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Traitement de l'accord : vers une approche neurophysiologique du langage

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

Traitement de l'accord : vers une approche neurophysiologique du langage

BRUNNELIÈRE, Angèle

Abstract

Dans le domaine des neurosciences du langage, la plupart des études se sont intéressées à observer comment le cerveau répond suite à différentes violations grammaticales ou selon la complexité syntaxique des phrases. Cependant, on n'a pas étudié de manière précise les processus impliqués dans le traitement de l'accord, c'est-à-dire la manière dont le cerveau construit des relations d'accord entre mots, par exemple entre un sujet et un verbe. Ainsi, notre thèse a pour objectif de caractériser plus précisément les processus cérébraux impliqués dans le traitement de l'accord. Elle porte plus particulièrement sur deux axes, l'automaticité et l'anticipation dans le traitement de l'accord. Il est classiquement admis que l'accord grammatical entre deux mots est traité par des processus automatiques, ainsi que le décrivent Fodor et Forster. Cependant, peu d'études ont déjà testé expérimentalement cette position théorique. De même, alors que plusieurs expériences ont montré des mécanismes d'anticipation d'un mot à partir d'un contexte phrastique, aucune étude n'a encore testé l'existence de [...]

BRUNNELIÈRE, Angèle. Traitement de l'accord : vers une approche

neurophysiologique du langage. Thèse de doctorat : Univ. Genève et Lausanne, 2009, no.

Neur. 35

URN : urn:nbn:ch:unige-22275

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:2227

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:2227

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FACULTÉ DES SCIENCES

DOCTORAT EN NEUROSCIENCES des Universités de Genève

et de Lausanne

UNIVERSITÉ DE GENÈVE FACULTÉ DES SCIENCES

Professeur Ulrich Hans Frauenfelder, directeur de thèse

TITRE DE LA THÈSE

Traitement de l’accord : vers une approche neurophysiologique du langage

THÈSE Présentée à la

FACULTÉ DES SCIENCES de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteure en Neurosciences

par

Angèle BRUNELLIÈRE

de France

Thèse N˚ 35 Genève

Éditeur : Université de Genève

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Composition du jury

Pr. Ulrich Hans FRAUENFELDER, directeur de thèse (Faculté de Psy- chologie et des Sciences de l’Éducation, Université de Genève)

Dr.F-Xavier ALARIO (Laboratoire de Psychologie Cognitive, UMR 6146 CNRS & Université de Provence, France)

Dr. Mireille BESSON (Institut de Neurosciences Cognitives de la Médi- terranée, UMR 6193 CNRS & Université de Provence, France)

Pr. Christoph MICHEL (Faculté de Médecine, Université de Genève)

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Résumé

Dans le domaine des neurosciences du langage, la plupart des études se sont intéressées à observer comment le cerveau répond suite à différentes violations grammaticales ou selon la complexité syntaxique des phrases. Ce- pendant, on n’a pas étudié de manière précise les processus impliqués dans le traitement de l’accord, c’est-à-dire la manière dont le cerveau construit des relations d’accord entre mots, par exemple entre un sujet et un verbe. Ainsi, notre thèse a pour objectif de caractériser plus précisément les processus cérébraux impliqués dans le traitement de l’accord. Elle porte plus particu- lièrement sur deux axes, l’automaticité et l’anticipation dans le traitement de l’accord.

Il est classiquement admis que l’accord grammatical entre deux mots est traité par des processus automatiques, ainsi que le décrivent Fodor et Forster. Cependant, peu d’études ont déjà testé expérimentalement cette position théorique. De même, alors que plusieurs expériences ont montré des mécanismes d’anticipation d’un mot à partir d’un contexte phrastique, aucune étude n’a encore testé l’existence de processus d’anticipation au sein de l’unité de l’accord.

Afin de tester le premier axe portant sur l’automaticité, nous avons mené des expériences EEG en paradigme oddball auditif passif ainsi que des ex- périences comportementales en amorçage grammatical. Les expériences en EEG ne nous ont pas permis de conclure concernant l’automaticité du traite- ment du langage, à cause des difficultés méthodologiques issus de l’utilisation du paradigmeoddball auditif passif. Nous proposons d’ailleurs une synthèse des contraintes méthodologiques de ce paradigme qui est actuellement le paradigme le plus utilisé pour étudier l’automaticité du langage. Les expé- riences comportementales en amorçage grammatical ont indiqué le besoin

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de ressources attentionnelles pour traiter une relation d’accord. En ce qui concerne le second axe étudié, qui porte sur la présence de processus d’an- ticipation au sein de l’unité de l’accord, nos résultats électrophysiologiques en amorçage grammatical auditif tendent à plaider en faveur de processus d’anticipation. De plus, ces processus d’anticipation seraient sous-tendus par des changements de synchronisations neuronales dans la bande de fréquence thêta. Nous proposons ainsi l’implication de processus cérébraux d’attention et d’anticipation dans le traitement de l’accord.

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier mon directeur de thèse, Uli Frauen- felder qui a accepté que j’effectue ma thèse au sein de son équipe. Je suis également très reconnaissante envers Christoph Michel de m’avoir fait dé- couvrir des méthodes alternatives pour analyser les signaux EEG. D’autre part, je remercie François-Xavier Alario et Mireille Besson d’avoir accepté de faire partie de mon jury de thèse.

Je souhaite aussi remercier les personnes avec qui j’ai eu de nombreuses discussions scientifiques durant ma thèse dont Sophie Dufour, Christelle Do- dane, Ulrike Toepel, Juliane Britz, Michel Hoen, Narly Golestani, Micah Murray et Nöel Nguyen (avec une mention spéciale pour Sophie Dufour et Christelle Dodane). Merci également à Bernard Jacquemin pour son aide pour la mise en forme de la thèse sous LATEX et sa présence tant scientifique que personnelle.

Je voudrais aussi partager ce travail avec Jocelyne Ventre-Dominey et Peter Dominey qui m’ont donné envie de faire une thèse.

Pour finir, merci aux doctorants et post-doctorants qui m’ont entouré à l’Université de Genève.

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Table des matières

Introduction 9

1 Approche neurophysiologique du langage 11

1.1 Fondements et méthodes des neurosciences . . . 11

1.1.1 Fondements des neurosciences . . . 11

1.1.2 Méthodes des neurosciences . . . 13

1.1.2.1 Electrophysiologie macroscopique . . . 13

1.1.2.2 Imagerie cérébrale métabolique . . . 14

1.2 Réponses électroencéphalographiques du langage . . . 15

1.2.1 Méthode de mesure . . . 15

1.2.2 Réponses électroencéphalographiques du langage . . . 18

1.2.2.1 Réponses évoquées . . . 18

1.2.2.1.1 Caractéristiques des réponses évoquées . . . 18

1.2.2.1.2 Principales réponses évoquées du langage . . . 20

1.2.2.2 Réponses oscillatoires . . . 24

1.2.2.2.1 Caractéristiques des réponses oscillatoires . . . 24

1.2.2.2.2 Principales réponses oscillatoires du langage . . . 30

2 Le traitement de l’accord 35 2.1 Définition de l’accord . . . 35

2.2 Processus et représentations impliqués dans le traitement de l’accord . . . 37

2.2.1 Processus impliqués dans le traitement de l’accord . . . . 37

2.2.1.1 Nature des processus . . . 37

(9)

2.2.1.1.1 Modèles théoriques . . . 37

2.2.1.1.2 Données expérimentales . . . 39

2.2.1.2 Directionnalité des processus . . . 46

2.2.1.2.1 Modèles théoriques . . . 46

2.2.1.2.2 Données expérimentales . . . 49

2.2.2 Nature des représentations impliquées dans le traitement de l’accord . . . 55

2.2.2.1 Modèles théoriques . . . 55

2.2.2.2 Données expérimentales . . . 57

3 Problématique 62 4 Nature automatique des processus impliqués dans le traite- ment de l’accord sujet-verbe 65 4.1 Etudes principales : expériences en EEG avec paradigmeodd- ball auditif passif (expériences 1 et 2) . . . 66

4.1.1 Méthodes . . . 66

4.1.1.1 Participants . . . 66

4.1.1.2 Matériels . . . 66

4.1.1.3 Procédure expérimentale . . . 70

4.1.1.4 Enregistrement et analyse des données EEG . . . 71

4.1.1.4.1 Enregistrement et traitement des données EEG . 71 4.1.1.4.2 Analyse des données EEG . . . 73

4.1.2 Résultats . . . 74

4.1.3 Discussion des résultats . . . 78

4.2 Etudes complémentaires : expériences comportementales en amorçage grammatical (expérience 3 et 4) . . . 85

4.2.1 Méthodes . . . 86

4.2.1.1 Participants . . . 86

4.2.1.2 Matériels . . . 86

4.2.1.2.1 Expérience 3 : Amorçage grammatical intramodal auditif . . . 86

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4.2.1.2.2 Expérience 4 : Amorçage grammatical intramodal

visuel masqué . . . 87

4.2.1.3 Procédure expérimentale . . . 87

4.2.2 Résultats . . . 90

4.2.2.1 Expérience 3 : Amorçage grammatical intramodal au- ditif . . . 90

4.2.2.2 Expérience 4 : Amorçage grammatical intramodal vi- suel masqué . . . 92

4.2.3 Discussion des résultats . . . 93

4.3 Discussion . . . 93

5 Mécanismes d’anticipation dans le traitement de l’accord sujet-verbe 99 5.1 Méthodes . . . 100

5.1.1 Participants . . . 100

5.1.2 Matériels . . . 100

5.1.3 Procédure expérimentale . . . 101

5.1.3.1 Enregistrement et analyse des données EEG . . . 103

5.1.3.1.1 Enregistrement et traitement des données EEG . 103 5.1.3.1.2 Analyse des données EEG . . . 106

5.1.4 Résultats . . . 106

5.1.4.1 Résultats comportementaux . . . 106

5.1.4.2 Résultats électrophysiologiques . . . 108

5.1.4.2.1 Réponses évoquées . . . 108

5.1.4.2.2 Réponses oscillatoires . . . 121

5.1.5 Discussion . . . 125

6 Discussion générale 129

Conclusion 133

Bibliographie 134

Annexes 154

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Introduction

Lors de nos interactions au quotidien entre individus, nous construisons du sens afin de comprendre ce que disent nos interlocuteurs. L’extraction du sens des phrases est rendue possible par la capacité de notre cerveau à établir des relations entre les mots reconnus dans le signal sonore. Parmi les différents types de relations, il existe les relations d’accord entre mots, comme par exemple la relation d’accord entre le sujet et le verbe. Il est d’ailleurs à noter que cette relation est centrale dans l’interprétation des phrases et surtout qu’elle est présente dans la plupart des langues du monde.

A ce jour, de nombreuses études comportementales ont conduit à l’élabo- ration de modèles qui décrivent les différentes étapes amenant à l’extraction du sens des phrases à partir de signaux sonores. Ces modèles ont inspiré plus récemment les recherches neurophysiologiques chez l’Homme grâce au développement des techniques de neuroimagerie. Ces techniques ont ainsi permis l’exploration des mécanismes cérébraux impliqués dès le traitement du signal sonore jusqu’à la construction du sens. Cependant, la caractéri- sation des mécanismes cérébraux mis en jeu lors du traitement de l’accord, comme dans une relation sujet-verbe reste encore partielle.

Les travaux présentés dans cette thèse ont pour ambition de préciser les mécanismes cérébraux impliqués dans le traitement de l’accord sujet-verbe en français par enregistrements électroencéphalographiques. En particulier, ils explorent (1) si les mécanismes cérébraux impliqués dans le traitement de l’accord sujet-verbe sont de nature automatique et (2) si ces mécanismes impliquent des processus anticipatoires.

Nous présentons ci-dessous le contexte théorique dans lequel s’insèrent ces travaux en mentionnant les modèles et les études sur le traitement du

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langage et puis ceux plus spécifiquement sur le traitement de l’accord (cha- pitres 1 à 2). Dans le chapitre suivant (chapitre 3), nous mentionnons la problématique abordée dans nos travaux. Puis, nous décrivons dans les cha- pitres 4 et 5, l’approche méthodologique ainsi que les résultats trouvés. Pour finir, nous discutons les résultats trouvés et proposons une synthèse des deux questions abordées (chapitre 6).

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Chapitre 1

Approche

neurophysiologique du langage

Deux grandes approches se dégagent parmi les études portant sur le trai- tement du langage. L’une d’elles, plus ancienne, est issue de la psychologie cognitive – discipline qui cherche à décrire les processus mentaux en mesu- rant des performances comportementales. La seconde, plus récente, est issue des neurosciences dont l’objet est l’accès au fonctionnement cérébral via la mesure de l’activité neuronale. Comme nous adoptons dans nos travaux une approche principalement neurophysiologique, il nous a semblé oppor- tun de resituer les fondements et les méthodes actuelles des neurosciences, et de mentionner plus particulièrement les études sur le traitement du lan- gage utilisant la technique de l’électroencéphalographie. Cette technique est d’ailleurs celle que nous avons utilisée dans nos travaux.

1.1 Fondements et méthodes des neurosciences

1.1.1 Fondements des neurosciences

Dès l’antiquité, de nombreux penseurs tels qu’Hippocrate et Galien ont estimé que le cerveau était le siège des représentations mentales. Cependant,

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la compréhension du fonctionnement du système nerveux cérébral n’émerge qu’à partir du XIXesiècle. Plus précisément, les découvertes sur le fonction- nement du système nerveux cérébral sont basées sur trois courants que sont les théories mécanistes biophysiques, les théories chimiques et les théories cellulaires. Les théories mécanistes biophysiques ont permis la mise en évi- dence de signaux électriques dans le fonctionnement cérébral ; les théories chimiques ont montré l’importance des substances chimiques ; enfin, les théo- ries cellulaires ont mentionné l’existence de cellules isolées connectées entre elles par des synapses. Ces découvertes ont ainsi amené à décrire l’activité cé- rébrale en termes de transfert d’information entre neurones via une transmis- sion de signaux électriques assurée par des synapses chimiques. Ces synapses vont transmettre l’influx nerveux par l’intermédiaire de messagers chimiques qui modifient l’état électrique du neurone post-synaptique. Plus exactement, les propriétés moléculaires membranaires des neurones permettent l’émer- gence de phénomènes électriques comme les potentiels post-synaptiques sur les dendrites et le corps cellulaire des neurones, et les potentiels d’action sur les axones. Seule l’émergence d’un potentiel d’action assure la transmission de l’information à un autre neurone.

Durant le XIXesiècle, de nombreux auteurs se sont aussi dirigés vers une vision localisationniste des fonctions cérébrales dont le principal initiateur était Gall. Celui-ci posait quatre postulats : (1) le cerveau présente des ca- pacités mentales innées, (2) le cerveau est le seul responsable des capacités mentales, (3) le cerveau est composé d’autant d’organes qu’il y a de capa- cités mentales et (4) le développement des capacités mentales se répercute sur la taille de leur organe associé, ce qui influence la forme de la boîte crânienne (Gall, 1808; Gall et Spurzheim, 1810-1819). Parallèlement à la théorie localisationniste, une théorie contraire à cette dernière, appelée ho- liste s’est développée. La théorie holiste dont la figure majeure de ce courant est Flourens postule que le cerveau fonctionne de manière unitaire et que les fonctions mentales ne sont pas localisées dans des régions spécifiques du cerveau. Cependant, les découvertes de Broca (1861) et de Wernicke (1874) appuient la vision localisationniste en établissant des liens entre perte du langage et lésions spécifiques du cerveau. Ces deux découvertes décrivent chacune un centre spécifique du langage : l’un moteur, localisé dans le lobe frontal gauche pour la production du langage ; le second sensoriel, dans le lobe temporal gauche pour la compréhension du langage. En effet, tandis

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que des lésions au sein du lobe frontal étaient associées à des pertes de pro- duction de la parole, des lésions au sein du lobe temporal étaient associées à des pertes de la compréhension du langage. De même, Penfield a iden- tifié par stimulation électrique corticale chez des patients éveillés que des régions corticales spécifiques étaient impliquées dans la sensation et dans la motricité de parties distinctes du corps (Penfield et Rasmussen, 1950).

Aujourd’hui, il apparaît que l’ensemble des capacités mentales est localisé spécifiquement, mais le codage neuronal de ces processus mentaux doit être plutôt imaginé à travers de vastes réseaux de neurones qui relient parfois plusieurs aires cérébrales et qui présentent une certaine plasticité.

1.1.2 Méthodes des neurosciences

Après ce rappel des fondements des neurosciences, nous présentons ci- dessous les méthodes pour accéder à l’activité cérébrale dont principalement les méthodes utilisées chez l’Homme comme ce sont les seules utilisées lors de l’étude du traitement du langage.

La mesure des phénomènes électriques membranaires des neurones est l’objet de l’électrophysiologie microscopique et est réalisée uniquement chez l’animal du fait de son caractère invasif. Cette méthode ne peut être uti- lisée dans le cas de l’étude du langage étant donné que le langage est une capacité propre à l’Homme. Cependant, l’activité neuronale peut s’observer à distance chez l’Homme car les phénomènes électriques membranaires des neurones engendrent des phénomènes électriques globaux mesurés par des techniques d’électrophysiologie macroscopique.

1.1.2.1 Electrophysiologie macroscopique

Ces phénomènes électriques globaux qui reflètent surtout l’activité post- synaptique peuvent être mesurés de manière assez directe, à partir soit d’électrodes profondes implantées, appelé électroencéphalographie stéréo- taxique, soit de grilles d’électrodes placées à la surface corticale, appelé électrocortigraphie. Ces deux techniques invasives se révèlent relativement limitées, étant donné qu’elles ne peuvent être employées que sur des patients.

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En outre, il existe deux autres techniques dites d’imagerie cérébrale électrique, l’électroencéphalographie (EEG) et la magnétoencéphalographie (MEG) qui mesurent respectivement des variations de potentiel électrique et de champ magnétique à partir de capteurs placés sur le scalp ou à proximité de celui-ci chez des participants sains ou des patients. En effet, l’activité coordonnée d’un grand nombre de neurones qui présentent des orientations similaires peut générer un signal mesurable sur le scalp. Ce signal est me- suré avec une résolution temporelle très fine, de l’ordre de la milliseconde.

En revanche, il s’avère difficile de déterminer les positions des générateurs expliquant les activités mesurées à la surface du scalp. Le signal magnétique est toutefois moins affecté par les tissus que le signal EEG. Par conséquent, la MEG semble avoir une meilleure résolution spatiale. Cependant, le signal magnétique est assez insensible aux sources profondes, du fait qu’il s’atténue assez rapidement en s’éloignant de la source.

1.1.2.2 Imagerie cérébrale métabolique

Outre des phénomènes électriques, l’activation des neurones va induire des changements métaboliques. Les techniques d’imagerie métabolique per- mettent d’ailleurs de mesurer un paramètre qui informe sur les modifications du métabolisme en chaque région cérébrale. En particulier, la tomographie par émission de positrons (TEP) mesure l’augmentation du débit sanguin cérébral local par détection d’émission en coïncidence de photons gamma.

L’émission en coïncidence de photons gamma provient de la désintégration d’eau marquée radioactivement, injectée au préalable. Plus précisément, une augmentation de la radioactivité locale s’observe dans les régions cérébrales où l’apport en oxygène est important à cause d’une augmentation du débit sanguin cérébral locale provoquée par l’activation des neurones. Cette tech- nique offre en plus la possibilité d’accéder à la neurotransmission en utilisant des radiotraceurs spécifiques des neurorécepteurs.

L’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), basée sur les propriétés d’aimantation de l’hémoglobine, mesure le signal de résonance magnétique. Ce signal varie en fonction du degré d’oxygénation du sang (effet BOLD, Blood Oxygen Level Dependent) dû aux propriétés parama- gnétiques de la désoxyhémoglobine. Or, l’augmentation du débit sanguin cérébral local provoquée par les régions cérébrales activées induit une baisse

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de la désoxyhémoglobine dans ces régions. Cette baisse s’exprime par une augmentation légère du signal de résonance magnétique. La résolution tem- porelle, tant en TEP qu’en IRMf est assez faible car la mesure du signal pour l’ensemble du volume crânien et l’obtention de variations métaboliques après une stimulation sont lentes. Cependant, les techniques d’imagerie métabo- lique ont une bonne résolution spatiale de l’ordre de quelques millimètres. De plus, il est intéressant de noter que l’effet BOLD est trouvé corrélé avec l’ac- tivité oscillatoire de potentiels de champs locaux de populations de cellules (Logothetiset al., 2001).

D’autre part, en plus des méthodes d’enregistrement, des méthodes de stimulation telles que la stimulation électrique corticale et la stimulation magnétique transcrânienne sont également utilisées. Les méthodes d’enre- gistrement et de stimulation sont regroupées sous le terme de techniques d’imagerie cérébrale ou de neuroimagerie. Il faut noter que les études sur les pertes de facultés mentales des patients qui présentent des lésions cérébrales sont toujours actuellement utilisées et les études traitant de ces aspects ap- partiennent au champ de la neuropsychologie.

Comme mentionné précédemment, la technique utilisée au cours de cette thèse est l’électroencéphalographie. Ainsi, nous décrivons ci-dessous les dif- férentes réponses obtenues lors d’un enregistrement EEG, et plus particu- lièrement celles observées dans le cas du traitement du langage.

1.2 Réponses électroencéphalographiques du lan- gage

1.2.1 Méthode de mesure

L’électroencéphalographie permet par la finesse de sa résolution tem- porelle de l’ordre de la milliseconde d’accéder à l’ensemble des étapes im- pliquées dans le traitement du langage en termes de dynamiques neuro- physiologiques. Découverte en 1929 par le psychiatre Hans Berger, l’élec- troencéphalographie s’est développée et permet aujourd’hui d’approcher le fonctionnement cérébral normal et pathologique.

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Plus précisément, à l’aide d’électrodes conductrices placées sur le scalp, on enregistre les différences de potentiel entre chacune des électrodes répar- ties sur le scalp et une électrode de référence. Par conséquent, la valeur des différences de potentiel dépend du site de l’électrode de référence. Afin de résoudre ce problème, une nouvelle référence, la référence moyenne est ap- pliquée après enregistrement (Pictonet al., 2000). Le calcul de la référence moyenne consiste à diviser la somme de l’activité mesurée à partir de chaque électrode sur le scalp par le nombre total d’électrodes. Cette méthode est la plus appropriée pour éliminer un biais par un seul site de référence et effectuer des analyses en termes de distribution spatiale et de localisation de sources.

Figure1.1 – Bases physiologiques de l’EEG.

Du point de vue de l’origine physiologique, le signal électrique mesuré à la surface du scalp reflète l’activité post-synaptique provenant des poten- tiels post-synaptiques excitateurs et inhibiteurs dont celle principalement issue des neurones pyramidaux. Du fait de leur orientation parallèle, ils per- mettent l’émergence de dipôles de courant électrique mesurables à la surface du scalp (voir figure 1.1). Au contraire, si l’orientation des neurones est aléa-

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toire, les dipôles, qui résultent des courants extracellulaires induits par les changements ioniques à l’extérieur et à l’intérieur de chaque dendrite post- synaptique, s’annulent localement. Dans ce cas, on ne peut donc pas mesurer de signal électrique à distance. D’autre part, seule une activité synchrone d’un grand nombre de neurones peut induire un dipôle suffisamment fort que pour être détectable.

Figure1.2 – Réponses évoquées et induites dans le signal EEG.

Un électroencéphalogramme se présente donc sous forme de séries tem- porelles de différences de potentiels pour chaque électrode, reflétant l’activité continue des générateurs cérébraux. Ce signal se caractérise par des activités transitoires et oscillatoires à différentes fréquences. Certaines réponses dans le signal sont calées en phase avec la stimulation à chaque présentation de cette stimulation (voir figure 1.2). On parle alors de réponses évoquées. A l’inverse, d’autres réponses ne sont pas calées en phase avec la stimulation.

On parle alors de réponses induites ou activités induites. Nous présentons ci-dessous une description des méthodes utilisées pour accéder aux réponses évoquées et oscillatoires ainsi que les travaux qui s’intéressent à ces réponses dans l’étude du traitement du langage.

(20)

1.2.2 Réponses électroencéphalographiques du langage

1.2.2.1 Réponses évoquées

1.2.2.1.1 Caractéristiques des réponses évoquées

Afin d’isoler des réponses évoquées, des fenêtres temporelles fixes de même longueur sont découpées autour de chaque stimulus pour toutes les conditions expérimentales, puis moyennées par condition expérimentale. Pour annuler la contribution du bruit de fond de l’activité cérébrale spontanée, un grand nombre de répétitions de stimuli par condition est nécessaire. On parle aussi de réponses élémentaires pour le signal obtenu après chaque présentation de stimulus (figure 1.2). Ainsi, il est possible d’observer une activité spécifiquement calée en phase avec le stimulus et liée au traitement d’un stimulus particulier (voir figure 1.2). De plus, on emploie couramment des filtres de haute fréquence (30-70 Hz) pour éliminer des artéfacts liés aux signaux électromyographiques ainsi que des filtres de basse fréquence (0.5-1 Hz) pour éliminer des artéfacts liés aux mouvements ou signaux élec- trogalvaniques.

Plus particulièrement, pour chaque électrode, les réponses évoquées cor- respondent à des successions de déflections positives ou négatives de l’ordre de quelques microvolts, appelés aussi potentiels évoqués ou composantes.

Chaque potentiel évoqué est caractérisé par sa polarité, c’est-à-dire une dé- flection positive ou négative à partir d’une électrode particulière ; sa latence, c’est-à-dire le temps d’apparition après le stimulus ; sa topographie, c’est-à- dire la distribution spatiale des différences de potentiel en chaque électrode sur l’ensemble du scalp. Il est important de noter qu’une topographie à un instant t est spécifique des sources mises en jeu.

Les réponses évoquées sont classiquement étudiées en sélectionnant un nombre limité d’électrodes et une période de temps particulière. Le choix des électrodes et de la période de temps sont souvent basés sur des hypothèses liées à des études antérieures. Cette méthode standard est par exemple dé- crite dans un article qui évoque les instructions pour conduire des recherches en EEG (Pictonet al., 2000). Plus précisément, il est indiqué dans cet article de mesurer la latence des pics d’amplitude maximum sur des électrodes par- ticulières et l’amplitude de ces pics pour étudier les réponses évoquées. Cer-

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tains auteurs ont proposé une autre méthode dite alternative pour étudier les réponses évoquées qu’ils nomment méthodes d’analyse topographique ou spatio-temporelle (pour une synthèse de la méthode topographique, Murray et al., 2008). Cette méthode alternative est marquée par le fait que l’ana- lyse des réponses évoquées s’effectue sur l’ensemble des électrodes et sur des périodes de temps non limitées autour du pic d’amplitude maximum d’une électrode particulière. Ainsi, on réalise, en suivant cette méthode, des t-tests sur l’amplitude de chaque électrode du système EEG utilisé à travers les conditions expérimentales. D’autre part, la méthode topographique ne se limite pas uniquement à l’étude seule des amplitudes des électrodes qui sont dépendantes de la référence utilisée. En effet, elle consiste également à mesurer la force et la topographie des réponses évoquées, deux indices indé- pendants de la référence. La mesure de la topographie des réponses évoquées est particulièrement intéressante car elle permet d’identifier l’intervalle de temps d’une composante et les successions des composantes – c’est-à-dire les états où des sources neuronales distinctes sont mises en jeu – et donc de dis- tinguer si des générateurs distincts sont impliqués dans un processus donné.

Une modulation de la force des réponses évoquées sans modulation topogra- phique entre des conditions expérimentales doit être interprétée comme une modulation du niveau d’activité synchrone au sein des mêmes générateurs.

De plus, l’estimation des solutions inverses, c’est-à-dire la localisation des sources neuronales amenant aux composantes sur le scalp se fait souvent après mesure de la force et de la topographie des réponses évoquées sous la méthode topographique.

Les études EEG qui se sont intéressées au langage ont utilisé à ce jour uniquement la méthode standard, ainsi les réponses évoquées du langage que nous décrivons sont issues de cette méthode. Dans cette thèse, nous adoptons une position intermédiaire au sein de laquelle nous utilisons la méthode standard d’où est issue la littérature sur le langage ainsi que certains outils de la méthode alternative. Il nous semble important d’utiliser la méthode alternative car elle permet d’étudier les champs électriques globaux générés par les sources neuronales.

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1.2.2.1.2 Principales réponses évoquées du langage

Trois principales réponses évoquées ont été observées dans le traitement du langage, chacune spécifique d’une étape du traitement de la phrase (fi- gure 1.3). Ces trois réponses sont présentes indépendamment de la modalité de présentation des stimuli langagiers, c’est-à-dire la modalité auditive ou visuelle.

Figure1.3 – Trois grandes réponses évoquées dans le traitement du langage (extrait de Friederici, 2002) a) N400 après une violation sémantique, b) ELAN après une violation de catégorie, c) P600 après une violation de catégorie.

La première réponse évoquée décrite est la N400. Cette composante a été identifiée pour la première fois par Kutas et Hillyard (1980) comme une onde négative avec un pic d’amplitude maximale autour de 400 ms. L’am- plitude de la N400 subit une augmentation notable après des mots qui ne sont pas reliés correctement avec le sens de l’ensemble de la phrase, induisant une violation dite sémantique (figure 1.3). Depuis, de nombreuses études ont été menées pour identifier la nature du traitement impliquée dans l’émer- gence de la N400 (pour revue de littérature, Kutas et Van Petten, 1994;

Osterhout et Holcomb, 1995). Il apparaît toutefois que la N400 n’est pas uniquement sensible à des violations sémantiques. En effet, des variations d’amplitude de l’onde N400 ont été trouvées après des mots qui n’engen- draient pas de violations sémantiques. Plus particulièrement, plus un mot est en adéquation avec le sens des mots qui le précédent, plus l’amplitude

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de l’onde N400 est faible (Hagoort et Brown, 1994). Ceci a été observé dans le traitement de relations sémantiques entre deux mots, au sein de phrases et au sein de discours. Ainsi, il a été proposé que l’onde N400 soit associée à une attente sémantique ou à un coût de traitement lié à l’intégration sé- mantique d’un mot dans la représentation sémantique déjà élaborée à partir des mots précédents (Osterhout et Holcomb, 1992; Brown et Hagoort, 1993;

Hagoort et Brown, 1994). Cependant, une augmentation d’amplitude de la N400 a été également trouvée après des violations d’accord portant sur le genre ainsi qu’après des violations de rôles thématiques1(Hagoort et Brown, 1999; Frisch et Schlesewsky, 2001; Philipp et al., 2008). Il est important de noter d’une part que seule une violation de genre en fin de phrase induit une N400 de plus grande amplitude (Hagoort et Brown, 1999). En effet, une violation de genre en position médiane dans une phrase n’engendre pas une augmentation d’amplitude de la N400 (Hagoort et Brown, 1999). Ainsi, l’onde N400 apparaît sensible à l’étape d’interprétation de la phrase en fin de phrase et non à des violations de genre. D’autre part, l’onde N400 est sensible à l’attribution des rôles thématiques mais est plus particulièrement impliquée dans l’interprétation sémantique/pragmatique des rôles théma- tiques (Philippet al., 2008).

La N400 est marquée par une topographie négative maximale au niveau centro-pariétal. Concernant les sources neuronales amenant à l’émergence de la N400, des études en électrocortigraphie (McCarthyet al., 1995; Nobre et McCarthy, 1995) ont montré que le lobe temporal médian antérieur serait im- pliqué dans l’obtention de la N400. Les études en localisation de sources par enregistrement MEG et EEG (Simoset al., 1997; Halgrenet al., 2002; Silva- Pereyraet al., 2003; D’Arcy et al., 2004; Frishkoffet al., 2004) ainsi que des études en IRMf qui localisent l’activation spécifique des régions cérébrales suite à des violations sémantiques (pour revue de littérature, Van Petten et Luka, 2006) sont en lien avec les résultats trouvés en électrocortigraphie. Ces études suggèrent – en plus d’une source au sein du lobe temporal, trouvée souvent plus latéralisée dans l’hémisphère gauche au sein du gyrus supérieur temporal – une source au sein du cortex frontal inférieur gauche avec parti- culièrement les aires de Brodmann 45 et 47 (Dapretto et Bookheimer, 1999;

Van Petten et Luka, 2006). On observe également parfois des sources dans

1. Les rôles thématiques sont les rôles traditionnels dans un énoncé, identifiés par les réponses à trois questions, qui fait l’action, quelle est l’action et qui subit l’action.

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le cortex cingulaire antérieur ou/et le cortex préfrontal dorsolatéral selon le type de tâche utilisé (Halgrenet al., 2002; Frishkoffet al., 2004; Matsumoto et al., 2005).

Les deux autres réponses évoquées identifiées sont les négativités an- térieures et la P600 (figure 1.3). Toutes deux, contrairement à la N400, semblent plus spécifiques du traitement grammatical, appelé aussi traite- ment syntaxique. Le fait d’observer des composantes distinctes pour les traitements sémantique et syntaxique appuie l’hypothèse selon laquelle ces deux niveaux langagiers mettent en jeu chacun des processus cérébraux spé- cifiques.

Plus particulièrement, les négativités antérieures peuvent être divisées en 2 sous-types, lesEarly Left Anterior Negativity (ELAN) et les Left Ante- rior Negativity (LAN). Toutes deux sont caractérisées par une topographie négative maximale sur les sites antérieurs gauches. De plus, il est classique- ment décrit qu’elles se distinguent l’une de l’autre au niveau de leur latence.

En effet, tandis que la latence d’apparition de l’ELAN est comprise entre 150 à 200 ms, celle de la LAN avoisine les 400 ms. Pour expliquer ces diffé- rences de latence, il a été proposé que ces deux sous-composantes puissent différer d’un point de vue fonctionnel (pour revue de littérature, Friederici, 2002). Un certain nombre d’études décrit d’ailleurs l’émergence spécifique de l’ELAN suite à des violations de catégorie, correspondant le plus souvent à des phrases au sein desquelles une préposition est suivie par un verbe à la place d’un nom (Neville et al., 1991; Friederici et al., 1996; Ainsworth- Darnellet al., 1998; Gunter et Friederici, 1999; Hahne et Friederici, 1999).

De manière distincte à l’ELAN, l’émergence de la LAN est souvent observée après des violations d’accord (Münteet al., 1998; Gunter et al., 2000; Ha- goort et Brown, 2000; Wassenaaret al., 2004; Balconi et Pozzoli, 2005; Mor- ris et Holcomb, 2005). Cependant, de récentes études ont montré que lorsque la latence du point de violation est identique pour les violations de catégorie et d’accord, aucune différence de latence d’apparition n’est observée entre les deux négativités induites (Pulvermüller et Shtyrov, 2003; Shtyrovet al., 2003; Menninget al., 2005; Hastinget al., 2007; Hasting et Kotz, 2008). On note que si les différences temporelles semblent être liées uniquement aux paramètres physiques des stimuli, certaines différences topographiques entre les négativités induites par des violations de catégorie et d’accord ont été ré-

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cemment décrites (Hastinget al., 2007; Hasting et Kotz, 2008). D’autre part, la LAN est également associée aux traitements de phrases avec des struc- tures syntaxiques complexes liés à des coûts de mémoire de travail (Kluender et Kutas, 1993; Rösler et al., 1998; Fiebach et al., 2005). Les études de lo- calisation ont montré l’implication du gyrus frontal inférieur gauche et du gyrus temporal supérieur antérieur (Friedericiet al., 2000, 2003, 2006b) dans l’identification de la catégorie des mots (par exemple, noms, verbes, etc.) et la mise en jeu de manière spécifique de l’aire Broca (aire brodmann 44/45) dans les demandes en mémoire de nature syntaxique induisant le traitement de relations syntaxiques entre mots (Stromswoldet al., 1996; Röder et al., 2002; Ben-Shacharet al., 2004; Friederici et al., 2006a; Santi et Grodzinsky, 2007). Ces dernières études appuient ainsi l’hypothèse selon laquelle l’ELAN et la LAN sous-tendent deux processus syntaxiques distincts.

Quant à l’onde tardive P600 (figure 1.3), elle se met en place entre 500 et 900 ms suite à tous types de violations syntaxiques – comme par exemple des violations de catégorie, d’accord, d’ordre de mots – ou de manipulations syn- taxiques – comme par exemple la complexité de la structure syntaxique (Frie- derici et al., 1993; Osterhout et Holcomb, 1995; Coulson et al., 1998; Kaan et al., 2000). Certains auteurs ont suggéré que cette composante est impli- quée dans la ré-analyse de la structure erronée et l’intégration de l’ensemble des informations syntaxiques (Kaan et al., 2000; Grodzinsky et Friederici, 2006). La P600 principalement positive au niveau centro-pariétal serait liée à l’activation de la partie postérieure du gyrus temporal supérieur (Friederici et Kotz, 2003; Friederici et al., 2003). D’autres études ont d’ailleurs trouvé que cette région cérébrale est impliquée dans le traitement d’informations syntaxiques (Cookeet al., 2002; Constableet al., 2004). De plus, des patients présentant des lésions dans des régions sous-corticales incluant les ganglions de base montrent une incapacité sélective à induire la composante P600, sug- gérant également l’implication de régions sous-corticales dans l’émergence de la P600 (Friedericiet al., 1999; Kotzet al., 2003). D’autre part, l’amplitude de la P600 observée après des noms produisant une violation d’accord en genre était plus faible quand l’attente de ces noms est forte (Gunter et al., 2000). Ces auteurs ont interprété ces résultats comme le fait que l’onde P600 est influencée par les informations lexicales et sémantiques. La P600 serait ainsi impliquée dans un processus d’intégration et de ré-analyse des infor- mations syntaxiques et sémantiques pour amener à l’interprétation finale

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de la phrase (Friederici, 2002; Kuperberg, 2007; Bornkessel-Schlesewsky et Schlesewsky, 2008).

A partir des différentes évidences expérimentales sur les 3 principales composantes – N400, négativités antérieures, P600 – deux types de modèles du traitement de la phrase ont été proposés, les modèles dits syntax-first (Friederici, 2002; Grodzinsky et Friederici, 2006) et ceux dits immediacy models (Hagoort, 2003). Les modèles syntax-first sont largement inspirés des modèles psycholinguistiques sériels (Frazier, 1987). Plus exactement, les modèlessyntax-first décrivent un traitement de la phrase en trois étapes, (1) identification des catégories des mots permettant l’élaboration de la struc- ture syntaxique, (2) extraction des informations sémantiques et des marques d’accord amenant à l’attribution des rôles thématiques et (3) intégration de l’ensemble des représentations afin de construire l’interprétation de la phrase. Les modèles syntax-first s’appuient sur les études montrant des ef- fets précoces de l’ELAN avant les composantes LAN et N400, et des effets tardifs de la P600 influencée par différents types d’informations. Contraire- ment aux modèlessyntax-first, lesimmediacy models postulent le traitement d’une information dès qu’elle est disponible permettant l’élaboration de la représentation sémantique et syntaxique de la phrase. Les partisans desim- mediacy modelsfondent leur hypothèse sur des évidences expérimentales qui montrent que si l’information sémantique est accessible plutôt que l’infor- mation de catégorie, l’onde N400 est plus précoce que l’onde ELAN (van den Brink et Hagoort, 2004).

1.2.2.2 Réponses oscillatoires

1.2.2.2.1 Caractéristiques des réponses oscillatoires Méthodes d’exploration des réponses oscillatoires

Les réponses oscillatoires résultent d’une activité synchrone rythmique au sein d’un réseau de neurones. La mesure de ces réponses permet ainsi d’étudier les dynamiques rythmiques neuronales mises en jeu au sein d’une même structure cérébrale ou entre différentes structures cérébrales. Il existe plusieurs méthodes qui permettent d’accéder aux activités oscillatoires. L’un

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d’elles est la procédureevent-related synchronization (ERS) ouevent-related desynchronization (ERD) (Pfurtscheller et Aranibar, 1977). Cette méthode consiste à filtrer le signal obtenu après chaque stimulus dans la bande de fré- quence d’étude, puis mettre au carré les valeurs obtenues et enfin à effectuer une moyenne des essais qui appartiennent à la même condition expérimen- tale. ERD et ERS sont définis respectivement comme un pourcentage de diminution ou d’augmentation de la puissance à l’intérieur d’une bande de fréquence donnée, obtenue par le calcul suivant, ((A - R)/R) * 100 où A est la puissance mesurée dans une période spécifique après un stimulus et R, la puissance mesurée dans une période de référence (Pfurtscheller et Lopes da Silva, 1999).

De nombreuses autres méthodes ont été développées pour la quantifica- tion de l’ERS et de l’ERD, comme la méthode temporal spectral evolution (TSE) proposée par Salmelin et Hari (1994). Cette dernière conduit à effec- tuer les mêmes étapes de traitement que la méthode précédemment décrite à la différence que dans ce cas, on conserve les valeurs absolues obtenues après filtrage. Ces procédures permettent ainsi de déterminer le niveau d’ampli- tude moyen des activités oscillatoires au cours du temps dans une bande de fréquence donnée. Il est à noter que les signaux obtenus par TSE peuvent refléter également des réponses calées en phase avec le stimulus.

Pour mesurer le décours temporel de la puissance de réponses oscilla- toires non calées en phase avec le stimulus, il existe deux autres méthodes, la méthode induced band power (Kalcher et Pfurtscheller, 1995) et la mé- thode de décomposition en ondelettes (Bertrandet al., 1996; Tallon-Baudry et Bertrand, 1999). La méthode induced band power est similaire à la mé- thode TSE à la différence qu’à chaque essai filtré, il est soustrait la réponse évoquée filtrée moyenne de tous les essais d’une même condition expérimen- tale de manière à atténuer la réponse évoquée vis-à-vis de la réponse induite.

La méthode de décomposition en ondelettes est basée sur une décomposi- tion du signal par convolution temporelle avec des ondelettes à fréquence variable. Une représentation temps-fréquence pour chaque essai est obtenue par convolution dans chaque bande de fréquence au cours du temps, puis chaque représentation temps-fréquence est moyennée par condition expéri- mentale. Pour dissocier les oscillations induites des oscillations évoquées, il

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est de plus possible, avec cette méthode, de mesurer la variabilité de la phase du signal.

Principales réponses oscillatoires

Différentes réponses oscillatoires ont été décrites dont le thêta (4-7 Hz), l’alpha (8-12 Hz), le bêta (14-30 Hz) et le gamma (30-80 Hz). Le thêta est une réponse oscillatoire de basse fréquence principalement trouvée dans des tâches de mémoire. L’origine de l’activité thêta est l’hippocampe, comme l’ont montré des études en électrophysiologie chez l’animal et chez l’homme (Steward et Fox, 1990; Lopes da Silva, 1991a; Miller, 1991). Outre une ori- gine hippocampique comprenant également des régions parahippocampales comme le cortex entorhinal, l’activité thêta a été observée par électrocorti- graphie au sein d’aires corticales (Kahanaet al., 1999; Caplanet al., 2001).

Par conséquent, les oscillations thêta reflèteraient une interaction entre l’ac- tivité des sources hippocampiques et corticales. Il s’avère que les modulations de l’activité thêta sont fonctionnellement reliées au rôle de l’hippocampe.

En effet, celui-ci est connu pour jouer un rôle important dans les processus mnésiques en interaction avec les structures corticales (Eichenbaum et al., 1994; Witteret al., 2000). A ce sujet, Miller (1991) propose que les interac- tions cortico-hippocampiques au rythme thêta permettent l’encodage et la récupération des informations mémorisées au niveau cortical par synchro- nisation des neurones corticaux codant ces informations. Ceci serait rendu possible par des processus de renforcement synaptique hebbien responsables de la mise en place des connections entre les neurones. Les études en EEG ont fourni de nombreuses évidences en faveur du rôle de l’activité thêta dans l’encodage et la récupération d’information dont le fait que les personnes qui réalisent de bonnes performances dans l’encodage et la récupération d’infor- mation montraient une augmentation d’activité thêta plus importante que les personnes qui présentent de mauvaises performances (Klimesch et al., 1990; Klimesch, 1996; Klimesch et al., 1997). Une augmentation de l’ac- tivité thêta est également décrite pour des conditions qui demandent une charge en mémoire de travail importante (Gevinset al., 1997; McEvoyet al., 2001). Il est intéressant de noter que les oscillations thêta enregistrées chez les rats jouent un rôle important dans la navigation spatiale par activation des cellules de lieux (place cells) codant la position de l’animal dans l’espace

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(Winson, 1978; O’Keefe et Recce, 1993). Récemment, certaines études ont montré que des oscillations thêta chez l’homme sont plus fréquentes et de durée plus longue en fonction de la taille du labyrinthe virtuel au sein du- quel les personnes doivent naviguer. Par conséquent, l’activité thêta semble impliquée dans l’ensemble des processus mnésiques, de l’encodage à la récu- pération ainsi que la mémoire de travail.

Une autre réponse oscillatoire de basse fréquence est l’alpha. Celle-ci est la première réponse oscillatoire observée par Hans Berger, en 1929. Elle se caractérise par une forte amplitude autour des aires occipito-pariétales lors de phase de relaxation, particulièrement quand les yeux sont fermés.

Les études en électrophysiologie chez l’animal ont montré que l’alpha était liée à une activité au sein de réseaux thalamo-corticaux (pour revues de littérature, Steriadeet al., 1990; Lopes da Silva, 1991b). Plus précisément, les cellules thalamiques présentent deux modes d’activité soit « en bouf- fées » (burst) soit tonique. Le mode « en bouffées » permet l’établissement de l’activité oscillatoire autour de 10 Hz qui est maintenue par des circuits rétroactifs (feedbacks) entre le thalamus et le noyau réticulaire et d’autres cir- cuits rétroactifs entre le thalamus et le néocortex. Dans ce mode, les cellules thalamiques sont hyperpolarisées et il y a alors une diminution de l’activité thalamo-corticale. Classiquement, une absence d’activité alpha est considé- rée comme un processus sensoriel actif alors qu’une présence d’activité alpha signifie un état de repos où l’information sensorielle n’atteint pas le cortex.

Cependant, l’hypothèse portant sur l’état de repos lors de la présence d’acti- vité alpha est largement contredite. Une autre hypothèse est émise à la place et propose que l’amplitude importante des oscillations alpha refléterait un niveau d’inhibition corticale (Klimesch, 1996; Pfurtscheller, 2001, 2003; Kli- meschet al., 2007). En lien avec cette perspective, il a été observé dans des tâches visuelles, en EEG, une augmentation de l’activité alpha à proximité des aires corticales codant l’espace visuel non attendu, suggérant un méca- nisme de suppression active des positions de l’espace non attendu (Worden et al., 2000; Kellyet al., 2006; Rihset al., 2007). A l’inverse, une diminution de l’activité alpha apparaît à proximité des aires corticales codant l’espace visuel attendu reflétant une augmentation de l’excitabilité des aires codant l’espace visuel attendu (Sausenget al., 2005a; Yamagishi et al., 2005; Thut et al., 2006). De larges amplitudes d’oscillations alpha, en EEG, sont égale- ment observées durant des périodes de rétention en mémoire d’items (Jensen

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et al., 2002; Busch et Herrmann, 2003; Sauseng et al., 2005b). Ainsi, l’ac- tivité alpha semble reliée à des processus d’anticipation attentionnelle, de mémoire et de conscience sensorielle particulièrement pour le système visuel (pour une revue de littérature, Palva et Palva, 2007).

Il existe également des réponses oscillatoires dans les hautes fréquences, comme le bêta et le gamma. Tandis que les oscillations bêta sont impliquées dans la réalisation, la planification de mouvements (Edlinger et al., 1998;

Pfurtschelleret al., 1998; Kaiseret al., 2001; Alegreet al., 2003) et l’imagerie motrice (Pfurtscheller et Neuper, 1997), les oscillations gamma sont associées à des processus de liage perceptif (Gray et Singer, 1989; Tallon-Baudryet al., 1998) et de représentation d’objets (Bertrand et Tallon-Baudry, 2000).

Plus spécifiquement, une dépression des oscillations bêta est montrée en EEG et en MEG lors de l’exécution d’un mouvement (Edlingeret al., 1998;

Pfurtscheller et al., 1998; Koelewijn et al., 2008). A l’inverse, une augmen- tation de ces oscillations est présente lors de l’exécution et la perception de mouvements incorrects (Koelewijn et al., 2008). Les oscillations bêta sont trouvées, en enregistrement de champs locaux, dans les cortex pré- et post- centraux au sein desquels l’aire somatosensorielle primaire montre des oscil- lations bêta de plus forte amplitude que l’aire motrice primaire (Witham et Baker, 2007). Ces travaux ont amené des auteurs à proposer que les oscil- lations bêta permettraient un couplage entre les cortex sensorimoteurs et la périphérie dont les motoneurones et les muscles (pour une revue de la litté- rature, Baker, 2007). De plus, des oscillations bêta exagérées émergent dans le noyau subthalamique lors des difficultés d’exécution de mouvements des patients parkinsoniens (Brown et al., 2001; Levyet al., 2002; Gatev et al., 2006; Hammondet al., 2007). Ces oscillations exagérées sont atténuées lors de mouvements volontaires et d’administration de dopamine (Brown et al., 2001; Levyet al., 2002; Williamset al., 2002; Amirnovinet al., 2004; Kühn et al., 2004, 2006). Cependant, les oscillations bêta ont été également trou- vées, plus récemment, dans des tâches de mémoire (Karrasch et al., 2004;

Koppet al., 2004; Pesonenet al., 2006). Ainsi, outre un rôle important dans les processus liés à la motricité, les oscillations bêta semble impliquées dans le contrôle des processus mnésiques et donc pourraient émerger à partir d’autres sources que celles des cortex sensorimoteurs.

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En ce qui concerne les oscillations gamma, des études ont montré que la perception cohérente des objets est possible par recrutement des aires vi- suelles codant chaque trait de l’objet dans une activité rythmique gamma (Gray et Singer, 1989; Mülleret al., 1996; Tallon-Baudryet al., 1998). Plus particulièrement, ces travaux ont observé chez l’homme et chez l’animal des oscillations gamma de plus forte amplitude pour les stimuli visuels cohérents que pour des stimuli visuels non cohérents. D’autres études ont également montré que ces oscillations chez l’homme et chez le singe étaient influencées par l’attention (Gruberet al., 1999; Shibataet al., 1999; Tayloret al., 2005).

Par exemple, une récente étude chez des singes a démontré par enregistre- ments de champs locaux dans l’aire visuelle V4 que la force des oscillations gamma prédit les réponses correctes et incorrectes pour chaque essai. Cette étude suggère ainsi que l’activité gamma reflète les ressources attentionnelles développées, permettant la sélection des traits du stimulus critique (Taylor et al., 2005). Dans la modalité auditive, une augmentation des oscillations gamma est mesurée, en EEG, en réponse à des sons déviants en condition active lors de détection de ces sons et en condition passive, lorsqu’il n’est pas demandé de tâche spécifique aux participants (Haenschelet al., 2000; Gurtu- bayet al., 2004; Ruusuvirta et Huotilainen, 2005). Une augmentation de ces oscillations a également été observée lors d’omissions de sons au sein d’une séquence de sons ou de sons prévisibles (Gurtubay et al., 2006; Widmann et al., 2007). L’ensemble des études sur les oscillations gamma indiquent que celles-ci sont impliquées à la fois dans des processus ascendants amenant à la représentation des informations sensorielles et dans des processus descen- dants comme l’attention. D’autre part, les sources des oscillations gamma et celles des oscillations bêta évoquées précédemment sont relativement di- verses et peu claires. Elles comprennent différentes régions du cortex ainsi que l’hippocampe (Barth et MacDonald, 1996; Wang et Buzsáki, 1996). De plus, les neurotransmetteurs gabaergiques semblent hautement reliés aux rythmes bêta et gamma (Wang et Buzsáki, 1996; Shimono et al., 2000).

D’autre part, une récente étude, en EEG, a montré que contrairement aux propositions indiquant l’activité gamma associée à la représentation d’ob- jets, à l’attention ou à la conscience, l’activité gamma induite est calée avec les mouvements miniatures des yeux (Yuval-Greenberg et al., 2008). Ainsi, Yuval-Greenberg et al. (2008) concluent que l’activité gamma induite, la plus décrite en EEG située autour de 200 à 300 ms après l’apparition d’un

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stimulus visuel, résulte de l’activité musculaire oculaire et n’est pas une me- sure directe de l’activité des oscillations neuronales. Par conséquent, l’étude de Yuval-Greenberg et al. (2008) amène à revoir les résultats des études antérieures en considérant une contamination potentielle par l’activité ocu- laire.

1.2.2.2.2 Principales réponses oscillatoires du langage

Un nombre relativement faible d’études se sont intéressées aux réponses oscillatoires associées au traitement du langage. La plupart de ces études ont été menées en modalité visuelle par enregistrement EEG. Nous présentons ici les différentes réponses oscillatoires mises en évidence lors du traitement du langage, en décrivant tout d’abord celles qui ont été trouvées dans le traitement des mots, et ensuite celles qui sont présentes dans le traitement de la phrase.

Traitement des mots

Lors de la présentation d’un mot, une diminution de l’activité alpha et une augmentation de l’activité thêta apparaissent sur presque l’ensemble des sites d’enregistrement (Bastiaansen et al., 2005; Krause et al., 2006;

Bastiaansen et al., 2008). L’augmentation de l’activité thêta est d’ailleurs plus importante en modalité visuelle qu’en modalité auditive (Krauseet al., 2006). Des comparaisons entre le traitement de pseudomots et celui de mots ont montré une puissance plus forte des oscillations thêta après les mots mais ceci uniquement en modalité auditive (Krause et al., 2006). De plus, des synchronisations de plus faible amplitude étaient présentes dans les bandes de fréquences alpha et bêta en réponse aux mots, en comparaison des ré- ponses aux pseudomots sur les sites centraux et temporaux gauches (Krause et al., 2006). D’autres études ont décrit également une diminution de l’ac- tivité gamma uniquement après des pseudomots en modalité visuelle sur les sites d’enregistrement de l’hémisphère gauche (Lutzenbergeret al., 1994;

Pulvermülleret al., 1996a).

Un certain nombre d’études se sont plus particulièrement intéressées à la représentation corticale du lexique mental en postulant que les représen- tations corticales étaient différentes selon le type de mots, verbes, noms,

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mots concrets et mots abstraits (Miceli et al., 1984; Warrington et Mc- Carthy, 1987; Caramazza et Hillis, 1991; Damasio et Tranel, 1993; Preissl et al., 1995; Kiehl et al., 1999; Pulvermüller et al., 1999). Ces études qui proviennent à la fois de la neuropsychologie et de la neuroimagerie appuient fortement cette hypothèse. En lien avec ces travaux, des synchronisations plus fortes apparaissent entre les deux hémisphères dans la bande de fré- quence bêta en réponse à des mots concrets comparés à des mots abstraits au sein d’un réseau frontal gauche et postérieur droit (Weiss et Rappelsber- ger, 1996; Weiss et Mueller, 2003). D’autres études ont également montré les même effets dans la bande de fréquence alpha (Schacket al., 2003). Ces évidences expérimentales sur les oscillations bêta et alpha ont été observées lors de présentations de mots en modalité visuelle et auditive sans tâche à effectuer sur les mots et lors de tâche de mémorisation de mots (Weiss et Rappelsberger, 1996; Schacket al., 2003; Weiss et Mueller, 2003). L’impli- cation d’autres régions corticales que le lobe frontal gauche lors du traite- ment des mots concrets serait due à la représentation multimodale des mots concrets (Weiss et Rappelsberger, 1996; Weiss et Mueller, 2003). D’autres auteurs ont proposé plus exactement que la représentation sémantique des mots soit encodée dans des réseaux des neurones impliqués fonctionnelle- ment dans l’information sensorielle et motrice (Warrington et McCarthy, 1987; Damasio, 1990).

En lien avec cette hypothèse, des études en tâche de décision lexicale ont testé si les noms plus associés à une représentation sémantique perceptive que les verbes étaient plus représentés dans les cortex visuels et si les verbes plus associés à une représentation sémantique motrice étaient plus liés aux cortex moteurs (Pulvermüller et al., 1996b, 1999). Ces études confirment l’hypothèse de départ en montrant une activité gamma plus forte pour les noms sur les sites occipitaux qui sont à proximité des cortex visuels et une activité gamma plus forte pour les verbes sur les sites centraux qui sont situés près des cortex moteurs (Pulvermüller et al., 1996b, 1999). Une ré- cente étude, également en tâche de décision lexicale, comparant des mots dits visuels à des mots dits auditifs, a noté une augmentation plus forte de l’activité thêta sur les sites temporaux pour les mots dits auditifs et une augmentation de l’activité thêta sur les sites occipitaux pour les mots dits visuels (Bastiaansen et al., 2008). De même, une autre étude a observé des différences entre types de mots dans la bande de fréquence thêta lors de la

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comparaison de mots de classe ouverte2 à des mots de classe fermée3 (Bas- tiaansenet al., 2005). Pour conclure, on peut observer que même si les études mentionnées ci-dessus mesurant des réponses oscillatoires ne localisent pas le traitement des différents types de mots, ces études sont clairement en faveur de représentations corticales du lexique mental en fonction du sens des mots, qui serait encodé en partie par des neurones traitant la perception ou l’action selon le sens porté par les mots (pour une revue de littérature, Pulvermüller, 1999).

Traitement de la phrase

Afin de déterminer les oscillations impliquées dans le traitement de la phrase, quelques études ont comparé le traitement de phrases correctes à celui de phrases comportant des violations d’ordre sémantique ou syntaxique (Bastiaansen et al., 2002b; Weiss et Mueller, 2003; Hagoort et al., 2004;

Hald et al., 2006; Davidson et Indefrey, 2007; Willems et al., 2008). En ce qui concerne les violations sémantiques, une augmentation de l’activité thêta se manifeste après leur apparition, en particulier sur des sites frontaux (Hagoortet al., 2004; Haldet al., 2006; Davidson et Indefrey, 2007; Willems et al., 2008). D’autre part, l’augmentation de l’activité gamma, observée après des phrases correctes sur les sites frontaux, n’apparaît pas après des phrases présentant des violations sémantiques (Hald et al., 2006; Willems et al., 2008). En lien avec ce résultat, une étude a noté que la force de synchronisation de l’activité gamma était plus grande après des phrases correctes par rapport à des phrases des violations sémantiques (Weiss et Mueller, 2003).

Dans le cas des violations syntaxiques, les mots qui produisent une vio- lation d’accord soit de genre soit de nombre entre un article et un nom induisent une augmentation de l’activité thêta sur les sites frontocentraux par rapport aux accords corrects (Bastiaansenet al., 2002b). De plus, tandis que les violations de genre amènent à une augmentation de l’activité thêta plus latéralisée sur les sites de l’hémisphère droit, les violations de nombre

2. Les mots de classe ouverte sont des mots porteurs de sens, tels que les noms, les adjectifs et les verbes.

3. Les mots de classe fermée sont des mots porteurs de peu de sens et ayant une fonction grammaticale, comme les articles, les propositions et les conjonctions.

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produisent une augmentation de l’activité thêta plus latéralisée sur les sites de l’hémisphère gauche (Bastiaansenet al., 2002b). Par contre, des violations de nombre dans une relation d’accord entre un sujet et un verbe engendrent une diminution de l’activité alpha (Davidson et Indefrey, 2007). Après des violations de structure de phrase – un type de violation syntaxique dans lequel l’ordre des mots est incorrect – une étude a observé une diminution à la fois de l’activité alpha et de l’activité bêta (Davidson et Indefrey, 2007).

Une autre étude s’est intéressée à comparer le traitement de phrases rela- tives sujet-sujet à celui de phrases relatives sujet-objet en modalité auditive (Weiss et Mueller, 2003). Dans des phrases relatives sujet-sujet, le sujet est le même dans la proposition relative et dans la proposition principale (le garçon qui connaît Paul va à l’école), tandis que dans les phrases relatives sujet-objet, l’objet de la proposition relative est le sujet de la proposition principale (le garçon que Paul connaît va à l’école). Il est connu que le trai- tement de phrases relatives sujet-objet demande une charge en mémoire de travail plus importante que celui de phrases relatives sujet-sujet (King et Just, 1991). En comparant à différentes périodes les deux types de phrases, des différences de force de synchronisation dans les bandes de fréquences thêta et bêta se manifestent sur les sites frontaux (Weiss et Mueller, 2003).

Plus précisément, les phrases relatives sujet-objet induisent de plus fortes synchronisations dans la bande de fréquence thêta dans la période après la proposition relative et de plus fortes synchronisations dans la bande de fréquence bêta au début de la proposition relative et après celle-ci (Weiss et Mueller, 2003). Ainsi, l’augmentation de l’activité thêta et bêta pour les phrases sujet-objet qui demandent une importante charge de mémoire de travail est tout à fait en lien cohérent avec d’autres études montrant ces deux oscillations impliquées dans des processus mnésiques (Gevins et al., 1997; McEvoyet al., 2001; Karraschet al., 2004; Koppet al., 2004; Pesonen et al., 2006).

Certains auteurs ont également proposé que l’activité thêta reflète l’in- tégration des mots dans le contexte phrastique (Bastiaansenet al., 2002a).

Des études ont d’ailleurs récemment observé que l’activité thêta est corrélée avec l’intelligibilité de la parole lors de l’écoute de phrases, ce qui appuie l’hypothèse selon laquelle l’activité thêta serait impliquée dans l’intégration

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lexico-sémantique des mots dans le contexte phrastique (Bastiaansenet al., 2002a; Luo et Poeppel, 2007).

En résumé, différentes réponses oscillatoires allant des basses fréquences aux hautes fréquences émergent donc lors du traitement du langage sans que l’on puisse associer à une bande de fréquence particulière une certaine fonctionnalité dans le traitement du langage. Cependant, les changements de rythme oscillatoire thêta sont les plus décrits dans le traitement du langage, ce qui suggère un rôle fonctionnel de ces changements dans les processus langagiers.

Dans le chapitre suivant, nous abordons la notion de l’accord ainsi que les modèles théoriques et les données expérimentales décrivant les proces- sus et les représentations impliqués dans le traitement de l’accord. Afin de définir clairement ce qu’est l’accord, nous prendrons l’exemple de l’accord en français et nous l’illustrerons par la relation d’accord sujet pronominal- verbe. Nous avons choisi la relation d’accord sujet pronominal-verbe comme illustration, étant donné que nos travaux portent uniquement sur cette re- lation. De plus, pour faciliter la compréhension des modèles théoriques, cet exemple sera également utilisé durant la description des modèles théoriques de l’accord.

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Chapitre 2

Le traitement de l’accord

2.1 Définition de l’accord

Selon les grammaires traditionnelles1 (Grevisse et Goosse, 1988) « on appelle accord le fait qu’un mot reçoit d’un autre mot de la même phrase ses marques de genre, de nombre, de personne ». En français, le donneur est un nom ou un pronom et le receveur peut être un déterminant, un adjectif ou un verbe (Grevisse et Goosse, 1993). Le receveur est décrit classiquement dans les grammaires traditionnelles, comme celui qui subit des variations de forme ou dits variations morphologiques (appelées aussi marques morpho- logiques) sous l’influence des propriétés grammaticales des mots auxquels sa fonction le rattache (Chevalier, 1998). Prenons l’exemple de la relation sujet-verbe dansnous marchons. Le pronom personnelnous, qui est le don- neur de l’accord, indique la première personne du pluriel. L’utilisation de ce pronom impose une forme morphologique spécifique du verbe qui s’exprime par l’ajout du suffixe-ons. Il faut noter que la forme morphologique présente du verbe désigne également la première personne du pluriel, c’est-à-dire les mêmes traits grammaticaux que le pronom. Ainsi, une relation d’accord entre deux mots se concrétise par le partage des mêmes traits grammati- caux entre le donneur et le receveur de l’accord. Il est important de préciser que les termes « donneur » et « receveur » ne sont pas associés à un rôle

1. Outre les grammaires traditionnelles, les grammaires génératives décrivent égale- ment ce qu’est l’accord. Nous n’évoquons cependant dans cette partie que l’approche issue des grammaires traditionnelles.

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