ÉTUDE DE LA RÉPARTITION TOPOGRAPHIQUE
DE LA MYOPATHIE EXSUDATIVE
ET DÉPIGMENTAIRE DU PORC
R. GOUTEFONGEA
J.
CHARPENTIER Denise GUENE J.-P. SUQUET Laboratoire de Recherches sur la hiande,Centre national de Rerherches
sootechniques, i8-Jouy-eu-Josas
SOMMAIRE
Trente demi-carcasses de porcs Large White abattus au
poids
vif de 100 :!5 kg
ont étédisséquées
le lendemain de l’abattage. Pour
chaque
demi-carcasse, 51 échantillons, représentant 45 muscles,ont été soumis à la détermination du pI3, du pourcentage de rémission et du
pouvoir
de rétention d’eau.Dans toute carcasse de porc, certains muscles ont toujours un
pI3
ultime faible, un pourcentage de rémission élevé(coloration pâle)
et un pouvoir de rétention d’eau faible. Deplus,
dans ces muscles,la variabilité des
caractéristiques
mesurées est plus élevée.Lorsque
l’on utilise la mesure d’une ouplusieurs
de cescaractéristiques
pourapprécier objectivement
laqualité
d’une carcasse, on a donc intérêt, pour augmenter la sensibilité, à s’adrcsser aux muscles pâles et à faiblepouvoir
de rétentiond’eau.
De nombreux travaux sont
consacrés, depuis plus
de io ans, à l’étude de l’affec- tion connue sous le nom demyopathie
exsudative etdépigmentaire
du porc(COSSARD, 1957
)
enFrance,
et dewatery fiork
dans les paysanglo-saxons.
Diverses revuesbibliographiques
ont, parailleurs,
fait lepoint
sur l’ensemble de ces travaux(GouTE-
FON GE A
,
I9 6 3 ), (BE NDAI , L
etI,A WR IÈ, I(!64), (BRISKEY, I964.).
Il est reconnu que dans cette
affection,
il existe une continuité entre les caracté-ristiques physiques
etphysico-chimiques
de la musculature de l’animalparfaitement
normal et celles de l’animal
profondément atteint,
mais on saitégalement
que dansun
animal,
tous les muscles ne sont pas atteints avec la même intensité. Une étudepréliminaire (ME SLE
etal., I9 6o),
effectuée sur 5 muscles du membrepostérieur
duporc, nous a
permis
d’observer uneimportante
variabilité des critèrespris
en consi-dération,
à savoir lepH,
lepouvoir
de rétention d’eau et lacouleur,
ainsi que l’exis- tence de liaisons entre ces critères.Bien que le membre
postérieur représente
unepart importante
de la valeur de la carcasse, nous avons estimé nécessaire d’étendre cette étude à l’ensemble de la musculature et ceci dans un double but :- vérifier la validité de nos observations effectuées sur un nombre réduit de muscles
provenant
d’une mêmerégion anatomique,
- étudier la
répartition topographique
de l’affection et déterminer les muscles lesplus
sensibles.MATÉRIEL
ETMÉTHODES
i. Matériel animal
Trente porcs de race
Large
White pesant 100+ 5kg
ont été utilisés lors de cette étude.Les
opérations d’abattage comprenaient
successivement l’électrocution, lasaignée, l’échaudage,
l’éviscération et la fente.
Les carcasses des porcs étaient placées en chambre froide à -!- 4°, 2 heures
après
la mort. Ladissection
(sur
une demi-carcasse) avait lieu le lendemain. Nous avonspris
en considération tous les musclesqui,
par leur taille et leur structure,permettaient
d’effectuer des mesures dans de bonnes conditions. Nous avons dû en effet éliminer certains muscles ou troppetits,
ou constamment infil- 1- trés degraisse
et de tissuconjonctif,
cequi
ne nous aurait paspermis
d’obtenir des résultats valables,en ce
qui
concerne la mesure du pH, de la couleur ou dupouvoir
de rétention d’eau.Pour certains muscles,
présentant
manifestement deux zones de coloration très différente, nousavons considéré deux échantillons par muscle.
Nous avons ainsi pu étudier 45muscles représentés par 5r échantillons dont la liste est donnée
en annexe. La nomenclature de ces muscles a été effectuée selon NICKEL, SCIIUMMER et SEIFERLE
(
19 54).
2
. Méthodes
Un échantillon d’un
poids
minimum de 25g était prélevé sur chaque muscle oupartie
de muscleen s’attachant à ce qu’il soit le
plus homogène possible
et exempt de gras oud’aponévrose.
Sur
chaque
échantillon, les déterminations suivantes étaient effectuées :a)
Mesure du pourcentage de rémission à 490 m,u. à l’aide d’un réflectomètreélectrosynthèse SP 3
3(mesure
du pourcentage de lumière incidente réfléchie parl’échantillon).
Plus un muscle est clair,plus
ce pourcentage de rémission est élevé.b) Mesure du pll au moyen d’un
pH-mètre
EII, 23 AF2 et d’une électrode detype duplex SDSA
3 o.
c)
Mesure dupH
sur lebroyat
obtenu à l’aide d’un hachoir muni d’unegrille
à trous de 3mm de diamètre.d
) Détermination du pouvoir de rétention d’eau par la méthode par
pression
décrite par Gou-TEFONGEA
(r 9 66).
A l’issue de cette mesure, on traduisait lepouvoir
de rétention d’eau par le pour- centage d’eau défini par :Donc
plus
un muscle a unpouvoir
de rétention d’eau faible,plus
le pourcentage d’eau libre est élevé.RÉSULTATS
- DISCUSSIONNous avons
rassemblé,
dans les tableaux 1, 2, 3 et q., les valeurs moyennes x, lesécarts-types
er et les coefficients devariation ’-T des caractères mesurés pour chaque
;ç
échantillon. Nous les avons classés dans l’ordre des valeurs décroissantes pour la
mesure du
pourcentage
de rémission et celle dupouvoir
de rétention d’eau et dans l’ordre des valeurs croissantes pour lepH.
Dans le tableau 5, nous avons rassemblé les coefficients de corrélation par échan- tillon entre les
quatre
séries de mesures effectuées.I,es tests
d’homogénéité
des variances et des coefficients de corrélation ont été effectués selon SNEDECOR( 195 6).
Enfin,
les tableaux 6et rassemblent,
d’unepart,
les moyennesglobales
obtenuessur l’ensemble des échantillons et, d’autre
part,
les coefficients de corrélation totaux.I,orsque
l’on classe les muscles parrapport
aux différentes mesureseffectuées,
en considérant chacun des caractères ainsi mesurés comme critère de
l’affection,
on remarque que, sans être
identiques,
ces classements sont assezvoisins,
surtouten ce
qui
concerne les muscles classés en tête. Dans toute carcasse de porc, certains muscles sont donctoujours plus pâles ;
ils ont unpouvoir
de rétention d’eau moindre et unpH
ultime inférieur. Ces muscles sont lespremiers
à montrer l’existence de lamyopathie
exsudative etdépigmentaire
et àprésenter
les défautsqu’elle
entraîne.Ce sont essentiellement le muscle
Longissimus
dorsi et lamajeure partie
des muscles du membrepostérieur.
Les caractères mesurés
présentent
unegrande
variabilité. On constate, eneffet,
en s’en tenant aux moyennes, que le
pH
varie de 5,43(muscle Longissimus dorsi)
à
6, 15 (Rectus femoris, partie foncée),
lepourcentage
de rémission de 31,4 p. 100(muscle
Semitendinosus, partie claire)
à 11,3p. ioo(Plantaris)
et lepouvoir
de réten-tion d’eau de 27p. ioo
(muscle Longissimus dorsi)
à 7,4p. ioo(Pectoralis su!erficialis pars
steynocostalis, partie claire).
En considérant différents muscles d’un même porc,nous avons obtenu des valeurs extrêmes de 5,30
(muscle Longissimus dorsi)
à6, 4 8 (Reclus femoris, partie foncée),
pour lepH,
de 45 p. IOO(muscle
Semimembranosus)
à 11,5 p. ioo
(Plantaris)
pour lepourcentage
de rémission et de 42 p. ioo(muscle Longissimus dorsi)
à 7p. ioo(muscle Coraco-brachialis)
pour lepouvoir
de rétention d’eau. Entre deuxportions
d’un mêmemuscle,
nous avons obtenu des écartségale-
ment
considérables ;
c’est ainsi que nous avons observé des valeurs depH
de6, 4 8
et
5,6o
pour les deuxparties
du muscle Semi membyanosus. Demême,
en cequi
concerne le
pourcentage
derémission,
des valeurs de12 ,8
et25 ,6
ont été obtenuessur le muscle Rectus
femoris
et, pour lepouvoir
de rétentiond’eau,
i5,5 et42 ,8
surle muscle Semi tendinosus.
Les tests
d’homogénéité
des variances montrent que celles-ci sontsignificative-
ment différentes.
L’examen des coefficients de variation montre que, pour une
caractéristique
musculaire
donnée,
ils sont, à de raresexceptions près,
du même ordre degrandeur.
Ceci
signifie
que,plus
un muscle estpâle
et a unpouvoir
de rétention d’eaufaible, plus
cescaractéristiques
ont une variabilitéimportante. Donc, lorsque
l’on désire caractériser une carcasse par la détermination de l’une ou deplusieurs
de ces carac-téristiques,
on aintérêt,
dans le butd’augmenter
la sensibilité de la mesure, à s’adres-ser aux muscles les
plus atteints,
que nous avons mentionnésprécédemment.
En ce
qui
concerne les coefficients de corrélation entre les différentes caracté-ristiques mesurées,
nous pouvons noter une variation assezimportante
d’un muscleà
l’autre,
àl’exception
du coefficient de corrélation entre lepH
mesuré sur échantillon entier et lepH
mesuré surbroyat,
cequi
estlogique.
Onpeut
toutefois remarquer, dans ce dernier cas, que ce coefficient est nettementplus
faible dans le cas du muscleLongissimus do y si ;
ceci est dû à la faible variabilité dupH
de cemuscle,
cequi explique
aussi les valeurs faibles pour ce
muscle,
des corrélations entre lepH (mesuré
des deuxmanières)
et lepouvoir
de rétention d’eau ou lepourcentage
de rémission. Par contre, la corrélation entre ces deux dernièrescaractéristiques
estplus
élevée etsignificative àP=o,o5.
Les tests
d’homogénéité
des coefficients de corrélationindiquent qu’il n’y
ades différences
significatives
que pour la corrélation entre lepH
mesuré sur muscleentier et le
pH
mesuré surbroyat
et pour les corrélations entre lepouvoir
de réten-tion d’eau et le
pH (muscle
entier etbroyat).
Dans lepremier
cas, ce résultat estprobablement
dû à la valeur du coefficient pour le muscleLongissimus dorsi,
trèsécartée de l’ensemble des valeurs obtenues pour les autres muscles. Par contre, pour les corrélations entre le
pouvoir
de rétention d’eau et lepH,
ce résultatindique
que la liaison entre ces deux
caractéristiques
varie d’un muscle à l’autre.Cependant,
la faible variabilité de certaines
caractéristiques
dans certains musclespeut expliquer
la valeur basse des coefficients de corrélation obtenus pour certains
échantillons ;
dans
quelques
cas, on doitplutôt invoquer
la taille réduite ou la structurehétérogène
des échantillons dans certains porcs, ce
qui
n’a paspermis
d’effectuer les mesures avec toute larigueur
désirable.I,e
reproche
essentiel fait aux viandes exsudatives étant la faible valeur dupouvoir
de rétention
d’eau,
nous avonspensé qu’il
serait intéressant de voir comment serépartit pondéralement
la musculature de porcs dequalité
différente entreplusieurs
classes de
pouvoir
de rétention d’eau.Nous avons estimé que, en
première approximation,
onpourrait
situer un seuild’acceptabilité
vers 22 à 23 p. ioo deperte
depoids
de l’échantillon dans nos condi- tionsexpérimentales ;
nous avons donc défini 5classes depouvoir
de rétention d’eau :La
figure
i montre larépartition pondérale
entre ces classes des muscles de porcs de bonne et mauvaisequalité.
Ces schémasindiquent
que le porc A a 75 p. 100 de sa musculature dans les classes !c bon » et « excellent » et 25 p. IOOdans la classeacceptable ;
le porc B, par contre, aplus
de 50 p. 100 de sa musculature dans les classes « déficient !· et « très déficient ». Ceci montre lesrépercussions
quepeut
avoir l’affection sur leplan économique, répercussions
encoreaggravées
par le fait que les musclesqui
seplacent
dans les classes dequalité
inférieure sont essentiellement le muscleLongissim ! ts
dorsi et lamajeure partie
des muscles du membrepostérieur
et
appartieinent
donc aux morceaux dedécoupe ayant
la valeur commerciale laplus
élevée.CONCLUSION
L’étude de la
répartition topographique
de lamyopathie
exsudative etdépig-
mentaire du porc nous a montré
qu’il
existetoujours
chez le porc des musclesprésen-
tant un
pH
peuélevé,
une couleurpâle
et un faiblepouvoir
de rétention d’eau parrapport
à l’ensemble de la musculature. Ces muscles sont ceuxqui
sont atteints enpremier
lieu par l’affection et chezlesquels
elle se manifeste avec leplus
d’intensité.Ce sont donc ces muscles
qui
sont lesplus
intéressants à considérer pourdiagnos- tiquer
l’affection avec le maximum deprécision
etqui
devront donc être utilisés pour l’étude de l’influence de divers facteurs sur le déterminisme de l’affection(régime alimentaire, environnement, etc.).
De
plus,
la mise en évidence d’une sensibilité propre àchaque
muscle confèreun intérêt
particulier
à l’étude ultérieure des diversescaractéristiques
du musclesusceptibles
d’être àl’origine
deperturbations métaboliques
dont lesconséquences
constituent
l’étiologie
même de l’affection. Parmi cescaractéristiques,
il conviendrait de considérer lafréquence
et l’intensité de l’activité dumuscle, l’importance
de sonirrigation,
ainsi que la nature de sonéquipement enzymatique,
la concentration et l’activité des enzymes de laglycolyse
et de la chaînerespiratoire.
Reçu pour
publication
enjuin
1966.REMERCIEMENTS
Nous remercions l’Atelier
mécanographique
de la Station centrale deGénétique
animalequi
aeffectué les calculs
mécanographiques.
’SUMMARY
TOPOGRAPHICAL DISTRIBUTION OF EXUDATIVE AND DEPIG}ŒNTING MYOPATHY
(WATERY PORK) IN PIGS
To
study
thetopographical
distribution of exudative anddepigmenting myopathy
3o half-carcases of
Large
Whitepigs
killed at 100 + 5kgliveweight
were dissected theday
afterslaughter.
For each half-carcase pH, percentage reflectance and water
holding capacity
were estimated in 51samples representing
q5 muscles.The samples were classed in relation to each of the characteristics measured
(tables z, z, 3 and ¢).
There was a certain
similarity
for those muscles at the top of the lists. That shows that certain musclesconsistently
have a lower final pH, ahigher
index of reflectance and a lowcapacity
for reten-tion of water. Moreover, in those muscles variation in the characteristics measured is greater. They
are thus the best to consider when measurement of these characteristics is used for an
objective
assessment of the
quality
of the meat.An examination of the
weight
distribution of the muscles of a half-carcase classedaccording
to their
capacity
to retain water,corresponding
to meats of differentquality,
shows themagnitude
of the economic consequences of the disorder
(figure
i),particularly
since the muscles most affectedbelong
to the carcase cuts with the higher commercial values.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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