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SEANCE 5 : Théoriser les rapports sociaux de sexe

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Academic year: 2022

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SEANCE 5 :

Théoriser les rapports sociaux de sexe

I : Une perspective de DENATURALISATION II : Une théorisation née du Mouvement de Libération des Femmes (MLF)

III : Principales théories et autrices du

féminisme matérialiste

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I. UNE PERSPECTIVE DE DENATURALISATION

Cette première partie inscrit la théorisation des rapports sociaux de sexe dans un effort de dénaturalisation des catégories de sexe et de genre. Elle formule des rappels essentiels sur la construction historique et sociale de ces catégories.

A. La critique du système sexe-genre et la conception du corps comme construit

« Le mot « sexe » se réfère aux différences biologiques entre mâles et femelles : à la différence visible entre leurs

organes génitaux et à la différence corrélative entre leurs fonctions procréatives. Le « genre », lui, est une question de culture : il se réfère à la classification sociale en « masculin » et « féminin ». Ann Oakley, Sex, gender and Society, 1972

Un ensemble de théoriciennes proposent de transformer radicalement la façon d’envisager la distinction sexe/genre.

« L’introduction du genre dans les sciences humaines répond à une politique : présenter les traits de genre comme symboliques ou arbitraires en laissant au sexe anatomique le rôle de réel incontournable. » Guillaumin, 1984

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Le corps est fabriqué, il n’est pas donné.

« Autour de l’appareil reproducteur externe, femelle ou mâle, une construction

matérielle et symbolique est élaborée, destinée à exprimer d’abord, à mettre en valeur ensuite, à séparer enfin, les sexes. » Colette Guillaumin, Le corps construit, 1992

La fabrique du corps sexué nécessite une entreprise de longue haleine, une

intervention constante des institutions sociales tout au long de la vie des individus.

L’éventail de cette fabrication est grande:

- Interventions physiques directes sur le corps

Altérations, transformations physiques comme les mutilations, chirurgies esthétiques, vêtements, maquillage, etc.

- Nourriture, taille et corpulence : accès différencié à la nourriture

Priscille Touraille montre que la différence morphologique de taille entre les hommes et les femmes n'est pas seulement un résultat de la sélection naturelle mais aussi le résultat d’une sélection sociale liée à l'accès à la nourriture.

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- Dressage du corps: manières spécifiques de marcher, s’asseoir, tenir ou saisir des objets

- Socialisation différentiée à l’occupation de l’espace et à l’usage de son corps: amplitude des mouvements pour les hommes, retenue du corps pour les femmes.

- Les jeux de l’enfance, usage de l’espace, usage du temps

« Jouer n’est pas une activité également répartie entre les deux sexes, et ce dès l’enfance. Si les filles et les garçons ont des jeux propres, cependant les uns jouent davantage que les autres. Par exemple le temps dont disposent les garçons pour se livrer aux jeux est plus important que celui dont disposent les filles. Et de surcroît l’espace qui leur est ouvert, et dont ils usent librement, est considérablement plus vaste, sujet à moins de

frontières et de limitations. Toutes choses qui ont des effets sur la tenue du corps, son aisance, son audace, l’amplitude des mouvements spontanés »

- Confinement dans l’espace

Dans tous les espaces communs, publics ou privés, « les femmes restreignent sans cesse leur usage de l’espace, les hommes le maximalisent » (Guillaumin : 2016 [1993] : 124).

La fabrication d’un corps sexué est une entreprise nécessitant

l'intervention constante d'institutions sociales.

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Les recherches menées dans les années 1990 démontrent que le corps bisexué est le fruit d’une construction sociale et historique.

L’historicité du sexe ébranle l’idée de

l’existence des catégories naturelles telles que « mâle » ou « femelle ».

Thomas Laqueur

La fabrique du sexe: Essai sur le corps et le genre en Occident (1992)

(traduction française 2013)

Il réalise une vaste enquête historique portant sur des textes produits par des médecins et des philosophes, de l’Antiquité au début du XXème siècle.

Le sexe biologique à savoir le dimorphisme sexuel, relève d’une conception moderne du corps qui prend naissance au cours du XVIIIe siècle.

Depuis l’Antiquité jusqu’à la fin du XVIIème siècle, selon la représentation dominante du corps la différence sexuelle entre les hommes et les femmes était une question de gradations le long d’une échelle de perfection, dont le principe était le degré de chaleur vitale et la norme le corps masculin :

B. La construction historique de catégories de sexe binaires

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« Les corps mâles et femelles sont des versions hiérarchiquement, verticalement, ordonnées d’un seul et même sexe ». (Laqueur , p. 24)

Dans le modèle du sexe unique, il n’y a qu’une seule chair. Le corps est un corps unisexé: le corps féminin est une variation imparfaite du corps masculin.

Ce corps est inscrit dans un ordre cosmique, les organes sexuels féminins sont la version « rentrée » inversée et inachevée des organes sexuels masculins, le vagin étant le reflet imparfait du pénis, la vulve du prépuce, les

ovaires des testicules, l’utérus du scrotum.

Les fluides corporels, sang, semence, lait et excréments sont marqués par la métamorphose: ils sont fongibles et les processus dans lesquels ils sont pris –digestion et génération, menstruations, etc. ne sont pas clairement assignés à l’une ou l’autre catégorie de sexe.

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Les organes génitaux qui nous paraissent aujourd’hui définir par essence le sexe d’un individu n’est qu’une convention qui permet de lire, dans les corps, le rang social.

Il faut comprendre le corps ouvert du modèle unisexe, dans lequel c’est le genre qui est premier et réel, comme un épiphénomène. Paternité/maternité, mâle, femelle, chaude/froid, etc. étaient lus dans un corps qui ne marquait pas clairement ces distinctions. Ordre et hiérarchie lui étaient imposés de l’extérieur.

Le corps unisexe était interprété comme illustratif plutôt que déterminant et pouvait donc enregistrer et absorber tout changement.

Historiquement, les différenciations de genre précédèrent les différenciations de sexe (Laqueur, p. 86) Le corps n’a pas toujours été bisexué, le corps sexué fermé qui renvoie à deux chairs distinctes

(femelle, mâle) participe de la modernité, qui entérine la séparation et l’imperméabilité entre nature et culture.

Auparavant prédominait l’idée d‘une culture changeant et imprégnant les corps.

L’acculturation cède la place à la biologisation.

La science joue un rôle important dans la production de l’idée d’une frontière entre les sexes et elle participe de la fabrication du sexe.

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II. Une théorisation née du

Mouvement de Libération des Femmes (MLF)

A. Etapes et modalités d’un mouvement parisien

1. Chronologie non exhaustive du MLF

• 1968 : prise de conscience de certaines militantes d’une division sexuée du

travail militant et d’une forte hiérarchie au sein des mouvements étudiants

• 1967-1970 : émergence de différents groupes, associations, etc. qui

participeront aux premières actions du MLF.

• printemps 1970 : premier meeting public

du MLF à l’Université de Vincennes

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26 août 1970 : dépôt par 9 militantes

féministes d’une gerbe à la femme du soldat inconnu, sous l’arc de triomphe à Paris.

Elles sont munies de banderoles : « Il y a plus inconnu que le soldat inconnu, sa femme » ou encore « Un homme sur deux est une femme. »

Place de l’Etoile, à Paris

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octobre 1970 :

premières assemblées générales du MLF à l’École des Beaux-Arts de Paris

novembre 1970 : le

MLF fait irruption aux « États généraux de la

Femme », organisés

par le magazine Elle (cf.

document ci-dessous)

5 avril 1971 : Manifeste des « 343 salopes »

pour le droit à l’avortement publié dans le

Nouvel Observateur

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mai 1971 : premier numéro du Torchon brûle (Le seul journal « unitaire » du MLF, 6

numéros, de 1971 à 1973)

(12)

• À partir de 1971, on assiste aux premières grandes manifestations de rue

20 novembre 1971

(13)

Gisèle HALIMI

Automne 1972 : procès de Bobigny

Gisèle Halimi transforme cet énième procès d'avorteuse en

procès politique de l'avortement.

(14)

1971 : création des Gouines Rouges (venues du

Front homosexuel d’action révolutionnaire, le FHAR)

(15)

1973 : le Mouvement de libération de l’avortement et de

la contraception (MLAC)

(16)

1974 : création de la Ligue du droit des

femmes (présidée par de Simone de Beauvoir)

créée par Anne Zelensky, Annie Sugier

(17)

1976 : Coordination des femmes noires

(de 1982 à 1994  le Mouvement de défense des droits de la femme noire - MODEFEN)

Awa Thiam

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B. Composantes et tendances du MLF

Gerty Dambury

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1) Tendance « Psych et Po » = Psychanalyse et Politique

Antoinette Fouque

Féminisme différentialiste portant l’idée que les femmes sont porteuses de paix, grâce à leur fonction reproductrice, qui les pose en

créatrices.

Rejet de l’appellation « féministe »

(20)

2) Tendance féministe matérialiste

1970 : Publication de

« L’ennemi principal » de Christine Delphy

Monique Wittig

Simone de Beauvoir

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3) Tendance « lutte des classes »

Ce courant prône l’inscription du mouvement féministe dans le mouvement ouvrier.

Fondé en mars 1974, Les Pétroleuses est le premier journal de la tendance féministe « lutte de classe ».

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II. Principales théories et autrices du féminisme

matérialiste

A. Le travail au cœur des théorisations matérialistes Christine Delphy

- LE PATRIARCAT

L’oppression des femmes fait système. Le patriarcat est le système socio- politique qui organise l’oppression des femmes. Sa base économique est le mode de production domestique.

- LE MODE DE PRODUCTION DOMESTIQUE

Christine Delphy situe la base matérielle de l'oppression des femmes dans l'exploitation domestique au sein de la famille, via le travail gratuit

assuré par les femmes.

- LE TRAVAIL DOMESTIQUE

Christine Delphy ne se demande pas comment le capitalisme tire profit du travail domestique des femmes mais comment la classe des hommes

exploite le travail domestique des femmes.

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LE SEXAGE

Le terme désigne le rapport social d'appropriation de la classe des femmes par la classe des hommes, incluant l'appropriation privée de chaque femme dans la relation de mariage.

C'est une relation qui réduit les femmes à l'état d'objet matériel, d'outil, et qui a comme expressions particulières

« a) l'appropriation du temps;

b) l'appropriation des produits du corps ; c) l'obligation sexuelle ;

d) la charge physique des membres invalides du groupe » (enfants, vieux, malades, etc.), « ainsi que des membres valides de sexe mâle »

(Guillaumin 1978 : 10)

Colette Guillaumin

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LA DIVISION SEXUELLE DU TRAVAIL

« Du fait de mon sexe, de ma génération et de mon origine de classe, je me suis trouvée au croisement de quatre mouvements sociaux qui ont orienté mon

itinéraire personnel, politique et théorique : le mouvement ouvrier, le mouvement de libération de l’Algérie, les événements de Mai 68 et le mouvement de libération des femmes. J’ai été partie prenante de ces quatre mouvements. D’une certaine façon, c’est ce dont ’ma’ sociologie témoigne. »

LA CONSUBSTANTIALITE DES RAPPORTS SOCIAUX

Les rapports sociaux interagissent en se déterminant réciproquement

Elle constitue l’enjeu des rapports sociaux de sexe, obéit aux principes de séparation, de hiérarchie (Kergoat) et de spécialisation (Dunezat).

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LE MONOPOLE MASCULIN DES OUTILS ET DES ARMES

Paola Tabet réfute l’idée d’une complémentarité

« réciproque » ou « coopérative » entre les hommes et les femmes défendues par les

anthropologues ayant analysé l’organisation de sociétés de chasse et de cueillette.

Elle défend la thèse d’un sous-équipement des

femmes en outils et en armes au fondement de la

division sexuelle du travail.

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B. Repenser la sexualité et la reproduction

• FERTILITE NATURELLE, REPRODUCTION FORCEE

Paola Tabet montre que la procréation est socialement organisée, souvent en vue de son optimisation, et peut être analysée comme un travail.

• LE CONTINUUM DES ECHANGES ECONOMICO-SEXUELS

Dans un contexte hautement contraignant pour les femmes (non accès aux

ressources, non accès à la formation, information, et violences ou menaces), celles-ci s’inscrivent dans le « continuum des échanges économico sexuels », dans lequel elles négocient leur sexualité contre une compensation, d’ordre financier, honorifique, ou de sécurité.

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• L’HETEROSEXUALITE COMME REGIME POLITIQUE

Monique Wittig, La pensée straight, 1980

« le lesbianisme pour le moment nous fournit la seule forme sociale dans laquelle nous puissions vivre libres. De plus, « lesbienne » est le seul

concept que je connaisse qui soit au-delà des catégories de sexe (femme et homme) parce que le sujet désigné (lesbienne) N’EST PAS une femme, ni économiquement, ni politiquement, ni idéologiquement. Car en effet, ce qui fait une femme, c’est une relation sociale particulière à un homme

» (2001, p 52).

• LE STIGMATE DE PUTAIN

Gail Pheterson, Le prisme de la prostitution, 2007

Gail Pheterson a montré comment le « stigmate de putain » associé à toute femme

transgressant les assignations de genre constituait indirectement un outil de restriction de la mobilité de toutes les femmes, rendant de nombreuses libertés incompatibles avec la féminité

‘légitime’.

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CONCLUSION

Ces analyses féministes rompent radicalement avec une conception du sexe reposant jusqu'alors sur des critères de définition biologiques, enfermant les femmes dans une catégorie soi-disant « naturelle », spécifique et seule à l'être, et dans une « condition féminine » anhistorique

C'est sur ces ruptures et reconstructions que ce sont édifiées des constructions théoriques du rapport social des sexes, faisant de celui-ci une structure sociale dynamique, transversale à tous les champs de la société, et opposant de manière antagonique deux classes de sexe.

C'est le rapport social de sexe qui produit et reproduit continûment les catégories de sexe, c'est le rapport social qui est lui-même un processus de catégorisation.

=> Ces théorisations offrent la possibilité de penser les articulations avec d’autres rapports sociaux.

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