L’ADAPTATION AUX TEMPÉRATURES ÉLEVÉES
CHEZ UN NÉMATODE :
CAENORHABDITIS ELEGANS MAUPAS 1900
III. —
RÔLE
DES FACTEURS AUTRES QUE LA TEMPÉRATUREDANS LE PROCESSUS D’ADAPTATION
J.-L. BRUN
Section de
Biologie générale et appliquée,
Faculté des Sciences de Lyon, 69 - Villeurbanne
SOMMAIRE
A
partir
d’une souche «psychrophile
» de C. elegans, il estpossible
d’obtenir deslignées
géné-tiquement adaptées
à destempératures
élevéescomprises
entre 22et 24,50. L’accoutumance -qui
se
présente
comme la résultante d’un effet cumulatif très lent dans l’action du facteurtempérature
- peut devenir relativement stable.
La
reproduction
strictement autogame de ce Nématodehermaphrodite
interdit de rechercher,dans un état hautement
hétérozygote,
le fond de variabilitégénétique qui
peut êtreexploité
en vuede la
production progressive
del’adaptation.
L’analyse entreprise
ne permet d’attribuer au milieu nutritif et à la sélection effectuéequ’un
rôle mineur. Par contre, le caractère
graduel
des modifications de fécondité, le fait que le dérou- lement de cette évolution s’effectue selon un processusqui paraît
sereproduire
defaçon analogue
au cours de chacune des
étapes
de l’acclimatation, conduisent à supposer que les altérationsgéné- tiques correspondantes
sont constituées d’une succession de stades de faibleimportance,
étalés aulong
desgénérations
enexpérience.
L’ensemble des observations effectuées
oblige
àenvisager
laproduction progressive
d’étatscytoplasmiques adaptés
et transmissibles,responsables
de la réalisation delignées
fécondes à tem-pérature élevée.
INTRODUCTION
Dans les deux
premières parties
del’exposé
de ce travail(BRUN, 19 66
b etc), je
me suis efforcé de définir les modalités de la réalisation del’adaptation thermique
de C.
elegans
et de caractériser les formes accoutumées. Les observationsprésentées
peuvent
se résumer ainsi :Élevé
habituellement à1 8°C,
C.elegans
nesupporte
pas24 , 5 ° C, lorsqu’on
letransporte
directement à cettetempérature
élevée.Toutefois,
onpeut
le maintenir continuellement à24 , 5 ° si, auparavant,
on le cultivependant
de nombreusesgéné-
rations d’abord à 22°,
puis
à 23, 23,5°, enfin24 °.
A cestempératures intermédiaires,
la fécondité du Nématode croît avec la durée
d’élevage
en mêmetemps qu’augmentent
ses
capacités
de résister à l’influence nocive de latempérature
immédiatementsupé-
rieure. Par
ailleurs,
l’accoutumance ainsiacquise
seperd
d’autantplus
lentement- par
exemple lorsque
lesélevages
sont ramenés à 18° - que les Nématodes sontadaptés depuis plus longtemps
à la chaleur.Tout cela démontre incontestablement que la
température
elle-mêmeremplit
une fonction
importante
dans la réalisation des processusd’adaptation. Cependant,
ces résultats ne
permettent
pas d’assurer que ce soit le seul facteur en cause : l’action de latempérature
s’exercepeut-être
defaçon indirecte,
en relation avec d’autres circonstancesqui accompagnent l’adaptation.
C’estpourquoi j’examinerai spécia- lement,
dans cette 3epartie,
deuxhypothèses :
I
. On
peut suspecter
que la lenteur del’adaptation s’accompagne
de certaines modifications dans lescomposantes
du milieu autres que latempérature.
L’accou-tumance observée
pourrait
êtrealors,
pour unepart
aumoins,
laconséquence
deces
transformations,
enparticulier
au niveau du milieu nutritif.2
.
L’élevage
des Nématodes engénérations
consécutivesimplique,
àchaque génération,
un choixparmi
l’ensemble desgéniteurs possibles.
La sélectionqui
enrésulte
peut
avoir été l’un des éléments-moteurs dans la réalisation del’adaptation.
Les
réponses
quel’analyse expérimentale apportera
à ces deuxproblèmes
nousmettront en mesure de statuer sur les rôles
respectifs
dévolus aux différents facteurssusceptibles
deprésider
à la naissance et audéveloppement
des formesadaptées.
A ce niveau
donc,
il deviendrapossible d’envisager
la manière dont onpeut
con- cevoir le déterminisme del’adaptation
des Nématodes auxtempératures
élevées.RÉSULTATS
I. -
RÔLE
D’ÉVENTUELLES TRANSFORMATIONS DU MILIEU NUTRITIFCertains auteurs
s’appuient
volontiers sur des insuffisances avouées dans la connaissance du milieu nutritif pour mettre en doute l’existence desadaptations génétiques.
Parexemple,
dans le cas del’adaptation progressive
de C.elegans
àune
température
élevéeT,
onpourrait
concevoir un mécanisme schématiséfigure
31. Ces éventuelles modifications du milieupourraient
être dues :- soit à une évolution du
complexe
bactérien inféodé auxNématodes ;
- soit à des
changements
de la fraction inerte résultant de variations inter-venues dans sa fabrication ou sa conservation.
Les données
expérimentales ( 1 )
ne confirment pas ceshypothèses.
( 1
) Les techniques de culture des Nématodes ont été décrites (BRUN r966 b).
A. -
Influence
ducomplexe
bactérieninféodé
aaix NématodesIl n’a pas été
possible
de constater une différencesignificative
entre les com-plexes
bactériensprovenant
de deuxlignées
distinctes : l’une cultivée à 23°depuis
705générations,
l’autre maintenue à23 ,5°
sur le mêmemilieu, depuis 45 8 généra-
tions
( 1 ).
On se trouve donc enprésence
des mêmesespèces
bactériennes.Toutefois,
il reste l’éventualité que certaines
propriétés
de cesespèces
bactériennes soient modi- fiées.Des tentatives de passage direct des
Nématodes,
de 18 à23 ,5°
ont été effectuéesen utilisant le milieu
2,3
S additionné ducomplexe
bactérienprovenant
des culturesefectuées
à23 , 5 ° :
tous ces essais se sont soldés par des échecs. D’autrepart, la lignée adaptée
à2 q,5°
neperd
pas son accoutumancemalgré
unséjour
d’unegénération
à 18° dans un milieu additionné du
complexe
bactérienprovenant
des cultures maintenues continuellement à cette dernièretempérature.
Ainsi,
même si lecomplexe
bactériencaractéristique
desélevages
àz 3 , 5 °
et24 , 5 0
diffère de celui des cultures à1 8°,
cette différence nepermet
pas aux Nématodes desupporter
unetempérature
élevée. On nepeut envisager
une influence détermi- nante del’hypothétique
transformation du milieu bactérien.B. -
Influence
d’éventuellesmodifications
de lafraction
inerteOn
peut
supposer que la constitution dumélange
nutritif évolue au cours del’expérimentation (cf.
HANSEN etat., 19 6o) :
soit d’une fabrication A à la suivante B par suite de variations incontrôlables dans la conservation desproduits
utilisés dans cette fabrication ou dans les conditions depréparation ;
soit au cours del’emploi
d’un stock de même fabrication par suite de sa conservation au froid. Pour
expliquer l’augmentation progressive
de féconditéconstatée,
il faut alorsenvisager
que ces( 1
) Analyse effectuée par le Dl GUILLERMFT, Chef du service de Microbiologie à l’Institut Pasteur de Lyon, que je remercie bien vivement pour cette coopération.
transformations éventuelles exerceraient un effet favorable. La
figure
32présente,
de
façon schématique,
deux de cespossibilités.
Pour avoir une idée du caractère
plus
ou moins valable de ceshypothèses, j’ai comparé
les fécondités despremières
et dernièresgénérations
obtenues sur un milieude même fabrication
(par exemple PG,,
etDG A )
et obtenues sur des milieux consé- cutifs(par exemple DG,
etPG,,).
Le tableau 31 rassemble les observations
effectuées,
dans cesconditions,
à 23 et23 ,5°.
Ellesimposent
la conclusion suivante :Que
l’on considère l’action de la conservation du milieu(différence DG,, - PG A )
ou l’action de la fabrication de ce milieu
(différence PG&dquo; - DG A )
on constate sensi-blement une
égale proportion
d’influences favorables et d’influences défavorables.Il n’est donc pas
possible
d’admettre que lecomportement
de C.elegans
soitlié,
dans les conditions
employées,
auxcaractéristiques
de fabrication et de conservation du milieu nutritif.C. - Conclusions
Comme
je
l’ai montré par ailleurs(BRUN, 19 66 a),
le milieu nutritif conditionne la fécondité d’unegénération
donnée de C.elegans (influence
sur lePhénotype). Cepen-
dant cette action du milieu ne semble pas se
prolonger
sur desgénérations
succes-sives. Aucune
expérience,
eneffet,
n’apermis
de relever un lien entrel’augmentation
de fécondité des Nématodes et une éventuelle modification du milieu de culture.
En
définitive,
il nepeut
êtrequestion
de concevoir la naissance et ledéveloppe-
ment des formes
adaptées
comme la résultante d’une addition de facteurs nutri-tionnels,
deplus
enplus
favorables.II. -
RÔLE
DE LA SÉLECTIONCertains caractères que
présente
l’acclimatation des Nématodesrappellent
desrésultats obtenus
classiquement
par les sélectionneurs. Citons enparticulier :
- le
palier séparant
lesphases
I et IIId’augmentation rapide
de la féconditéau cours de
l’élevage prolongé
aux diversestempératures
élevées(BRUN, 19 66 b, fig. 1 5 );
J- l’allure en dents de scie des courbes traduisant les modifications de la fécon- dité des
générations
successives aux différentestempératures d’adaptation (BRUN, 19
66 b, fig. i,).
Toutefois un examen un peu
plus approfondi
révèle assez vite les limitesqu’on
doit accorder à ces
analogies.
Alors que le résultat d’une sélectionclassique
estobtenu en 20 ou 30
générations
aumaximum,
l’accoutumance à unetempérature
élevée
exige plusieurs
centaines degénérations.
Lepalier signalé
ci-dessus ne seréalise
qu’au-delà
de la iooegénération d’adaptation
des Nématodes alors que les sélectionneurs l’obtiennentclassiquement
au bout d’une dizaine degénérations.
Ce
qui
suffit à montrer que si la sélection intervient dans la réalisation del’adap- tation,
cela se passe ici defaçon
assezparticulière.
Onpeut
en trouver uneexpli-
cation dans le fait que la sélection effectuée n’a
jamais
pu être extrême -quelle
que soit la modalité
expérimentale
choisie(cf.
BRUNb,
p. 133etfig. Il) ’
Ceci à causede la nature même du critère utilisé pour définir
l’adaptation.
La fécondité nepermet,
en
effet,
de caractériser lereproducteur qu’a Posteriori,
lors de l’examen de saprogé- niture,
La succession trèsrapide
desgénérations
m’aobligé,
defaçon
constante, à choisir lesgéniteurs
d’unegénération
avant queje
soiscomplètement
informé surla fécondité des divers individus
appartenant
à lagénératiion
antécédente. Dans cesconditions,
la sélection s’estpratiquement limitée,
par la force même deschoses,
à éliminer de la
lignée
les individus stériles ouquasiment
tels. Les observationspostérieures
montrèrent alors que les individusqui
avaient été effectivement choisiscomme
géniteurs pouvaient appartenir
aussi bien à une famille de féconditésupérieure
à la moyenne de cette
génération, qu’à
une famille de fécondité inférieure.Une
analyse plus poussée,
tenantcompte
de ces observations faites aPosteriori,
va me
permettre
d’examiner deplus près
laplace
de la sélection dans mes résultats.A. -- Non-sélection de wnutants
thermophiles
L’utilisation d’une
technique
de cultures individuellespermet d’apprécier
lecomportement
de tous lesgéniteurs employés
et de relier entre eux lescomportements
desreproducteurs
desgénérations
successives. A tous les niveaux del’adaptation,
le
pedigree complet
d’ungéniteur peut
être connu. Près de 200 ooogéniteurs
ontainsi été
répertoriés.
Aucun n’a manifestébrusquement
et n’a conservé dans sadescendance une fécondité
exceptionnelle
pour les conditionsthermiques supportées.
Les
quelques
mutants décelés se sont tous révélés très peu féconds. Ilspeuvent
se
répartir
selon troisgrands types
dont les deuxpremiers
cités se trouventdéjà
àdécrits dans la littérature :
1
° Le
type tétraploïde (N IGON , r 95 r).
Il a été obtenuquelquefois
lors des retoursdes animaux
adaptés
auxtempératures
élevées à latempérature
habituelle : 18°.Très peu féconds à cette
température,
ils ne résistentjamais
à un transfert auxtempératures
élevées.2
° Le
type
« nain ». Il se réalisepratiquement
dans toutes les conditionsexpé-
rimentales. Il
s’agit
d’animaux dont la croissance est soit retardée(analogie
avecla forme «
Pygmée
» décrite par NIGON etDouGH!R’ry, z 954 ),
soitbloquée.
Ces ani-maux se révèlent soit
stériles,
soit substériles.3
°
Lety!e
« clair ». Comme leprécédent,
il est «ubiquiste
». Ces Nématodes ont un tubedigestif
et unappareil reproducteur
trèsatrophiés
et une cuticule beau- coupplus
opaque que normalement. De cefait,
certains détails de leurorganisation
habituellement très
contrastée,
enparticulier
les grosses cellules del’intestin,
sontindistincts,
Ils se sonttoujours
montrés stériles.B. - La
!hase
de sensibilisation en débutd’ada!tation
Ainsi que
je
l’ai décrit dans lapremière partie
de cetexposé,
à chacune destempératures
nouvellementsupportées, l’adaptation
des Nématodes s’amorce tou-jours
par unepériode
relativement brève de sensibilisation. Au cours de cettephase, qui
nedépasse guère
les 10premières générations (BRUN, 19 66 b, fig.
i,,, et1 8 ) ’
lafécondité moyenne décroît
jusqu’à
un minimumpuis augmente progressivement.
La considération de ce niveau
critique
estparticulièrement
intéressante car, ainsi queje
l’aidéjà mentionné,
c’est essentiellement par l’amélioration despossibilités reproductrices
au-delà de ce seuil de survie que lesNématodes,
acclimatés aux tem-pératures élevées,
diffèrent des animaux de la souche maintenue continuellement à z8°.Or,
on constate que ce ne sont pas seulementquelques
individusqui
sont en mesurede
dépasser
cettephase critique,
mais au moins 50p. 100de lapopulation. I,afigure
33en rend
compte,
parexemple,
à propos d’uneexpérience
de transfert de24 °
à 24,50. Elleindique
la distribution defréquence
de la fécondité individuelle lors des pre- mièresgénérations
faisant suite au passage à24 , 5 °.
On constate que la variabilité décroît pour devenir minimum au moment de laphase
maximale de sensibilisation etqu’à
ceniveau,
le maintien de lalignée
n’est pas assuré par des animaux très féconds mais seulement par des individus dont la fertilité est faible. Les classes de fécondité élevéedisparaissent
du fait de cette sensibilisation pourréapparaître
par lasuite,
lors de
l’accoutumance,
etsemble-t-il, progressivement puisque
seules les classes 21à 3o et 31 à 40sont de nouveau
représentées après
13générations
de culture à24 , 5 °.
Tout
paraît
doncindiquer
une variation continue et orientée de l’ensemble des animauxqui dépasse,
enquelque
sorte, les fluctuations ducomportement
individuel.L’adaptation
ne semble pas devoir résulter d’une sélection d’animauxpréadaptés puisque :
a)
lapopulation
de Nématodes n’estjamais
dissociable en échantillons de fécon- dité nettement différente : l’un trèsfécond,
l’autre peufécond,
parexemple ;
b)
les classes de haute fécondité ne sont pasreprésentées
au niveau de laphase
cruciale de
l’adaptation :
laphase
de sensibilisation maximum.Si l’on admettait
l’hypothèse
que le passage de la classe de fécondité(i-io)
à la classe
( 11 - 20 )
résulte d’une seuleétape
demutation,
il faudraitconcevoir,
au niveau de la5 e génération,
un taux de mutation de l’ordre de 0,15. Ce taux, trèssupérieur
aux chiffres habituellement considérés pour ungène,
suffiraitdéjà
à nousfaire
placer
ce processus dans unecatégorie
très différente de la mutationgénique
au sens habituel de ce terme. Si l’on
supposait
que ce même passage résulte deplusieurs étapes
demutation,
il faudrait leur accorder unefréquence d’apparition
plus
élevée encore.C. --
Inefficacité
d’une alternancerégulière
destempératures d’élevage
Les
partisans
de lapréadaptation
soutiennent souvent leurposition
enarguant
que, par
exemple,
la résistance auxpoisons
croîtbeaucoup plus
vitelorsque
l’onsoumet les
organismes
à des doses alternativement fortes et faibles quelorsqu’on prolonge
l’action d’une dose donnée. Selon eux, cette alternance favoriserait la sélec- tion desplus aptes.
Dans le cas des
Nématodes,
onpeut
décrire uneexpérience
de cetype
tentéeà 23°, au début de la
phase
IId’adaptation.
Apartir
de laII4 e génération, l’élevage
des animaux a été réalisé
pendant
6générations
successives alternativement à 23 et2 q.°.
Ainsi que le montre le tableau 32 :a)
lacomparaison
desgénérations
successives issues de 23° et sereproduisant
à
24° (G 114 - 116 - 118 ) indique
une diminutionprogressive
etsignificative
des fécondités moyenne et maximum et uneaugmentation
corrélative dupourcentage
destériles ; b)
lacomparaison
des deuxgénérations
issues de24 °
et sereproduisant
à 23°(G115-11!)
révèle un résultatanalogue.
Ainsi,
en alternantrégulièrement
latempérature d’élevage
desNématodes,
leur fécondité décroît.
I,’existence
d’individusplus adaptés
à la chaleur ne se trouve donc pas confirmée par cettetechnique.
D. - Relations entre les variations de la
pression
de sélectionet les
modifications
defécondité
desgénérations
successivesA
23,5!,
entre lesgénérations
432 et 493 - c’est-à-dirependant
61générations
consécutives - la fécondité des animaux a été calculée sans
interruption,
hormisdeux
exceptions.
Dansl’intervalle,
la fertilitéaugmente
d’environ 25 p. 100(fécon-
dité moyenne des 10
premières générations
étudiées :2 6, 9
±4 ,6 ;
fécondité moyenne des 10 dernièresgénérations : 36,7
±3,7).
Comme cet accroissement de fécondité se réalise de
façon irrégulière,
selon unprocessus
analogue
à celui décritfigure
17 - c’est-à-dire avec des chutesfréquentes
et nettement
marquées
dans lareproduction
- on serait tenté de penser que desinégalités
de sélectionpourraient
en êtreresponsables.
Afin de vérifier cette
hypothèse, j’ai
examiné les relationssusceptibles
d’existerentre fécondité et
pression
desélection,
en calculant un indice depression
de sélec-tion 8 de la
façon
suivante :Pour une
génération
aformule dans
laquelle :
- n est le nombre d’individus de la
génération
ca - làl’origine
de lagéné-
ration a dont on étudie la fécondité
(cf.
modalitéexpérimentale fig.
ya) ;
-
D a _ 1
est la différence de sélection au niveau de lagénération
a - i. Ellecorrespond
à la sommealgébrique
des écarts entre la fécondité dechaque géniteur
et la fécondité moyenne de la
population
àlaquelle
ilappartient.
Si on
désigne
la fécondité desgéniteurs P i , P 2
... Pn et la fécondité moyenne despopulations respectives
dont est extrait chacun d’eux parP i , P 2
... Pn, on a :Les résultats de cette étude sont les suivants :
a)
sauf 3exceptions,
la sélection au niveau de chacune des5 6 générations
con-sidérées a été
positive ;
b) il n’y
a aucune coyrélation entye l’intensité de sélection etla fécofidité de
C.elegans.
La
figure
34 serévèle,
à cesujet,
fortdémonstrative ;
c)
iln’y
apas
de liaison évidente entre lapression
de sélection exercée et ladi!é-
rence de
fécondité
constatée entregéné y ation-fille et génération-!arentale.
C’est ce que montre lafigure
35 : dans 27cas, la sélectionpositive
entraîne uneaugmentation
defécondité ;
dans 26 cas, elle aboutit à une diminution de fécondité. On notera cepen-dant qu’une
sélection forte(supérieure
à -+-10 )
conduit à une fécondité accrue dansi
5 l
eas
sur 26. Une sélectionplus
faible donne seulement z2 cas de féconditéplus
fortesur 30.
E. - Coyrélation
entre fécondité
desparents et fécondité
desenfants
On
peut
admettre que les variations de fécondité constatées résultent de ce due l’onobserve,
au niveau d’unegénération
n -!- i parexemple,
une fraction héritée d’une différence volontairementcréée,
parsélection,
dans lagénération
n. Cettecomparaison,
enfait,
n’est passimple.
Il estclassique
actuellement de l’effectueren
employant
la méthodepréconisée
par F. W. ROBERTSON( 1955 )
d’laéyitabilité réa- lisée. Celle-ci est définie par lerapport
suivant :dans
lequel :
h2 = héritabilitéréalisée,
8 = moyenne de la différence de
sélection,
r = moyenne de la
réponse
pargénération.
Le calcul est relativement
simple lorsqu’on
cherche à estimer lapart
de varia- tionqui
a été héritée d’unegénération
à lagénération
suivante :8. - Il
correspond
à l’indice depression
de sélection calculé selon la formule(i).
n est ici le nombre de
géniteurs
dont la fécondité a été considérée dans le calculr. - Pour chacun des
géniteurs i appartenant
à lagénération
a - i, on calculela différence entre la fécondité moyenne,
F i ,
de ses descendants etcelle, P i ,
de lafamille dont il est issu. La
réponse
à la sélection s’écrira alors :Dans ces
conditions,
ilapparaît
queSi on considère que
on pourra écrire par
homologie
d’où
h,
R R *ou 2 = X’
Le calcul est
plus complexe lorsqu’on
cherche à estimer lapart
de la variation héritée au cours d’uneexpérience qui
s’étend surplusieurs générations.
Les para- mètres sont alors calculés de lafaçon
suivante :0 - I,a différence de sélection sera la somme
algébrique
des différences de sélec- tion( 5 )
mesurées pour les diversesgénérations parentales considérées, c’est-à-dire :
R ― La
réponse
à la différence de sélection sera donc la sommealgébrique
desréponses
aux différences de sélection(6)
constatées au niveau de chacune desgéné- rations,
c’est-à-dire :- - -
Dans ce cas, l’estimation de l’héritabilité réalisée se
rapproche
de la définitionqu’en
fournit Fnr,corr!R( 19 6 0 ) :
l’héritabilité réaliséecorrespond
à larégression
dela
réponse
totale à lasélection,
pour desgénérations successives,
sur les différences de sélection cumulées.Ces deux modalités
d’appréciation
ont été considérées pour caractériser les con-séquences
de la sélection artificielle effectuée :- d’une
part
lors du transfert des Nématodes àtempérature plus élevée ;
- d’antre
part
lors d’une culture delongue
durée àtempérature
élevée.i.
Conséquences de la
sélection lors dutransfert
àtempérature plus
élevée.Remarque préliminaire.
- Subissant un transfert detempérature,
les Nématodesne sont pas dans des conditions
d’élevage
stables. Dans cesconditions,
la variabilité due à l’environnementrisque
d’être sigrande qu’elle
en masquera l’effet de la variabilitégénétique.
En outre, il s’établit des relationsde parenté
entregénérations
successives et lesystème d’apparentement
varie d’unegénération
à l’autre. Il en découle que lecoefficient
h2 calculé ne sauraitcorrespondre
à l’héritabilité tellequ’elle
estthéorique-
ment
définie.
Ilpeut cependant
être utilisé comme indice de travail pourapprécier
l’influence éventuelle d’une sélection
positive
ou d’une sélectionnégative.
Le tableau 33fournit les valeurs de l’héritabilité réalisée et de la
pression
de sélec-tion d’une
génération
à lasuivante, pendant
tout letemps
que les Nématodespeuvent
subsister à23 ,5 0 lorsqu’ils
sont transférés directement à cettetempérature
àpartir
de la
température
initiale de z8!. En cequi
concernel’héritabilité,
ce tableauindique,
outre l’héritabilité
globale
mentionnéeci-dessus,
les valeursprises
parh 2 ,
d’unepart
pour l’ensemble des cas de sélection
positive,
d’autrepart
pour l’ensemble des casde sélection
négative.
On constate que :
a)
dans le cas d’une sélectionpositive,
l’indice défini comme héritabilité réaliséeest constamment
négatif.
En outre, il semblequ’il
devienne deplus
enplus négatif
dans les deux dernières
générations. Ainsi, après
transfert detempérature,
le choixde
géniteurs plus
féconds que la moyenne de lapopulation
àlaquelle
ils appar- tiennentn’empêche
pas la fécondité de diminuer deplus
enplus
au cours desgéné-
rations
successives ;
b)
dans le cas d’une sélectionnégative,
l’indice h2prend
des valeurspositives
de
plus
enplus grandes.
Donc laréponse
à la sélection varie dans le même sensque la sélection : les
géniteurs
peu féconds ont donc une descendance de moins enmoins féconde.
Il en découle que l’on doit considérer la sélection effectuée comme
incapable
de contrecarrer un mécanisme
prédominant qui
nuit à lareproduction
des animaux.Il est intéressant de constater que l’on arrive aux mêmes conclusions
lorsqu’on
con-sidère le
comportement
des Nématodes lors des passages d’unetempérature
élevéeà une autre encore
plus
forte(tabl. 3 ,).
2
.
Conséquences
de la sélection lors d’unlong élevage
àtempérature
élevée.Remarque préliminaire.
-Puisque
les conditions de milieu sont stables et bienqu’il
existetoujours
des liens deparenté
entre lesgéniteurs,
le coefficient h2 utiliséprécédemment
comme indice de travail serapproche
ici de la définitionthéorique
de l’héritabilité réalisée.
Le tableau 35 rassemble les valeurs obtenues en considérant le
comportement
des Nématodes à 23 et à23 ,5°,
lors de laphase
IIId’adaptation,
c’est-à-dire à unniveau où
l’augmentation
de fécondité est encoreimportante (cf. fig. 1 5) ’
Les résultats obtenus
peuvent s’interpréter
ainsi :a) lorsqu’on pratique
une sélectionpositive,
les valeurs de l’héritabilité réalisée trouvées pour les différentesexpériences
ne sont passignificativement
différentes de zéro. Ceci tend à prouver que le choix d’animaux féconds ne se traduit pas par uneaugmentation
de la fécondité des descendants. Si la sélection exerce uneffet,
celui-ci doit donc êtremasqué
par l’influenceprédominante
d’un autre facteur.b)
Si onpratique
une sélectionnégative,
on constate que laréponse
à la sélection est elle-mêmenégative,
cequi explique
que l’héritabilité soitpositive
dans ce cas.On note que pour les
expériences portant
sur un effectif assez faible( 2 z- 3 r),
la valeurde l’héritabilité obtenue n’est pas
significativement
différente de zéro. Par contre, pourl’expérience
34, l’information doit être considérée commeplus précise :
on ob-serve alors une héritabilité nettement
positive. Ainsi,
dans le cas d’une sélectionnégative,
moins les individus sélectionnés sontféconds,
moins leur descendance est féconde.F. - Discussion
L’ensemble des considérations
précédentes permet
derépondre
aux deux ques- tions abordées dans cechapitre :
y a-t-il eu sélection? sioui, quel
effet a exercécette sélection ?
La
première
de cesquestions
doit incontestablement recevoir uneréponse posi-
tive. En
effet,
dans toutes mesexpériences,
les animaux stériles sont forcément éli- minés. En outre, dans la mesure dupossible
- car cela nepeut
êtresystématique
-des
reproducteurs
relativement féconds ont été choisis. Cela setraduit,
enparticuliei
par le fait que la
pression
desélection,
sans êtreconsidérable,
est trèsgénéralement positive.
Quant
à l’effet exercé par cettesélection,
il est nécessaired’adopter
uneposition
nuancée.
D’une
part,
une sélectionnégative conduit,
de touteévidence,
à la stérilité.Mais,
d’autrepart,
une sélectionpositive
est loin de suffire à créer les conditions d’une fécondité accrue. Cetteasymétrie
dans lesconséquences
de la sélectionpeut
être constatée dans lespremières générations qui
suivent un transfert àtempérature
plus
élevée comme dans lesgénérations
suivantes.Cependant
l’effet estbeaucoup
plus
net dans lepremier
cas.Ainsi,
à mesure que l’acclimatation progresse, l’effet défavorable d’une sélectionnégative
diminue d’intensité.Le caractère
dissymétrique
de cette influence exercée par la sélectionpeut
trou-ver une
explication
si l’on admet que les élémentstransmissibles, responsables
de lafécondité,
sedécomposent
en deux ensembles obéissant à desrègles
de transmission différentes :1
0des facteurs de stérilité
S,
designe négatif quant
à leur influence sur la fécon-dité,
se transmettant defaçon particulièrement efficace ;
2
° des facteurs d’acclimatation
A,
designe positif
ounégatif,
selon les cas,se transmettant avec un indice d’héritabilité relativement faible.
Dans le cadre de cette
hypothèse,
les facteurs de stérilité doivent êtreprésents
dans tous les
élevages pratiqués
àtempérature
élevée. Enrevanche,
ces éléments Sn’apparaîtraient
paslorsque
lesélevages
sontpratiqués
ài8 o ,
sauf dansl’expérience comportant
un double passage entre 23,50 et 18° et où l’on constate une influence défavorable exercée par le vieillissement desparents (tabl. 21 ,).
Cette dernière obser- vation conduit à émettrel’hypothèse
que le vieillissement desparents apporte
aux descendants un élément de stérilitésupplémentaire
dont l’influence est décelée lors-qu’ils
sontportés
àtempérature
élevée. Endéfinitive,
les facteurs de stérilité pour- raient tirer leurorigine
de processusphysiologiques
divers. Le caractère cumulatif de leur activité degénération
engénération,
leur transmissibilitéélevée, explique-
raient aisément le caractère efficace d’une sélection
négative.
La sélection
positive,
aucontraire,
repose sur le choix degéniteurs
dont lesdéterminations
génétiques comportent,
entre les deux ensembles de facteurs S et Aresponsables
de lafécondité,
une dominantepositive
A.Mais,
entre la déterminationgénétique
desparents
et celle desdescendants,
viennent s’insérer les processus donton a vu
précédemment
que certains d’entre eux inclinent vers la stérilité avec uneefficacité considérable. Dans ces
conditions,
la moyenne des descendants montreraune fécondité relativement
faible, aboutissant,
pour ce caractère, à un indice d’héri- tabilitéproche
de zéro.Cependant,
dans cesconditions,
commentexpliquer
que l’accoutumance finisse parl’emporter?
Troishypothèses peuvent
être considérées :a)
par lejeu
de lasélection,
on élimine d’abord les individus chezlesquels
lesprocessus de stérilisation sont les
plus puissants.
On provoque ainsi une survie de lalignée qui
autorise ledéveloppement progressif
de processusantagonistes ;
b)
l’avènement d’unerégulation physiologique qui
s’installeprogressivement
vient ralentir le
développement
des processus de stérilisation. Cetterégulation
se tra-duit par un
allongement
de lapériode féconde ;
c)
un mécanismerégulateur
-peut-être identique
auprécédent
- vient limiter l’héritabilité des processus de stérilisation. Cet effet se traduit par une efficacité diminuée de la sélectionnégative lorsqu’elle porte
sur des animaux convenablement acclimatés.Si l’on admet que les deux derniers processus s’installent
lentement,
onexpli-
quera, à la
fois,
que la sélectionpositive
est peu efficace et que l’acclimatationexige
une sélection
poursuivie
sur de nombreusesgénérations.
Il
n’échappera
à personne que cesspéculations
doivent être considérées commedes
hypothèses
de travail : ellesparaissent,
eneffet,
ouvrir la voie à de nouvellesnvestigations.
D’autrepart,
nous n’avonsguère
examinéjusqu’à présent,
surquels
supports
cellulairespeut
reposer la transmission des processus dont nous avons été conduits à supposer l’existence. C’est à l’examen de cettequestion
que va être con-sacrée la discussion
générale.
DISCUSSION
GÉNÉRALE
I,es considérations
précédentes
n’affectentpratiquement
pas la conclusion àlaquelle
conduisaient les donnéesexpérimentales
relatées dans les deuxpremières parties
del’exposé
de ce travail(BRUN, 19 66
b etc) : l’adaptation
de C!MO!/MMM’t’selegans
auxtempératures
élevées seprésente
comme la résultante d’effets cumulatifsagissant
directement sur le Nématode. Elle se traduit non seulement parl’augmen-
tation
graduelle
et lente descapacités
demultiplication
du Nématode mais aussipar une stabilisation
progressive
de la transformationadaptative,
en fonction de la durée del’élevage
à hautetempérature. Cependant
cette stabilité n’estjamais
com-plète :
l’accoutumance tend àdisparaître
dans diversescirconstances,
enparticulier lorsque
les animauxadaptés
sont transféréspendant
de nombreusesgénérations
àune
température
inférieure oulorsqu’on
utilise desreproducteurs âgés.
J’essaierai
maintenant derépondre
à deuxquestions-clés :
I
.
Quels
sont lestypes
de facteurs transmissibles surlesquels peut
reposer la stabilité del’adaptation?
2
. Par
quel
processus une souche nonadaptée peut-elle
deveniradaptée?
I. FACTEURS TRANSMISSIBLES RESPONSABLES DE I,A STABILITÉ DE L’ADAPTATION
Les
expériences
réalisées ontpermis
de mettre en évidence les trois caractéris-tiques
suivantes :a) l’inadaptation complète
d’un individu -exprimée
par la stérilité totale - n’estobservée, après
une seulegénération,
que si cet animal est soumis à un trèsimportant
incrémentthermique (passage
de 18 à2¢ ,5°).
Si celui-ci est un peuplus faible, l’inadaptation
va croissant au cours desgénérations
successivesjusqu’à
atteindre
l’inadaptation
totale. Mais si l’incrémentthermique
est encore un peumoindre,
àl’inadaptation
initiale pourrasuccéder,
au cours desgénérations
ulté-rieures,
le début d’unephase d’accoutumance ;
b) lorsqu’un élevage
a atteint laphase d’adaptation,
la stabilité de cetteacqui- sition,
tellequ’elle
se manifesteaprès
retour à destempératures
moins élevées etavec des cultures utilisant de