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Renoncement et implication

ASKANI, Hans-Christoph

Abstract

Méditation sur la correspondance entre Caroline Malvesin et Antoine Vermeil

ASKANI, Hans-Christoph. Renoncement et implication. Communion : Courrier de la communauté des diaconesses de Reuilly, 2006, no. 182, p. 36-40

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:30118

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Renoncement et implication.

Méditation sur la correspondance entre CAROLINE MALVESIN et ANTOINE VERMEIL [pour « Communion », rédigé juillet 2006]

Hans-Christoph Askani

« ‘Celui qui pour moi aura quitté sa mère, son père, sa sœur, ses frères, … etc …etc.… etc…en recevra cent fois plus.

Celui-là est vraiment digne de moi…’ Courage, oh ! Courage, chère Sœur. »1

« Oh ! Quelle joie, quel privilège, quel bonheur de pouvoir travailler ensemble à l’œuvre de notre Dieu. ! »2

Cette exclamation – prononcée par le pasteur Antoine Vermeil à Caroline Malvesin – est à l’origine de la fondation de la « Maison des Diaconesses de France », des « Sœurs de charité protestantes»3.

La correspondance entre les deux, la fondatrice et le pasteur fondateur, est empreinte de cet esprit de joie. – Une joie particulière parce qu’elle vient de la volonté de servir, de rien d’autre. Volonté ? S’agit-il vraiment de volonté ? Oui et non. Il y a une profonde volonté, une volonté très forte de la part des deux correspondants : volonté de réagir face aux détresses de la société française au milieu du 19ème siècle4 ; volonté de ne pas s’accommoder « à la triste situation de nos Eglises »5 ; volonté à dépasser la fierté d’un protestantisme trop sûr de lui- même et à transgresser les frontières confessionnelles en vu du retour à une orientation, une sanctification6, une vie « chrétiennes »7… ; volonté à ne pas se laisser séduire par les joies et

1 A.V. à C.M., lettre du 21 juin 1841.

2 A.V. à C.M., lettre du 5 avril 1841.

3 Lettres de C.M. à A.V. du 21 avril et du 24 juin 1841, cf. lettre d’A.V. à C.M. du 17 juin 1841.

4 « … soigner les prisonniers, secourir les pauvres, consoler les affligés, recueillir les

orphelins, instruire les ignorants, relever les pécheresses désolées… que de bien faire, auquel la charité individuelle et la bienfaisance administrative ne suffisent pas ! » (Prospectus rédigé par C.M. à la suite de sa lettre du 24 juin 1841, cf. sa lettre du 10 février et du 24 février1841.)

5 A.V. à C.M., lettre du 6 février 1841 : «C’est la lèpre qui souille et dévore tout au milieu de nous que cet esprit d’indépendance et d’individualisme porté à l’excès. Depuis notre foi jusqu’à nos moindres opinions, depuis le gouvernement de notre Eglise jusqu’à

l’administration de nos Comités les plus obscurs ; depuis la direction de nos troupeaux

jusqu’à celle des œuvres les plus humbles, c’est là ce qui gâte, entrave, pulvérise tout. L’esprit protestant avec ses excès est particulièrement dissolvant… «.

6 Cf. C.M. à A.V., lettre du 16 mars 1841.

7 Lettres de C.M. du 10 février, du 16 mars et du 24 juin 1841 ; cf. lettre d’A.V. du 5 avril 1841.

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2 les vanités du monde8. En un mot : Volonté à s’impliquer, à se donner, à se consacrer

entièrement au service des autres, à secourir les détresses, à vivre la foi chrétienne, « à travailler à l’œuvre de notre Dieu… ».

Volonté ? Oui. Les lettres échangées entre Caroline Malvesin et Antoine Vermeil témoignent de deux personnalités qui ont une très forte volonté. Et cependant : volonté ? Non. Nous avons rencontré dans ces lettres une volonté à servir, c’est incontestable ; mais vu de près on s’aperçoit qu’ici, dans cette volonté particulière et si forte à se donner, à tout donner, le service précède la volonté. Ce n’est pas la volonté qui se décide à vouloir servir, c’est le service qui ‘décide’ à vouloir, à devoir être accompli. Le service s’empare de la volonté. Le service est premier, la volonté suit. La volonté s’abandonne, s’adonne au service. Comment d’ailleurs la volonté – toute volonté – saurait-elle se déterminer à servir ? Ce n’est pas son genre. Son genre est de s’accomplir elle-même. Mais ici, dans cette volonté particulière, le vouloir se met en arrière, au deuxième rang. La « liberté des enfants de Dieu » consiste dans ce fait surprenant, profondément surprenant : la volonté sait abandonner son propre vouloir en faveur de ce qu’elle n’aurait jamais voulu : servir, se soumettre, se laisser déterminer –– par autrui, par la détresse, par ce qui se révèle nécessaire pour celui qui ne ferme pas les yeux.

« Oh ! Quelle joie, quel privilège, quel bonheur de pouvoir travailler ensemble à l’œuvre de notre Dieu. » C’est là le mystère d’une existence chrétienne : l’œuvre que nous entreprenons, pour lequel nous nous donnons, auquel nous travaillons, cet œuvre est celui d’un autre, celui de Dieu. Notre œuvre est le sien ! Nous y participons, nous y prenons part, il nous engage. Il nous donne à nous donner.

La lecture de la correspondance entre les deux fondateurs de la « Maison des diaconesses » est surprenante. Ces lettres, ces pensées, ce style, cet amour, ce dévouement… ne sont pas à la hauteur de notre temps. Elles paraissent démodées, étranges, étrangères. Mais détrompons- nous ! Ces pensées, ce style, cet amour, cette foi… ne furent jamais à la hauteur d’un temps ; ils furent – et sont – étrangers par rapport à tout temps, à toute époque. On pourrait inverser la relation et dire : aucune époque ne fut – et est – à la hauteur de telles pensées, d’un tel amour, d’une telle foi. Mais un inversement de ce genre serait bon marché. Non ! Admettons

l’étrangeté, l’incompatibilité profonde qui règne dans ces pensées. Admettons qu’il y a ici une tonalité autre, un style autre, une manière de vivre autre : une particularité que l’on ne saura pas reconduire à un schéma préétabli… Comment caractériser cette particularité, ce

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décalage ? Il s’agit d’une prise de distance par rapport à ce que l’on appelle « le monde ». Une prise de distance par rapport au monde en faveur de lui9.

Renoncement. Mais renoncement qui est en même temps engagement.

Appartenir à un autre monde (un autre « royaume ») et vivre dans celui-ci, pour celui-ci. – Je me souviens d’une discussion menée avec un des mes professeurs de philosophie. On parlait sur l’ascèse. Il affirmait qu’il n’y avait que deux raisons possibles pour l’ascèse : s’abstenir pour des raisons de santé ou s’abstenir pour influencer une divinité. J’ai essayé de défendre un troisième type d’ascèse, une ascèse qui ne veut rien, qui ne poursuit aucun but. S’abstenir non pas en vu de… S’abstenir tout court. Renoncer. ‘Le monde’, ‘tout’ n’est pas tout. La volonté de s’accomplir soi-même, de croître, de gagner, de l’emporter a une limite. Existent donc : le renoncement, le retrait, la foi. Le ‘monde’, le ‘tout’ a une limite. Ainsi existe-t-il une

libération de soi-même. Une libération qui ne renvoie pas dans le vide, mais dans le nécessaire. Nous nous y impliquons, nous y travaillons, nous réalisons nos œuvres, notre œuvre. Mais au fond notre œuvre n’est pas le nôtre, mais le sien. Il nous y implique. Cet œuvre, son œuvre nous donne à donner, à nous donner. Voilà le mystère chrétien de la

volonté ré-volue dont nous avons parlé ? ‘Vouloir comme si nous ne voulions pas.’ La volonté qui commence ailleurs.

« Plus je pense à ce projet [la fondation des ‘Sœurs de charité’] », écrit Caroline Malvesin,

« plus je l’aime ; je l’aime pour les grandes œuvres que le Seigneur pourrait nous donner de lui voir opérer. »10

Il faut entrer dans cette phrase, il faut la savourer. Il s’agit bien des œuvres, des œuvres très concrètes que les deux fondateurs veulent entreprendre. Mais qui les opère et qui les voit ? Ce que nous faisons dans toute notre activité c’est de voir lui opérer. De voir lui opérer en

participant à son œuvre.

C’est pour cela que de termes comme « obéissance », comme « humilité », comme

« subordination », comme « servitude »… ne sonnent pas bigots dans ces lettres. Ils sont, si j’ose dire, authentiques. Authentiques parce qu’ils – ces termes et l’attitude qui leur

corresponde – ne sont aucune invention humaine, ne sont pas le résultat d’un vouloir être, d’une performance (comme on dit aujourd’hui) ; ils sont plutôt le reflet et le témoignage

9 « … la vie en dehors des habitudes et des vanités du monde, le cœur désabusé des affections autres que celle du Seigneur … ». (Lettre du 6 février 1841 de A.V. à C.M., cf. la lettre de C.M. du 24 février 1841.)

10 Lettre du 10 février 1841.

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4 d’une profonde libération de tout vouloir- et de tout devoir-être. Ces attitudes sont

authentiques parce qu’elles ne viennent pas de nous et parce qu’elles n’appartiennent pas à nous ; parce qu’au fond elles ne sont pas des attitudes, mais des dons. L’événement imprévu d’un don qui nous donne à nous autrement. À nous ? Ce n’est pas cela qui importe.

Dans une lettre à ses « chères Sœurs » du 31 décembre 1868 sœur Malvesin parle de ce qui caractérise la communauté des sœurs :

« Voyez-vous d’un coup d’œil, mes chères sœurs, l’aspect d’une association dont chaque membre va puiser la vie en Jésus seul ! l’amour en Jésus seul ! la force en Jésus seul ! les moyens en Jésus seul ! l’intelligence, le discernement, la sagesse en Jésus seul !, l’humilité, le contentement, le renoncement, l’abnégation, l’esprit de sacrifice en Jésus seul. »

« En ». Tout le mystère est dans ce petit mot. Où ? (Où vivons-nous ? Où agissons-nous ? Où croyons-nous ?) En lui. Dans ce mot la place est donnée aux chrétiens : au sein de ce monde et au-delà de lui. Au-delà de ce monde et – en même temps – au sein de lui. (Où ailleurs d’ailleurs ?)

Renoncement et implication. Les deux ensemble résultent d’un événement de libération.

Libération de soi-même. Servir. Joie. Le privilège de servir. Cette libération est au fond de ce que le Nouveau Testament appelle avec un mot grec la diaconie, dont est déduit le mot diaconesses.

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