Répartition spatiale et dispersion de Tomicus piniperda L.
(Coleoptera Scolytidae)
enforêt d’Orléans
D. SAUVARD. F. LIEUTIER, J. LEVIEUX
D. SAUVARD,
INRA, Sta
F. LIEUTIER, de
Zoologie
J. LEVIEUX forestière INRA, Station de
Zoologie forestière
Centre de Recherches d’Orléans Ardon, F 45160 Olivet
Résumé
La
répartition spatiale
de Tomicuspiniperda
L. a été étudiée dans despeuplements
de Pinsylvestre (Pinus
silvestrisL.)
de la Forêt d’Orléans en utilisant comme indice deprésence
lenombre de pousses tombant sur le sol suite à la nutrition de maturation de l’inscctc.
La distribution estivale de l’insecte
apparaît
relativementhomogène
sur degrandes
surfaces (0,4 à 0,6insectelm’)
àl’exception
de fortes concentrations(jusqu’à
30insectes/m’),
lesfoyers,
localisés autour de zones riches en sites de
reproduction (pins dépérissants,
rondinsfrais).
Dansces
foyers
la densité diminue de manièreexponentielle
du centre vers lapériphérie.
La
répartition spatiale
évolue au cours de l’année. Pendant lapériode
de reproduction lesinsectes sont concentrés sur les sites de ponte. Lors de leur maturation ils se
dispersent
lentementà partir de ces sites, la
dispersion
maximale étant atteinte lors de l’hivernation. La comparaison au niveau desfoyers
des nombresd’émergents
obtenus àpartir
des sites dereproduction
et desnombres de pousses
suggère
en outrequ’un
mouvement dedispersion
d’uneampleur
moyenne de l’ordre du kilomètre intervient dèsl’émergence.
Il en résulte un fond depopulation
relativementhomogène
sur degrandes
surfaces, représentant 40 à 80 p. 100 de lapopulation
observée enmaturation. Ces mouvements de
population
de T.piniperda apparaissent
bienadaptés
àl’exploita-
tion de milieux
imprévisibles
ettemporaires.
Mot.s clés : Insecte,
Scolytidac,
Tomicuspiniperda,
Pinus silvestris, répartitionspatiale, disper-
sion,échantillonnage.
1. Introduction
La connaissance de la
répartition spatio-temporelle
d’un ravageur et de ses fluctua- tions constitue l’un despréalables indispensables
à toute étude dedynamique
despopulations.
Dans le cas desScolytes,
leur distribution en forêt n’estgénéralement
saisie que de manière
approximative, laquelle
n’autorise pas à aborder d’emblée des études dedynamique
despopulations.
Pourpréciser
cette distribution il est nécessaire d’étudier d’abord larépartition
du ravageur à l’échelle de l’arbre avant d’étendre nosconnaissances à celle de la
parcelle puis
du massif forestier. Dansquelques
cas, ladistribution intra arbre des
Scolytes
a été bienétudiée,
enparticulier
aux Etats-Unis(S
HEPHERD
, 1965 ; D UDLEY , 1971 ; OHMART, 1972 ;
FARGO etaZ. , 1978).
Enrevanche,
peu de travaux traitent de leurrépartition
à l’échelle de laparcelle.
En conditionépidémique
cette donnée n’aguère
d’intérêt car laquasi
totalité des arbres succom-bent ;
en conditionendémique,
c’est la difficulté derepérer
les sites dereproduction qui
limite ce genre d’étude. Il en résulte quel’importance
despopulations
deScolytes
n’est
généralement
connue que par des indicesimprécis
ou tardifs.De
même,
lesphénomènes
dedispersion,
trèsimportants
pour labiologie
de cesinsectes,
ont été étudiés dupoint
de vue du vol(A TKINS , 1959, 1960, 1961 ; GARA, 1963)
et ducomportement (A TKINS ,
1966b ;
KANGAS etal., 1971 ; E IDM n N tv, 1977 ; B
OTTERWEG
, 1982 ;
WooD,1982)
mais leur incidence sur larépartition
a été peuappréhendée.
Les
particularités biologiques
desespèces
du genre Tomicusreprésentent
unesituation favorable pour aborder une étude de distribution. Les
jeunes imagos
effec-tuent en effet leur nutrition de maturation non pas sur leurs sites de
développement
comme chez la
plupart
des autresScolytes,
mais dans lesjeunes
rameaux despins
oùils forent une
galerie axiale ;
cette alimentation a été bien étudiée par LÂNGSTROM(1983).
Les poussesattaquées
cassent sous l’action du vent, fournissant ainsi au sol un indice de laprésence
de cesinsectes, lequel
peut être mis àprofit
pour estimerl’importance
de leurspopulations
en cours dematuration,
sansqu’il
soit nécessaire d’étudier aupréalable
larépartition
à l’échelle de l’arbre.La
principale espèce
du genre, Tomicuspiniperda
L.(l’Hylésine
duPin),
a enoutre une
importance économique
certaine. Si, à l’étatendémique,
il ne sereproduit généralement
que sur des arbresdépérissants,
sa nutrition de maturation occasionne despertes
de croissance nonnégligeables
dans lespeuplements
sains.Depuis
une dizained’années il provoque ainsi
d’importants dégâts
sur Pinsylvestre (Pinus silvestris)
enforêt d’Orléans.
Ces observations
biologiques
etéconomiques
sont àl’origine
duprésent travail,
les aspectsprésentés
icin’ayant jamais
été étudiés chez cetteespèce
dans notre pays.Nous
rapportons
ici lespremiers
résultats obtenus dans l’étude de larépartition spatiale
de T.piniperda
en utilisant des pousses tombées au sol dans une série deparcelles
de Pinsylvestre
de la forêt d’Orléans.2. Matériel et méthodes
2.1. Sites d’étude
L’étude s’est déroulée en 1984 et 1985 dans le massif de
Lorris,
secteur oriental de la forêt domaniale d’Orléans. On y a choisi 7parcelles
de 15 à 20 hectaresréparties
endeux groupes, Est
(parcelles
434 et435)
et Ouest(parcelles 538, 540, 546, 548, 552)
distants de 7 kilomètres. Elles portent des
peuplements
de Pinsylvestre
de 30 à 40 ans,irrégulièrement parsemés
de feuillus.Deux
parcelles
du groupe Ouest(538
et548)
avaient été éclairciespendant
l’hiver1983-1984 et d’abondants rémanents laissés sur
place.
En outre, 800 stères de bois d’industrie étaient restés stockésprès
de laparcelle
548pendant
toute lapériode
dereproduction
de T.piniperda
auprintemps
1984.2.2.
Effectifs
de T.piniperda pendant
laphase
de nutrition estivaleLa
répartition
de l’insectependant
laphase
de maturation a été étudiée par le ramassage des pousses au sol sur une série de transects de 1 m delarge.
Les récoltes ont eu lieu tous les 15jours pendant
l’été etl’automne,
tous les moispendant
l’hiver.Deux
types
de transects ont été utilisés. Dans lepremier type, qui
sert deréférence,
toute la litière a été retirée à la fin duprintemps
pourpermettre
une récolte exhaustive des pousses tombant au sol. Dans le deuxièmetype
la litière a été laissée enplace
et seules les pousses encore vertes ont étérécoltées,
ceci en vued’alléger
ledispositif.
Dans ce cas, lacorrespondance
avec le nombre total de pousses a été obtenue parcomparaison
avec les récoltes des transects de référence voisins.En 1984 le
dispositif
s’étendait sur 6parcelles,
4 dans le groupe Ouest et 2 dans le groupe Est. Surchaque parcelle
trois transects dupremier type
avaient étématérialisés,
un de 200 m de
long
et deux de100 m ; parallèles
aux chemins dedébardage,
ilsétaient subdivisés en éléments de 20 mètres. Pendant
l’automne, après
examen despremiers résultats,
des transectscomplémentaires (deuxième type)
ont été installés dans les zones lesplus
intéressantes.En 1985 les
expérimentations
se sont limitées au groupe Ouest. Sur 4parcelles (538, 540, 546, 548),
20transects
de référence de 20 m delong
alternativementparallèles
etperpendiculaires
aux chemins dedébardage
ont été mis enplace
afind’analyser
la distribution des insectes entre deux de ces chemins. Les transects perpen- diculaires aux chemins dedébardage
étaient divisés en éléments de 5 mètres delong.
En outre deux
expériences
destinées à provoquer desattaques
sur pousses ont été menées dans des zonesparaissant dépourvues
de sites dereproduction.
Pourcela, pendant
l’hiver 1984-1985 on a abattu 10pins répartis
sur300 m 2 environ
dans laparcelle 548,
defaçon
à ce que leurs fûts à terre soientattaqués
par T.piniperda
auprintemps suivant ; 56
rondins de 1 mètre delong,
nouvellement infestés par cet insecte ont étéajoutés
auprintemps
au centre de cedispositif.
Par ailleurs 68 rondins infestés ont étégroupés
dans laparcelle
552. Deux transectsrayonnants
ont été installés autour dechaque
infestation.Dans tous les transects mis en
place
pour chacune desexpérimentations
on adénombré le nombre de pousses
attaquées
au sol et le nombre d’extrémités degaleries
de maturation observées dans ces pousses. Le nombre de
galeries
a été obtenu par la formule :!1 - 1
lF i mAvec :
G : nombre de
galeries
E : nombre d’extrémités de
galerie
dénombrées dans les pousses au sol P : nombre de pousses récoltéesLe nombre de pousses récoltées
représente
ici le nombre d’extrémités degalerie
restéessur l’arbre lors de la cassure des pousses.
Le nombre de pousses consommées par insecte a été étudié dans trois cages contenant chacune un
pin
de 7-8 ans. On y a introduit débutjuillet
1985respectivement
10,
24 et 80jeunes imagos émergents,
avec un sex-ratio de 1. Dans chacune de cescages les pousses tombées au sol ont été
régulièrement récoltées ;
à la fin de l’hiver lesrameaux
attaqués
restés sur les arbres ont été dénombrés.2.3.
Effectifs
desjeunes imago.s
avant leur installation dans les poussesOn a
compté
le nombre de trous de sortie desjeunes imagos
sur les sites dereproduction (fûts
d’arbresdépérissants, rondins),
nombrequi correspond
en moyenne à 85 p. 100 de celui des insectesémergents (S ALONEN , 1973).
Ceci a été effectué en1984 sur tous les sites de
reproduction
rencontrés à l’intérieur d’une bande de 5 mètres delarge
centrée sur les transects de référence, ainsi que sur lesprincipales
zones dereproduction
observées ; en 1985, cette étude a été faite sur les rondins et les arbresayant
servi aux infestationsprovoquées.
2.4.
Effectifs
des insectespendant
laphase
d’hivernationAprès
leurphase
de nutrition estivale leshylésines
hivernent essentiellement dans l’écorce de la base des troncs. Leurs effectifs dans ces sites ont été étudiés en 1984 surun transect localisé dans la
parcelle
548 et en 1985 sur un transect situé au niveau del’infestation
provoquée
de laparcelle
552. Troisplacettes
échelonnées lelong
de chacunde ces transects ont été
choisies,
danslesquelles
un échantillon de 4 arbres a été abattupendant
l’hiver. Leurs billes depied (i.e.
les 50premiers
centimètres du tronc audessus du niveau du
sol)
ont ensuite étéprélevées puis placées
à 20 &dquo;C en laboratoirejusqu’à
la sortie des insectes dont le nombre a été assimilé au nombre d’hivernants.3. Résultats 3.1 Récoltes de.s pousse.s
Les résultats des récoltes de 1984 sur les transects de référence sont
présentés
dansla
figure
1.Malgré
la forte variabilité entre les éléments de transect, ondistingue
troiszones de densité très élevée par
rapport
à leur environnement, que nousappelons
desfoyers. L’un, appelé
«foyer
central » est localisé sur le transect 546C2-C4,
autour d’un groupe depins dépérissants ;
les deux autres,appelés
«foyers
de bordure » se trouvent en lisière de laparcelle
548 sur les transects 548 A et 548D,
à côté des stocks de bois d’industrie. C’est dans le but depréciser
larépartition
des pousses autour de cesfoyers
que furent mis en
place
les transectscomplémentaires
dont les résultats des récoltes sont traduits dans lesfigures
2 et 3. On y constate la décroissance des effectifs de pousses ens’éloignant
du centre dufoyer.
On retrouve ce résultat en 1985 au niveaudes infestations
provoquées (tabl. 1).
Le tableau 2 regroupe les récoltes des transects de20 m,
exclusion faite de 2petits foyers
observés dans lesparcelles
546 et 548. Larépartition
des pousses yapparaît
assezhomogène
entre les différentesparcelles,
bienqu’elle
soit trèshétérogène
à l’intérieur de chacune d’entre elles.Nous avons constaté que les récoltes deviennent très faibles
pendant l’hiver ;
laquasi
totalité des poussesattaquées
tombent donc au sol avant la fin des ramassages(en
fait avant la findécembre).
Lepourcentage
des pousses vertes esttoujours
élevé :60 à
plus
de 90 p. 100, cequi
tend à valider les résultats des transects àdispositif
allégé,
danslesquels
seules les pousses vertes sont récoltées. Enfin, aucun individu del’espèce
T.minor,
dont lesdégâts
sur pousses sont similaires à ceux de T.piniperda,
n’a été observé
pendant
cetteétude ;
cetteespèce,
bien queprésente
en forêtd’Orléans, peut
donc êtrenégligée
pourl’interprétation
des résultats.Dans les récoltes de terrain on constate que le nombre de
galeries
par pousseattaquée
tend à croître avec la densité des pousses tombées au sol selon uneparabole :
G .
7— =
12R + OU r NT P - nm (l,ne PlzG : nombre de
galeries
observées parm Z
2P : nombre de pousses récoltées par
m z
2Coefficient de détermination :
R 2 = 0,72
Régression
calculée pour des valeurs observées de Pcomprises
entre0,37
et 20pousses/m&dquo;. 2 .
A : transect E (récoltes du 25-10 au 13- 12-1984) - frlll1Becl E
(liarvestitig
(rom IO-25 to 12-13-/9S.J).B : transect F (récoltes des 10-11 et 15-12-19H4) - trrrttsecl
F (harvesti ll g
on 11-10 iiiitl /2-/5-19S4).L’étude
quantitative
de la nutrition en cage a donné pour les troisquantités
d’insectes introduits
(10,
24 et80) respectivement 18,5,
32 et94,5 galeries,
cela pour unhouppier
de 4m 2 environ.
3.2. Observations sur les sites de
reproduction
Dans le
foyer
central de laparcelle 546,
les insectes se sontreproduits
en 1984 sur16 arbres où on a relevé 5 300 trous de
sortie,
cequi correspond
à 6 400émergents.
Dans le stock de bois situé à
proximité
dugrand foyer
de bordure on a observé en moyenne 10systèmes
deponte
et 100 trous de sortie par mètre derondin,
cequi,
compte
tenu du nombre total de rondinsprésents
dans ce tas debois, correspond
à untotal de 1 200 000 trous de
sortie,
soit environ 1 400 000émergents.
Autour des transects de référence seuls
quelques
rares sites dereproduction
trèsdispersés
ont été observés(chablis,
rémanents, arbresdépérissants),
d’où une estimationrelativement peu fiable des densités
d’émergents : parcelles
434 et 435 : 1 700 trous desortie/ha ; parcelle
538 :4 000 ;
540 : 1100 ; 546 ; 2 000 ;
548 : 1 400. Les nombresd’émergents
par transect pour lesparcelles
sansfoyers (434, 435,
538,540)
en 1984 sontreprésentés
dans lafigure
4 en mêmetemps
que les densités de pousses récoltées surces transects.
Au niveau des
foyers
artificiels on a observé environ 13 600 trous de sortie pour laparcelle
552 et 23 000 pour laparcelle
548, soitrespectivement
16 000 et 27 000émergents.
3.3. Observations sur les sites d’hivernation
Une très
grande
variabilité existe entre les arbresquant
au nombre d’insectes hivernants. Il estcependant possible
de retrouver une évolution voisine de celle des pousses au niveau desfoyers.
Ens’éloignant
de tcur centre on aainsi,
pour lefoyer
debordure de la
parcelle
548(1984) (moyenne
etécart-type) 2,7
±3,6 puis 2,6
±1,6
et1,6
±1,0
hivernants parm 2 et
pour l’infestation artificielle de laparcelle
552(1985) 0,86 ±
1,11puis 0,26
±0,33
et 0,16 ±0,25
hivernants parm 2 .
Il est
possible qu’un
certain nombre d’insectes hivernent en dehors de l’écorce des billes depied
mais lesquelques prélèvements
de contrôle effectuéssuggèrent qu’il
nes’agit
que d’une très faible fraction de lapopulation.
4. Discussion
4.1.
Types
derépartition spatiale
des poussespendant
laphase
de maturation4.11.
Répartition
en dehors desfoyers
On observe une forte
agrégativité
des résultats de récoltes par élément de transect(fig.
1,parcelles
434,435,
540,538,
546 AB),
mais celle-ci décroît nettementlorsqu’on
considère dans leur entier les transects de 100 ou
200 m,
les niveaux depopulation
devenant alors assez
homogènes
au niveau de laparcelle.
A l’intérieur d’uneparcelle
les résultats des récoltes de pousses de 1985
(tabl. 2)
montrent unehomogénéité
de ladistribution des pousses sur toute la
largeur
d’une bande forestière entre deux chemins dedébardage.
Au niveau de ces chemins on observe une diminution des effectifs des récoltes(fig.
3A).
Il convientcependant
de remarquerqu’il s’agit
dans ce cas d’untransect tracé en bordure de
parcelle,
zone où les chemins dedébardage
sontparticuliè-
rement
large ;
un modèlesimple (décroissance
linéaire de la densité de pousses au sol dans le chemin dedébardage lorsqu’on s’éloigne
ducouvert) permet
d’estimer l’erreur introduite par les chemins dedébardage
au niveau de la densité de pousses à 0 à 4 p.100 selon les
parcelles.
La faiblesse de ces chiffres parrapport
à la variabilité des récoltes nous permet d’admettre quel’éparpillement
des pousses par le vent conduit àune
homogénéisation
de leurrépartition
au sol sur l’ensemble d’uneparcelle.
Par contre,
d’après
lesquelques
résultats dont nousdisposons
les fortes densités de pousses sont en relation avec laprésence
de rémanents et d’arbresattaqués,
ou pour le moins avec le nombred’émergents qui
en sont sortis(fig. 4).
Uneimportante quantité
de pousses
peut cependant
être récoltée en l’absence de sites dereproduction
observés.4.12.
Répartition
dans lesfoyers
Sur tous les
foyers
larépartition
des pousses du centre vers l’extérieur suit le même modèle(fig. 5) :
la densité diminue trèsrapidement jusqu’à
un niveau correspon- dant aux valeurs horsfoyer.
La décroissance est assimilable à une fonctionpuissance d’exposant négatif (coefficient
de détermination de0,92
à 0,99 selon lecas).
La valeurabsolue de cet
exposant,
c’est-à-dire la pente de lacourbe,
tend àaugmenter lorsque
lasurface de la zone de
reproduction diminue ;
ainsi, pour lefoyer
artificielquasi ponctuel
de laparcelle
552, cette valeur atteint 3 alorsqu’elle
n’est que de 2 pour lefoyer
artificiel de laparcelle
548 et de l’ordre de 1 pour lefoyer
central. Ils’agit
sansdoute
simplement
de laconséquence
de laplus
ou moinsgrande dispersion
initiale des insectes. La valeur del’exposant
tendégalement
à diminuerlorsque l’importance
dufoyer augmente (cf. foyer
debordure),
cequi
est peut être lié à l’existence d’un maximumde
densité depopulation
tolérable pour lesScolytes.
Cetteinterprétation
estd’ailleurs confortée par le fait que l’on observe au centre des
foyers
artificiels des densités du même ordre(20 pousses/m 2 ) qu’au
centre dugrand foyer
debordure, pourtant beaucoup plus important quant
au nombre total d’insectes concernés.Dans les
grands foyers
on observeégalement
unelégère
décroissance de la densitéau
voisinage
immédiat des sites dereproduction ;
aucuneexplication
ne nous sembleconvenir à cette observation. La
présence
de chemins dedébardage
tend à linéariser la courbe de décroissance des densités(cf. figure 5, E) ;
on observe en effet à leur niveau à peuprès
la moyenne des densités des secteursadjacents,
cequi
confirme par ailleurs la neutralité de ces zones, ainsi que nous l’avonssignalé précédemment.
Dans les
foyers
centraux larépartition
des pousses se faitapproximativement
selondes zones circulaires
concentriques (fig. 2).
Iln’y
a donc pas d’orientationpréférentielle
des insectes. Toutefois, un
léger allongement
peut s’observerperpendiculairement
auxchemins de
débardage (fig.
5E).
Au niveau desfoyers
de bordure larépartition
esthomogène
tout lelong
du tas de bois(figure
3A)
et diminuerapidement
auxextrémités. Ces observations
permettent
de reconstituer la structure desfoyers représen-
tée
figure
6. Dans tous les cas la forme dufoyer reproduit
donc celle de la zone dereproduction qui
en est àl’origine.
4.13. Conclusion
Il ressort de cette discussion que la
répartition spatiale
des poussesattaquées
par T.piniperda présente
une relativehomogénéité
sur degrandes surfaces, malgré
uneimportante agrégativité
au niveau local. Cette distribution assezrégulière
estperturbée
par des
anomalies,
lesfoyers, d’importance parfois considérable,
centrés sur les zonesde
reproduction.
4.2.
Dispersion
des insectes à l’échelle de laparcelle
Au cours du
cycle biologique
de T.piniperda
on observe une évolution de la distributionspatiale
del’insecte,
évolutionqui peut
être bien mise en évidence au niveau desfoyers (fig. 7).
Pendant la
phase
dereproduction
larépartition
des insectes est extrêmementagrégative,
lesscolytes
se rassemblant en masse sur les rares sitespropices (chablis,
tasde
bois...). Puis,
lors de laphase
de maturation on observe un étalementprogressif
desrécoltes de pousses,
phénomène qui
traduit certainement undéplacement
despopula-
tions d’insectes. Il est
cependant
difficile de relier lacinétique
de ces deux mouvementspuisque
la chute des pousses est nécessairementpostérieure
auxattaques
et fortement influencée par lesintempéries.
Le processusd’homogénéisation
sepoursuit
lors del’entrée en
hivernation ;
ils’agit probablement
dans ce cas non pas d’unphénomène
dedispersion
maisplutôt
la traduction de la distribution réelle des insectes à la fin de laphase
dematuration,
distributionqui n’apparaît
pas dans les récoltes de pousses car celles-ci rassemblent desattaques
de différentesépoques.
Cettehypothèse
est d’ailleursen accord avec les observations de BOTTERWEG
(1982)
surIps typographus,
bien que labiologie
de cetteespèce
diffèrebeaucoup
de celle de T.piniperda. D’après
cet auteur lestypographes migrant
vers leur site d’hivernation nes’éloignent pratiquement jamais
à
plus
de 5 m de l’arbre source.Il y a donc
pendant
l’été et l’automne une lentedispersion
des insectes-fils autour de leurs sites dedéveloppement,
l’uniformité maximale de la distribution étant atteintependant
l’hivernation.4.3. Estimation du nombre d’insectes en maturation -
Dispersion
à l’échelle dumas.sif forestier
On
dispose
d’un modèle reliant le nombre degaleries
à celui des pousses récoltées(cf. 3.1.).
En outre lesquelques
résultats des étudesquantitatives
de nutrition permet-tent de relier le nombre de
galeries
par insecte en début de laphase
de maturation aunombre de
galeries
par mètre carré :A : Grand foyer de bordure -
Large
border spot.B : Infestation
provoquée
de laparcelle
552 -Artificial
spotof
theforest
companmeni 552.C : Infestation
provoquée
de laparcelle
548 -Artificial
spotof
theforest
compartment 548.(Les rectangles
noirsreprésentent
les sites dereproduction.)
(The blackrectangles
represent thereproduction
sites.)r:
G : nombre de
galeries
parm r
2S : nombre de
scolytes
en début dephase
de nutrition(/ M 2 )
Coefficient de détermination
R 2 =
0,62Ce modèle est bien sûr très
approximatif
du fait dupetit
nombre dedonnées,
maisil concorde avec les résultats de L!NGSTx!M
(1983) ;
deplus
on suppose que les conditionsmicro-climatiques
etbiotiques régnant
dans les cages n’altèrent passignifica-
tivement les résultats par
rapport
aux conditions naturelles. Sous ces réserves la combinaison des deux modèlesprécédents permet
d’estimer le nombre d’insectes endébut de
phase
de nutrition àpartir
des récoltes de pousses. Les résultats de cette estimation pour le groupe Ouest sontcartographiés
dans lafigure
8. Au niveau desfoyers
les chiffres obtenus concordent avec les données de LÂNCSTRÔM(1979), lequel
trouve dans de telles situations 20 000 à 200 000
scolytes
par hectare.On a alors
comparé
le nombre d’insectes ainsi obtenu aux chiffresd’émergence
observés à
partir
des sites dereproduction (tabl. 3).
On constate un excèssystématique
d’émergents
au niveau desfoyers
alors que les zones de faible densité sont, elles,largement
déficitaires, de 40 à t(0 p. lOt?. Il semble doncqu’un phénomène
dedispersion
d’uneampleur
considérable intervienne. Il en résulteglobalement
un fond depopulation
relativementhomogène
sur l’ensemble de la zone, de l’ordre de 0,2 à 0,5 insectes par mètre carré,qui
décroît àpartir
desfoyers
dedébardage ;
ilreprésente
ainsi
près
des deux tiers des insectesprésents
sur environ 300 ha. Cephénomène
estsans doute un facteur
majeur
del’homogénéité
despopulations
que l’on observe àgrande
échelle ; ilexplique également
le faitqu’il puisse
exister desattaques
surpousses
importantes
en l’absence de sites dereproduction apparents.
En outre, lesconséquences
de cettedispersion
se sontprobablement
étendues au-delà desparcelles
étudiées
puisque,
pourexpliquer
les résultats de l’étude sur pousses, lesurplus
desfoyers
de bordure(environ
1,3 milliond’insectes)
a nécessairement dû serépandre
sur500 à 1 000 hectares de
pins,
soit dans un rayon de 1 à 2 kilomètres autour de cesfoyers.
Une telle distance n’acependant
riend’exceptionnel.
Ainsi Dendroctonuspseudotsugae disposerait
d’unecapacité
de vol(en laboratoire)
deplus
de 3 heures avec une vitesse de l’ordre de 100 mètres par minute, soit une distance totale de 20 kilomètres(A TKINS , 1961) ;
de même in natura BOTTERWEG(1982)
observe unedisper-
sion d’au moins 750 mètres pour
Ips typographus
et NILSSEN(1984)
des volsexception-
nels
atteignant
40 àprès
de 200 kilomètres pour différentesespèces
deScolytidae.
On remarque que dès la récolte du 1/08/1984 les
proportions
relatives des récoltes de pousses dans lesfoyers
et en dehors de ceux-ci sontdéjà approximativement
respectées,
cequi
tend à prouver que cettedispersion
a lieu trèstôt, probablement
dèsl’émergence.
On notera enfin quel’importance
relative du vol àlongue
distance sembleaugmenter
avec la taille dufoyer.
4.4.
Importance
desphénomènes de dispersion
pour labiologie de
T.piniperda
Les discussions
précédentes
montrent que deuxcomportements
semblent exister chez T.piniperda
àl’émergence
des sites dereproduction :
alorsqu’une partie
desjeunes imagos
sedispersent
sur degrandes
distances et forment un fond depopulation
assez
homogène,
une autrepartie
reste àproximité
des sites dereproduction
et ne sedisperse
quelentement,
deproche
enproche,
augré
deschangements
de pousses.L’existence de deux
comportements
de volsimultanés,
l’un à courte distance et l’autre àlongue distance,
adéjà
étérapporté
par BOTTERWEG(1982)
chezIps typographus
etpar ATKINS
(1966b)
chez Dendroctonuspseudotsugae
mais ils’agissait là,
de même que pour les chiffres decapacités
de volprécédemment cités,
de donnéescorrespondant
àun vol de fin de maturation
précédant l’attaque
des fûts.La résultante de ces
phénomènes
dedispersion
est que T.piniperda
montre aucours de son
cycle
annuel une tendancemarquée
à occuper toutl’espace
forestier àpartir
de zones dereproduction
trèslocalisées,
ladispersion
maximale étant atteintependant
l’hivernation. Cephénomène
a desconséquences importantes
pour lastratégie
de
reproduction
del’espèce
T.piniperda
nepeut
en effet sereproduire,
en conditionendémique,
que sur des arbres très affaiblis ou fraîchement abattus. Or ces sites sont rares etdispersés
et leur distribution estlargement indépendante
d’une année surl’autre. La
dispersion
des insectes lors de leur maturation dans les poussespermet
ainsi l’existence lors del’essaimage
deprintemps
d’unepopulation
minimale d’insectes àproximité
immédiate de tous les sites dereproduction potentiels.
A
l’essaimage
deprintemps
on observe une redistribution totale desinsectes,
Tomicus se concentrant alors très fortement dans les sites deponte.
Ainsi en 1984-1985 il y avait dans laparcelle
548 au maximum 2 hivernants par mètrecarré ;
en 1983-1984les
populations
y étaientbeaucoup plus
faibles mais on a observé auprintemps
1984environ 150 000
systèmes
deponte
dans les stocks de boisd’industrie, soit,
en admettant l’existence de 2pontes
par femelle en moyenne(V ALLET , 1981)
un nombreapproximativement égal
d’hivernantspendant
l’hiver 1983-1984. Les stocks de rondins ont donc attiré lesscolytes
sur au moinsplusieurs
dizaines d’hectares. Cephénomène d’agrégation,
dont la natureprimaire
ou secondaire est encore discutée(S CH Ô NHERR , 1972 ; E IDMANN , 1977 ; LÀNGSTRÔM, 1983 ;
BYERS etal., 1985 ;
VITE etal., 1986)
est lecomplément
naturel de ladispersion
dans lastratégie
de l’insecte visant à coloniser des habitatsimprévisibles
ettemporaires (A T xINS, 1966a).
La
conséquence
de cesphénomènes
est une variation considérable de larépartition spatiale
de T.piniperda
d’une année sur l’autre en fonction des sites dereproduction disponibles.
La
dispersion
desjeunes imagos permet
en outre une diminution de la concurrencealimentaire
pendant
lamaturation ; elle
entraînepeut-être
unehomogénéisation
dupatrimoine génétique
despopulations
d’insectes dans l’ensemble du massif forestier.5. Conclusions
La
répartition spatiale
horizontale de Tomicuspiniperda
L. est dominée par l’existence defoyers,
enparticulier
autour des tas de bois et des arbresdépérissants
laissés en
forêt,
où se concentre unegrande partie
de lareproduction
et dans unemoindre mesure de la maturation. Entre ces
foyers
lapopulation
duscolyte
est diffuseet relativement
homogène
sur degrandes
surfaces.D’importants
mouvements depopulation
seproduisent
au cours ducycle
annuel.Au
printemps,
les essaimants se concentrent fortement sur lesquelques
sites dereproduction disponibles.
On observe ensuite, en été et en automne, unedispersion
desjeunes imagos,
sans doute en deuxtemps ;
unepartie
de lapopulation s’éloigne rapidement
lors del’émergence,
à des distances moyennes de l’ordre dukilomètre ;
lapopulation
restée autour desfoyers
sedisperse
ensuite deproche
enproche pendant
toute la
phase
de maturation. Ces mouvements permettent unegrande
variabilité de larépartition
d’une année sur l’autre et sont lesigne
d’unestratégie
dereproduction
del’espèce
bienadaptée
au caractèredispersé, imprévisible
ettemporaire
des sites deponte.
Cette étude tend en outre à montrer la validité de l’utilisation des pousses au sol
comme indice de la
répartition spatiale
de Tomicu.spiniperda pendant
saphase
denutrition ;
on peut ensuite en déduire lesgrandes lignes
de sa distributionpendant
lesphases
dereproduction
et d’hivernation. Bien que certainspoints
restent àpréciser,
enparticulier
la consommation moyenne de pousses par les insectespendant
laphase
dematuration,
ondispose
avec le genre Tomicus d’un modèleunique
chez lesScotytidae quant
àl’approche
de larépartition
et surtout de l’estimation des niveaux depopulation
de ces ravageurs. Il semble
cependant
nécessaired’y adjoindre
le dénombrement exhaustif des stocks de bois dontl’importance
estprimordiale.
Ilimporte
en outre detravailler sur des surfaces
importantes
pourpouvoir prendre
en compte l’ensemble d’unepopulation
et de sesdéplacements.
Parallèlement à ces estimations des études surles modalités d’intervention des
phases
dedispersion
et sur lesparamètres démographi-
ques devraient permettre la mise au
point
d’un modèle d’évolution despopulations
dece ravageur en situation
endémique.
Reçu
le 1 mars 1987.Accepté
le 22 mai 1987.Remerciements
Les auteurs remercient Ic
personnel
de l’Office National des Forêts, enparticulier
M. Lafouge. Directeur
Régional,
MM. Bonnaire et Berne, Chefs de Centre, M. Raoul, Chef de Subdivision et MM. Soute et Carre, Chefs de Secteur, pour leur aidetechnique,
sanslaquelle
cetteétude n’aurait pu être menée à bien, et pour la
compréhension qu’ils
leur ont montrée.Summary
Spatial
distribution anddispersal of
Tomicuspiniperda
L.(Coleoptera Scolytidae)
in theforest of
Orleans(France)
The
spatial
distribution of the Pine Shoot Beetle (Tomicuspintiperda L.)
was studied in 1984and 1985 in some stands of Scots