• Aucun résultat trouvé

La Corée du Sud : un leader mondial du numérique?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "La Corée du Sud : un leader mondial du numérique?"

Copied!
18
0
0

Texte intégral

(1)

Document du GÉRAC, no 15 – page 1 de 18

Documents du GÉRAC

Document no 15 - Février 2021

La Corée du Sud : un leader mondial du numérique?

Maxime Filiou

Étudiant à la maîtrise en études internationales École supérieure d’études internationales, Université Laval

maxime.filiou.1@ulaval.ca

Résumé

Cette étude porte sur les ambitions sud-coréennes d’hier, d’aujourd’hui et de demain, spécifiquement dans le domaine des technologies de l’information et des communications (TIC). Elle comporte en premier lieu une section plus descriptive, laquelle passe en revue une partie de l’historique du développement numérique de la Corée du Sud avant d’en arriver à la position actuelle du pays dans la « course » mondiale vers (et dans) un cyberespace toujours plus imposant. L’étude prend par la suite un ton plus analytique, puisqu’elle met en interrelation les deux plus grands courant théoriques de la discipline des relations internationales — le réalisme et le libéralisme — pour déterminer comment la Corée du Sud pourra occuper un rôle prépondérant sur la scène internationale, qui sera de plus en plus marquée par son volet numérique.

Introduction

Le continent asiatique a été ces dernières décennies le théâtre d’un développement économique fulgurant, lequel s’est manifesté particulièrement dans certains pays. Une appellation toute spéciale fut désignée pour dénommer ce groupe de pays chez qui ce développement a radicalement transformé la réalité quotidienne : les tigres asiatiques. En analysant la situation de la Corée du Sud, il est facile de voir pourquoi ce pays se retrouve parmi le groupe sélect des tigres. En effet, la rapide modernisation de l’économie sud-coréenne a propulsé le pays à l’avant-plan des secteurs économiques les plus dynamiques des dernières décennies : comme le secteur des semi-conducteurs ou le secteur de la téléphonie mobile. Prenant racine dans les années 1980, ce processus de modernisation comporte plusieurs chapitres dont l’étude historique montre une évolution logique qui est le résultat d’une multitude de facteurs. Certains passages-clés de cette évolution technologique feront l’objet de la première partie de ce travail.

Nous y découvrirons comment un courant d’innovation significatif, couplé à un contexte politico-économique international favorable et à une intervention gouvernementale agressive, ciblée et répétée, ont pu transformer radicalement la Corée du Sud en si peu de temps. Pourtant, si ce développement singulier est (à juste titre) perçu par plusieurs comme une histoire à succès, l’ambition sud-coréenne, nous le verrons, n’est pas à bout de souffle et ne montre pas de signe de ralentissement. Cela laisse croire que d’autres développements d’envergure restent à venir.

Forts d’une certaine compréhension historique du développement numérique coréen, nous pourrons donc poursuivre le travail en dressant un portrait actuel de la situation technologique de la Corée du Sud, pour déterminer l’existence (et la signification) d’un statut de leader mondial en la matière. Ce portrait sera multidimensionnel : il traitera tout autant de

(2)

Document du GÉRAC, no 15 – page 2 de 18

l’environnement national de l’État que de l’environnement international sur lequel le pays souhaite accroître son influence. Il fera également le pont vers la dernière partie du travail, en montrant que la nature modernisante du développement économique d’hier constitue en soi la clé des perspectives d’avenir de demain. C’est dans cette troisième partie du travail qu’il sera finalement question du « New Deal » sud-coréen, qui table sur les avancées technologiques du pays et sur son ambition ininterrompue pour propulser (à nouveau) le pays dans une ère nouvelle. Historiquement chargée de sens, cette expression laisse présager un nouveau développement d’envergure à l’échelle du pays, que nous aurons l’occasion de décortiquer et d’analyser en profondeur, et ce, en faisant intervenir dans le nouvel environnement numérique les deux plus grands courants théoriques des relations Internationales, soient le réalisme et le libéralisme. L’hypothèse retenue pour l’ensemble de l’étude est que le développement numérique sud-coréen s’est articulé tellement rapidement qu’il a su dans un premier temps combler un retard par rapport à la situation mondiale. L’élan d’innovation ne s’est pourtant pas arrêté lorsque ce retard fut comblé (deuxième temps), si bien que l’écart se creuse maintenant de l’autre côté; la moyenne accumulant, dans un troisième temps, un retard sur la situation de la Corée du Sud. C’est cette longueur d’avance nouvellement acquise qui offre aux Sud- Coréens la possibilité d’agir à titre de leaders et d’influencer la direction que pourrait prendre les prochains chapitres de la révolution numérique dans les décennies qui suivront.

1. Un développement propulsant…

Mettons tout d’abord quelque chose au clair. L’évolution des technologies de l’information et des communications (TIC) s’effectue à un rythme sans précédent. La vitesse du progrès dans le secteur est telle que peu de gens en comprennent réellement les proportions. Voici donc un petit fait insolite qui peut aider à saisir l’ampleur de cette réalité : en 1971, IBM dévoilait sa disquette de 20 centimètres capable de contenir un « impressionnant » 80 kilo-octets de données (Amankwah-Amoah, 2016, tableau 1). Presque 50 ans plus tard, en 2020, il est possible de trouver sur le marché une carte micro-SD (1,5 cm) capable d’en contenir une quantité d’un téraoctet. Le ratio octet/centimètre durant ces presque 50 années s’est donc multiplié par au moins 178 912 2311! Cette réalité doit être gardée en tête lorsque vient le temps d’étudier le développement historique de la Corée (ou de tout autre pays) au niveau numérique, puisque les objectifs qui sont poursuivis par un tel développement changent aussi rapidement que les contraintes technologiques dont les limites sont sans cesse repoussées. Selon Myŏng et Larson (2011, p. 3), deux auteurs qui nous intéresserons particulièrement au cours la première partie du travail, le caractère exponentiel de l’évolution technologique est justement un facteur-clé derrière le succès de la stratégie sud-coréenne de développement économique, qui a placé le monde des TIC au cœur de ses priorités. C’est d’ailleurs ce même dynamisme qui a forcé les auteurs en question à revoir leur œuvre de 2011, en écrivant une deuxième édition selon les nouvelles perspectives technologiques qui se sont développées dans la dernière décennie (sortie en 2020) et qui seront déjà bientôt dépassées, à en croire Myŏng et Larson qui planifient déjà l’écriture d’une troisième édition.

Pour simplifier le dynamisme évolutif des objectifs recherchés par une stratégie adaptative de développement numérique, nous reprendrons brièvement l’idée contenue dans le premier opus de Myŏng et Larson (2011) qui proposait alors de diviser l’histoire du développement numérique de la Corée du Sud en quatre grands courants d’innovation : la révolution des télécommunications (années 1980 et 1990), l’internet à haut-débit ou broadband (années 1990 et 2000), la téléphonie mobile (années 1990 et 2000) et l’omniprésence et la convergence des

1 Le calcul s’effectue selon le système binaire : 1To = 1024Go = 1048576Mo = 1073741824 Ko 1073741824 Ko * (20÷1,5) /80Ko = Ratio

(3)

Document du GÉRAC, no 15 – page 3 de 18

réseaux (ère toujours actuelle mais ayant évolué depuis 2011). Cette partie du travail est donc essentiellement un résumé historique en quatre phases de la démarche gouvernementale sud- coréenne dans l’industrie du numérique.

1.1 La révolution des télécommunications

La première vague d’innovation est spécifiquement intéressante dans la mesure où elle constitue le premier élan de la marche sud-coréenne vers une modernisation accélérée. Ce premier pas est d’autant plus important, puisque la situation sud-coréenne de 1980 est particulièrement pénible. Politiquement instable depuis l’assassinat du président Park Chung Hee en 1979, le pays est également aux prises avec une crise économique des suites d’une récolte agricole désolante. De surcroît, le projet de construction du réseau national de télécommunication était jusqu’alors inefficace. L’absence d’initiative privée et du dynamisme qui aurait pu découler de celle-ci fait que la mise en place du réseau analogique est excessivement lente et qu’elle continue toujours de prendre du retard. Selon le Dr. Myŏng Oh (2011), un des auteurs ci-haut mentionnés qui a pris part aux réformes gouvernementales du début des années 1980, c’est une série de différentes décisions émanant de la « Maison Bleue

» (résidence et bureau du Président de la République de Corée du Sud) qui a agi en tant que catalyseur de la nouvelle révolution, qui allait par la suite bouleverser le pays sur les plans structurel, institutionnel et politique.

Un plan à long terme issu de la concertation d’un grand nombre d’experts académiques et d’agents gouvernementaux a mis l’accent sur trois composantes de l’industrie électronique en particulier : les semi-conducteurs, les commutateurs électroniques et les ordinateurs (Myŏng et Larson, 2011, p. 26). Les semi-conducteurs sont une composante essentielle des appareils électroniques que l’on connaît tous aujourd’hui, mais qui représentaient à l’époque un défi de taille pour une économie qui n’était pas du tout familière à ce type d’industrie. Ce sont des matériaux qui, comme leur nom l’indique, peuvent conduire l’électricité seulement lorsque soumis à une condition spécifique. En contrôlant cette condition, il est donc possible d’ouvrir et de fermer un circuit électrique, et ce, à une échelle toujours plus petite. La multitude de circuits électriques contrôlables dans un appareil forme ce qu’on appelle l’électronique, qui peut automatiser certaines fonctions de l’appareil selon son utilisation voulue. L’importance de l’industrie des semi-conducteurs est donc capitale pour toute innovation technologique subséquente. Le potentiel de l’industrie ne fait d’ailleurs pas que l’envie des sud-coréens. Le centre névralgique de l’innovation en la matière se trouve plutôt de l’autre côté de l’océan Pacifique, en Californie. Dans la Silicon Valley, des entreprises bien connues comme Sun Microsystems, IBM, Texas Instruments ou encore Intel tracent alors la voie de l’industrie.

Le nouveau plan issu de la Maison Bleue a également été caractérisé par l’implication d’initiatives autres que gouvernementales à la stratégie de développement numérique, comme celle des chaebols. Les chaebols sont des grands conglomérats d’entreprises privées appartenus par une même famille. L’histoire de la Corée du Sud est fortement influencée par ces chaebols qui, aux dires de Murillo et al. (2013), plaident en faveur d’une certaine « gouvernance corporative ». Soucieuse de rattraper ses compétiteurs les plus directs comme le Japon, la Corée a dû désigner ses propres « champions » du monde privé, à qui elle offrait des opportunités contractuelles exclusives afin d’aider à la vitesse du développement de ces nouveaux géants.

Suivant le courant néolibéral des années 1980 et 1990, la Corée du Sud a ainsi laissé beaucoup de place au secteur privé, qui s’est lui-même parfois servi de son influence auprès du gouvernement, par l’entremise de stratégies de corruption, notamment (Murillo et al., 2013, p.

5). En outre, les chaebols les plus connus en occident sont sans doute : Samsung, Hyundai Motor, ou encore LG. Il va donc sans dire que l’influence des chaebols est considérable dans

(4)

Document du GÉRAC, no 15 – page 4 de 18

l’histoire du développement technologique de la Corée, en particulier pour Samsung, qui est déterminée à rattraper l’écart technologique qui persiste entre elle et ses compétiteurs internationaux. Tant en ce qui a trait au projet TDX (expliqué dans le paragraphe suivant) qu’à d’autres avenues amenées par la percée technologique des semi-conducteurs, les chaebols y ont vu une perspective de développement phénoménal, laquelle fut rendue possible par certains facteurs-clés. En premier lieu, on a noté la disponibilité d’une main d'œuvre sud-coréenne spécialisée dans le domaine. Celle-ci, pour la plupart déjà employée dans la Silicon Valley, s’est vue courtisée par l’offre d’un « retour à la maison » et d’une contribution à la nation. Le fait qu’un tel exode des cerveaux ait eu lieu et qu’une dynamique calculée ait été mise en place pour inverser cette tendance montre déjà la volonté de combler le retard de l’innovation en la matière. Dans cette optique de rattrapage et de compétition, l’investissement des différents chaebols dans l’industrie des semi-conducteurs dépasse 5,2 milliards dans la décennie 1980 (Myŏng et Larson, 2011, p.38). Samsung réussit d’ailleurs en 1983 une épreuve de force, en produisant la fameuse puce 64K DRAM, qui était jusqu’alors la référence de l’industrie (DRAM signifie « dynamic random-access memory », une composante cruciale de l’informatique à cette époque). C’est cependant trop peu trop tard dans la course à la révolution numérique, alors que les Américains et les Japonais s’affairent déjà à produire la 256K DRAM, 4 fois plus performante (Nelmes, 1984). Samsung ne baisse pas les bras pour autant. Rang-Ri Park-Barjot, dans son livre portant sur ce conglomérat, écrit ceci : « Il existe trois méthodes pour combler un retard technologique : le transfert de technologie par acquisition (de licence d’exploitation ou de brevet), le rachat d’une entreprise ou le développement propre. Samsung a préféré effectuer les nécessaires transferts de technologie avec des entreprises américaines ou japonaises au moyen de joint ventures. Établie en 1985, Samsung Data Systems s’est associée avec IBM afin de développer le software. En 1988, Samsung fusionne sa filiale « Semiconductor & Telecommunications » avec sa filiale principale Samsung Electronics, dans le cadre d’un remodelage de l’entreprise qui se prépare déjà à un rôle de leadership de l’industrie du XXe siècle (Park-Barjot, 2008).

Malgré un retard handicapant sur les compétiteurs américains et japonais, une meilleure aisance dans les semi-conducteurs a certainement été un élément essentiel au développement du projet TDX, qui souhaitait pour sa part se servir de commutateurs électroniques pour transformer la technologie inhérente au réseau téléphonique utilisé jusqu’alors en Corée du Sud. Le réseau, qui comptait jusqu’alors sur la vieille technologie analogique pour relier les citoyens, a ainsi fait graduellement le saut vers le numérique. Mise en place entre autres par ETRI (Electronics and Telecommunications Research Institute), un institut relevant du ministère sud-coréen de la science et de la technologie, cette transition a donné un souffle nouveau à la construction du réseau de télécommunication national, lequel s’est avéré vital pour la suite du développement numérique du pays. Il s’agirait même là, selon le Dr. Myŏng Oh (2011), du plus grand accomplissement sud-coréen dans le développement historique du secteur des télécommunications. Il écrit en effet : « Le développement de TDX n’a pas seulement provoqué une progression rapide des technologies de l’information et de télécommunication sud- coréenne, mais il a aussi réduit substantiellement les dépenses associées à l’importation d’équipement fabriqué à l’étranger » (traduction libre). Un tel tour de force, lorsqu’analysé en relation avec le retard qu’entretenait toujours la Corée du Sud à l’époque, annonce déjà un certain rattrapage.

1.2 L’internet à haut débit

Tim Berners-Lee, l’homme à qui on crédite l’invention du World Wide Web, a indiqué à quelques reprises que sa contribution n’est que le fruit d’autres innovations précédentes qu’il a su combiner. C’est en 1989 qu’il a effectivement proposé d’appliquer le principe de

(5)

Document du GÉRAC, no 15 – page 5 de 18

l’hypertexte (déjà existant) à l’utilisation d’internet (déjà existante). Ce faisant, il a marqué le début d’une nouvelle ère de communication caractérisée par l’arrivée d’un nombre considérable de machines qui, pour communiquer en réseau, devaient tous emprunter la même voie, qui est vite devenue engorgée. En Corée du Sud, on semble alors assister à une problématique découlant de la même dynamique qui affectait le réseau téléphonique analogique des années 1970 : l’infrastructure réseau (maintenant en grande partie numérique grâce au projet TDX) ne parvient plus à satisfaire la demande croissante de requêtes de connexion.

Pour accommoder ce nouveau développement, l’idée des « autoroutes de l’information » commence alors à faire son chemin dans la première moitié des années 1990; non seulement en Corée du Sud, mais aussi partout dans le monde. Voilà que l’expérience acquise durant la mise en place du projet TDX devient un atout primordial pour le gouvernement coréen de l’époque, qui peut toujours compter sur l’expertise de l’ETRI. Cette expérience servira à développer rapidement un accès à internet, en réaction à cette nouvelle évolution significative du monde numérique. C’est la naissance du projet KII (Korea Information Infrastructure), qui prévoit une implantation d’un réseau de fibre optique dont le financement a été d’abord subventionné par l’État coréen, qui en est devenu le premier bénéficiaire puisque le réseau a eu pour première tâche de lier les différents ministères nationaux. Les phases suivantes de la mise en place du réseau sont quant à elles le fruit d’un partenariat public-privé (PPP), dont ont fait partie les grands chaebols connus. La technologie spécifique (ligne d’abonné numérique asymétrique, mieux connue sous l’acronyme « ADSL ») développée par le projet est choisie en fonction de sa facilité relative à l’exportation : le projet prévoit non seulement la construction de l’infrastructure sur le territoire national, mais éventuellement aussi dans d’autres pays. L’envergure du projet KII, mise en perspective historique avec la situation dans laquelle se trouvait le pays à peine 16 ans plus tôt, en 1979, témoigne à la fois d’une ambition et d’une réussite invraisemblable. Bien que la Corée doive encore à cette époque composer avec un retard de développement dans le secteur numérique, en comparaison avec les grands leaders mondiaux en la matière, l’aboutissement du projet KII montre une fois de plus que l’écart se rétrécit. Comme pour le World Wide Web, le projet KII peut être appréhendé en tant qu’innovation recombinante, puisqu’il recycle la méthode efficace du projet TDX qui consiste en une intervention gouvernementale spécifiquement conçue pour instaurer la participation subséquente du secteur privé. Seulement cette fois, la confiance acquise en la méthode aura permis au gouvernement d’agir encore plus audacieusement en ce qui a trait à son intervention dans l’économie numérique en évolution. Initialement prévue pour 2015, la fin du projet arrive plutôt en 2005; tous les objectifs s’y rattachant étant déjà rencontrés.

1.3 La téléphonie mobile

En parallèle à l’innovation filaire des projets TDX et KII, un autre volet de la révolution numérique occupe les autorités sud-coréennes : celui de la téléphonie mobile. Hautement complexe, la nature de cette innovation ne sera pas profondément abordée dans cette partie, mais il reste utile de noter la continuité des démarches audacieuses du gouvernement. Guidées par le même modus operandi qu’auparavant, les instances du gouvernement national optent pour l’élaboration d’un nouveau projet autour du protocole technologique CDMA (« code division multiple access »). Il s’agit là d’une décision risquée, puisque mondialement, les différents réseaux de téléphonie mobile ne suivent pas tous le même protocole et qu’une lutte à l’harmonisation des protocoles se dessine entre les grands joueurs de l’économie mondiale intégrée. Effectivement, deux protocoles plutôt incompatibles retiennent l’attention à l’heure de la mise en service de la 3G, soient le CDMA et le W-CDMA (dont l’ancêtre est le GSM, pour « Global system for mobile communication »). Les pays d’Europe et le Japon optent pour

(6)

Document du GÉRAC, no 15 – page 6 de 18

le W-CDMA, alors que les États-Unis et leur gros joueur Qualcomm semble plutôt opter pour la technologie CDMA. En prenant position rapidement en faveur du protocole CDMA (première au monde à le faire), la Corée du Sud prend de court les entreprises étrangères qui œuvrent sur le marché sud-coréen de l’équipement de télécommunication. Un groupe imposant de manufacturiers sud-coréens mettent la main à la pâte et développent rapidement, au moyen d’un programme de recherche et développement coûteux, un système CDMA qui prend du service dès 1996. Motorola, qui comptait assurer ce service seul en Corée, perd une partie importante du marché au profit des entreprises nationales sud-coréennes dans la seconde moitié des années 1990. Ce choix audacieux permet aussi éventuellement la collaboration avec le géant américain Qualcomm, détenteur des droits de propriété intellectuelle du système CDMA (Myŏng et Larson, 2011, p. 97), ce qui facilitera par la suite la distribution de l’équipement technologique sud-coréen ailleurs dans le monde. L’indépendance acquise de la Corée du Sud en matière d’innovation dans la technologie des réseaux s’avérera grandement utile plus tard, puisque rapidement, l’industrie de la téléphonie mobile évolue pour inclure de nouvelles fonctionnalités dans un même appareil. Cela multiplie toujours plus les requêtes envoyées sur des réseaux qui doivent aussi évoluer, pour traiter toutes ces requêtes dans un temps adéquat.

Nous verrons les résultats de cette dynamique plus loin dans le travail, notamment avec la technologie la plus actuelle en la matière : la 5G.

1.4 La convergence des réseaux

Avec une tendance aussi rapide de la révolution numérique internationale et une augmentation constante des instances où l’individu moyen est connecté, l’idée du réseau omniprésent est devenue en quelque sorte l’aboutissement logique de cette tendance à atteindre. On souhaite étendre les réseaux pour couvrir absolument tout l’espace d’un pays, tout en stimulant une utilisation de plus en plus forte de ce réseau, notamment par la mise en place de villes intelligentes. Au cours des années 2000, une telle omniprésence des réseaux devient la cible à long terme à atteindre pour plusieurs états, dont la Corée du Sud qui aimerait bien être la première à y arriver (U-KOREA Master Plan, 2006). L’état d’omniprésence des réseaux, tout comme la définition du terme « broadband », relève pourtant de la relativité, puisque les standards en la matière sont constamment relevés. Ainsi, tout comme la « broadband » de la 2G de 1991 ne pourrait en aucun cas être considérée en tant que bande « large » aujourd’hui, l’omniprésence des réseaux prend toujours un nouveau sens à mesure que les entités connectées se multiplient. Tout compte fait, la volonté de repousser les limites de la connexion et de la technologie amène les Sud-Coréens à imaginer des « villes du futur », lesquelles sont à la fois un laboratoire quant à la faisabilité d’un tel projet et à la fois une démonstration du savoir-faire du sud de la péninsule. Bien sûr, Séoul, la capitale sud-coréenne, est visée par ce type de projet, mais on souhaite également construire de nouvelles villes dont l’architecture serait entièrement pensée en fonction d’une connectivité fortement accrue. Songdo, une ville située non loin de la capitale, a été construite avec cette ambition. Dès 2001, on commence à planifier le gigantesque projet de construction, qui sera financé, encore une fois, selon un PPP, qui est estimé à une valeur de 40 milliards de dollars américains. Un des partenaires majeurs est l’entreprise américaine Cisco, qui est chargée d’assurer la connectivité réseau dans la ville.

Dans cette ville intelligente faisant partie d’une zone franche (« Free Economic Zone »), tout est repensé en fonction des systèmes informatiques qui travaillent conjointement. Du système de gestion des déchets aux feux de circulation intelligents, la ville peut certainement se targuer d’être à l’avant-plan du futur. Seul hic, le nombre de citoyens ayant jusqu’à maintenant établi domicile dans la ville est dramatiquement bas par rapport à l’ambition colossale du projet (Labrecque, 2017). Cette situation quelque peu gênante met en lumière un élément important relié à l’hypothèse principale du travail : consciente de la vitesse à laquelle s’articule la révolution numérique, et dorénavant apte à prendre une initiative ambitieuse pour devancer le

(7)

Document du GÉRAC, no 15 – page 7 de 18

processus, la Corée du Sud risque soudainement de faire faux pas, en entreprenant un projet qui n’a toujours pas fait ses preuves ailleurs.

Samsung a aussi emboîté le pas en matière de « smart city ». Le chaebol le plus puissant de la Corée du Sud a effectivement mis sur pied des « villages Samsung », dont le plus gros se situe à Suwon, une ville située elle aussi très près de Séoul. Ce « village » qui est surnommé « Samsung Digital City » sert aussi de quartier général pour la division électronique de Samsung.

Si les images à l’intérieur de la « Digital City » se font rares, certaines incursions journalistiques à l’intérieur du « village » montrent l’aspect futuriste des lieux dans lesquels quelques 32 000 employés de Samsung travaillent (Saiidi, 2019). La réalisation de ce type de projet novateur amène à penser que les ambitions sud-coréennes en ce qui a trait à la révolution numérique ne consistaient pas seulement à rattraper le retard accumulé dans cette industrie en évolution, mais plutôt à dépasser les compétiteurs internationaux pour s’ériger en pionniers dans le domaine.

Or, cette course qui s’opère commercialement et politiquement un peu partout sur la planète continue de s’accélérer avec la venue de nouvelles technologies comme l’intelligence artificielle, la réalité augmentée ou virtuelle, l’internet des objets, etc. Où la Corée du Sud en est-elle à l’heure actuelle?

2. Ambition de leadership

Après l’effort de narration historique et âprement technique de la première partie du travail, il est important de rappeler une chose : le développement numérique de la Corée du Sud s’inscrit aussi dans une perspective beaucoup plus concrète pour le quotidien des citoyens sud-coréens.

Ainsi, si le cyberespace peut être expliqué en des termes techniques qui sont parfois lourds et parfois flous, il peut aussi être abordé sous un aspect beaucoup plus pratique. En effet, si le gouvernement sud-coréen y est allé d’une stratégie aussi audacieuse dans l’implantation graduelle et évolutive de l’infrastructure technologique, c’est qu’il a avant tout reconnu le caractère profondément transformatif du nouvel univers qui est rendu possible par ces innovations (Shin et al., 2017). Économiquement, la nouvelle technologie a la particularité d’être à la fois un extrant (produits finis manufacturés) et un intrant (ordinateurs qui assurent la coordination) dans le processus de production. Socialement, la présence de nouveaux vecteurs de communication décuple les opportunités de contact, que ce soit au travers d’un réseau social, d’un jeu vidéo ou d’une conversation téléphonique. Scientifiquement, la technologie apporte de nouveaux outils qui peuvent s’avérer grandement utiles dans des domaines comme celui de la santé ou de l’aérospatial. En outre, il est bénéfique à plusieurs égards de développer la technologie numérique comme l’a fait la Corée du Sud. Mais qu’en est-il de la situation aujourd’hui? Le « retard » coréen dont il était question durant la première partie du travail est-il complètement devenu chose du passé? Voici le portrait de la situation en 2020.

2.1 Des statistiques de leader

L’Union internationale des télécommunications rend public chaque année un rapport contenant l’indice de développement numérique (IDI). Cet indice est une mesure combinée de 11 indicateurs qui calculent l’importance relative de la société de l’information dans un pays donné. Selon les données les plus récentes, qui datent de 20172, la Corée du Sud obtient le

2 Une tentative manquée de réforme de la méthode de calcul est la raison pour laquelle les données de 2017 sont les plus récentes. Pour plus de détails sur le sujet :

https://www.itu.int/en/ITU/Statistics/Pages/IDI2019consultation/default.aspx

(8)

Document du GÉRAC, no 15 – page 8 de 18

deuxième meilleur résultat au niveau mondial en terme d’IDI, avec un score de 8,85. Pour référence, le Canada obtient quant à lui le 29e rang, avec une note de 7,77. La performance de la Corée du Sud en 2017 n’est pas surprenante lorsqu’on la compare aux résultats des années antérieures.

Effectivement, en 2015 et 2016par exemple, les Sud-Coréens trônaient

au sommet du

palmarès. Décidément, les interventions gouvernementales répétées dont il a été question dans la première partie du travail ont porté fruit à cet égard. Et même si l’IDI n’a pas été calculé depuis 2017, il est évident que la Corée du Sud continue de bien performer. Un indice qui nous permet d’en venir à cette conclusion est la vitesse à laquelle le territoire s’équipe de la technologie 5G, par rapport à la majorité des autres pays de la planète.

Le service 5G est en effet offert dans les régions métropolitaines depuis 2019. Depuis, plus d’un demi-million de personnes ont fait le saut sur cette nouvelle « autoroute de l’information

». Toutefois, la transition ne s’effectue pas sans quelques soucis : certains consommateurs se plaignent en effet d’une connectivité défaillante et d’une surutilisation de la batterie de leur appareil (Suzuki, 2020). Il s’agit peut-être ici encore d’un « faux pas » comme celui concernant la ville de Songdo, en ce sens où la volonté d’agir rapidement peut provoquer des erreurs de parcours, lesquelles font partie du risque associé à l’innovation.

La Corée du Sud compte sept universités parmi les cent meilleures en matière d’ingénierie et de technologie, selon le prestigieux classement QS de 2020. Celle qui obtient le meilleur score se positionne au 16e rang; il s’agit de KAIST (« Korea Advanced Institute of Science &

Technology »). L’établissement a été nommé l’université la plus innovante de la région d’Asie- Pacifique (QS, 2020). Cet enseignement supérieur de qualité en matière d’ingénierie et de technologie assure un apport important en matière grise pour les grandes compagnies sud- coréennes. Justement, en ce qui a trait aux performances de ses grands joueurs du secteur privé dans le monde de la technologie, la Corée du Sud est également en bonne posture. Bien sûr, Samsung est en tête de liste. Elle figure au 19 e rang des compagnies les plus profitables du monde, selon le classement Fortune Global 500 de 2020. En moyenne, depuis deux ans, il s’agit également de la compagnie détenant la plus grande partie du marché mondial des téléphones intelligents, avec un pourcentage oscillant entre 18,8 % et 23 % des ventes selon les trimestres analysés (Données de IDC). Pour ce qui est du marché nord-américain des téléviseurs intelligents, Samsung menait confortablement la course en 2019, avec 43,4 % durant le troisième trimestre (Eun-jin, 2019). Pour le même trimestre, la part non négligeable de LG (19,1 %) s’ajoute à la force de la Corée du Sud dans ce marché en croissance. LG occupe pour sa part le 207e rang du classement Fortune Global 500. Ces performances du secteur privé à l’international sont rendues possibles par une intégration économique particulièrement intense de la Corée du Sud dans les marchés mondiaux. En plus du RCEP (Regional Comprehensive

(9)

Document du GÉRAC, no 15 – page 9 de 18

Economic Parnership) qui vient tout juste d’être signé et qui devrait voir naître la plus grosse zone de libre-échange du monde, la Corée du Sud fait partie à de nombreux autres accords régionaux, notamment avec le Canada, les États-Unis et l’Union Européenne.

Manifestement, la Corée du Sud présente un portrait prometteur pour un leadership dans le domaine du numérique. Cela dit, il ne faut quand même pas se leurrer; d’autres pays sont également en excellente posture pour prendre les rênes de l’évolution technologique, si bien qu’aucun État ne pourra aspirer à une hégémonie en la matière. Dans ce contexte où compétition et coopération devront coexister sur la scène internationale, il est intéressant de se demander en quoi consiste le rôle d’un leader mondial du numérique.

2.2 Un rôle de leader?

Depuis sa genèse, que l’on pourrait arbitrairement placer durant la Deuxième Guerre Mondiale (Shelburne, 2017), la révolution numérique s’est en grande partie articulée dans des « foyers » précis, là où étaient rassemblées connaissances scientifiques, volonté d’innovation et capacités matérielles. Décidément, les États-Unis ont été le « foyer » par excellence depuis le tout début.

Pourtant, le leadership américain dans le monde numérique, quoique toujours fortement perceptible, a dû composer avec l’ascension technologique de plusieurs compétiteurs.

Paradoxalement, cela n’est pas nécessairement mauvais pour les États-Unis. En effet, la course interétatique vers le progrès technologique peut ne pas être vue telle un jeu à somme nulle, mais plutôt comme un jeu à somme positive. Ainsi, il est défendable de dire que les États-Unis sont dans une meilleure situation, technologiquement parlant, aujourd’hui que dans les années 1980, malgré l'apparition de nombreux compétiteurs comme la Corée du Sud. C’est que l’ouverture du système commercial international en place assure une certaine coopération inopinée entre les concurrents (Heimans, 2018, p. 22). Par exemple, lorsque le premier iPhone est sorti en 2007, l’efficacité du modèle de téléphone à écran « géant » et à un seul bouton a vite été constatée chez les autres fabricants de téléphones. S’en est suivie une refonte des modèles des compétiteurs. Idem pour des innovations de type « software » : Android, le système d’opération développé (et constamment mis à jour) par la compagnie américaine Google, est intégré dans une panoplie de téléphones, dont ceux produits par Samsung (Corée du Sud), LG (Corée du Sud), Huawei (Chine), HTC (Taïwan), Nokia (Finlande), etc. À la lumière de ce que nous avons vu jusqu’à maintenant, il apparaît clair que la Corée du Sud correspond dorénavant à un « foyer » dans lequel la révolution numérique pourrait continuer de se développer, mais le pays devra continuer de tenir compte de l’importance de ces relations interétatiques lorsqu’il voudra guider cette révolution. En relations internationales, les avantages de la coopération sont vus différemment selon la lunette théorique utilisée. Pour Joseph Nye, fervent défenseur (et co-créateur) de la théorie néolibérale, la « révolution de l’information » (que nous avons préféré appeler dans ce travail la révolution numérique) est une des réalités qui rend la coopération interétatique absolument cruciale (Nye, 2005, p. 84).

La capacité d’internet à traverser aisément les frontières, pour le meilleur et pour le pire (Heimans, 2018, p. 51-53), s’ajoute en effet à une liste de circonstances dont le contrôle est impossible à garder à l’intérieur d’un seul État. D’autres éléments de la liste incluent les changements climatiques, les flux financiers, les flux migratoires, le terrorisme, les pandémies, etc. Dans cette optique libérale, le statut de leader mondial du numérique ne signifie pas seulement d’afficher les meilleures statistiques, mais également de faire preuve d’une bonne volonté dans les rapports bilatéraux et multilatéraux qui relèvent de la révolution numérique.

La promotion de la voie numérique comme solution à des problèmes globaux peut faire partie de la marche à suivre pour faire reconnaître un tel leadership. La crise de la COVID-19 est peut-être un bon exemple à cet égard : la réponse sud-coréenne à la pandémie a été fortement construite en fonction de ses habiletés à concevoir une solution à une telle problématique sous

(10)

Document du GÉRAC, no 15 – page 10 de 18

un angle technologique (Park et al., 2020). Le développement international est aussi une autre voie sur laquelle la Corée peut vanter (et contribuer à mettre en place) sa solution technologique. Enfin, les standards de cybersécurité et leur codification dans le droit international pourraient aussi profiter d’une collaboration interétatique, à laquelle Séoul aurait les outils pour contribuer amplement. Pour résumer ces propos, un aspirant leader mondial en numérique ne peut faire fi des réalités présentées par Joseph Nye; il doit contribuer à mettre en place à ce que j’appelle le multilatéralisme 2.0. Nous y reviendrons dans la partie 3.3 du travail.

De l’autre côté du spectre théorique des relations internationales se trouve le courant réaliste, dont la pertinence dans le cyberespace est indubitable. Si la cybersécurité est un sujet dont on peut traiter à l’international, la grande majorité des préoccupations en la matière est surtout relative à la sécurité nationale. Brad Smith, le président et officier légal en chef de Microsoft, proclame même le cyberespace comme étant le nouveau champ de bataille interétatique. Selon lui, de façon simpliste et illustrative, l’humanité se serait d’abord battue sur terre, ensuite sur la mer, ensuite dans les airs et dorénavant dans le cyberespace (Kjaergaard et al., 2019). Depuis la séparation de la péninsule coréenne en 1945, une rivalité haute en couleur anime les relations entre les deux Corées, laquelle est cimentée par des idéologies foncièrement contradictoires. Si un cessez-le-feu est en vigueur depuis 1953 entre les deux pays, les hostilités, elles, n’ont pas cessées. Avec des considérations minimales pour les règles de droit international, la Corée du Nord peut représenter une menace numérique de taille pour les Sud-Coréens, d’autant plus que des groupes expérimentés de « hackers » sont financés par l’État-voyou. Justement, en 2013, une attaque de grande envergure a secoué des dizaines de milliers d’ordinateurs des réseaux bancaires et médiatiques sud-coréens (Martin, 2016). Le groupe « Lazarus », opérant à l’époque sous le pseudonyme « Whois » (Zetter, 2016), est à l’origine de l’attaque. Ce groupe, dont les attaques sont de plus en plus sophistiquées, semble avoir fait de la Corée du Sud une de ses cibles préférées : en 2017, de nouvelles attaques ont notamment visées certains services sud-coréens qui opèrent dans le domaine novateur des crypto-monnaies. Au-delà des menaces provenant de son rival du Nord, la Corée du Sud

doit aussi envisager des attaques venant d’ailleurs sur la planète, par des entités dont la nature n’est pas nécessairement étatique. La possibilité d’agir à titre anonyme, et potentiellement impunément, dans le cyberespace, confère en partie à cet environnement numérique et connecté une dimension analogue à « l’état de nature » dont parlait Thomas Hobbes dans Léviathan. Dans cette optique, la théorie des jeux penche plutôt vers un jeu à somme nulle. Prenons par exemple les droits de propriété intellectuelle de Samsung, qui sont certains de faire l’envie de plusieurs pirates du web : une intrusion réussie dans les serveurs de la compagnie serait considérée fortement positive pour les pirates, mais catastrophique pour Samsung, qui verrait certains secrets commerciaux dévoilés au grand jour. Dans cette optique, un leader mondial du numérique se doit d’actualiser constamment les outils avec lesquels il travaille, pour pouvoir

(11)

Document du GÉRAC, no 15 – page 11 de 18 faire face aux menaces qui, elles aussi, se perfectionnent.

En matière de commerce technologique, la compétition dans certains secteurs peut aussi prendre l’apparence d’un jeu à somme nulle. C’est le cas notamment dans la course à l’implantation de la technologie 5G. Selon un bref rapport venant du think tank CSIS, la Corée du Sud fait face à un dilemme de taille dans son choix de partenaire pour la transition. La guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine force la Corée du Sud, alliée des Américains, à reconsidérer ses liens commerciaux avec la Chine et son joueur-étoile de la 5G, Huawei (Hemmings et al., 2020). La collision entre les intérêts commerciaux et sécuritaires sud-coréens est d’autant plus inconfortable que l’intégration asiatique du marché du numérique est grandement profonde; une rupture avec Huawei représenterait des pertes considérables en vente pour les chaebols de l’électronique à court-moyen terme. À long terme, un isolement commercial de Huawei (négatif) pourrait pourtant s’avérer bénéfique pour Samsung (positif), qui lui fait compétition en tant qu’équipementier 5G (somme nulle). Ainsi, ce que certains appellent la guerre froide 2.0, entre les États-Unis et la Chine, réduit les chances de mettre en place un multilatéralisme 2.0 efficace.

En somme, le statut de leader mondial du numérique est plus complexe qu’on pourrait le penser. Il semble nécessiter l’établissement d’un équilibre entre la bonne foi interrelationnelle, d’une part, et le comportement stratégique offensif et défensif, d’autre part. En relations internationales, un autre courant théorique pourrait aborder cet équilibre selon une perspective éclairante pour un état aspirant au statut de leader mondial du numérique : le constructivisme.

Pour illustrer cet argument, je présente ici ce que j’appellerai la métaphore des portes, qui sera évoqué jusqu’à la fin de l’article. Considérant la vitesse à laquelle la révolution numérique s’articule, il est extrêmement difficile ‒ voire même impossible – pour un État retardataire d’orienter les grandes lignes de l’évolution future du domaine. Les « portes » par lesquelles l’état passe au cours de son développement ont déjà été ouvertes par les pionniers du numérique; il ne peut se contenter que d’emprunter le chemin déjà façonné. Avec son développement fulgurant en matière de numérique, la Corée du Sud s’est en quelque sorte fabriquées des clés lui permettant d’ouvrir de nouvelles portes. En ayant dorénavant le luxe de choisir quelle porte ouvrir, la Corée du Sud pourra influencer le trajet de développement des états derrière elle, qui devront passer par le même chemin. Une citation du Président sud-coréen Moon Jae-in, prononcée dans sa remarque d’ouverture du sixième rassemblement en urgence du conseil économique en juin 2020, évoque exactement ce principe : « This Korean New Deal is a new national development strategy to leap from being a fast-follower to a pace-setter ».

Voyons donc quelles portes le gouvernement sud-coréen souhaite déverrouiller dans le futur.

3. Le New Deal sud-coréen et le leadership global

La troisième partie du travail concerne les ambitions de la Corée du Sud par rapport au futur du monde numérique. Cette partie se divise en trois sections, dont les deux premières concernent directement le New Deal sud-coréen, qui est un plan de grande envergure fraîchement concocté en 2020. Tout comme les initiatives gouvernementales abordées précédemment dans ce travail, le New Deal implique une importante intervention gouvernementale. Le terme fait référence au contexte américain des années 1930, alors que le pays se relevait d’une crise économique sans précédent. Couronné de succès, le New Deal original de Franklin Delano Roosevelt fait aujourd’hui l’objet d’une reprise conceptuelle en tant que solution à la crise économique suscitée par la pandémie de COVID-19. La version sud-coréenne du New Deal est composée des volets « Green New Deal » et « Digital New Deal

(12)

Document du GÉRAC, no 15 – page 12 de 18

». À terme, le plan prévoit un investissement équivalent à 62 milliards de dollars américains, lequel devrait stimuler une forte création d’emplois tout en assurant la compétitivité du secteur privé sud-coréen (Stangarone, 2020; Kirk, 2020). La troisième section de cette partie du travail concerne la coopération internationale. En effet, dans le souci de répondre aux exigences du statut de leader mondial du numérique, la Corée du Sud semble s’engager, notamment par l’entremise de ses actions à l’OCDE, dans une mise en chantier du multilatéralisme 2.0.

3.1 L’environnement et l’aspect social

Parmi les grandes problématiques du 21e siècle se trouve bien sûr la crise environnementale.

La complexité de ce problème aurait pu faire à elle seule l’objet de ce travail. En effet, un nombre colossal de facteurs et de variables sont à considérer dans l’analyse d’un plan d’action pour s’attaquer au problème environnemental. Tel que mentionné plus haut, le New Deal sud- coréen comporte deux volets, dont un des deux se penche spécifiquement sur l’environnement : le « Green New Deal ». Pourtant, l’union des deux volets sous un plan global n’a rien d’un hasard. Les nouveaux outils technologiques issus de plan numérique seront, aux yeux de la Corée du Sud, cruciaux dans l’élaboration du plan vert. Dans un communiqué de presse datant du 1er juin 2020, le bureau sud-coréen des politiques économiques détaille justement en quoi consistera le « Green New Deal » : réseaux électriques intelligents, réseaux d’aqueducs intelligents, routes intelligentes, construction de complexes industriels intelligents et efficients… Bref, on comprend bien que l’écologie passera à coup sûr par la technologie.

Additionnellement, le New Deal sud-coréen comporte une dimension sociale importante. Le président Moon Jae-in considère le plan comme étant conçu spécifiquement pour aider sa population, toujours selon une vision axée sur le progrès technologique. La création d’emplois de qualité, tout d’abord, est perçue comme une résultante sociale positive du plan. Ensuite, il y a l’élargissement du filet social, qui comprend notamment des mesures spécifiquement conçues pour les quadragénaires qui devront revoir leur parcours de carrière en réponse à une nécessaire réorganisation de la main-d'œuvre dans une économie en transformation (MEF, 2020).

Finalement, le plan prévoit mettre une emphase sur l’inclusivité numérique. Plus spécifiquement, on cible la mise en place de connexions internet haute vitesse dans environ 1300 villages éloignés et l’accès à un réseau sans fil public dans 41 000 nouveaux lieux publics.

Soucieux de la cybersécurité des petites et moyennes entreprises (souvenons-nous de la menace constante dans le cyberespace), le gouvernement prévoit aussi un accès gratuit à des tests de sécurité et à des consultations en la matière pour ces entreprises (MEF, 2020).

Les mesures environnementales et sociales annoncées dans le New Deal sud-coréen mettent bien en évidence certaines portes vers lesquelles la Corée du Sud souhaiterait orienter la révolution numérique. On en déduit que la stratégie de l’administration sud-coréenne consiste à élargir le spectre de réalités sur lesquelles la technologie numérique peut avoir une incidence.

Pour ce qui est de la technologie numérique elle-même, elle est abordée dans le deuxième volet du New Deal.

3.2 La compétitivité dans des secteurs clés

Comme nous l’avons réalisé dans la première partie du travail, la révolution numérique s’articule sur plusieurs chantiers à la fois. Il s’avère que certains chantiers actuels sont particulièrement prometteurs quant à leur potentiel d’avenir. Le New Deal sud-coréen en a ciblé trois, pour lesquels le plan gouvernemental agira afin de favoriser la compétitivité du pays dans ces secteurs. Il s’agit de la cinquième génération des standards pour la téléphonie mobile (5G), de l’intelligence artificielle et de la technologie entourant le « big data ».

(13)

Document du GÉRAC, no 15 – page 13 de 18

En ce qui a trait à la technologie 5G, la position avantageuse de la Corée du Sud est connue.

Pourtant l’implantation des réseaux 5G est un long processus qui est toujours loin d’être terminé. Pour stimuler les investissements en la matière, les autorités sud-coréennes recyclent une méthode que nous avons vu pratiquer à quelques reprises : le financement de la mise en place du réseau pour relier les différents établissements d’administration publique. Une des particularités de la 5G est la courte portée de sa transmission. La quantité d’équipement nécessaire à la mise en place d’un réseau stable est donc plus importante que la quantité nécessaire pour la 4G. Une fois la liaison stable assurée au gouvernement, on prévoit en faire une utilisation particulièrement intense, en faisant appel au « cloud computing ». 15 % des activités administratives de la bureaucratie gouvernementale devraient s’effectuer à même le nuage. Cela veut dire que les dossiers et les logiciels utilisés par les fonctionnaires seraient hébergés par des serveurs fixes, auxquels n’importe quel appareil autorisé pourrait se connecter, et ce, à partir de n’importe où. L’investissement public aboutirait probablement éventuellement à un PPP, puisque le plan prévoit aussi l’encouragement des investissements privés dans cette technologie. Dans cette optique, le dilemme qui implique la compagnie Huawei est particulièrement sensible. Il est difficile de prévoir quel sera le comportement de la Corée du Sud à ce niveau, puisque son chaebol le plus influent profiterait assurément d’un partenariat (coopération inopinée, dont il a été question au point 2.2) avec un autre équipementier de la 5G.

En intelligence artificielle, la Corée du Sud doit encore franchir quelques portes avant de fabriquer ses propres clés3 (Stangarone, 2020). La stratégie nationale pour l’intelligence artificielle, dévoilée par le gouvernement en 2019, fait état de trois manquements dans la situation actuelle du pays auxquels il souhaite remédier. Le premier est un manque d’individus experts dans le domaine. Le rapport fait une comparaison de la situation nationale avec celle d’Israël ou des États-Unis, par exemple, pour mettre en lumière son retard en la matière.

Toujours selon ce rapport, il s'agirait essentiellement d’un problème quant aux exigences trop faibles du système d’éducation sud-coréen au secondaire, dans les domaines de l’intelligence artificielle et des logiciels. Le deuxième manquement concerne le système juridique qui, faute de changements rapides pour faire face aux nouvelles réalités technologiques, est devenu mal adapté à l’encadrement de l’intelligence artificielle. Le dernier manquement concerne la disponibilité des données pour le développement de l’intelligence artificielle. En effet, le « deep learning », une méthode « d’apprentissage » pour la machine, s’effectue selon un algorithme qui nécessite qu’on lui présente des quantités phénoménales de données. Les trois manquements mis en lumière par la stratégie en 2019 sont tous adressés par le communiqué de presse du bureau sud-coréen des politiques économiques en 2020. Ainsi, on parle d’un investissement gouvernemental massif qui devrait permettre d’ajouter 100 000 experts dans les domaines de l’IA/logiciels, d’une refonte de la réglementation entourant les nouvelles technologies, et d’une série de manœuvres qui devraient rendre disponibles une énorme quantité de données pour l’apprentissage des machines.

La problématique des données n’affecte pas seulement le développement de l’intelligence artificielle, mais prive aussi la Corée du Sud de certaines perspectives scientifiques hautement utiles dans la gestion d’un grand nombre de problèmes. Le traitement des mégadonnées (ou « big data ») peut effectivement offrir des portraits éclairants sur des réalités complexes qui sont influencées par plusieurs variables, comme les changements climatiques, la progression d’une pandémie ou le comportement des consommateurs dans un marché

3 Pour éviter toute confusion, je fais référence ici à la métaphore des portes présentée à la toute fin de la partie 2.

(14)

Document du GÉRAC, no 15 – page 14 de 18

spécifique. Sans une gestion adéquate des données, cependant, les fruits de l’analyse des mégadonnées ne peuvent être récoltés. Prenant en considération cette situation et usant d’une métaphore intéressante, le Président Moon Jae-in évoque la construction d’un « barrage de données ». Ce barrage, peu conventionnel, amassera des données plutôt que de l’eau pour en créer un réservoir. S’en suivra, selon le chef d’État, un processus de standardisation et de combinaison des données, ce qui permettra d’en retirer un résultat positif (Jae-in, 2020).

La poursuite d’une compétitivité dans les chantiers les plus prometteurs de la révolution numérique n’est pas que l’affaire de la Corée du Sud; une chaude lutte se joue partout sur la scène internationale pour l’excellence et le leadership dans ces trois secteurs particuliers de la révolution numérique. Même si, comme expliqué plus tôt, les rivalités peuvent parfois produire une coopération inopinée, force est d’admettre que les programmes nationaux de développement du numérique peuvent aussi être vus tels une démonstration de la recherche d’une certaine cyberpuissance qui, à défaut d’être de nature militaire dans le sens traditionnel du terme, reste potentiellement dangereuse. Ainsi, le réalisme peut expliquer la source de la course des états à la technologisation en tant que réponse à une menace émanant d’un monde anarchique (Orsi et al., 2018, p. 88). Ici aussi, la vitesse de la révolution numérique entre en jeu : elle commande un ajustement constant des stratégies numériques nationales, car un ralentissement de la progression en la matière peut vite se traduire en désuétude des mécanismes de sécurité numérique. Dans cette course contre la montre, la Corée du Sud doit composer avec certaines faiblesses qui fragilisent potentiellement son leadership à long terme dans l’industrie et l’innovation numérique. Son intégration économique, quoi que grandement utile à la croissance économique en général, peut également être synonyme de dépendance à des pays étrangers. C’est le cas notamment pour deux de ses pays voisins, la Chine et le Japon, qui fournissent à la Corée du Sud des matières premières qui sont absolument vitales à la poursuite de ces trois objectifs nationaux coréens. Au-delà de la perspective réaliste, il apparaît également clair que les pays qui aspirent au leadership mondial du numérique considèrent qu’un tel statut leur serait positif en ce qui a trait au « soft power ». Ce concept de Joseph Nye désigne la puissance autre que militaire; la puissance de l’influence (culturelle, notamment, ou scientifique), ou encore la capacité d’ouvrir des portes. Telle une ressource limitée, cette puissance est contestée, dans le volet numérique, par la poignée d’états qui aspirent à contrôler la direction que pourrait prendre la révolution numérique dans les années à venir. Dans ce contexte compétitif, certaines caractéristiques de la Corée du Sud pourraient lui être désavantageuses, lesquelles sont discutées dans la partie qui suit. Ces réalités entraînent la partie sud de la péninsule à opter, dans son rôle de leader, pour un volet collaboratif d’envergure.

3.3 La promotion du multilatéralisme 2.0

Malgré la position avantageuse dont peut aujourd’hui jouir la Corée du Sud dans l’univers spécifique du développement numérique, une réalité crue ne doit pas être écartée. Lorsque l’on cesse d’utiliser la loupe qui ne met en évidence que le monde numérique, l’observation de la performance économique globale du pays lui confère un désavantage par rapport à ses plus grands compétiteurs, qui aspirent aussi au leadership du numérique. La relative petite taille de l’économie sud-coréenne (par rapport à certains pays comme les États-Unis, la Chine, l’Allemagne ou la France) pourrait tout de même lui valoir le statut de puissance moyenne. Un constat général en relations internationales veut que les puissances moyennes sont usuellement fortement favorables au multilatéralisme, puisqu’un tel environnement international est plus propice au cheminement sans embûche de leur agenda. À l’inverse, il peut être

« désavantageux », en des termes absolus, pour une grande puissance de coopérer d’égal à égal avec les états plus petits. Ce statut particulier de la Corée du Sud, combiné aux observations de

(15)

Document du GÉRAC, no 15 – page 15 de 18

Nye relatées au point 2.2 du présent travail en ce qui a trait aux problématiques mondiales qui nécessitent absolument une coopération entre les états, explique probablement les grands efforts sud-coréens à l’OCDE pour l’établissement d’un multilatéralisme 2.0. Depuis 2016, la Corée du Sud s’emploie activement à la promotion de la voie numérique dans la gestion d’un grand nombre de dossiers mondiaux. Le vieillissement des populations, la protection de l’environnement, le développement international, les flux financiers… sont tous des enjeux qui ont été avancés par le pays depuis quatre ans (MAÉ, 2019). Ajoutons à ces préoccupations, dans un souci de rendre ce travail plus actuel, la pandémie de COVID-19, à laquelle la Corée du Sud s’est attaquée technologiquement (Park et al., 2020). Selon le compte-rendu du ministère sud-coréen des affaires étrangères, la Corée du Sud aurait notamment démontré du leadership dans sa participation active aux questions concernant les technologies de l’IA et de la 5G. L’OCDE a finalement adopté des recommandations officielles en ce qui a trait au développement de l’intelligence artificielle (OCDE, 2019); comme quoi les chantiers les plus prometteurs de la révolution numérique peuvent aussi faire l’objet de nouveaux consensus multilatéraux, lorsque les leaders du numérique poussent dans cette direction. Cette position libérale n’est cependant pas partagée parmi tous les leaders potentiels de la révolution numérique. Ainsi, la Corée du Sud peut faire face à de l’adversité dans sa volonté d’ouverture et de coopération.

Conclusion

Après des décennies de rattrapage caractérisées par des interventions gouvernementales ambitieuses et agressives, Séoul présente aujourd’hui un portrait numérique très intéressant.

Des performances commerciales impressionnantes de ses chaebols à sa cote IDI exemplaire, en passant par son gouvernement constamment à l’affût des nouveautés technologiques, la Corée du Sud semble être devenue un « foyer » dans lequel la révolution numérique pourra continuer de se développer. Le rythme d’évolution de cette révolution commande à nouveau la poursuite d’un agenda ambitieux, lequel s’établit en grande partie autour de trois grands chantiers : l’intelligence artificielle, la 5G, et le « big data ». Cet agenda n’est pas que l’affaire de la Corée du Sud; il est partagé parmi les grands joueurs du domaine numérique. Tantôt fortement compétitif, tantôt coopératif, ce domaine dont l’importance ne cesse de grandir sur la scène internationale fait aussi l’objet de plusieurs études théoriques. En confrontant les traditions réalistes et libérales des relations internationales, cette recherche a voulu démontrer la complexité qu’accompagne le statut de leader mondial du numérique. Quoi que d’une rapidité phénoménale, le phénomène numérique n’en demeure pas moins relativement nouveau et la construction de normes entourant son développement n’est certainement pas achevée.

Dans cette optique, le constructivisme apporte une perspective intéressante : un leader mondial du numérique obtient aussi l’avantage considérable de dicter, dans une certaine mesure, l’orientation que prendra la révolution numérique. En choisissant d’ouvrir une porte plutôt qu’une autre (c’est-à-dire en concentrant ses efforts sur une innovation plutôt qu’une autre), un pays comme la Corée du Sud peut potentiellement engager le reste de la communauté internationale sur une voie particulière de développement numérique. La réponse sud-coréenne à la COVID-19 illustre bien cette dynamique : l’engagement dans des processus intensifs de traçage a effectivement permis d’aplatir considérablement la courbe de transmission du virus au pays (Park et al., 2020), au détriment peut-être d’un respect traditionnel de la vie privée des citoyens. En ouvrant cette porte et en y découvrant les aspects positifs, Séoul a possiblement orienté la réponse au virus d’autres états technologiquement avancés. La capacité « d’ouvrir des portes » n’est pas en soi garante de résultats positifs. La Corée du Sud l’a peut-être appris en constatant la très faible population de Songdo ou le grand nombre de plaintes face au service fragmentaire de son réseau 5G. Pourtant, dans un monde de plus en plus marqué par la

(16)

Document du GÉRAC, no 15 – page 16 de 18

révolution numérique, cette capacité est un atout qui devrait continuer de servir les sud-coréens sur le long terme. Sur ce point, autant les réalistes que les libéraux devraient être en accord.

Références

Articles scientifiques

AMANKWAH-AMOAH, Joseph (2016) « Competing technologies, competing forces: The rise and fall of the floppy disk, 1971–2010 », Technological Forecasting and Social Change, Volume 107, p. 121-129.

Kjaergaard C., Kristoffer. & Liebetrau, Tobias. (2019) « A new role for ‘the public’? Exploring cybersecurity controversies in the case of WannaCry », Intelligence and National Security », 34:3, 395-408, DOI:10.1080/02684527.2019.1553704

Larson, James F. (2017) « Network-Centric Digital Development in Korea: Origins, Growth and Prospects ». Telecommunications Policy 41 (10): 916‑30.

https://doi.org/10.1016/j.telpol.2017.03.007.

Martin, David M. (2016) « Tracing the Lineage of DarkSeoul », SANS Institute, Information Security Reading Room, [En ligne], https://www.sans.org/reading-room/whitepapers/critical/tracing - lineage-darkseoul-36787

Murillo, David. & Sung, Yun-dal. (2013) « Understanding Korean Capitalism: Chaebols and their Corporate Governance », ESADEgeo, Position Paper 33, [En ligne],

https://itemsweb.esade.edu/wi/esadegeo/positionpapers/13_14/201309%20Chaebols_Murillo_Sung_EN.pdf

Nelmes, G. (1984) « 256K-Bit Dynamic RAM ». Microelectronics Journal 15 (5): 16‑22.

https://doi.org/10.1016/S0026-2692(84)80120-2.

Park, Sangchul, Gina Jeehyun Choi, et Haksoo Ko. (2020) « Information Technology–Based Tracing Strategy in Response to COVID-19 in South Korea—Privacy Controversies ». JAMA 323 (21): 2129. https://doi.org/10.1001/jama.2020.6602.

Shelburne, Brian J. (2017) « The ENIAC at 70 ». Math Horizons 24 (3): 26‑29.

https://doi.org/10.4169/mathhorizons.24.3.26.

Shin, Seonjin, et Joon, Koh. (2017) « Analysis of Mobile Broadband Service Penetration in South Korea ». Journal of Computer Information Systems 57 (1): 31‑38.

https://doi.org/10.1080/08874417.2016.1181491.

Sources journalistiques

Eun-Jin, Kim. (2019) « Samsung and LG Dominating North American TV Market », BusinessKorea, [En ligne], http://www.businesskorea.co.kr/news/articleView.html?idxno=38301

(17)

Document du GÉRAC, no 15 – page 17 de 18

Labrecque, Michel. (2017) « Songdo, ville intelligente du futur? », Radio-Canada, [En ligne],

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1073129/songdo-coree-sud-ville-intelligente-futur-asie-transport-dechet- habitation-urbanisme-desautels

Saiidi, Uptin. (2019) « We went inside Samsung’s global headquarters in South Korea. Here’s what we saw », CNBC, [En ligne], https://www.cnbc.com/2019/06/21/we-went-inside-samsungs- global- headquarters-in-south-korea-heres-what-we-saw.html

Stangarone, Troy. (2020) « South Korea’s Digital New Deal », The Diplomat, [En ligne],

https://thediplomat.com/2020/06/south-koreas-digital-new-deal/

Suzuki, Sotaro. (2020) « Poor 5G connectivity disappoints South Korean users », NIKKEI Asia, 7 novembre 2020, [En ligne], https://asia.nikkei.com/Business/Telecommunication/Poor-5G- connectivity-disappoints-South-Korean-users

Zetter, Kim. (2016) « The Sony Hackers Were Causing Mayhem Years Before They Hit the Company », WIRED, [En ligne], https://www.wired.com/2016/02/sony-hackers-causing-mayhem- years- hit-company/#slide-3

Kirk, Donald. (2020), « Korea Reveals ‘New Deal’ Designed To Boost Jobs, Revive Sagging Economy », Forbes, [En ligne], https://www.forbes.com/sites/donaldkirk/2020/07/14/koreas-reveals- new- deal-designed-to-boost-jobs-revive-sagging-economy/#132ba33c3250

Sources gouvernementales

Gouvernement de la Corée du Sud. (2019) « National Strategy for Artificial Intelligence », Ministère des sciences et des TIC, [En ligne], https://www.msit.go.kr/cms/english/pl/policies2 /__icsFiles/afieldfile/2020/03/23/National%20Strategy%20for%20Artificial%20Intelligence_200323.pdf

Jae-in, Moon. (2020) « Opening Remarks by President Moon Jae-in at 6th Emergency Economic Council Meeting », [En ligne], Site web du gouvernement sud-coréen,

https://english1.president.go.kr/Briefingspeeches/Speeches/833

Jae-in, Moon. (2020) « Remarks by President Moon Jae-in During Visit to Business in Digital Economy, Korean Version of New Deal », [En ligne], Site web du gouvernement sud-coréen,

https://english1.president.go.kr/BriefingSpeeches/Speeches/840

(MAÉ) Ministère sud-coréen des affaires étrangères. (2019) « Korea's Activities within the OECD », [En ligne], http://www.mofa.go.kr/eng/wpge/m_5462/contents.do

(MEF) Ministère sud-coréen de l’économie et des finances. (2020) « Economic Policies, H2 2020 », Bureau sud-coréen des politiques économiques, [En ligne],

https://english.moef.go.kr/pc/selectTbPressCenterDtl.do?boardCd=N0001&seq=4913

Livres

Heimans, Jeremy, et Henry Timms. (2018) New Power: How Power Works in Our Hyperconnected World -- and How to Make It Work for You. Toronto: Random House Canada.

Références

Documents relatifs

Le 25 juin 1950, les forces armées nord-coréennes franchissent le 38 ième parallèle pour pénétrer dans la République de Corée.. Cet événement marque le début des hostilités

Ainsi, en décembre 1970, le ministère sud-coréen de la Santé et des Affaires sociales ordonne que cesse l’adoption d’enfants vers des pays européens, « en raison de la

Aussi si vous avez choisi de venir ici pour aider l’humanité, pour remplir votre mission d’éveil de conscience tout autour de vous, chacun et chacune à votre

La formation des enseignants, devenue une priorité, fut portée à deux années pour le primaire dans les Juniors Teachers Colleges, les écoles normales étant abolies, et à quatre

Catégorie de produits affichant le plus important déficit commercial au chapitre des marchandises en 2016 : matériel et outillage, avec 4,8 milliards de dollars Catégorie

HEMIS_3194590 Corée du Sud, Séoul, Fabien Yoon, star française des medias coréens, devant l'entrée design du concept store Ader dans le quartier de

La croissance de l'industrie électronique dans les pays d'Asie du Sud Est s'insère, en partie, dans ce processus de Sous Traitance Internationale. Parmi les entreprises

La formation des enseignants, devenue une priorité, fut portée à deux années pour le primaire dans les Juniors Teachers Colleges, les écoles normales étant abolies, et à quatre