dispositif spécifique entre ainsi dans le cadre d’un projet de soin intensif individualisé, et peut faire l’objet d’une demande des moyens supplémentaires en termes de personnel si besoin afin de garantir une offre thé- rapeutique de qualité. S’il vise à permettre dès aujourd’hui un décloisonnement et une intensification des soins au ser- vice des adolescents hospitalisés en temps plein en service adulte, ce dispositif, s’intègre aussi pour le centre hospi- talier Montperrin, dans un projet de développement d’une réponse spécifique qu’il ne prétend pas représenter à lui seul. La question d’unités dédiées sur des périmètres à définir en tenant compte des évolutions épidémiologiques évoquées dans cet article est l’autre axe de travail retenu institutionnellement.

Enfin, dans une époque soucieuse de respecter les liber- tés individuelles comme les droits de l’enfant, la question de l’encadrement législatif de ces hospitalisations contraintes de mineurs demeure entière et interroge sur la place des juges pour enfants dans ces situations rares mais comple- xes, qui méritent toute notre vigilance.

Liens d’intérêts les auteurs déclarent ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

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Références

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