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Considérations sur l'application du droit international humanitaire par la Commission arbitrale Erythrée/Ethiopie

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Considérations sur l'application du droit international humanitaire par la Commission arbitrale Erythrée/Ethiopie

KOLB, Robert

KOLB, Robert. Considérations sur l'application du droit international humanitaire par la

Commission arbitrale Erythrée/Ethiopie. In: Vukas, Budislav & Šošić, Trpimir M. International law : new actors, new concepts, continuing dilemmas : Liber amicorum Božidar Bakotić . Leiden : M. Nijhoff, 2010. p. 519-544

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:45015

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CONSIDÉRATIONS SUR LAPPLICATION DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE PAR LA

COMMISSION ARBITRALE ERYTHRÉE/ETHIOPIE

ROBERT KOLB'

I. Introduction

Par un traité conclu le 12 décembre 2000,1 les gouvernements d'Ethiopie et d'Erythrée se mirent d'accord de faire trancher par une commission arbitrale les différends issus de la guerre ayant eu lieu entre les deux Etats de 1998 à 2000. Cette commission fut instituée sous les auspices de la Cour permanente d'arbitrage. Du moins par l'ampleur et par le nombre des litiges, la tâche de cette commission arbitrale peut lointainement se comparer à celle des com- missions prévues par les fay Treaties (1794),2 qui cherchèrent à liquider les dif- férends entre les Etats- Unis d'Amérique et le Royaume-Uni suite à la guerre d'indépendance. La compétence de la commission arbitrale entre l'Erythrée et l'Ethiopie est décrite dans l'article 5 de l'Accord précité. Elle couvre toute récla- mation pour «loss, damage or injury» en relation avec le conflit armé et résul- tant de violations du droit international public, en particulier des conventions de droit international humanitaire. Jusqu'au mois d'avril2007, la commission a rendu 15 sentences. Elles sont groupées souvent par paires portant sur le même objet, séparées selon l'Etat réclamant. On possède ainsi des jugements sur la conduite des hostilités sur divers fronts (Central Front, Western and Eastern Fronts, sentences de 2004 et 2005), sur la protection des prisonniers de guerre (deux sentences de 2003), sur la protection des personnes civiles (deux sen- tences de 2004), sur le fus ad bellum (sentence de 2005), sur l'effet de la guerre concernant le droit diplomatique (sentences de 2005), sur l'effet de la guerre concernant les pensions des anciens fonctionnaires éthiopiens de nationalité érythréenne (sentence de 2005), sur l'effet de la guerre concernant les cargai- sons transitant par les ports érythréens à destination de l'Ethiopie (sentence

· Professeur de droit international public aux Universités de Neuchâtel, Genève et Berne.

1 Agreement between the Government of the Federal democratie Republic of Ethiopia and the Government of the State of Eritrea (disponible sur le site Web de la Cour permanente d'arbitrage: (www.pca-cpa.org) ).

2 Voir le bref aperçu dans WG. Grewe, The Epochs of International Law, Berlin/New York, 2000, pp. 365-366.

B. Vukas and T.M. So.Sié (eds.), International Law: New Actors, New Concepts-Continuing Dilemmas; Liber Amicorum Boiidar Bakotié, pp. 519-544.

© 2010 Koninklijke Brill NV.

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de 2005), sur les pertes économiques et de propriété de non-résidents (sen- tence de 2005) et d'Etat (sentence de 2005). Ces jugements renferment une série d'enseignements intéressants quant à lëtat de diverses questions du droit international actuel, notamment du droit international humanitaire. Certains considérants sëpuisent dans l'application de normes bien établies, étant cen- trés sur l'adéquation du droit au fait. D'autres considérants consacrent des prin- cipes bien établis, tout en les renforçant du sceau de l'autorité judiciaire ou en prolongeant leurs linéaments par une dose de développement bienvenu. Enfin, certains aspects suscitent des interrogations, voire des dissentiments. Il est pro- posé ici de passer en revue certains des aspects saillants pour ce qui est du droit international humanitaire (DIH).

II. Eétat du droit coutumier

La conception absolument dominante de nos jours est que les principaux textes codifiant le DIH reflètent le droit coutumier. Tel serait le cas à peu près inté- gralement pour les Conventions de Genève de 1949 et pour le Règlement de La Haye de 1907; tel serait aussi le cas très largement pour les deux Proto- coles additionnels de 1977. D'autres textes devraient être examinés au cas par cas quant à leur teneur coutumière3 La tendance naturelle est certainement d'identifier le plus largement possible la coutume aux textes conventionnels pour éviter d'ouvrir des disparités fâcheuses. La jurisprudence a plusieurs fois consacré en bloc le caractère coutumier de certaines conventions; ou alors elle a insisté sur le fait que les principes de tel ou tel texte s'appliquent sans conteste à titre de droit coutumier. Ces affirmations ont le plus souvent le caractère d'un ipse dixit, car une preuve circonstanciée de la pratique s'avère redoutable, pour ne pas dire impossible. Ainsi, le Tribunal militaire international de Nurem- berg a affirmé que la Convention de La Haye IV de 1907, avec son fameux Règlement annexé, constitue du droit coutumier.4 Dans l'avis consultatif sur la /icéité de la menace ou de l'emploi dàrmes nucléaires (1996), la Cour internatio- nale de Justice a affirmé que la grande majorité des règles conventionnelles du droit international humanitaire sont coutumières5 De plus, le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie a affirmé qu'un grand nombre de règles contenues dans le

3 Cf J.M. Henckaerts/L. Doswald~ Beek, Customary International Humanitarian Law, vol. I- III, Cambridge, 200 5.

1 Procès des grands criminels de guerre devant le Tribunal militaire international, vol. I.

Nuremberg, 1947, p. 267.

5 CIJRecueil1996,p.258,§82.

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Protocole additionnel II de 1977 peuvent désormais être considérés comme déclaratoires de normes coutumières préexistantes, ou alors comme règles qui se sont cristallisées depuis l'adoption du Protocole en normes coutumières6

La Commission arbitrale des réclamations pour l'Erythrée et l'Ethiopie7 a considéré que les Conventions de Genève de 1949 et le Règlement de La Haye de 1907 reflètent du droit coutumier dans une écrasante majorité de leurs dis- positions. 8 Cela revient à dire que toutes les dispositions qui ne règlent pas uni- quement des aspects de procédure subordonnés sont considérés refléter le droit coutumier. Ainsi, même le droit de visite du CICR à des prisonniers de guerre, prévu par les articles 126 (en combinaison avec l'article 10) de la Convention de Genève III, est tenu pour coutumier au vu de la longue pratique de visites et de l'importance vitale de celles-ci aux fins d'une protection humanitaire minimale et efficace? La Commission fait même valoir un argument à rebours: << [T]hey [les visites] are of su ch importance for the prospects of compliance with the law that it would be irresponsible for the Commission to consider them inappli- cable as customary internationallaw>>.10 Il s'agit là d'un argument de politique juridique, car la Commission assume une responsabilité pour la bonne applica- tion du droit en s'abstenant de la rejeter simplement sur les parties. Les arbitres dépassent ici clairement l'idéal positiviste qui est de découvrir à la manière d'un enquêteur ce que les parties au traité voulaient. Ils assument au contraire direc- tement un rôle dans la construction du droit juste. La coutume louvoie ainsi-et c'est fréquemment le cas-entre les préceptes positifs et postulatifs.

Pour ce qui est du Protocole additionnel 1 de 1977, la Commission a estimé qu'il reflète le droit coutumier dans nombre mais pas dans toutes ses par- ties, certaines ressortissant plutôt du développement progressif du droit. Elle

6 Affaire Tadic (1995}, § 117.

7 Voir les réclamations suivantes: Central Front, Ethiopiâs Claim 2, décision du 28 avril 2004, §§ 13ss; Central Front, Eritrea's Claims 2, 4, 6, 7, 8, 22, décision du 28 avril2004, §§21ss;

Prisoners of War, Ethiopia's Claîm 4, décision du 1er juillet 2003, §§ 22ss; Prisoners of War, Eritrea's Claîm 17, décision du 1er juillet 2003, §§31ss; Civilians Claims, Ethiopia's Claim 5, décision du 17 décembre 2004, §§ 22ss; Civilians Claims, Eritreâs Claims 15, 16, 23 & 27- 32, décision du 17 décembre 2004, §§26ss; Western and Eastern Fronts, Ethiopiâs Claims 1 &

3, décision du 19 décembre 2005, §§14ss; Western Front, Aerial Bombardement and Related Claims, Eritrea's Claims 1, 3, 5, 9-13, 14, 21, 25 & 26, décision du 19 décembre 2005, §§ 10ss.

Ces sentences arbitrales peuvent être consultées sur le site de la Cour permanente d'arbitrage, (www.pca-cpa.org).

8 La Commission a dû se pencher attentivement sur la question du fait que l'Erythrée n'était pas partie aux conventions majeures de DIH (notamment les Conventions de Genève}

au moment de la guerre de 1998-2000. L'Erythrée n'est ainsi devenue partie aux Conventions de Genève, par exemple, que le 14 août 2000, à la fin du conflit armé. On notera pour l'anecdote que cette accession s'est faite 2 jours après le 51 ème anniversaire de la signature des Conventions de Genève du 12 août 1949.

9 Prisoners ofWar, Ethiopia's Claim 4, décision du 1er juillet 2003, §§ 5 sss.

10 Ibid., § 6L

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a cependant affirmé que les dispositions concernant la conduite des hostilités (articles 48 et suivants) sont coutumières. De plus, en cas de doute, la Com- mission s'est généralement rangée du côté de l'affirmation plutôt que de la négation du caractère coutumier d'une norme. Il en est ainsi de l'article 54 du PI de 1977 qui protège les biens indispensables à la survie de la population civile. I:article 54 du Protocole additionnel 1 reflète-t-il du droit coutumier?

La Commission arbitrale Erythrée 1 Ethiopie a répondu par l'affirmative, mais de manière nuancée. D'abord, elle souligna que cette disposition représente un développement progressif du droit international humanitaire. I:article 54 ne saurait, dès lors, 30 ans après son adoption, être considéré sans autre faire par- tie du droit coutumier. Or, trois arguments principaux militent dans Je sens de lui reconnaître néanmoins valeur de droit général: (1) sa nature essen- tiellement humanitaire et les valeurs humanitaires fondamentales qu'elle sert

( << compelling humanitarian nature>>); (2) le fait qu'aucune réserve ne fut for-

mulée lors de la ratification ou de l'adhésion au Protocole 1 par aucun Etat; (3) le fait que l'article 54 soit souvent qualifié de coutumier, par exemple dans le Supplément des Etats-Unis d:Amérique à leur Naval Handbook de 1997·" On le voit: ici encore, la référence n'est pas une coutume-pratique, mais plutôt une coutume tenant à la fois du «positif>> et du «postulat».

Enfin, la Commission affirme que le Protocole II sur les mines et pièges annexé à la Convention sur les armes classiques de 1980 a été conclu trop récemment et la pratique des Etats demeure trop variée et incertaine pour pou- voir affirmer avec certitude son caractère coutumier.12 Toutefois, certaines de ses dispositions reflètent des principes généraux et sont dès lors coutumières:

par exemple le devoir denregistrer la localisation des mines et la prohibition de leur utilisation in discriminée. La pratique semble ici jouer un rôle plutôt néga- tif que positif. Au lieu de fonder une coutume par sa présence alignée (diu- turnitas), elle semble servir comme inhibiteur d'une coutume par son carac- tère éclaté (non diuturnitas ). On a parfois parlé de l' opinio juris comme critère négatif ( opinio non juris ).13 Il peut en aller de même de la pratique, de l'élément dit «matériel>> de la coutume. A la pratique coutumière créatrice d'une norme se joint la non-pratique empêchant la norme detre considérée coutumière. Il

Il Ibid., § 104. Au § 105, on lit: «The Commission believes that, in those circumstances, a treaty provision of a compelling humanitarian nature that has not been questioned by any statements of reservation or interpretation and is not inconsistent with general State practice in the two decades since the conclusion of the treaty may reasonably be considered to have come to reflect customary international humanitarian law».

12 Voir par exemple l'affaire du Central Front, Ethiopiàs Claim 2, décision du 28 avril 2004,

§ 18.

13 Voir notamment M. Mendelson, «The Formation of Customary International Law», Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye (RCADI), vol. 272, 1998, p. 272ss.

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faut se garder de penser qu'on est devant un cas simple d'absence de pratique suffisante pour fonder une norme coutumière. La situation est plus complexe.

Comme on le verra, en matière de DIH il y a une espèce de présomption ram- pante qu'une norme conventionnelle substantielle soit aussi coutumière. Pour abattre le préjugé favorable à la coutume issu de la « compelling humanita- rian nature» des normes humanitaires, il faut l'action plus corrosive d'une non- pratique caractérisée. Celle-ci renverse alors la vapeur de prime abord favorable à la condensation coutumière.

A cette vue nuancée mais néanmoins favorable à la coutume, la Commission a précisément ajouté une présomption de grande importance pratique. Pour les textes codificateurs de DIH, il y a présomption que les dispositions sub- stantielles du droit conventionnel correspondent au droit coutumier. C'est le cas des Conventions de Genève, du Règlement de la Haye et partiellement des deux Protocoles additionnels, mais quelque part aussi des autres grands textes.

C'est à la partie qui le conteste qu'incombe la charge de la preuve de démontrer le caractère non coutumier des dispositions litigieuses. La Commission écarte ainsi la règle jura novit curia au bénéfice d'une présomption de droit. Celle-ci montre l'importance et l'étendue de l'équation <<droit écrit "" droit coutumier>>

telle qu'énoncée par la Cour internationale dans l'affaire précitée de la Licéité.

Quelle somme tirer de ce qui précède? Plusieurs choses peuvent être notées.

Primo, les juridictions adoptent systématiquement des positions hardies, cherchant à aligner le droit non-écrit sur le droit écrit. Cela se comprend.

Il serait difficile de faire fonctionner le DIH autrement, car il serait schizo- phrène de demander aux Etats d'agir d'une certaine manière en droit cou tu- mier, manière qui ne correspondrait pas à ce quexigent les grands instruments conventionnels liant une grande majorité des Etats du monde.

Secundo, la Commission nous propose une hiérarchie dans l'équation d'arti- culation entre le droit conventionnel et coutumier. Il y a un noyau de textes dans lesquels l'alignement convention/ coutume est poussée jusqu'au point d'une présomption d'identité, du moins pour toutes les dispositions substantielles.

Cestle cas des« grands textes>>, le Règlement de 1907, les Conventions de 1949, les Protocoles de 1977, d'autres textes importants peut-être aussi. A côté de ces textes fondateurs, il y a un ensemble d'autres conventions dans lesquelles la recherche du droit coutumier se fait plus empiriquement et au cas par cas, en un mot, selon des méthodes plus traditionnelles. Toutefois, ici encore, une certaine influence du caractère humanitaire de la matière se fait sentir: le lieu commun de la « compelling humanitarian nature>> est toujours présent d'une manière ou d'une autre.

Tertio, précisément, la coutume humanitaire continue à être fortement in- fluencée par des considérations de politique juridique («coutume postulative >>

ou «coutume d'opinion>>), ce qui lui donne un caractère distinctif par rapport à

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d'autres types de droit coutumier. La coutume est normalement distillée à partir de la pratique effective des Etats. Cependant, dans certaines branches prévalent des obligations absolues qu'on ne saurait laisser au verdict ultime des faits. De plus, dans ces domaines, la pratique des Etats est très souvent caractérisée par des violations fréquentes et massives des règles, si bien que l'application des critères ordinaires de l'établissement d'une norme coutumière pourrait mener à mettre en doute son existence. C'est tout particulièrement le cas dans les branches des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Dans ces branches, en conséquence, la coutume est souvent davantage définie par rapport à l' opinio juris des Etats et des opérateurs internationaux (y compris les arbitres) et par rapport à des principes du droit;14 en quelque sorte, on prend les Etats au mot au lieu de les prendre au fait: faites ce que vous dites et ne faites pas ce que vous faites. Cela mène à une définition spécifique de la cou- turne dans ces branches, l'élément objectif (pratique) s'infléchissant davantage qu'ailleurs face à un élément subjectif défini largement (opinio juris). Il est peut- être possible d'aller plus loin. En somme, on pourrait s'autoriser à dire qu'en matière de DIH la coutume est <<nouvelle mouture»: elle repose sur la pratique des organes de la communauté internationale, notamment de tribunaux inter- nationaux, s'orientant aux impératifs humanitaires sub specie humanitatis, plus qu'elle ne reflète simplement la catégorie traditionnelle de la pratique des Etats secondée d'opinio juris. Non pas que ces éléments de la coutume traditionnelle disparaissent. Le point est qu'ils sont noyés inextricablement dans le réseau plus large de ces considérations humanitatis causa, si biens qu'ils deviennent impon- dérables. Une coutume étatique se trouve ainsi partiellement transformée en une coutume <<communautaire)); à une couche traditionnelle vient se joindre une couche nouvelle.

Quarto, il fait peu de doute que les rôles importants que joue le droit coutu- mier en cette matière, tellement imprégnée de l'impératif humanitaire, renforce les tendances à l'harmonisation et à l'alignement des sources conventionnelles et coutumières. En premier lieu, la coutume se présente comme un droit subsi- diaire, susceptible de pallier les lacunes et les incertitudes du droit convention- nel. La norme coutumière peut être utilisée pour interpréter la norme conven- tionnelle, tout comme elle peut être un recours pour combler une lacune lais- sée ouverte dans le droit conventionnel. Elle peut ainsi développer le droit conventionnel. En second lieu, la coutume reste importante face à des conven- tions insuffisamment ratifiées ou non-universelles. C'est le cas, par exemple, des deux Protocoles additionnels de 1977. Plus généralement, la coutume est

14 Cf C. Tomuschat, «<nternational Law: Ensuring the Survival ofMankind in the Eve of a New Century», RCADI, vol. 281, 1999, p. 334. R. Abi-Saab, «Les conflits internes aujourd'hui», Mélanges f. Siotis, Bruxelles, 1995, pp. 323-325.

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importante pour définir les obligations entre Etats qui ne sont pas parties aux mêmes conventions et qui, dès lors, ne sont pas liées par elles dans leurs rap- ports réciproques. La coutume forme ici un pont de rechange. En troisième lieu, la coutume a joué un rôle important pour des entités qui, ponr diverses raisons, n'ont pas pu ou n'étaient pas appelées à devenir parties aux Conven- tions. Ainsi, les Organisations internationales, notamment les Nations Unies, n'ont jamais adhéré à des Conventions de droit des conflits armés; il a même été discuté si ces conventions leur étaient ouvertes dans le cas où elles auraient demandé l'adhésion. C'est dès lors le droit coutumier qui a trouvé application lors d'opérations militaires entreprises sous l'égide des Nations Unies, comme ce fut le cas, par exemple, au Congo en 1960. On peut toutefois aussi penser à des groupes armés n'ayant ratifié aucune convention. En quatrième lieu, la cou- tume forme un trait d'union en cas d'engagement parallèle de plusieurs Etats dans une opération internationale de peace enforcement. Comme ces Etats sont liés par des instruments différents, il s'ensuivrait autrement de graves inégali- tés de régimes applicables. On cherche parfois à obvier à ce danger par voie d'accords spéciaux, à travers desquels les parties se commettent à l'application de certaines règles au-delà des conventions qu'elles ont ratifiées. Même quand cela n'a pas lieu, le droit coutumier forme le plus petit dénominateur commun de règles qui lient tous les Etats.

III. Les obligations de prévention dans l'attaque: article 57 du Protocole additionnel I

rarticle 5715 est une disposition de toute première importance pour la conduite des hostilités. Nous en donnerons un aperçu au-delà de la contribution de la Commission arbitrale Erythrée/Ethiopie.

La lettre a) du § 2 de cette disposition s'adresse directement <<à ceux qui préparent ou décident une attaque». Ce n'est cependant pas limiter strictement les obligations couvertes à certains grades formellement élevés de l'armée ou aux seuls planificateurs. Il s'agit simplement de teuir compte du fait que les obligations en cause s'adressent en premier lieu à ces personnes. On verra dans

15 Voici son texte:

« 1. Les opérations militaires doivent être conduites en veillant constamment à épargner la population civile, les personnes civiles et les biens de caractère civil.

2. En ce qui concerne les attaques, les précautions suivantes doivent être prises:

a. ceux qui préparent ou décident une attaque doivent:

i. faire tout ce qui est pratiquement possible pour vérifier que les objectifs à attaquer ne sont ni des personnes civiles, ni des biens de caractère civil, et

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les exemples qui suivent qu'une limitation stricte ratione personarum ne se justifie pas. Lors d'une révision du Protocole !, il ne serait pas inutile d'adapter la formulation du chapeau de la lettre a) en marquant le fait qu'il s'agit d'un devoir prioritaire, mais non pas exclusif, de ces personnes. Signalons encore que les obligations de l'article 57 ne sont pas absolues mais contextuelles. Le devoir est de faire ce qui est pratiquement possible dans les circonstances pour mieux appliquer le principe de distinction. A l'impossible nul n'est tenu;

mais aussi: la négligence à nul n'est permise. Selon la Commission arbitrale Erythrée/Ethiopie, dans l'affaire Western and Eastern Fronts, Ethiopia's Claims

1 & 3, pratiquement possible («feasible>>) signifie «those measures that are practicable or practically possible, taking into account ali circumstances ruling atthetime>> (§33).16

ne bénéficient pas d'une protection spéciale, mais qu'ils sont des objectifs militaires au sens du paragraphe 2 de l'article 52, et que les dispositions du présent Protocole n'en interdisent pas fattaque;

ii. prendre toutes les précautions pratiquement possibles quant au choix des moyens et méthodes d'attaque en vue d'éviter et, en tout cas, de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de caractère civil qui pour- raient être causés incidemment;

iii. s'abstenir de lancer une attaque dont on peut attendre qu'elle cause incidem- ment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu;

b. une attaque doit être annulée ou interrompue lorsqu'il apparaît que son objectif n'est pas militaire ou qu'il bénéficie d'une protection spéciale ou que l'on peut attendre qu'elle cause incidemment des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages auX biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages, qui seraient excessifs par rapport à l'avantage militaire concret et direct attendu;

c. dans le cas d'attaques pouvant affecter la population civile, un avertissement doit être donné en temps utile et par des moyens efficaces, à moins que les circonstances ne le permettent pas.

3. Lorsque le choix est possible entre plusieurs objectifs militaires pour obtenir un avantage militaire équivalent, ce choix doit porter sur l'objectif dont on peul penser que l'attaque présente le moins de danger pour les personnes civiles ou pour les biens de caractère civil.

4. Dans la conduite des opérations militaires sur mer ou dans les airs, chaque Partie au conflit doit prendre, conformément aux droits et aux devoirs qui découlent pour elle des règles du droit international applicable dans les conflits armés, toutes les précautions raisonnables pour éviter des pertes en vies humaines dans la population civile et des dommages aux biens de caractère civil.

5. Aucune disposition du présent article ne peut être interprétée comme autorisant des attaques contre la population civile, les personnes civiles ou les biens de caractère civil».

16 Décision du 19 décembre 2005, disponible sur (www.pca-cpa.org).

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- Obligation de conduire les opérations militaires en veillant à épargner les personnes et les biens civils: article 57, § 1. Il s'agit d'un corollaire direct du principe de distinction dont l'effet est étendu à la période de précaution avant l'attaque. Le principe figure dans le chapeau de l'article 57· Il inspire toutes les règles détaillées dans les paragraphes suivants. Celles-ci en constituent autant de concrétisations. Ce nest pas dire, toutefois, que le principe ne puisse pas s'appliquer directement et qu'il se borne à renvoyer aux règles plus précises. En effet, le principe est, si l'on peut dire, « self-executing >>. Son contenu normatif est suffisamment autonome pour pouvoir faire l'objet d'une application directe.

De plus, son champ d'application(§ 1) est plus large que celui du§ 2: ce dernier s'applique aux <<attaques>>, le principe aux «opérations militaires>> en général.

Dès lors, la période avant les combats est couverte par le § 1 et non par le § 2:

c'est le cas de la planification, des manœuvres et déploiements, etc. Les manuels militaires des Etats reprennent très fréquemment le principe, mais selon des formules souvent légèrement différentes par rapport au texte du Protocole.

- Obligation de vérifier la nature militaire de l'objectif à attaquer et d'évaluer les dommages collatéraux: article 57, §2, lettre a) i). Il s'agit d'une obligation de vérification de la nature de l'objectif à attaquer. Elle consiste à exiger une recherche et une évaluation soigneuse d'informations ayant trait aux objectifs susceptibles à être attaqués. La vérification ne portera pas uniquement sur la qualité de la cible mais aussi sur son environnement immédiat (présence de civils, de biens protégés, etc.). Cette obligation s'impose au moment de la pla- nification de l'attaque mais aussi à tout moment ultérieur, si par un décalage de temps une actualisation est devenue nécessaire. En cas de doute, des rensei- gnements complémentaires sur la nature de la cible et sur son environnement s'imposent. Une attaque menée sur la base de simples suspicions et sans véri- fication préalable entraîne eo ipso une violation de la règle. C'est ici la mise en danger des civils qui est réprimée, même si par un heureux hasard aucune perte nes! à déplorer parmi eux. I:ampleur de l'obligation dépend des moyens tech- niques à disposition d'un belligérant. Le droit peut certainement exiger qu'un Etat utilise tous les moyens dont il dispose pour mettre en œuvre ce devoir; il ne peut en revanclie exiger qu'un Etat développe ses capacités techniques au-delà de ses possibilités financières et autres. Un problème particulier se pose dans le contexte des cibles dites émergentes. Il s'agit de cibles surgissant de manière imprévue. Elles imposent un tir dans les plus brefs délais et ne permettent pas une planification élaborée. La licéité de l'attaque doit ici être décidée très rapi- dement. Une certaine souplesse dans J'administration du devoir de vérification s'impose dès lors par la nature des choses, mais on ne saurait arguer que ce devoir disparaît complètement. Il semblerait que lors de la guerre d'Irak (2003) des bombardements disproportionnés eurent lieu notamment dans le contexte

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de cibles émergentes. Au sein de la Commission arbitrale Erythrée/Ethiopie, l'Ethiopie fit valoir que son bombardement de la centrale électrique de Hirgigo ne visait pas cet édifice, mais des armes anti-aériennes découvertes au dernier moment près de cette centrale. La Commission n'a pas accepté cette explica- tion, qui n'avait pas été étayée sérieusement. Le problème soulevé-et sur lequel l'Erytbrée n'a pas manqué d'insister-est que dans ce cas, il se serait agi d'une

<<cible émergente>> et la proportionnalité de l'attaque n'aurait alors pas fait l'objet d'une préparation suffisante.17

La Commission arbitrale Erythrée/Ethiopie, dans sa sentence sur le Central Front, Ethiopia's Claim 2 (2004),'8 a été confrontée à une opération de bombar- dement menée sans préparation adéquate dans la ville de Mekele. Il s'agissait d'une attaque conduite par des pilotes inexpérimentés et sans analyse après coup des erreurs de ciblage commises visant à éviter leur récurrence. Certes, l'Erythrée est un pays pauvre, ne disposant pas d'expérience dans l'utilisation de certaines armes et ayant peu de personnel qualifié. Néanmoins, selon la Com- mission, l'exigence d'adoption de toutes les <<précautions pratiquement pos- sibles>> selon l'article 57 a été violée: le soin requis pour la préparation de faction militaire n'a pas été suffisant et surtout l'absence de toute mesure d'évaluation post factum pour déterminer les causes de l'erreur de ciblage ne sont pas com- patibles avec le prescrit de l'article 57, appliqué à titre de droit coutumier. Dès lors, si la Commission accepte une certaine souplesse eu égard au degré de développement et de moyens de belligérants concrets, elle maintient, à juste titre, l'exigence de la diligence possible selon les circonstances; c'est elle qui en l'espèce a été violée.

- Obligation de choisir les méthodes de combat en vue d'éviter ou de limiter les pertes et les dommages causés aux personnes ou aux biens civils: article 57, §2, lettre a) ii) et iii). !:une des obligations se rattachant à cette disposition est d'exiger des belligérants de promouvoir, autant que possible, la précision des bombardements dirigés contre des objectifs militaires situés dans les zones de fort peuplement. D'autres obligations contextuelles s'y rattachent. Par exemple:

choisir l'instant d'une attaque en vue de minimiser les pertes civiles (bombarder la nuit plutôt que le jour, etc.); éviter certaines attaques si elles sont susceptibles

17 Voir l'affaire du Western Front, Aerial Bombardment and Related Claims, Eritreâs Claims 1, 3, 5, 9-13, 14, 21, 25 & 26 (2005), §§ II4-II6; voir aussi l'opinion individuelle (dissidente sur ce point) de l'arbitre Van Houtte, § 10: « Ethiopia stated to the Commission that it did not plan the bombing of the Hirgigo station on May 28, 2000. It follows, therefore, that Ethiopia did not investigate beforehand whether the concrete and direct military advantage of this bombing outweighed the damage to civil society, as Article 57 requires. International law does not permit bombing first and justification later>>.

18 Décision du 28 avril2o04, § 110. Voir (www.pca-cpa.org).

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de causer incidemment un nombre trop élevé de pertes civiles (article 51,§ 5, lettre b) et 57,§ 2, lettre a), ii)); choisir un certain angle de bombardement afin que les projectiles manquant la cible tombent si possible dans une zone non peuplée; choisir les armes les plus idoines à minimiser les pertes collatérales, même si ces armes sont plus coûteuses; etc.

-Obligation d'interrompre ou de suspendre une attaque s'il apparaît qu'elle porte atteinte au principe de proportionnalité, que l'objectif n'est pas militaire ou qu'il est spécialement protégé: article 57, §2, lettre b). Cette obligation pèse sur les plani- ficateurs (notamment pour corriger dëventuelles erreurs) et sur les exécuteurs de l'attaque, s'ils se rendent compte que les services de planification ont commis une erreur ou une mauvaise appréciation19 Elle exige à chaque échelon mili- taire de tenir compte de toutes les informations disponibles en complétant ainsi progressivement la carte de l'attaque sans s'en remettre uniquement à ce qui avait été planifié comme vérité établie une fois pour toutes. Le principe cardi- nal est donc celui de l'information dynamique plutôt que statique. Il s'applique même si une arme est déjà larguée: il peut alors exister l'obligation de détourner sa trajectoire afin qu'elle ne frappe pas une cible prohibée ou ne cause des dom- mages disproportionnés à la population civile. Certes, en matière d'appréciation de la proportionnalité, il est difficile dexiger du militaire exécutant une capacité d'appréciation personnelle poussée. Léquation est ici complexe et le militaire doit pouvoir s'en remettre à celle qui a été dégagée par les services de plani- fication compétents. C'est d'autant plus vrai que la proportionnalité s'apprécie souvent par rapport à une globalité d'attaques que chaque exécutant pris indivi- duellement ne pourra guère prendre en compte. Toutefois, l'exécutant ne saurait s'absoudre complètement de toute responsabilité s'il se rend compte que mani- festement les calculs des services de planification ne cadrent pas avec la réalité à laquelle il se trouve confrontée. Dans le doute, il devra dans ces cas s'abstenir d'attaquer. Exemple: dix aviateurs ont la mission de détruire un pont chacun et l'un d'entre eux se rend compte en approchant sa cible qu'une foule de civils se presse sur le pont.

19 Un exemple est donné par J.F. Quéguiner, Le principe de distinction dans la conduite des hostilités, thèse Genève, no. 706, 2006, p. 380: «[Lors d'une attaque menée par l'OTAN en Yougoslavie en 1999]. des doutes assaillirent l'équipe de planificateurs eu égard à la nature de l'objectif visé compte tenu du caractère inhabituel pour les forces armées yougoslaves d'un déplacement en une file aussi longue. La réaction des planificateurs confrontés à cette incertitude consista à décider l'envoi d'un aéronef plus lent et plus stable que ceux qui avaient été utilisés lors de l'attaque afin de procéder à une vérification de la nature des cibles. Lopération fut donc suspendue pendant plus de 20 minutes et, suite aux rapports confirmant que le convoi était composé aussi bien de véhicules militaires que civils, toutes les attaques furent annulées et les avions se retirèrent».

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- Obligation de donner un avertissement préalable à une attaque susceptible d'affecter la population civile: article 57, § 2, lettre c). Il s'agit d'une vieille obliga- ti on, qu'on trouve déjà énoncée dans le Code Lieber (1863) à son article 19. Les codifications modernes reprennent ce principe qui figure aussi dans nombre de manuels militaires étatiques. La pratique des Etats s'en inspire: des cas lors de la Seconde guerre mondiale, la guerre de Corée ou la campagne militaire de l'OTAN en Yougoslavie (1999) peuvent être cités.20 [obligation n'est pas abso- lue; elle est au contraire sujette à ce qui est raisonnablement possible dans les circonstances et à la nécessité militaire. La lettre c) ici en cause stipule: " ...

à moins que les circonstances ne le permettent pas». Les chances de succès d'une opération militaire peuvent être annihilées s'il y a avertissement préa- lable. Quand un belligérant possède la maîtrise aérienne complète et ne craint pas une DCA active, comme l'OTAN en Yougoslavie en 1999, l'avertissement préalable sera souvent possible pour les bombardements aériens; dans d'autres cas, avertir peut signifier se faire abattre. Quel est le degré de spécificité que l'avertissement doit avoir? Peut-il se contenter dêtre abstrait ou doit-il au contraire indiquer la cible précise? Aucune réponse tranchée ne saurait être donnée: tout dépend du but de protection de la norme et de ce qui est nécessaire pour y suffire le plus possible. Dès lors, on peut dire que l'avertissement le plus précis possible doit être donné, selon les circonstances. Il s'agit d'une obligation souple de faire le maximum ( << best endeavors >>);aucun standard fixe n'est posé à cet égard par le droit. [avertissement doit être formulé de manière claire et non implicitement (par exemple en conseillant à des journalistes de ne plus se rendre sur un lieu). Il doit en plus être rendu en temps utile, mais non plus à l'avance que ce que requiert une évacuation. I:avertissement peut donc ne laisser que le temps strictement nécessaire à lëvacuation; un belligérant n'est pas tenu d'annoncer ses attaques avec plus d'anticipation. I:avertissement n'a pas pour but-en éloignant la population civile-de permettre à l'attaquant d'utiliser un degré plus massif de force et donc de détruire davantage de biens civils. Le prin- cipe de nécessité et de proportionnalité s'appliquent aussi aux biens, non seule- ment aux personnes.

- Obligation de choisir l'objectif militaire dont l'attaque cause potentiellement le moins de pertes civiles en cas d'équivalence de l'avantage militaire: article 57,

§ 3. La règle ainsi posée découle du principe de nécessité, entendu comme limitation des pouvoirs du belligérant. Formulée généralement la règle indique que si plusieurs moyens sont à disposition d'un sujet de droit et que tous sont également capables d'aboutir au but recherché mais que certains d'entre eux

20 Voir Quéguiner, op. cit., p. 385.

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sont moins onéreux pour le sujet grevé ou pour des tiers, le droit commande de choisir le moyen le moins onéreux. Cette doctrine est venue faire corps avec le principe de «nécessité». Une mesure n'est nécessaire, et partant licite, que si une autre, moins onéreuse, n'est pas également disponible pour assurer un résultat équivalent. Comme l'écrit un auteur: <<<Imperative necessity> means thal tbere is no equally effective lawful military means, involving Jess damage or suffering, which is sufficient to the legitimate end». 21 C'est cette obligation qu'on retrouve concrétisée dans un contexte particulier à l'article 57,§ 3, du Protocole additionnel 1 de 1977, où il est écrit que: <<Lorsque le choix est possible entre plusieurs objectifs militaires pour obtenir un avantage militaire équivalent, ce choix doit porter sur l'objectif dont on peut penser que l'attaque présente le moins de danger pour les personnes civiles ou pour les biens de caractère civil».

Cette règle a été acceptée sans débats et controverses lors de la Conférence diplomatique. rapplication la plus souvent citée a trait aux communications de l'ennemi. Ainsi, si le trafic ferroviaire peut être interrompu aussi bien en attaquant un pont loin des zones de peuplement qu'en attaquant une gare située dans une telle zone peuplée, le belligérant devrait choisir la première cible plutôt que la seconde. 22 On retrouve notre règle dans l'article 6 du deuxième Protocole à la Convention de La Haye de 1954 relative à la protection des biens culturels (1999). Un objet protégé comme bien culturel ne peut être attaqué que s'il y a une nécessité militaire impérieuse du fait que cet objet à été transformé, par une contribution à !effort militaire, en objectif militaire, et que de surcroît il n'existe pas d'alternative d'obtenir un avantage militaire similaire autrement.23 Cela signifie que si l'on a le choix entre plusieurs objectifs militaires, qu'on obtient un avantage militaire similaire par leur attaque, et qu'un des objectifs

21 WV O'Brien, «The Meaning of Military Necessity in International Law», World Polity, vol. 1, 1957, p. 141.

22 «On peut citer, dans ce domaine, les attaques menées contre les lignes de communication ennemies [ ... ] . Au lieu de frapper les gares, généralement situées dans les villes, on frappait les lignes de chemin de fer à des points sensibles, mais éloignés des localités; la même ligne de conduite était suivie à l'égard des routeS>>: CICR (éd.), Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève, 1986, p. 705.

23 Article 6, lettre a:« [U]ne dérogation sur le fondement d'une nécessité militaire impérative au sens du paragraphe 2 de l'article 4 de la Convention ne peut être invoquée pour diriger un acte d'hostilité contre un bien culturel que lorsque et aussi longtemps que: (i) ce bien culturel, par sa fonction, a été transformé en objectif militaire, et (ii) il n'existe pas d'autre solution pratiquement possible pour obtenir un avantage militaire équivalant à celui qui est offert par le fait de diriger un acte d'hostilité contre cet objectif». Voir V Mainetti, «De nouvelles perspectives pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé: l'entrée en vigueur du Deuxième Protocole relatif à la Convention de La Haye de 1954>>, Revue internationale de la Croix-Rouge, vol. 86, no. 854, p. 353·

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est un bien culturel protégé, celui-ci ne doit pas être attaqué. Cette obligation de choisir la cible la moins <<onéreuse» figure désormais également dans nombre de manuels militaires étatiques.

Malgré des réserves formulées par certains Etats à l'article 57, le carac- tère coutumier des devoirs de précaution qu'il codifie ne saurait plus être mis en doute.24 Dans une certaine mesure, le caractère coutumier du prin- cipe de distinction emporte d'ailleurs logiquement le caractère coutumier des règles nécessaires à sa mise en œuvre pratique-malgré toute la prudence qu'il convient de montrer face à de tels arguments par implication. Ces règles s'appliquent-elles aussi sur mer et dans les airs? La pratique est moins sûre en la matière. rargument par implication pourrait ici rendre d'utiles services tant que les textes et la pratique ne couvrent pas plus spécifiquement ce cas de figure.

IV. La définition de l'objectif militaire:

application de l'article 52, § 2, du Protocole additionnel I

rarticle 52, § 2, du Protocole additionnel I de 1977 dispose:

Les attaques doivent être strictement limitées aux objectifs militaires. En ce qui concerne les biens, les objectifs militaires sont limités aux biens qui, par leur nature, leur emplacement, leur destination ou leur utilisation apportent une contribution effective à l'action militaire et dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre en l'occurrence un avantage militaire précis.

robjectif militaire peut être défini par voie énumérative (listes) ou par voie contextuelle (critères). rapproche énumérative présente certains désavantages.

Les listes risquent d'être incomplètes et devoir être mises à jour périodiquement.

Dès lors, une clause générale élastique devra compléter la liste afin de lui donner la souplesse indispensable; mais alors, une partie de l'utilité de celle-ci est mise en cause. De plus, quant à la mise à jour, force est de noter qu'il est très difficile de réviser des traités. Enfin, si la liste créé une présomption irréfragable qu'un objectif est militaire et qu'il peut être attaqué, la portée de l'immunité des biens peut être excessivement limitée. rautre approche est contextuelle. Elle exige de juger l'objectif militaire au cas par cas, in full context. C'est dire qu'il faut juger chaque objet en fonction de sa contribution militaire et de l'avantage militaire précis que sa neutralisation entraîne pour l'attaquant. Ce jugement se fait au moment de l'attaque. rapproche aboutit à une relativité assez radicale, des objets militaires pouvant ne pas être des objectifs militaires attaquables faute

24 Pour la pratique étatique, voir L. Doswald-Beck/J.M. Henckaerts, Customary International Humanitarian Law, vol. II, Cambridge, 2005, p. 336ss.

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d'avantage militaire précis en l'occurrence,25 et des objectifs normalement civils pouvant être attaqués dès qu'ils offrent une contribution militaire effective.

Cette seconde approche, contextuelle, est celle que choisit l'article 52, § z du PL Voyons cette réglementation de plus près.

Le Protocole I (et le droit coutumier actuel) définit l'objectif militaire à l'aide de deux critères cumulatifs, l'un de nature objective, l'autre de nature subjective.

Primo, objectivement, il faut des biens qui, par leur emplacement, leur nature, leur utilisation ou leur destination apportent une contribution effective à l'action militaire. Secundo, subjectivement, il faut que la destruction, la capture ou la neutralisation totales ou partielles de ces biens offrent dans le cas concret un avantage militaire précis.

-La contribution militaire de l'objectif visé doit être effective. Cela exclut des uti- lisations ou des utilités militaires seulement hypothétiques ou simplement pos- sibles d'un objet. Pour le reste, il est difficile de dire quel est le degré deffectivité requis. De plus, seules les utilisations ou utilités militaires sont visées. Toutes les autres sont exclues. En effet, si l'importance politique, économique, sociale ou psychologique d'un objet devenaient déterminantes, l'appréciation deviendrait à la fois spéculative et désignerait à la destruction un cercle d'objets presque illimité. D'une manière ou d'une autre, chaque objet peut servir indirectement à l'effort de guerre ennemi. Permettre son attaque reviendrait à abandonner le principe de distinction.

- De plus, la neutralisation on la destruction de l'objet en cause doit procu- rer à l'attaquant un avantage militaire précis dans le cas concret. ravantage doit d'abord être précis et concret, non pas hypothétique ou éventuel. Il doit ensuite être de nature militaire, non pas de nature politique, de propagande ou autre.

ravantage militaire visé consiste normalement en la capacité de progresser sur le terrain et/ou de détruire des forces de résistance adverses. I.expression

<<concret et direct>> a pour but de souligner que l'avantage doit être substantiel et relativement immédiat; tout avantage à peine perceptible ou qui n'apparaîtrait qu'à longue échéance doit être écarté. rappréciation est ici purement relative et contextuelle. Il en est ainsi parce que même un objectif en soi militaire peut ne pas être désigné d'objectif apte à être attaqué si sa destruction ou neutralisation n'assure pas, dans les circonstances, un tel avantage militaire. Ainsi, un aéronef militaire échappant de la zone de combat vers le territoire d'un Etat neutre pour s'y rendre-l'Etat neutre ayant l'obligation d'interner cet aéronef jusqu'à la fin des hostilités-ne saurait être attaqué, parce que l'avantage militaire fait défaut.

25 Par exemple: un stock de vieilles munitions militaires, qui ne sont plus utilisables dans les armes modernes.

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Certes, l'intention du pilote fuyard peut ne pas être connue; dans ce cas, tant qu'un avantage militaire suffisant est escompté, l'aéronef pourra être attaqué;

mais cela est une question de fait qui n'entame pas le droit. De même, une ins- tallation contenant de la munition vieillie ne pouvant plus servir militairement ne saurait être attaquée pour la même raison. On pourrait formuler autrement cette idée en affirmant que l'attaque de ces objectifs n'est pas <<nécessaire» pour atteindre un but légitime de guerre. rattaque se trouve alors proscrite direc- tement par le principe de nécessité en tant que limitation des pouvoirs des belligérants. On notera que l'Institut de droit international, dans sa Résolu- tion sur les armes de destruction massive adoptée en 1969, exigeait un avan- tage militaire <<substantiel, concret et immédiat»; le Protocole fait à cet égard preuve d'une plus grande litote en ne retenant que le terme<< précis». Ce terme évoque en tout cas des avantages concrets et circonscrits, non des avantages génériques ou éventuels. De concert avec le critère selon lequel l'avantage doit être militaire (et non pas politique, de propagande, psychologique, etc.) le cri- tère de l'avantage tel que retenu dans l'article 52,§ 2, opère une réelle limitation dans la faculté d'attaquer des biens. Ainsi, frapper l'infrastructure économique civile procure toujours quelque avantage, car elle affaiblit l'ennemi. Or, de tels avantages ne suffisent pas aux fins du Protocole 1. Autrement, toute richesse de l'ennemi, même civile, pourrait être attaquée. De même, l'atteinte portée au moral de combat de la population adverse par des attaques massives ne saurait être un avantage suffisant: en effet, il n'est pas militaire mais psychologique. Une application stricte de l'article 52, § 2, apporte donc des limitations insignes au pouvoir des belligérants d'attaquer des biens adverses.

Si une attaque est effectuée sur de nombreuses cibles dispersées mais concer- tées, l'avantage militaire doit être apprécié dans l'ensemble et non uniquement sur des parties isolées de l'attaque. De plus, ratio ne temporis, l'avantage militaire doit exister au moment de l'attaque. Les commandants militaires ne peuvent pas recourir à des catégorisations a priori et abstraites d'un objectif dont l'attaque fournit en général un avantage; encore faut-il que cet avantage existe hic et nunc, au moment où l'action est lancée. Le problème manifeste est ici de savoir quel est le moyen de définir le «contexte>> d'une opération militaire unique.

Les Etats anglo-saxons ont à cet égard une conception assez libérale, qui cadre mal avec la volonté de restreindre la violence, manifestée, à tort ou à raison, dans le Protocole additionnel!. Ainsi, dans une déclaration faite par la déléga- tion du Royaume-Uni lors de la signature, cet Etat déclare que <<l'avantage mili- taire attendu d'une attaque s'entend de l'avantage attendu d'une attaque dans son ensemble, et non des parties isolées ou particulières de cette attaque >>26

26 Cf D. Schindler/J. Toman, Droit des conflits armés, Genève, 1996, p. 875.

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La Commission arbitrale Erythrée/Ethiopie, dominée par des arbitres anglo- saxons, a reproduit cette formule en affirmant que le concept d'avantage mili- taire devait être mis en relation avec<< the context of the military operations bet- ween the parties as a whole, not to a specifie attack»Y La doctrine du CI CRest que chaque avantage militaire doit être apprécié en relation avec chaque objectif militaire attaqué:<< Dans le cas de l'article 52, il doit exister, pour chaque objec- tif militaire attaqué, un avantage militaire précis>>. 28 Il est vrai que dès qu'on commence à s'orienter à une logique de la somme et de la compensation, une projection subjective plus ou moins illimitée s'ouvre à chaque belligérant pour arguer que le compte est bon, en choisissant à chaque fois la hauteur de perspec- tive d'oiseau nécessaire pour arriver à cette fin. S'il est donc impossible de ne pas tenir compte d'un «contexte>>, il faut que ce soit le contexte d'attaques sur des objectifs géographiquement et temporellement immédiatement liés entre eux (unicité de l'opération militaire). Toute autre lecture anéantit les protections des articles 52 et suivants du Protocole !.29

Un autre problème souvent discuté est celui des objets à double utilisation, civile et militaire (dual use abjects). C'est le cas d'un pont, d'une station de radiodiffusion ou d'une usine. Ces objets peuvent servir tour à tour au transport de troupes, à la transmission d'informations militaires ou à la fabrication de pièces destinées à !effort de guerre, par exemple des armes. A strictement parler, chaque objet peut être utilisé de manière duale. Toutefois, certains objets le sont plus souvent et plus régulièrement que d'autres. C'est l'utilisation concrète de ces objets qui décide s'ils constituent des objectifs militaires ou non. Si l'objet est utilisé militairement, il devient un objectif militaire et peut être attaqué dans la mesure où sa neutralisation ou sa destruction assure l'avantage militaire requis.

Cet avantage doit être défini et concret selon les circonstances de l'espèce. Dès lors, les dual use abjects peuvent être exposés à l'attaque. Toutefois, comme cette attaque peut aussi frapper l'aspect civil de ces biens, des restrictions spécifiques sont nécessaires. Le principe de proportionnalité est dès lors de la plus haute importance. Lëquation est celle de savoir si l'avantage militaire concret et attendu est suffisamment important dans le contexte au regard des pertes civiles collatérales que l'attaque risque de causer. Toute disproportion est contraire au droit. I:article 51, § 5, lettre b ), du Protocole additionnel I de 1977 s'applique. De plus, il faudra s'interroger quels moyens concrets d'attaque

27 Affaire Western Front, Aerial Bombardment and Related Claims, Eritrea's Claims 1, 3, 5, 9- 13, 14, 21, 25 & 26, décision du 19 décembre 2005, § ll3. Voir (www.pca-cpa.org).

28 Commentaire des Protocoles additionnels du 8 juin 1977 aux Conventions de Genève du 12 août 1949, Genève, 1986, p. 653, NM no. 2028.

29 Dans notre sens, voir aussi L. Vierucd, «Sulla nozione di obiettivo militare nella guerra aerea: Recenti sviluppi della giurisprudenza internazionale)), Rivista di diritto internazionale, vol. 8g, 2006, p. 7ooss.

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utiliser afin de minimiser ou d'éviter le plus que faire se peut les pertes civiles.

Dans les cas complexes et ouverts au doute, les intérêts des civils devraient se voir attribuer un grand poids. En effet, le DIH requiert des belligérants de faire tous les efforts possibles afin dëpargner les civils des effets de la guerre.

Un exemple éclairera la signification concrète de la contextualité que le droit exige.

La Commission arbitrale Erythrée/Ethiopie s'est occupée de cette question dans le contexte de l'attaque sur la Centrale électrique de Hirgigo lancée par l'aviation éthiopienne lors du conflit armé contre l'Erythrée ( 1998-2000 ). 30 Une centrale électrique est l'exemple type d'objet potentiellement à double utilisa- tion, civile et militaire. S'agissait-il dans !espèce de l'attaque d'un objectif mili- taire légitime? La Commission arbitrale a estimé que la Centrale pouvait en effet être attaquée. La Centrale était encore en construction, mais elle avait déjà produit et livré de l'électricité (§ u1). Sa contribution militaire pouvait donc être «effective» et sa destruction procurer un avantage militaire «précis»

en J'occurrence. Si la Centrale avait été seulement en construction, l'avantage n'aurait été que prospectif. Or, cela ne suffit pas aux fins du Protocole. Certes, la Centrale avait produit peu de courant électrique jusqu'à la date de son bom- bardement. Ce fait pouvait influer sur la configuration, en l'espèce, de la contri- bution militaire et surtout de l'avantage militaire. Or, que nous dit à ce pro- pos la Commission? D'abord, selon elle, la Centrale contribuait effectivement à l'action militaire. Selon les arbitres, des centrales électriques contribuent, en général, à l'action militaire; et ils suggèrent plus ou moins habilement en dérivé que cela a été le cas en l'espèce.31 Voici les considérants: <<The Commission agrees with Ethiopia thal electric power stations are generally recognized to be of a suflicient importance to a State's capacity to mee! ils wartime needs of communication, transport and industry so as to usually qualify as military objectives during armed conflicts>> (§ u7). C'est moins qu'une présomption, mais on n'en est pas loin. La Commission s'inspire ici de considérations géné- rales (les centrales électriques contribuent «généralement>> à l'action militaire) plus que de l'optique contextuelle et despèce requise par le Protocole. Or, on arrive ensuite à cette perspective située: «The Commission, by a majority, has no doubt thal the port and naval base at Massawa were military objectives.

Il follows that the generating facilities providing the electric power needed to operate them were abjects thal made an effective contribution to military action>>(§ 120). Les arbitres admettent ensuite que la Centrale était encore en voie de construction et ne produisait pas encore régulièrement d'énergie. Toute-

30 Affaire Western Front, Aerial Bombardment and Related Claims, Eritreàs Claims 1, 3, s. 9- 13, 14, 21, 25 & 26, décision du 19 décembre 2005, §§ 111ss. Voir (www.pca-cpa.org).

31 Ibid., §§ 117SS.

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fois, mis à part qu'une telle production a déjà eu lieu, l'article 52, § 2, admet comme cibles militaires des objets dont la<< destination>> est, du moins partiel- lement, militaire. C'était le cas en l'espèce (§ 120). Mais n'est-ce pas s'ouvrir à des avantages militaires futurs, hypothétiques, que le Protocole n'accepte pas?

De plus, si le port sert militairement la Centrale qui l'approvisionne ne peut servir militairement que médiatement. Il se pose ici une question de chaîne de causalité. La Commission n'avait certes pas à la discuter dans sa généra- lité. Jusqu'à quel chaînon de contribution peut-on admettre une contribution militaire? L'ouvrier qui va travailler à la Centrale contribue aussi à l'action militaire, en permettant de produire l'électricité incriminée. Nul ne songera à dire qu'il devient perse un objectif militaire. On voit cependant se dessiner un problème de causalité-de remoteness-de la contribution militaire perti- nente.

La Commission passe alors vers l'autre volet qu'est l'avantage militaire pré- cis dans les circonstances prévalant au moment de l'attaque. A nouveau, elle commence par un considérant général: l'interruption de l'approvisionnement en énergie constitue généralement un avantage militaire précis, car il inflige des pertes militaires et économiques à l'adversaire et sape son effort de guerre. 32 Or, cette fois-ci il n'y a pas de considérant plus contextuel qui viendrait s'y ajouter.

Dès lors, la Commission se permet de conclure directement que la Centrale de Hirgigo était un objectif militaire et pouvait être attaquée (§ 121). Voici le considérant clé:

In general, a large power plant being constructed to provide power for an area including a major port and naval facility certainly would seem to be an abject the destruction of which would offer a distinct military advantage. Moreover, the fact that the power station was of economie importance to Eritrea is evidence that damage to it, in the circumstances prevailing in late May 2000 when Ethiopia was trying to force Eritrea to agree to end the war, offered a definite military advantage. [ ... ] The infliction of economie lasses from attacks against military objectives is a lawful means of achieving a definite military advantage, and there can be few military advantages more evident than effective pressure to end an armed conflict ... 121).

Tout ce passage nous semble méconnaître les exigences de l'article 52,§ 2. Etre en mesure de forcer plus facilement l'Etat adverse à faire la paix en frappant ses ressources économiques procure un avantage avant tout politique et non militaire. On ne saurait passer de l'un à l'autre avec trop de désinvolture. On peut rappeler ce qu'écrit le CICR: <<If the political, economie, social or psycho- logical importance of abjects becomes the determining factor-as suggested

32 Ibid., § 121.

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