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PIERRE PAPON LA DÉ A MOCRATIE -T-ELLE BESOIN DE LA SCIENCE CNRS EDITIONS

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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BESOIN A-T-ELLE DE LA

PIERRE PAPON

CNRS EDITIONS

LA

SCIENC E

DÉMOC RATIE

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Présentation de l’éditeur

La démocratie a-t-elle besoin de la science ? La crise sanitaire provoquée par la pandémie de coronavirus a mis en lumière le rôle crucial de l’expertise scientifique.

Des questions se posent ainsi avec plus d’acuité que jamais : quelles relations nos sociétés entretiennent-elles avec la science ? Quel est son rôle en démocratie ?

La science a contribué à changer notre vision du monde : révolution copernicienne, théories de l’évolution, de la relativité et des quanta, découverte du code génétique…

En interaction avec la technique, elle est un facteur de transformations socioéconomiques et joue un rôle croissant dans l’élaboration des politiques publiques (santé, énergie, défense, transports…).

Mais si la science a contribué à améliorer les conditions de vie de chacun d’entre nous, elle est souvent contestée pour sa participation à l’expertise préalable à la décision politique. Cette contestation incite à réévaluer la relation de nos sociétés à la science alors que nous devons répondre à de multiples défis (prévention des pandémies, réchauffement climatique, impact du numérique sur le travail, inégalités sociales…).

Cet ouvrage explicite les méthodes scientifiques pour mettre au jour des « vérités » ainsi que leurs limites. Il propose des moyens pour renforcer le rôle de « vigie » de la science et amplifier le dialogue entre les citoyens, les élus et la recherche.

Pierre Papon est professeur honoraire à l’École supérieure de physique et chimie industrielles de Paris (Université PSL) et conseiller scientifique de Futuribles international. Il a été directeur général du CNRS et PDG de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER).

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La démocratie a-t-elle besoin

de la science ?

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PIERRE PAPON

La démocratie a-t-elle besoin de la science ?

CNRS ÉDITIONS

15 rue Malebranche – 75005 Paris

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Collection « Le Banquet scientifique » dirigée par Jean Audouze

© CNRS Éditions, Paris, 2020 ISBN : 978-2-271-13448-6

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Avant-propos

Pourquoi s’interroger sur le rôle de la science dans une démocratie ?

Depuis le début du siècle, le cours de la science a été jalonné de quelques découvertes majeures. Contentons-nous de donner quelques exemples. L’utilisation systématique de la technique d’imagerie par résonance magnétique (IRM) dans les recherches sur le cerveau a permis aux neuros- ciences de réaliser des progrès considérables, en localisant les aires du cortex cérébral mobilisées dans des activités cognitives, notamment la lecture. Toujours dans le domaine des sciences du vivant, une série de travaux en microbiologie et en génétique, en particulier ceux d’une chercheuse fran- çaise Emmanuelle Charpentier et de sa collègue américaine Jennifer Doudna, ont mis en évidence le processus d’élimi- nation d’un virus qui s’est introduit dans une bactérie, dans lequel intervient l’enzyme dite Cas 9, qui neutralise son ADN en le coupant avec précision 1. Ce mécanisme génétique peut être utilisé pour modifier ou désactiver un gène à l’origine de maladies génétiques et il ouvre de nouvelles perspectives à l’ingénierie génétique dont certaines applications, en par- ticulier la modification de cellules de l’embryon humain, posent de sérieuses questions éthiques. Enfin, la détection,

1. Le mécanisme mis en œuvre est appelé CRISPR (Clustered Regular Interspaced Short Palindrom Repeats), il joue un rôle clé dans le système immunitaire.

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aux États-Unis en 2015, d’ondes gravitationnelles émises lors de la fusion de deux trous noirs puis, conjointement aux États-Unis et en Italie en 2017, de celles provenant de la fusion de deux étoiles à neutrons, a conforté la validité de la théorie de la relativité générale proposée par Albert Einstein, en 1915, qui avait prévu l’existence de telles ondes.

Le progrès des connaissances, par exemple en informa- tique, et les techniques nouvelles (l’utilisation de l’IRM en médecine en est une bonne illustration), ont souvent des implications sociales et économiques importantes. Ainsi, de nombreux rapports et études publiées, depuis 2013 (notam- ment par l’université d’Oxford, la société Mc Kinsey, l’OCDE et, en France, « La Fabrique de l’Industrie »), dont les hypothèses sont souvent médiatisées avec une tonalité excessivement apocalyptique, attirent l’attention de l’opinion publique sur l’incidence probable du progrès des techniques numériques, en particulier de l’intelligence artificielle, sur le travail et l’emploi, et sont l’objet de nombreux débats.

En effet, elles permettent l’exploitation massive de données et sont considérées comme un facteur de la compétitivité économique, des automatismes se substituant à des emplois peu ou moyennement qualifiés déstabilisent, potentiellement, certaines professions. Nous pouvons donc faire un premier constat : pendant les deux premières décennies du xxie siècle le cours de la science n’a certes pas été bouleversé par des découvertes majeures comme ce fut le cas au début du siècle dernier, mais le front des connaissances a continûment avancé, et certaines d’entre elles sont à l’origine de ruptures techniques ayant une incidence sociale et économique. La crise sanitaire mondiale provoquée par la pandémie de coro- navirus, la Covid-19, a mis en évidence, enfin, l’intérêt et l’importance des connaissances acquises en génétique.

La démocratie a-t-elle besoin de la science ? 8

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Avec le recul, nous pouvons observer que la science a contribué à changer par étapes, et parfois radicalement, notre vision du monde. La théorie de l’évolution et la décou- verte du code génétique qui ont bouleversé notre concep- tion du vivant, ainsi que l’abandon des concepts d’espace et de temps absolus par la théorie de la relativité sont des exemples de ces bouleversements. Parallèlement, depuis l’époque des Lumières et surtout depuis le xixe siècle, le pro- grès des connaissances scientifiques et techniques a été un puissant facteur de transformations économiques et sociales (les applications de l’électricité notamment). La capacité de la science à produire des connaissances nouvelles et à expli- quer et prévoir des phénomènes, sa « mission » première, est allée en croissant, tandis que son imbrication étroite avec la technique lui fait jouer un rôle de plus en plus impor- tant dans la définition et la mise en œuvre de politiques publiques (dans la santé, l’énergie, les transports, l’action sociale, la défense, etc.) ; aussi la science devrait-elle être davantage partie prenante à l’expertise préalable à la prise de décision politique, comme elle le fut lors de la grave crise sanitaire provoquée par le coronavirus. Or, cette évolution ne va pas sans poser quelques sérieuses questions, et c’est un deuxième constat. En effet, si le duo science-technique a montré son indéniable efficacité depuis le xixe siècle, force est de constater que la science est, dans une certaine mesure, victime de son succès : si elle a contribué à l’amélioration considérable des conditions de vie, celles-ci semblent stagner aujourd’hui, du moins dans les pays occidentaux, et la réa- lité du « progrès » est elle-même parfois contestée comme le révèlent des sondages d’opinion, en France et en Europe.

Ils révèlent certes l’appréciation positive que le public porte sur la recherche scientifique (88 % des Français en ont une bonne opinion selon un sondage réalisé en 2017) mais aussi que plusieurs domaines de la science suscitent de sérieuses

Avant-propos 9

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inquiétudes en raison de leurs implications sociales ou envi- ronnementales (notamment l’intelligence artificielle, la géné- tique, les OGM et l’énergie nucléaire 2).

On constate, enfin, que le processus d’expertise, avec sa dimension scientifique, est aujourd’hui contesté par une fraction croissante de l’opinion qui considère que « la déci- sion publique se trouve ainsi captée et monopolisée par des experts », comme l’affirmait déjà Paul Ricœur, en 1991, dans une interview au journal Le Monde. Ses propos, mis en exergue du rapport que France Stratégie a consacré, en 2019, au rôle de l’expertise dans une démocratie 3, illustrent bien la défiance dont celle-ci est aujourd’hui l’objet, en France comme à l’étranger. L’Assemblée nationale observait déjà, en 2017, dans une résolution sur « les sciences et le progrès dans la République » que « l’expertise scientifique n’est pas assez prise en compte dans la décision politique 4 ». Ce rôle de l’expertise est mis en cause, il est vrai, dans un contexte où l’articulation entre l’action publique et la connaissance est devenue plus forte mais où l’importance du savoir scien- tifique est aussi contestée, et c’est notre troisième constat.

La dénégation de la nocivité du tabagisme (sous la pression du lobby de l’industrie du tabac) attestée par les travaux des cancérologues puis, ultérieurement, des causes anthro- pogéniques du réchauffement climatique mis en évidence par les climatologues, sont des exemples de contestation d’expertises fondées sur des bases scientifiques ainsi que

2. Opinionway, « Regards et attentes des Français sur la recherche scientifique », sondage effectué en septembre 2017 auprès de 1 059 per- sonnes, publié dans Le Monde du 11 octobre 2017.

3. France Stratégie, D. Agacinski, Expertise et démocratie, faire avec la défiance, janvier 2019.

4. Assemblée nationale, résolution sur « Les sciences et le progrès dans la République », votée le 21 février 2017.

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de la pertinence des connaissances scientifiques ; selon les climato-sceptiques les plus militants aux États-Unis, il exis- terait une vérité et une « post-vérité 5 ». Aux États-Unis, le rapport de la Rand corporation, « Truth Decay » (le déclin de la vérité), et, en France, celui du Comité d’éthique du CNRS, publiés l’un et l’autre en 2018, ont souligné les dangers pour le débat démocratique de cette défiance à l’égard du savoir et du déclin du statut de la « vérité 6 ». En mars 2019, dans une déclaration commune les Académies des sciences des pays du G7 ont attiré, elles aussi, l’attention des gouverne- ments sur les risques que cette situation faisait courir à nos sociétés 7. Toutes ces évolutions, et ces dérapages, révèlent une profonde méconnaissance des mécanismes de la produc- tion du savoir et des pratiques de la recherche scientifique, et elles incitent à réévaluer la relation qu’entretiennent nos sociétés avec la science et son rôle dans la démocratie.

Ces deux derniers constats révèlent d’une part une fragi- lisation du « statut » de la science dans la société, et d’autre part la mise en question de son rôle dans le débat public sur des enjeux sociétaux ainsi que dans le processus de la décision politique dans la démocratie, alors que celui-ci doit s’appuyer sur des connaissances. Ce phénomène s’accom- pagne d’une contestation du rôle des « élites » auxquelles sont assimilés les scientifiques. Ces constats sont alarmants car, en effet, les sociétés doivent relever de nombreux défis.

5. N. Oreskes, E. M. Conway, Les Marchands de doute, Paris, Le Pommier, 2012.

6. J. Kavanagh, M. D. Rich, Truth Decay, Santa Monica, Rand Corporation, 2018. Comité d’éthique du CNRS, Avis n° 2018-37 – Quelles nouvelles responsabilités pour les chercheurs à l’heure des débats sur la post-vérité ?, avril 2018.

7. Science et confiance, la science au cœur du G7, Déclaration com- mune des académies des sciences, Institut de France, Académie des sciences, 2019.

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Nombre d’entre eux ont pour origine des découvertes scien- tifiques et des innovations dont les implications sociales et économiques doivent être débattues sereinement : la possi- bilité de modifier le vivant avec les techniques de la géné- tique, les progrès des neurosciences, la manipulation de la matière à une échelle nanométrique, la transformation par le numérique des moyens de communication, du travail ainsi que des modes d’expertise, etc. Le réchauffement clima- tique, l’exploitation effrénée de la plupart des ressources de la planète, ainsi que les pandémies graves, sont des facteurs de « crise » qui appellent des transformations de l’économie mondiale fondées sur des connaissances scientifiques dans les domaines comme l’énergie, les matériaux, l’agriculture, la santé, etc. Par ailleurs, enfin, la géopolitique mondiale est elle-même dans une phase de transition dans la mesure où le centre de gravité politique et économique du monde se déplace des pays occidentaux vers l’Asie et où la maî- trise des connaissances scientifiques et des techniques joue un rôle important dans cette transition, comme le montre la montée de l’influence de la Chine devenue une grande puissance scientifique ; il est vrai que la crise sanitaire de 2020 d’ampleur mondiale contribuera peut-être à rebattre les cartes. Dans ces conditions, s’il est irréaliste d’envisager un retour pur et simple à l’époque des Lumières, ne faut-il pas, en revanche, « sauver le progrès 8 », et s’engager dans une

« défense de la modernité 9 » comme nous y invitent Peter Wagner et Alain Touraine, pour faire face aux multiples défis auxquels nos sociétés sont confrontées (ceux du réchauf- fement climatique et du développement des pays les plus pauvres n’étant pas les moindres) ? Touraine, tournant le dos

8. P. Wagner, Sauver le progrès, comment rendre l’avenir à nouveau désirable, Paris, La Découverte, 2016.

9. A. Touraine, Défense de la modernité, Paris, Le Seuil, 2018.

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à la postmodernité, considère que nous sommes entrés dans une civilisation « hypermoderne » qui doit garantir les droits humains et la créativité qui en est le moteur et, écrit-il, le

« pacte démocratique engage le mode d’intervention de l’État dans les trois branches principales de l’innovation sociale que sont la recherche, l’éducation et la santé publique 10 ».

Dans ce contexte, la science devrait jouer, en quelque sorte, le rôle clé d’une « vigie » dans une démocratie : anticiper des crises en signalant les risques qu’elles peuvent faire courir à la société, mettre en évidence des nouveaux enjeux socié- taux, proposer des moyens d’action sur la base du savoir et de ses découvertes, participer à l’élaboration des politiques publiques et de stratégies industrielles ainsi qu’à leur éva- luation, etc. Elle l’a joué à plusieurs occasions dans le passé, à propos, notamment, du climat et des risques d’épidémies.

Sur la base de ces constats, appuyés sur des exemples, nous engageons dans ce livre une réflexion sur le rôle de la science dans une démocratie en trois étapes : 1. avec quelles méthodes contribue-t-elle à mettre au jour des faits, dévoiler une part de la réalité et établir des « vérités » en explicitant leurs limites ? 2. comment les connaissances scientifiques et les méthodes de la science contribuent-elles à éclairer le débat public sur des enjeux de société et à la prise de déci- sion politique, notamment en matière de politiques publiques via les processus d’expertise ? 3. Pour quelles raisons ce rôle est-il contesté ? Par quelles voies et par quels moyens peut-on conforter le rôle de « vigie » de la science, renfor- cer le dialogue avec les citoyens et les élus, mobiliser les acteurs de la recherche et promouvoir la culture scientifique, un grand enjeu démocratique ? Ces trois thématiques consti- tuent la colonne vertébrale des trois parties du livre.

10. Ibid., p. 328.

Avant-propos 13

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Si la science doit jouer un rôle de « vigie » dans notre société, comment peut-on caractériser la science, aujourd’hui, ses objectifs, ses méthodes, ses limites et ses valeurs ? C’est l’objet de notre première partie. Nous observerons que la production des connaissances obéit strictement à des normes (elle procède notamment à une confrontation des hypothèses, des théories et des modèles à la réalité par l’observation et l’expérience) et que les communautés scientifiques res- pectent une éthique en conformité avec des valeurs. Nous mettrons en évidence la diversité de la science et de ses pratiques dans des disciplines dont le degré de « scienti- ficité » est très variable (des mathématiques aux sciences sociales). Sur la base de ce constat, nous nous interrogerons, notamment, sur les méthodes qu’elle utilise pour mettre au jour la réalité ainsi que sur l’existence et les limites d’une

« vérité » scientifique dont l’existence est souvent contestée.

Enfin, nous examinerons dans quelle mesure la montée en puissance des techniques numériques transforme la produc- tion du savoir (les méthodes expérimentales, la capacité de modélisation) : leur mise en œuvre conduit-elle à envisager un nouveau « Discours de la méthode » pour la science ?

La science moderne a pris son essor en étant intégrée à la société et en devenant, au xixe siècle, un acteur majeur de ses transformations. Aussi, l’intrication croissante entre la science et des enjeux de société est-elle la question cen- trale de la deuxième partie du livre : comment les insti- tutions et les communautés scientifiques qui produisent des connaissances sont-elles mobilisées afin que la science remplisse sa mission de « vigie » et réponde aux question- nements et aux préoccupations de la société ? Nous rappel- lerons que la recherche scientifique s’est progressivement organisée en « s’ancrant » dans des institutions publiques et privées : laboratoires d’universités, d’organismes publics de

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recherche comme, en France, le CNRS, l’Inserm ou le CEA, et d’agences spécialisées et d’entreprises, notamment multi- nationales. Elle est devenue de plus en plus, au fil du temps, une œuvre collective. Nous observerons aussi que la « socia- lisation » de la production des connaissances scientifiques a été souvent l’objet de vives controverses, sociologiques notamment, mettant en cause la réalité de l’autonomie de la création scientifique, qui ont contribué à déstabiliser le

« statut » de la science et à fragiliser le rôle de l’expertise scientifique. Nous nous interrogerons également sur les rai- sons de la contestation du « progrès » dans toutes ses dimen- sions, alors que l’on oublie que celui-ci n’a pas toujours été un long fleuve tranquille (l’opinion étant souvent convaincue que « c’était mieux avant » pour paraphraser Michel Serres).

Nous montrerons que la science est une « boussole » dans le processus d’expertise préalable à la décision politique que les décideurs oublient souvent de consulter et que, dans ce contexte, le rôle de l’expert, le « troisième homme » entre le chercheur et le politique, est souvent difficile.

On constate, aujourd’hui, qu’un nombre croissant de déci- sions concernant les politiques publiques ont une dimension scientifique et technique (les débats récents sur les implica- tions des techniques numériques et sur les moyens pour maî- triser l’épidémie de Covid-19 en sont deux exemples parmi d’autres) : l’intrication entre la science, la technique et la société est de plus en plus forte. Nous montrerons que la méthode scientifique et le savoir jouent souvent un rôle cen- tral dans l’élaboration de ces politiques, y compris au niveau international (les négociations sur le climat en sont une bonne illustration), les scientifiques ayant un rôle d’« experts » que nous expliciterons. Si bon nombre de politiques publiques sont fondées sur des connaissances scientifiques (comme le montrent les débats récents sur la transition énergétique, la

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vaccination et la nocivité de certains herbicides), comment peut-on évaluer le véritable apport de la science au débat public ? À partir de nos constats, nous poserons la question clé : la démocratie a-t-elle besoin de la science et, si oui, quel doit être son rôle ? C’est l’objet de notre troisième partie.

Nous expliciterons les voies et les moyens qu’utilise la science (son ancrage institutionnel) pour jouer son rôle de « vigie » : comment exerce-t-elle sa fonction critique ? Comment est-elle impliquée dans les processus d’expertise scientifique mis en œuvre dans les méandres de la décision politique concernant des projets marquants de la vie sociale et économique, ainsi que dans les débats « citoyens » sur des questions de société ? Nous montrerons, à partir d’exemples, comment des institutions scientifiques (les agences ayant une compétence en matière de santé et d’énergie notamment) interviennent dans la décision politique et à quel niveau ainsi que dans les débats démocratiques sur des questions de société souvent controversées. Nous expliciterons les modalités du dialogue entre les communautés scientifiques et le Parlement. Nous examinerons aussi le rôle des médias, et plus récemment celui d’Internet et des réseaux sociaux (une autre source d’expertise d’importance croissante, à la fiabilité souvent incertaine), dans la montée en puissance des débats à la frontière de la science et de la société.

Comment peut-on faire appel, à l’avenir, aux connaissances afin que la science joue pleinement son rôle de « vigie », au niveau national et international ? En mettant en évidence les enjeux de découvertes, en anticipant des « crises », en participant à des diagnostics sociaux et techniques ainsi qu’à l’expertise de politiques ? Comment la science peut- elle contribuer à « réinventer le progrès » et surmonter la défiance dont elle est parfois l’objet ? Nous répondrons à

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ces questions en faisant des propositions visant à mobiliser les institutions scientifiques : pour qu’elles mettent en œuvre leurs capacités d’anticipation, développent la prospective et participent au processus d’expertise (souvent sur une base pluridisciplinaire), engagent un dialogue avec les élus et par- ticipent à des débats « citoyens » sur des enjeux de société.

La complexité croissante de la science, du moins dans un grand nombre de domaines (la physique des particules, l’intel- ligence artificielle, la génétique…), ainsi que la formulation souvent mathématique des connaissances, ne facilitent pas la prise de conscience de ses enjeux par l’opinion publique. Qui plus est, en dépit de l’importance du rôle de la science dans l’élaboration de nombreuses politiques publiques, les milieux politiques éprouvent souvent une méfiance vis-à-vis d’une activité qui n’est pas « comme les autres », ayant ses propres normes et valeurs, et qui n’énonce pas toujours des certi- tudes. En forçant le trait, on peut considérer que la science ne fait pas partie d’une culture « pour tous ». Ce constat, il n’est pas récent, nous conduira à envisager les moyens pour renforcer les politiques de promotion de la culture scienti- fique, une question clé. Nous nous interrogerons, enfin, sur la capacité du numérique à participer à cet effort de commu- nication scientifique et à conforter les bases du débat public mais aussi sur ses biais et ses limites.

Cet essai n’est pas un plaidoyer pour l’avènement d’une société qui serait fondée essentiellement sur les valeurs de la science, ce qui serait irréaliste, mais nous voulons, en expli- citant ses enjeux et ses méthodes, réévaluer son statut pour qu’elle contribue à proposer une vision du monde appuyée sur une meilleure connaissance de la réalité et permette ainsi aux sociétés de faire face, grâce au progrès des connaissances, aux défis et aux crises auxquelles elles sont confrontées.

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Partie I

À la recherche de la « vérité » : les voies et les moyens

de la connaissance scientifique

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Dans la même collection

Denis Buican, Biologie, histoire et philosophie, 2010.

Jean Audouze, avec Jean-Claude Carrière et Erik Orsenna, Merveilleux cosmos !, 2010.

Jean-Pierre Ollivier, Demain les vieux !, 2011.

Georges Chapouthier et Frédéric Kaplan, L’homme, l’animal et la machine, 2011.

Denis Buican et Cédric Grimoult, L’évolution. Histoire et contro- verses, 2011.

Arlène Ammar-Israël et Jean-Louis Fellous, L’exploration spa- tiale. Au carrefour de la science et de la politique, 2011.

Daniel Kunth, Les mots du ciel, 2012.

Jean-Pierre Ollivier, Tous malades ? Un médecin répond aux ques- tions qui dérangent, 2013.

Alexandre Moatti, Le Mystère Coriolis, 2014.

Anne Bondiou-Clergerie et Jean-Louis Fellous, Terre d’orages, 2014.

Jean Audouze, Georges Chapouthier, Denis Laming et Pierre-Yves Oudeyer, Mondes mosaïques, 2015.

Laurent Vigroux, L’astronome. Du chapeau pointu à l’ordinateur, 2016.

Pierre Spagnou, Les mystères du temps. De Galilée à Einstein, 2017.

Mario Livio, Fabuleuses erreurs. De Darwin à Einstein, 2017.

Françoise Tristani-Potteaux, Profession ? Chercheur, 2019.

Pierre Spagnou, Le trésor des ondes gravitationnelles, 2020.

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