• Aucun résultat trouvé

Quelle famille pour le XXIème siècle?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Quelle famille pour le XXIème siècle?"

Copied!
54
0
0

Texte intégral

(1)

Book Chapter

Reference

Quelle famille pour le XXIème siècle?

LEUBA, Audrey, SANDOZ, Suzette, MEIER, Philippe

LEUBA, Audrey, SANDOZ, Suzette, MEIER, Philippe. Quelle famille pour le XXIème siècle? In:

Rapports suisses présentés au XVIème Congrès international de droit comparé = Swiss reports presented at the XVIth of Comparative Law : Brisbane, 14 au 20 juillet 2002 . Zurich : Schulthess, 2002. p. 149-201

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12747

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

Audrey Leuba, Philippe Meier et Suzette Sandoz'

Quelle famille pour le XXIème siècle?

1. Introduction

A. La notion juridique de famille: une notion imprécise L'ordre juridique suisse ne définit pas la famille. De l'ordonnance des matières dans le Code civil de 1907, on peut cependant déduire que la famille compte les époux (auxquels le Code consacre les art. 90 à 251 CC), les enfants de parents mariés ou non, donc aussi les frères et sœurs, consanguins, utérins et germains (art. 252 à 327 CC) et même, d'une manière générale, toutes les personnes vivant en ménage commun sous une autorité domestique (art. 331 à 334 bis CC). Tous les articles du Code civil affectés à ces différentes personnes sont en effet groupés dans le Livre deuxième, sous le titre "Droit de la famille". On devrait y ajouter les pupilles d'un tuteur ou d'un curateur, puisque le droit de la tutelle est éga- Iement inclus dans le Livre de la famille (art. 360 à 456 CC). On sait toute- fois que l'on tend de plus en plus de nos jours, à rapprocher le droit de la tutelle des droits de la personnalité, donc de la personne en tant que sujet de droit individuel, et à l'éloigner du droit de la famille en tant que com- munauté. En effet, autrefois conçue comme une mesure de protection pro- longeant le rôle de la famille, la tutelle est actuellement ressentie plutôt comme une atteinte à la liberté individuelle, atteinte justifiée par un besoin de protection particulier de la personne interdite. Cette tendance reflète peut-être la volonté présente d'accorder plus d'importance à chaque per- sonne qu'à la famille qu'elle peut contribuer à constituer.

On relèvera cependant avec intérêt qu'en droit pénal, l'évocation de la famille fait avant tout référence au ménage commun et non pas à la parenté puisque l'art. 1 \0 ch. 3 du Code pénal suisse définit les "familiers" d'une personne comme "ceux qui font ménage commun avec elle".

Pour présenter - très superficiellement certes - la notion de famille en droit suisse, on pourrait donc dire qu'elle repose sur un contrat (le mariage), une filiation (parent-enfant) ou un ménage commun fondé sur "la loi, un contrat ou l'usage" (art. 331 al. 1 CC). En revanche, les sentiments ne jouent pas de rôle particulier. En ce domaine, le droit privé suisse

Les auteurs (Facullës de droit de Neuchâtel et de Lausanne) remercient Mme Anna PASSERA.

collaboratrice scientifique à la Faculté de droit de J'Université de Neuchitel, pour son travail de mise en foone du présem texte.

(3)

LEUBA 1 MEIER 1 SANDOZ

distingue en effet les membres de la famille des "proches"; ceux-ci englo- bent toute personne liée à une autre par une relation étroite' qui peut être familiale, amicale, professionnelle'. Le droit pénal, ici aussi, s'écarte du droit privé, puisqu'il définit les proches d'une personne comme "le conjoint de certe personne, ses parents en ligne directe, ses frères et sœurs, germains, consanguins ou utérins, ses parents et enfants adoptifs" (art. 110 ch. 2 CP). Les définitions retenues par le droit pénal datent de 1937. Elles ont le mérite de cadrer exactement les notions auxquelles il est fait référence, ce que le droit privé ne fait pas. Ceci p.eut expliquer les différen- ces de nuance entre les conceptions pénales et les conceptions privées de la famille d'une part et des proches d'autre part'. Mais les différences que l'on peut relever, soit l'exigence d'un ménage commun pour la famille se- lon le droit pénal et une simple présomption d'affection en ce qui concerne les proches ne rendent pas les notionS de droit pénal incompatibles avec celles du droit de la famille. En effet, comme nous l'avons relevé, la fa- mille en droit privé peut aussi reposer sur une notion de ménage commun et la notion de relation étroite qui concerne les proches peut parfaitement inclure les relations familiales. C'est indirectement le cas à l'art. 274a CC qui permet à l'autorité compétente d'accorder un droit aux relations per- sonnelles avec un enfant, "en particulier à des membres de la parenté"

autres que son pére et sa mère, "dans des circonstances exceptionnelles" et

"à condition que ce soit dans l'intérêt de l'enfant". Le lien affectif joue aussi un rôle en droit des successions, dans la mesure où les héritiers réservataires (le conjoint, les enfants et autres descendants, le père et la mère), membres de la famille au sens du droit privé, sont censés être ceux avec qui le défunt a les liens d'affection les plus étroits. Or c'est dans l'hypothèse où ce lien affectif est atteint ensuite d'un acte pénal ou d'un acte civil grave accompli par un réservataire et dirigé respectivement contre le futur défunt lui-même ou l'un de ses proches ou l'un des membres de sa famille, que la privation de la réserve peut intervenir par exhérédation.

On peut conclure de ces quelques remarques que la notion de famille, en droit suisse, englobe principalement les membres de la parenté, ainsi que les époux, mais peut inclure aussi toutes les personnes faisant ménage commun ou unies par un lien durable d'affection. Cette conception souple permet une adaptation de la notion à l'évolution sociologique, moyennant quelques ajustements juridiques.

DESCHENAUX. H. & STElNAUER, P.-H., Personnes physiques et tutelle, 4e éd., Berne 2001, N. 326 ATF 1221 18IJT 19981226. cons. 2e bb, spéc. p. 236.

Sur ces notions de famille et de proches, voir TERCIER, P., "Qui sont nos 'proches''?'', Famille et Droit, Mélanges SCHNYDER. Fribourg 1995, pp. 799-816.

'1

(4)

QUELLE FAMILLE POUR LE XXIEME SIÈCLE?

B. La famille et la protection étatique

C'est le 21 novembre 1945 que le peuple et les cantons ont accepté d'introduire dans la Constitution fédérale du 29 mai 1874 un art. 34 quin- quies dont le premier alinéa disait: "La Confédération, dans l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés et dans les limites de la Constitution, tient compte des besoins de la famille"'. La 'Constitution fédérale du 18 avril 1999 a repris la disposition à l'art. 116 et l'a formulée ainsi: "Dans l'accomplissement de ses tâches, la Confédération prend en considération les besoins de la famille. Elle peut soutenir les mesures destinées à proté- ger la famille". Aucune des deux dispositions n'a défini la famille.

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, sous différents aspects, et pour différentes raisons, les pouvoirs publics ont pris des mesures pour protéger la famille (fiscalité, rentes de veuve, d'orphelins, allocations familiales,. logement de la famille, droit des étrangers, etc.).

Sur le plan international, les conventions favorisent souvent le regroupement familial (ex.: art. 8 CEDH).

C.

La "tension" entre la famille et les droits individuels La fin de la deuxième guerre mondiale a déclenché toute une série de conventions internationales orientées particulièrement vers la protection des droits individuels, manière, sans doute, de réagir face aux horreurs communistes et national-socialistes, mais aussi moyen de contraindre éventuellement les pays dits "riches" à venir en aide aux pays dits

"pauvres". La Suisse est partie prenante à plus d'une de ces conventions.

Outre la convention de sauvegarde des droits de 1 'homme et des libertés fondamentales, mentionnons le pacte international relatif aux droits éco- nomiques, sociaux et culturels, le pacte international relatif aux droits civils et politiques et la convention relative aux droits de l'enfant. Si ces traités mentionnent bien, parfois, la famille - sans jamais la définir - ils mettent plutôt l'accent sur les droits individuels face à l'Etat ou face à la collectivité, ces droits pouvant aboutir d'ailleurs à la protection d'une famille (on pense au regroupement familial qui est plus à notre avis la concrétisation d'un droit individuel à vivre en famille qu'une protection de la famille comme telle).

Cause ou conséquence de l'adhésion de notre pays à ces traités inter- nationaux, on constate une nette tendance du droit de la famille à porter

Sur la portée de cet article, voir MAHON. P., Commentaire de la Constitution jëdéraJe de la Confédération suisse du 29 mai 1874, BâlelZurichIBeme 1992, ad art. 34 quinquies Cst. féd.

(5)

LEUBA / MEIER / SANDOZ

plus d'attention à l'épanouissement des personnes qu'à la constitution d'un ensemble. Toutefois, dans la mesure où le droit interne accorde une protec- tion à J'ensemble que représente la "famille", les mêmes voix qui revendi- quent souvent le droit à l'épanouissement de la personne souhaitent que l'Etat accorde une protection aux "ensembles" jusqu'alors non compris dans la notion de famille: l'union libre, l'union homosexuelle, l'union transsexuelle.

L'individualisme des personnes tend en outre à séparer la filiation du mariage, à affirmer que les parents peuvent parfaitement remplir ensemble leur rôle même après divorce et que l'enfant peut intervenir comme tel dans la procédure de divorce de ses parents.

L'état du droit suisse reflète ces tensions et ces courants. Nous enten- dons en rendre compte ci-après. La présentation qui suit est axée avant tout Sur des éléments de nature juridique. Il faut toutefois d'ores et déjà mettre en exergue l'ascendant pris par les sciences sociales sur la réglementation du droit de la famille en Suisse. L'on mentionnera à cet égard, à titre d'exemples, la révision du droit du divorce (notamment par rapport à la

"valorisation" des droits de l'enfant et aux conditions et mo"dalités de son audition) et la réglementation de l'accès aux origines; la révision du droit de la tutelle est et sera sans aucun doute elle aussi marquée de la même empreinte.

'",

;

(6)

QUELLE FAMILLE POUR LE XXIÈME SIÈCLE?

II. Droit de la famille - Premier âge (Droit de la filiation)6

A. Survol historique 7 1. Le Code civil de 1907

Le droit de filiation unifié en 1907 dans le Code civil suisse (CC)' est entré en vigueur le 1" janvier 1912. Il remplaçait alors le large éventail des droits cantonaux. Le nouveau droit fédéral reposait encore sur la distinc- tion fondamentale entre filiation légitime et filiation illégitime, mais amé- liorait néanmoins sensiblement la situation juridique de l'enfant illégitime, notamment par l'admission d'un véritable lien de filiation maternelle et par la possibilité d'établir une filiation paternelle. L'intérêt de l'enfant passait toutefois toujours derrière celui des père et mère.

Dès 1957, il a été formellement décidé d'entreprendre une révision par étapes du droit de la famille. Si ces travaux n'ont pas été caractérisés par leur précipitation, la plupart des révisions partielles qui se succédèrent (de 1972 à 1998) allaient toucher soit directement soit indirectement le droit de la filiation.

2_ Les grandes révisions du Code civil au XXème siècle en matière de filiation

a) Révision du droit de l'adoption (1972)'

La révision, entrée en vigueur le 1" avril 1973, a tout à la fois institution- nalisé la procédure d'adoption et assoupli les conditions matérielles de

Sur cette matiëre, cf. notamment les ouvrages suivants: HEGNAUER, C., Die Enlslehung des Kindesverhiiltnisses, Berner Kommentar, ad art. 253-269c ZGB, Bem 1984; HEGNAUER, C., Die Wirkungen des Kindesverhiiltnisses - Die Gemeinschafi der Eltern und Kinder, Die Unterhalts- pflicht der Eltem, Berner lÇommentar, ad art. 270-295 ZGB, Bem 1997; HEGNAUER, C.,

Grundriss des Kindesrechts, 5=< éd., Bem 1999; HEGNAUER, C. & MElER, Ph., Droit suisse de la filiation, 4ème éd., Berne 1998; HONSEl1., H. & VOCiT, N.P. & GEISER Th. (éds), KQmmentar zum schweizerischen Privatrecht, Schweîzerisches Zivilgesetzbuch i, ad art. 1-359 ZGB, Basel 1996 (DIVERS AUTEURS); MEIER, Ph. & STETIlER, M., Droit civil ViiI - L'établissement de la filiation, Fribourg 1998; MEIER, Ph. & STETTLER, M., Droit civil Vil2 - Les effets de Jafiliation, Fnbourg 1998; STETILER, M., "Le droit suisse de la filiation", Traité de droit privé suisse 111/, Fnbourg 1987 (édition allemande: "Das Kindesrecht", Schweizerisches Privatrecht 111/2, Basel 1992);

TUOR, P. & SCHNYDER, B. & SCHMID, J., Das schweizerische Zivilgesetzbuch, ZUrich 1995 avec supplément Zürich 2000.

Cf. not. HEGNAUER, C., "Zur Revision des scbweizerischen Familienrechts: Ursprung, Wandel und Ausfuhrung eines Konzepts", Mélanges GROSSEN, J.-M., BasellFrankfurt 1992, pp. 154 ss;

HEGNAUER, e., "Entwicklung des schweizerischen Familienrechts", (2000) FamPra.ch 1 ss;

HEGNAUER, C. & MEIER, Ph., supra n. 5, N. 1.16 ss; MEIER-SCHATZ, Ch., "Ueber Entwicklung, InhaIt und Strukturelemente des Kindesrechts", (1993) P JA 1035 ss.

RS210.

FF 1971 l 1222.

(7)

LEUBA 1 MEIER 1 SANDOZ

celle-ci (l'absence de descendant n'est exigée que pour l'adoption d'un majeur, mais plus pour celle d'un mineur; l'âge minimal des parents adop- tifs a passé de 40 à 35 ans). Enfin et surtout, la révision a prévu que l'adoption ne pouvait être que plénière et que l'enfant entrait par consé- quent à part entière dans sa nouvelle famille, en perdant ses liens, fami- liaux et donc successoraux, avec sa famille naturelle, sans dérogation ni révocation possibles.

b) Révision du droit de la filiation (/976)" .

Entré en vigueur le 1 ~ janvier 1978, le nouveau droit a abandonné la distinction traditionnelle entre légitimité et illégitimité, en adoptant le principe de l'unité de la filiation. Le nouveau droit a par ailleurs codifi~ les règles sur l'obligation d'entretien et sensiblement amélioré la position de la mére, en renonçant notamment au droit de préséance du pére. Le bien de l'enfant est quant à lui devenu une considération centrale (dans le nouvel arsenal de mesures de protection de sa personne et de ses biens, tout comme dans l'éducation).

c) Révision du droit de la capacité civile et matrimoniale (/994r L'âge de la majorité civile et matrimoniale a été fixé uniformément à

18 ans (en lieu et place de la majorité civile précédemment fixée à 20 ans et de la majorité matrimoniale ordinairement fixée à 20 ans pour l'homme et 18 ans pour la femme), sous l'influence des réglementations étrangères, d'une part, et de l'abaissement en 1991 de l'âge de la majorité civique au plan fédéral (de 20 ans à 18 ans), d'autre part. La novelle est entrée en vi- gueur le 1 ~ janvier 1996. Elle a également entraîné une modification de l'art.277 al. 2 CC (conditions du maintien exceptionnel de l'obligation d'entretien après la majorité de J'enfant).

d) Révision du droit du divorce et de certaines dispositions du droit de lafiliation (1998)"

La révision, entrée en vigueur le loc janvier 2000, était essentiellement axée sur le droit du divorce. Elle a toutefois entraîné à sa suite une série importante de modifications touchant le droit de la filiation. L'on renvoie ici à ce qui est exposé sous infra ch. In.B.

10 Il 12

FF 1974 Ill.

FF 199311093.

FF 1996 11.

(8)

,.

,

QUELLE FAMILLE POUR LE XXIÈME SIÈCLE?

3. Autres modifications législatives affectant directement le droit de la filiation

a) Ratification de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (1997) et réserves apportéeslJ

La Suisse a ratifié la CDE le 24 février .1997; la convention est entrée en vigueur le 16 mars 1997. Pour des raisons politiques et psychologiques (craintes de voir l'Etat s'ingérer par trop dans la vie familiale et évincer la responsabilité parentale), le Parlement a jugé bon d'~outer une réserve à l'art. 5, selon laquelle "la législation suisse concernant l'autorité parentale demeure réservée"". Cette réserve est surprenante à deux égards: d'une part, le texte même de l'art. 5 CDE prévoit justement que les Etats parties respectent la responsabilité des parents; d'autre part, le droit suisse, contrairement à ce que cette réserve pourrait laisser croire, connaît déjà un

"droit d'ingérence" de l'Etat, soumis au principe de la proportionnalité, lorsqu'il y a danger pour la personne ou les biens de l'enfant (art. 307 ss, art. 318 ss CC).

La Suisse a remis son premier rapport (art. 44 CDE) le 1 ~ novembre 2000. Il devrait être examiné à l'occasion de la 30"'" séance du Comité in- ternational des droits de l'enfant, fixée en mai/juin 2002.

b) Révision de la Constitution fédérale (1998)"

La Constitution fédérale a été mise'à jour en 1998 par le Parlement fédéral et adoptée par le peuple et les cantons ; la nouvelle version est entrée en vigueur le 1" janvier- 2000. Le constituant, outre les adaptations d'ordre purement formel ou rédactionnel, a également introduit un certain nombre d'innovations matérielles, parmi lesquelles figure l'art. II. Cette disposi- tion programmatique, ajoutée en cours de travaux parlementaires, prévoit que les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l'encouragement de leur développement (ai. 1); ils exercent eux-mêmes leurs droits dans la mesure où ils sont capables de discerne- ment (ai. 2).

c) Loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (1998)/6 La loi (LPMA) et son ordonnance d'application sont entrées en vigueur le 1" janvier 2001. Elles ont remplacé les directives professionnelles édictées

Il

"

l ' JO

FF 1994 V I~ RS 0.107.

L'inutilité de cefte réserve a été soulignée lors des débats parlementaires, mais en vain (cf. par Q>.

BOCE 1996 1048).

RS lOI.

FF 19961D 197; RS 814.90.

(9)

LEUBA / MEIER / SANDOZ

par l'Association suisse des Sciences médicales et les réglementations cantonales (souvent inspirées des mêmes directives) et ont concrétisé les dispositions déjà très détaillées adoptées au plan constitutionnel en 1992 (art. 24 novies, devenu sans modification matérielle l'art. 119 Cst. dans la nouvelle mouture de notre charte fondamentale, entrée en vigueur le 1" janvier 2000).

d) Ratification de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale et Loi fédérale d'application (2000)'" ".

Les Chambres fédérales ont accepté la ratification de la Convention le 22 juin 2001; elles l'ont accompagnée d'une loi interne d'application (LF- CLaR) et en ont profité pour modifier quelques dispositions matérielles du Code civil relatives à l'adoption (cf. infra 3.2.2 et 3.3.5).

B. Travaux en cours

1. Révision du droit de la tntelle

La révision du droit de la tutelle est en cours (avant-projet exanùné par une commission d'experts). A priori, elle devrait conserver l'institution de la tutelle des mineurs (art. 368 CC), qui supplée le défaut d'autorité paren- tale, et seules des modifications d'ordre avant tout rédactionnel devraient être apportées au droit de la filiation.

2. Ratification de la Convention de La Haye en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants

La nouvelle Convention de 1996 n'a pas encore été signée par la Suisse. Le texte de 1961 demeure en vigueur, mais les travaux en vue de signature et de ratification sont en cours.

11 FF 1999 5129.

,

,

(10)

QUELLE FAMILLE POUR LE XXIEME SIÈCLE?

C. Questions actueUes et futures choisies

1. Particularités juridiques de la procréation médicalement assistée par rapport à la procréation naturelle et à la filiation par adoption

a) Introduction

i) Techniques de PMA autorisées

Les méthodes actuellement admises et pratiquées sont l'insémination arti- ficielle - homologue ou hétérologue - et la fécondation in vitro avec trans- fert d'embryon, y compris la micro-injection. La loi ne donne toutefois pas de liste exhaustive, pour ne pas fermer la porte à l'évolution technique. En vertu du principe de l'ultima ratio, les méthodes de PMA autorisées en Suisse ne peuvent être appliquées que pour permettre de remédier à la stérilité d'un couple, lorsque les autres traitements ont échoué ou sont vains (art. 119 al. 2 lit. c Cst.; art. 5 al. 1 lit. a LPMAj1' oU pour permettre d'écarter le risque de transmission d'une maladie grave et incurable aux descendants, lorsque ce risque ne peut être écarté autrement (art. 119 al. 2 lit. c Cst., art. 5 al. 1 lit. b LPMA)19.

Dans tous les cas, la PMA est subordonnée au bien de l'enfant (l'exigence découle de la protection de la personnalité et de la famille posée comme principe directeur à l'art. 119 al. 2 Cst. et de l'art. 3 al. 1 LPMA qui la consacre'expressément).

La loi pose par ailleurs une série de garanties concernant la bonne application des méthodes admises par le législateur. Ainsi, selon l'art. 8 al. 1 LPMA, toute personne qui pratique la PMA, qui conserve des gamètes ou des ovules imprégnés ou qui pratique la cession de sperme provenant de dons sans mettre elle-même en œuvre les méthodes de PMA doit être en possession d'une autorisation cantonale. En revanche, l'insémination au moyen du sperme du partenaire n'est pas soumise à autorisation spécifique; elle ne peut toutefois être pratiquée que par un médecin (art. 8 al. 2 et art. 9 al. 1 LPMA).

"

"

La loi ne définit pas ce qu'on entend par stérilité; daO! la pratique, on l'admet en principe après un à deux ans de rapports sexuels réguliers non protégés.

A l'exception de l'insémination intra-utérine (ATF 121 V 289, 302; Ordonnance sur les prestations de j'assurance des soins (OP AS), RS 832.112.31, annexe 1 ch. 3 modifiée au 1er janvier

2001), ces méthodes ne sont pas encore prises en charge par les assurances sociales (A TF 125 V 21; ATF 121 V 297, 307; ATF 119 V 26: la FIV n'est pas qualifiée de prestation scientifiquement reconnue pour t'heure (cf. GPAS, annexe 1 ch. 3). Elles sont cependant en cours d'évaluation.

(11)

LEUBA / MEIER / SANDOZ

ii) Techniques interdites, en particulier la maternité de substitution et le don d'ovules

L'art. 4 LPMA interdit expressément le don d'ovules, le don d'embryons et la maternité de substitution. Ces deux dernières techniques étaient déjà prohibées au niveau constitutionnel (art. 119 al. 2 lit. d Cst.). Par ailleurs, l'art. 3 al. 4 LPMA interdit d'utiliser les gamètes ou les ovules imprégnés d'une personne après sa morilO

L'admissibilité ou non du don d'ovules, une question laissée ouverte par la disposition constitutionnelle, a fait l'objet d!importantes divergences lors des débats parlementaires. D'aucuns ont vu une incohérence à autori- ser le don de spertne, mais à refuser le don d'ovules'I. D'autres, en se fon- dant sur le devoir constitutionnel (art. 119 al. 2 Cst.) de protéger la dignité humaine et la famille, ont mis en exergue la problématique de la maternité éclatée entre mère génétique et mère qui donne naissance à l'enfant et les répercussions possibles sur le développement de la personnalité de l'enfant issu de deux mères. Les partisans de l'interdiction ont également souligné le fait qu'un tel procédé remettait fondamentalement en cause le principe mater semper certa est et qu'il revenait à admettre qu'un enfant puisse avoir des parents juridiques dont aucun n'est également parent biologique, alors même que le don d'embryons était prohibé par la Constitution.

b) Conditions d'accès aux techniques i) Couples mariés

L'ensemble des méthodes de PMA admises en Suisse sont ouvertes aux couples mariés", pour autant qu'un lien de filiation puisse être établi au sens des art. 252-263 CC et qu'en considération de son âge et de sa situa- tion personnelle, le couple paraisse à même d'élever l'enfant jusqu'à sa majorité (art. 3 al. 2 lit. a et lit. b LPMA). La loi ne fixe pas de durée minimale du mariage (à l'inverse de l'art. 264a al. 2 CC pour l'adoption) ou de la vie commune. S'agissant d'une ultima ratio pertnettant de faire face à une stérilité, la PMA suppose toutefois une certaine stabilité et durabilité du couple concerné. La loi ne fixe pas d'âge minimal, ni d'âge maximal. La ménopause fixe une limite naturelle en ce qui concerne les femmes puisque le don d'ovules est interdit. Dans tous les cas, le bien de l'enfant demeure la considération fondamentale.

,.

'1

"

Le lêgi91ateur admet tOUlefois le transfert d'embryao peu de temps après la mort du père si le decès

.!I. lieu entre le moment de ta fécondation in vitro et le transfert; il a estimé qu'une disposition

paniculiere n'était pas né<:essaire (MCF LPMA; supra n. 16, ch. 322.114).

Cr. notamment BEN-AM, M., Gespa/tene Muuerschaft, Sasell998, pp. 181 ss.

Il est rappelé qu'en droit su:isse, le mariage n'est ouvert qu'à des ftancés hétérosex.uels.

(12)

QUELLE FAMILLE POUR LE XXIÈME SIÈCLE?

ii) Couples hétérosexuels non mariés

Les conditions sont les mêmes que pour les couples man es, sous une réserve importante: l'insémination par le sperme d'un donneur tiers n'est autorisée qu'aux couples mariés (art. 3 al. 3 LPMA), pour ne pas augmen- ter le nombre d'enfants sans père légal (argument au demeurant admis par le Tribunal fédéral"). L'exception est àiscutable: certes, en cas d'insé- mination homologue dans un couple non marié, l'action en paternité (art. 261 ss CC) est ouverte au cas où le père se refuserait finalement à reconnaître l'enfant, ce qui n'est pas le cas si un donneur tiers intervient (art. 23 al. 2 LPMA). Pour tenir compte des réalités sociales et de l'importance staiistique du concubinage désormais largement accepté", il eût toutefois été possible de subordonner le recours à l'insémination hétérologue à un engagement inconditionnel et irrévocable pris par le concubin de reconnaître l'enfant. Au cas où la mère se serait mariée pendant la grossesse, il aurait été possible, pour régler le conflit de paternité, de fixer au mari un délai pour confirmer l'établissement de la paternité par le biais d'une reconnaissance additionnelle, faute de quoi l'ex-partenaire serait demeuré le père juridique de l'enfant sur la base de l'engagement de reconnaître ou de la reconnaissance anticipée. Une autre solution aurait consisté à ouvrir l'action en paternité contre le père non marié, laquelle se serait fondée exclusivement sur le consentement à l'insémination de la partenaire avec le sperme d'un tiers.

iii) Couples homosexuels

Il ne peut y avoir d'indication de stérilité, exigée par la Constitution et par la loi, qu'en cas de rapports sexuels réguliers mais infructueux. De par cette indication médicale, les couples homosexuels sont exclus du recours à la PM A, sous quelque forme que ce soif'. De plus, l'art. 3 al. 2 lit. a LPMA exige de toute façon que la procréation assistée permette d'établir un lien de filiation, par quoi il faut entendre la possibilité (en tout cas théo- rique) de fonder un double lien, maternel et paternel".

Les travaux sont actuellement en cours pour définir un statut juridique plus précis pour les partenariats homosexuels (cf. infra ch. I1LC). Comme

23 24

"

"

Celui-ci a estimé qu'il n'était pas contraire à la liberté personnelle de réserver l'insemination hétérologue aux couples mariés (A TF 119 la 483/JT 1995 1 593; ATF Ils la 234/JT 1991 1 194).

En 1994195, sur l'ensemble de la population masculine, 10.7 % des hommes vivaient en couple en êtanl maries et saos enfant el 10.5 % en concubinage sans enfant; sur l'ensemble de la population fêminÎne, 11.7 % des femmes vivaient en couple en ëtant mariées sans enfant el 9.9 % en concubinage sans enfant (Annuaire statistique de la Suisse 2001, TlA.2. t).

SCHWEI2ER, lU., Commentaire de la Constitution fédérale de la Conjedératioll suisse du 29 mai 1874, Bâle/ZurichIBerne 1995, ad art. 24 novies est. réd., N. 73.

MCFLPMA,supran.16,ch.322.111.

(13)

LEUBA ! MEIER! SANDOZ

la société suisse n'est à l'évidence pas prête à ouvrir le mariage aux couples homosexuels, l'on s'oriente vers un système de partenariat enre- gistré. Certains milieux homosexuels avaient dans un premier temps renoncé à l'adoption ou à l'utilisation des méthodes de PMA. L'on peut penser qu'il s'agissait là d'une réserve stratégique, car depuis que le par- tenariat enregistré apparaît comme acquis, des voix se font entendre pour suivre le modèle néerlandais. Cette étape ne paraît toutefois pas réalisable à court ou à moyen terme et le rapport établi par l'Office fédéral de la justice en juin 1999 excluait celte ouverture". .

Il faut encore rappeler que l'art. 119 al. 2 Cst. oblige la Confédération, lorsqu'elle légifère sur l'utilisation du patrimoine germinal et génétique humain, à assurer la protection de la dignité humaine", de la personnalité et de la famille". Le constituant garantit non seulement le droit d'une per- sonne à fonder une famille, mais également le droit de l'enfant qui va être procréé à avoir une famille'·. La notion de "famille" doit être interprétée en fonction du but et du contexte de la norme. Selon une partie de la doctrine, il s'agit ici d'une famille bi-parentale hétérosexuelle, qu'elle soit fondée ou non sur un lien conjugal: "en effet, même l'enfant qui a été procréé avec l'aide de la médecine de la reproduction a le droit de revendiquer ce qui constitue une prétention fondamentale de la condition humaine, à savoir le fait d'avoir un père et une mère qui, en règle générale, accompagnent leur enfant durant toute sa croissance."" Ce courant doctrinal estime qu'il s'agit donc là d'un droit fondamental, sur lequel repose le droit de la filiation dans son entier (ce qui vaut pour la procréation artificielle doit valoir a fortiori pour la procréation naturelle"), qui devrait guider le législateur et le juge lorsqu'ils mettent en œuvre le bien supérieur de l'enfant (cf. art. 3 al. 1 LPMA).

27

"

29

'0

JI 12

Rappert sur- "La situation juridique des couples homosexuels en droit suisse", Berne 1999, ch. 323.2 el ch. 54.

Déjà garantie fondamentalement et de roaniè:re g6iérale par l'an. 7 est. En matière: de filiation, font notamment partie de la valeur propre de l'homme "les conditions llaturelles de sa transformation en être humain qui passe par la procréation, le développement dans le sein maternel et la sortit du corps de la mère", même si J'évolution technique a rendu nécessaire de toucher à ce domaine intime et pe~nnel (SCHWElZER, R.J., supro n. 25, ad an. 24 novies Cst. féd.. N. 1).

Cf. êgalement les art. 10 (droit à la vie et liber1é personnelle) et 14 (droit au mariage et â la famille) de la Constitution fédérale.

SUT la question des droits fondamenlau;< de l'enfant à naitre, cf. notamment MÜLLER, J.P., Grundrechte in der Schweiz, Sem 1999, p. 16, p. 54; ScHWE1ZER, R...l, s'pra n. 25, ad art. 24 lIovies Cst. Cêd., N. 27; SCHWEIZER, R.l, Verfassungsrecht der Schweiz, THURER, D., &. AUBERT, J.·F. & MÜLLER, J.P., (éds), Zùrich 2001, § 43 N. 16.

SCHWEIZER, RJ., supra n. 25, ad art. 24 novies Cst. réd., N. 51.

L'existence de l'action en paternité n'est que la concrétisation, en matière de miation juridique, de ce droit fondamental. Le Message LPMA relève pour sa pan que "la narure veut que chaque enfant ait un pèTe et uae mère. Ces ptr50nnes 001 une importance spécifique pour le dévelo~nt de l'enfant et sont en général considêrëes juridiquement comme ses parents. Ces principes fondamentaux de la nature humaine doivent être respectés lors de la mise en œuvre de la PMA"

(ch. 322.111).

(14)

1\" !:

QUELLE FAMILLE POUR LE XXIÉME SIÈCLE?

Une autre partie de la doctrine admet que l'approche biologique de la famille, qui parle en faveur de la présence de deux parents de sexe diffé- rent, n'est pas sans pertinence. Néanmoins elle relève qu'il n'y a aucune raison scientifique qui permette de penser que des couples homosexuels ne pourraient pas être de bons parents".

iv) Personnes séules

Une personne seule n'a pas accès aux techniques. Là encore, l'assimilation voulue avec la situation "naturelle" y fait obstacle (cf. supra ch. iii). De plus, la stérilité suppose des rapports sexuels réguliers en couple, et non des liaisons de passage.

c) Etablissement de lafiliation par suite de procréation médicalement assistée

Le droit suisse applique les règles traditionnelles en matière d'établis_

sement de la filiation et en particulier l'adage "mater semper certa est".

i) Don d'embryons, don d'ovules et maternité de substitution

L'interdiction constitutionnelle et légale de la maternité de substitution et du don d'embryons, puis l'interdiction légale du don d'ovules ont ôté l'es- sentiel de leur intérêt pratique aux controverses doctrinales que l'on a constatées à ce sujet". La personne qui applique une méthode de PMA à une mère de substitution de même que tout intermédiaire sont punissables pénalement selon l'art. 31 LPMA. La mère de substitution elle-même n'est pas punissable, mais elle demeure la mère juridique de l'enfant! En cas de violation de ces interdictions, il n'existe pas d'action en désaveu de mater- nité de lege lata; l'introduction d'une telle action de lege Jerenda doit être exclue en l'état".

ii) Insémination"

L'insémination homologue, qui n'est pas réservée aux couples mariés, peut aboutir à la naissance d'un enfant pourvu d'une mère juridique, mais dépourvu de père juridique. Si le partenaire, père génétique de l'enfant, ne

"

34

"

36

PULVER, B., L'union libre, droit actuel et réformes nécessaires, Lausanne 1999, 190-192, à propos de l'adoption.

Cf. par ex. STETTLER, M., supra n. 6, p. 47 S., pp. 208 55, ainsi que BEN-AM, supra n. 21.

Cf. par t1!.:. SANOOZ, S., "Quelques problèmes de filiation en relation avec la procréation

médicalement assistée" , (2001) RDT 90 55, 96.

Corrune on l'a vu, J'insémination pOSI-mortem est prohlbée. Sur la situation juridique en cas de violation de cette interdiction: SANDOZ, S., supra n. 35. pp. 98 SS.

(15)

LEUBA / MEIER / SANDOZ

reconnaît pas celui-ci selon les règles de l'art. 260 CC, une action en pater- nité pourra être intentée contre lui (art.26l ss CC). Dans ce cadre, le demandeur peut se contenter de prouver qu'il y a eu cohabitation au cours de la période légalement ou effectivement déterminante. Si on entend par cohabitation tout rapport sexuel susceptible d'entraîner une fécondation, la cohabitation est remplacée, dans le cas de l'insémination, par le consente- ment donné par le partenaire dont provient le sperme au moment de l'intro- duction des spermatozoïdes dans les voies génitales de la femme. Cette preuve sera en principe aisée à rapporter compte tenu de la documentation médicale de l'intervention. Le partenaire pourrait théoriquement prouver que sa paternité est exclue ou qu'elle est moins vraisemblable que celle d'un tiers (art. 262 al. 3 CC; rapports sexuels à la même époque que l'insé- mination). La preuve serait rapportée par expertise dans un tel cas.

En cas d'insémination hétérologue, réservée aux couples mariés, la présomption de paternité liée au mariage (art. 255 CC) s'applique. L'enfant conçu au moyen d'un don de sperme conformément à la LPMA ne peut contester le lien de filiation établi à l'égard du mari de la mère (art. 23 al. 1 LPMA). Il le pourra en revanche si le mari n'a pas consenti à l'insémina- tion, pour autant toutefois que la vie commune des époux ait pris fin pen- dant sa minorité (art. 256 al. 1 ch. 2 CC).

L'art. 23 al. 1 LPMA renvoie pour le reste au Code civil. La mère n'a ainsi jamais la légitimation pour agir en désaveu lorsque la paternité est fondée sur la présomption liée au mariage. Quant au mari de la mère, il peut agir en désaveu aux conditions ordinaires prévues par l'art. 256 al. 1 ch. 1 CC, mais perd cette qualité s'il a consenti à la conception par le fait d'un tiers (art. 256 al. 3 CC), soit en l'occurrence à une insémination hétérologue"; ce consentement doit être conforme aux exigences de la LPMA et donc être écrit (art. 7 al. 1 LPMA). Cette exception de consente- ment du mari est également opposable aux père et mére du mari (art. 258 CC), lorsque ceux-ci sont exceptionnellement légitimés à agir en son lieu et place. Si l'action en désaveu lui est ouverte, le mari n'est pas soumis à la condition de la suspension de la vie commune pendant la minorité de l'enfant (art. 256 al. 1 ch. 1 CC), mais doit en revanche agir dans des délais plus courts que ceux impartis à l'enfant (art. 256c CC).

L'enfant ne peut toutefois en aucun cas exercer l'action en paternité contre le donneur de sperme (art. 23 al. 2 LPMA), même lorsque aucune présomption de paternité du mari n'y ferait obstacle (femme non mariée) ou lorsque la présomption est tombée par suite de désaveu, sauf si le donneur a sciemment fait don de son sperme à une personne qui n'est pas titulaire

"

Cf. êg. SANDOZ, S., supra n. 35, p. 97.

(16)

QUELLE FAMILLE POUR LE XXIÈME SIÈCLE?

d'une autorisation de pratiquer la PMA ou de conserver le spenne prove- nant de dons et d'en pratiquer la cession. L'action serait ainsi possible lorsque la mère a été inséminée avec le sperme d'un donneur en dehors de tout traitement médical. Le caractère punitif de cette action dans une telle situation est pour le moins malheureux (la sanction devrait être admi- nistrative ou pénale, et non civile).

Hormis ce cas excePtionnel, l'enfant ne peut donc pas agir en pater- nité contre le donneur de sperme lorsque sa mère n'était pas mariée et a bénéficié d'une insémination hétérologue en violation de l'art.3 al. 3 LPMA (femme seule ou couple non marié), ni lorsque la femme était mariée et que le mari n'avait pas donné son consentement, ni encore lorsque la PMA a eu lieu à l'étranger, mais que l'établissement de la filia- tion est soumis au droit suisse par l'efTet des règles de droit international privé. Le Conseil fédéral admet" que « l'homme qui, par altruisme, a fait don de ses gamètes conformément à la loi ne doit pas supporter les consé- quences d'une irrégularité commise par d'autres. Au contraire, la loi doit lui garantir que son don n'aura pas d'effets relevant du droit de lafamille, en excluant notamment le droit à des prestations d'entretien et les droits de succession. Les intérêts de l'enfant passent ici après ceux du donneur.» Il est permis de douter de cette affirmation: l'intérêt supérieur de l'enfant doit demeurer le critère déterminant (cf. également l'art. 3 COE) et le prin- cipe de l'interdiction de l'action en paternité contre le donneur n'en tient par principe pas compte".

d) Conclusion

Le droit suisse a tenté d'assimiler autant que faire se pe.ut les conditions de la PMA à celles de la filiation naturelle, comme c'était déjà le cas pour cet autre mode "artificiel" d'établissement de la filiation que constitue l'adoption. L'objectif est de donner à l'enfant une famille bi-parentale, à même de garantir son bon développement. Ces conditions ne sont pas nécessairement liées à l'existence d'un lien conjugal, pas plus que ce n'est le cas en matière de filiation naturelle, ni, quoique marginalement, en matière d'adoption.

En revanche, le recours à la PMA n'est pas subsidiaire à l'adoption.

Le législateur n'a ainsi pas ajouté une condition supplémentaire (impossi- bilité ou échec d'une adoption) à l'indication médicale (stérilité ou maladie héréditaire) pour ouvrir l'accès aux techniques de PMA. S'il a exigé une indication de stérilité (qui n'est pas requise pour l'adoption, puisque les

38

"

MCF LPMA, supra /1. 16, ch. 322.462.

Critique sur ce point: SANDOZ, S., supra n. 35, p. 94.

(17)

LEUBA 1 MEIER 1 SANDOZ

père et mère n'ont' en soi pas à justifier de leur motivation, même si celle-ci est sondée dans le cadre de l'examen du bien de l'enfant), il s'est toutefois abstenu de poser des exigences par trop élevées et rigides à cet égard.

Aucun 'Ipennis de procréer naturellement" n'est exigé; seules des mesures de protection de l'enfant, prises après coup, permettront le cas échéant de faire face aux déficiences des parénts. En revanche, dès que la filiation n'est plus la filiation traditionnelle Guridiquement oulet biologi- quement), le législateur impose un contrôle préalable des compétences. Les aptitudes parentales exigées par l'art. 3 al. 2 lit. b LPMA sont analogues à celles requises pour une adoption (art. 264 CC): Le bien de l'enfant est déterminant dans les deux cas (cf. art. 3 al. 1 LPMA et art. 264 CC). S'il n'est évidemment pas question ici de mettre en balance les conséquences objectivement positives de la procréation (en matière d'adoption, l'établissement d'un nouveau lien de filiation et l'intégration psycho- sociale dans une nouvelle entité familiale) et les effets objectivement négatifs de celle-ci (en matière d'adoption, la rupture des liens juridique et psycho-social avec les parents naturels), on prendra en compte, de la même manière, la personnalité et la santé des parents, leurs aptitudes éducatives, leur disponibilité, \' équilibre personnel et la situation économique des parents, leurs mobiles et leurs conditions de famille (cf. aussi art. 268a al. 2 CC).

Toutefois, alors que l'examen du bien de l'enfant est confié, en matière d'adoption, à l'autorité d'adoption, qui statuera sur la base d'une évaluation sociale réalisée par des spécialistes à l'issue d'une période pro- batoire, la réalisation des conditions prévues par l'art. 3 LPMA est laissée à la seule appréciation du médecin, dans le cadre d'un examen bien entendu plus sommaire et pour lequel il ne dispose pas des mêmes qualifications.

La surveillance administrative du médecin se fait a posteriori et peut donner lieu à un retrait d'autorisation de pratiquer la PMA (art. 12 al. 3 LPMA). L'enfant sera quant à lui protégé, a posteriori également, par l'arsenal des mesures de protection (curatelle éducative, retrait du droit de garde ou de l'autorité parentale, etc., art. 307 ss CC). Le caractère plus détaillé et approfondi de l'examen dans la procédure d'adoption tient bien sûr au fait qu'il y a lieu non seulement de protéger un enfant déjà né et supposé en. danger, puisque susceptible d'adoption, mais également les intérêts de tiers (ceux des parents naturels), qui ne jouent pas de rôle dans la PMA (le donneur étant avant tout un fournisseur de matériel génétique de base). Le statut intermédiaire de la PMA (à cheval entre naturalité et artificialité) se retrouve par conséquent, que le législateur en ait été conscient ou non, dans la réglementation juridique. La responsabilité ainsi

(18)

QUELLE FAMILLE POUR LE XXJÈME SIÈCLE?

laissée aux milieux médicaux, non spécifiquement formés à cette fin, mériterait réflexion.

2. Le droit de connaître ses origines"

a) En cas de procréation médicalement assistée

Le donneur de sperme doit donner son consentement écrit au don, consen- tement qui est révocable en tout temps, également par écrit (art. 18 al. 1 LPMA). Il sera informé au préalable des conséquences, notamment juridi- ques, du don (art. 18 al. 2 LPMA).

A cet égard, l'art. 119 al. 2 lit. g Cst. féd. a levé l'anonymat du donneur de sperme, contrairement aux pratiques et souhaits des milieux médicaux.

La personne qui conserve ou utilise du sperme consignera les données qui portent notamment sur l'identité du donneur (nom, prénom, date et lieu de naissance, domicile, lieu d'origine ou nationalité, profession, forma- tion), la date du don de sperme, les résultats des examens médicaux et l'aspect physique du donneur (art. 24 al. 2 LPMA). Sitôt après la naissance de l'enfant (ou immédiatement après la naissance présumée s'il n'a pas connaissance de la naissance, mais qu'il n'est pas établi que le traitement a échoué), le médecin traitant transmet ces données à l'Office fédéral de l'état civil (art. 25 LPMA). L'OPMA régie les détails de la procédure et notamment la présentation du formulaire de communication (art. 15 ss).

L'art. 27 LPMA précise les contours du droit à l'information de l'enfant conçu au moyen d'une insémination hétérologue (cf. en outre art. 21 ss OPMA). L'étendue et les conditions de cette information dépen- dent de l'âge de l'enfant :

L'enfant âgé de dix-huit ans révolus (c'est-à-dire majeur selon le droit suisse, art. 14 CC) peut obtenir de l'Office fédéral de l'état civil les données concernant l'identité du donneur et son aspect physique, et cela de manière inconditionnelle;

Avant l'âge de dix-huit ans, l'enfant ne peut avoir accès à ces données que s'il peut faire valoir un intérêt légitime; Quel que soit l'âge de l'enfant, celui-ci n'a accès aux autres données (date du don et surtout résultats des examens médicaux) que s'il peut faire valoir un intérêt légitime.

Sur ce sujet, cf. par ex. MEIER, Ph. & STETT1.ER, M., supra n. 6, tome VI/l, N. 365 55;

REUSSER, R. & SCHWEIZER, R.J., "Das Recht auf Kenntnis der Abstammung aus vô1ker- und landesrechtlicher Sicht" , (2000) RJB 605 S5.

(19)

LEUBA 1 MEIER 1 SANDOZ

Avant que l'Office ne communique à l'enfant les données relatives à l'identité du donneur, il informe ce dernier de la demande, dans toute la mesure du possible. Le donneur n'a toutefois pas de droit de veto. S'il refuse de rencontrer l'enfant, celui-ci doit en être avisé et doit être informé des droits de la personnalité (protection de la vie privée et de la sphére familiale) du donneur et des droits de la famille de celui-ci. Si l'enfant maintient la demande déposée, les données lui seront communiquées. Les données seront conservées pendant quatre-vingt ans (art. 26 LPMA).

b) En cas d'adoption

Comme on l'a vu, la problématique de la recherche des origines a été abor- dée par le constituant et le législateur suisse dans le cadre de la réglemen- tation de la PMA. Elle était cependant débattue de longue date en ce qui concerne le droit pour l'enfant adopté de connaître l'identité de ses parents naturels. Jusqu'à l'entrée en vigueur de la disposition constitutionnelle en 1992, la doctrine était très partagée. Plut6t que de savoir s'il existait un véritable droit d'action, fondé par exemple sur la protection de la person- nalité (art. 28 CC), le débat tournait autour des conditions d'application de l'art. 138 al. 4 de l'Ordonnance fédérale sur l'état civil (OEC)41. Celle-ci ne permet en effet de donner connaissance à un intéressé d'une inscription (ici la naissance) recouverte par une autre inscription (ici l'adoption) qu'avec l'accord de l'autorité cantonale de surveillance de l'état civil. L'autorité chargée de se prononcer devait-elle dans tous les cas donner accès à cette information, devait-elle vérifier l'existence d'intérêts légitimes ou devait- elle s'enquérir d'abord de l'avis des parents naturels, voire subordonner une décision positive à leur accord?

Depuis 1992, la tendance a été très nettement vers une reconnaissance d'un véritable droit de connaître ses origines: d'une part en raison de la disposition constitutionnelle, qui, bien qu'adoptée dans un contexte parti- culier, a été interprétée comme étant d'application générale et consacrant un véritable droit fondamental à connaître son ascendance", d'autre part en raison de la ratification de la CDE et donc de l'entrée en vigueur pour la Suisse de son art. 7 al. l, même si sa formulation ("dans la mesure du possible") n'est pas absolue. C'est ainsi que dans le cadre des travaux d'élaboration de la LPMA, le Conseil fédéral avait à juste titre jugé qu'une inégalité de traitement ne pouvait se justifier et que l'enfant adopté devait jouir d'un droit inconditionnel à connaître son ascendance; ce droit serait

'1

"

RS 21 1. 112. 1.

cc SCHWEIZER, R.J., supra n. 25, ad art. 24 novies Cst. féd., N. 102, N. 104.

(20)

QUELLE FAMILLE POUR LE XXIÉME SIÈCLE?

soumis, par analogie, aux mêmes conditions que celles prévues par la LPMA'3

Le Parlement suisse a finalement décidé d'introduire dans le code civil un nouvel art. 268c, à l'occasion des travaux de ratification de la Conven- tion de La Haye sur l'adoption internationale. Cette disposition est calquée sur l'art. 27 LPMA. L'art. 268c al. 3 CC oblige toutefois les cantons à désigner un office approprié qui conseillera l'enfant à sa demande, ce que la LPMA n'impose pas.

c) De manière générale

Ces développements conduisent à s'interroger de manière plus générale sur la problématique de la recherche des origines. Il est en effet délicat de s'arrêter sur le chemin de l'égalité dans ce domaine: pourquoi un enfant adultérin ou né hors mariage n'aurait-il pas le droit de connaître son ascen- dance biologique?" La filiation relève en effet des droits de la personna- lité. L'art. 7 al. 1 de la Convention relative aux droits de l'enfant ne fait lui non plus aucune distinction entre les différents types de filiation".

Certes, à la différence de l'adoption et de la PMA, tout enregistrement fait défaut. A 1 'heure actuelle déjà, les actions en établissement de la pater- nité se heurtent souvent au refus de la mère de dévoiler l'identité du pére supposé. Doctrine et jurisprudence admettent que l'on ne saurait l'y contraindre, par exemple en la menaçant d'un retrait de ses droits paren- taux en cas de silence. Il nous paraîtrait cependant cohérent, au détriment du droit à l'intimité de la mère - droit déjà mis à mal en matière d'adoption et de PMA -, de reconnaître à l'enfant, sur la base de l'art. 119 al. 2 lit. g Cst. appliqué de manière générale et de l'art. 28 CC, le droit d'exiger de sa mère les renseignements en question (une décision qui pourrait être rendue sous la menace de sanctions pénales -- arrêts ou amende, conformément à l'art. 292 CP qui réprime l'insoumission à une décision de l'autorité -- au cas où elle refuserait de donner elle-même ces renseignements à l'enfant, bien que l'efficacité de telles menaces demeure très douteuse). Pour les mêmes raisons, il y aurait lieu de reconnaître à l'enfant le droit d'accéder aux dossiers officiels, notamment de nature tutélaire, dans lesquels figurent des renseignements sur son père putatif,

MCF LPMA, supra n. 16, ch. 322.472. Sur la prise en compte de la problématique par la jurisprudence: ATF 125 III 263; Si 20001492.

Sur ces questions, cf. MEIER., Ph. & STEITLER, M., su.pra n. 6, N. 370 S8. U: Tribunal fédéral a évoqué ce point (ATF 125 III 263) sans le trancher pour l'heure autrement que sous l'angle du droit de consultation des dossiers tutélaires

ATF 125 III 262

(21)

LEUBA / MEIER / SANDOZ

aux mêmes conditions (notamment d'âge) que celles posées par la LPMA en matière de don de sperme",

Il nous paraît cependant important d'insister sur le fait que le droit de connaître ses origines (renseignements obtenus de la mère, d'un Centre de collecte des données ou d'un registre d'état civil) ne comporte pas impéra- tivement le droit de transformer le lien 'biologique en un lien juridique : l'enfant adopté tout comme l'enfant issu d'une insémination hétérologue en sont eux aussi privés, puisqu'ils sont en droit de savoir qui est leur père génétique, mais non d'agir contre lui, ni même de réclamer des contacts avec lui, L'objectif est de permettre à l'enfant de trouver son identité pour construire son équilibre personnel, non de redresser des inscriptions non conformes à la vérité biologique! Même en admettant un tel droit à l'in- formation, il serait parfaitement concevable de conserver la barrière de l'art, 256c al. 1 ch, 2 CC, qui empêche l'enfant d'agir en désaveu de pater- nité contre le mari de sa mère lorsque la vie commune des époux n'a pas pris fin pendant sa minorité, Le respect de la paix familiale permet de justi- fier cette exception, même si l'enfant, muni de l'information désirée, ne peut alors pas véritablement l'utiliser, en tout cas dans un cadre juridique, En appliquant les règles ordinaires, rien ne fait en revanche obstacle à une action en paternité dans le cas d'un enfant dont les parents ne sont pas mariés : dans cette hypothèse, l'enfant, dûment informé, peut obtenir l'établissement d'une filiation paternelle jusque-là inexistante, ce qui n'est pas le cas de l'enfant adultérin, L'enfant naturel de parents non mariés est ainsi « avantagé" par rapport à l'enfant issu de PMA (lui aussi dépourvu dans cette hypothèse de paternité juridique si l'insémination hétérologue a été pratiquée sur un couple non marié en violation de la loi), Cela revient à s'interroger sur le caractère absolu de l'art, 23 al. 2 LPMA (cf supra ch, ILC,l.c.ii),

Le droit à la recherche des origines pose aussi des questions parti- culières relatives au développement des expertises scientifiques privées, lorsqu'elles sont demandées à l'insu de l'un des intéressés (en particulier du mari ou du partenaire habituel de la mère )47

"

47

La jurisprudence exige encore une "soigneuse pesée des intérêts en présence" face à une telle demande (cf. ATF 125 III 257, où l'intérêt thérapeutique du requerant âgé de 40 ans a été jugé suffisamment important pour admettre l'accès, en précisant que sa mère était décédée dans l'intervalle; cf. en outre ATF 112 la 97IJT 1988 1 35). Accorder à l'enfant un droit inconditionnel revient à se passer d'une telle pesée d'intérêts (la confidentialité sur les autres données, telles que l'identité des infonnateurs des autorités, devrait en revanche être préservée).

A ce sujet, cf. notanunent HEGNAUER, c., "Voraussetzungen der aussergerichtlichen Abstam·

mungsuntersuchung beim urteilsunfahigen Kînd", (1994) RDT 15 ss, 144 ss; HEGNAUER, C., "Die aussergerichtliche Abstanunungsuntersuchung und das Persônlichkeitsrecht", (I997) RDT 92 ss;

HEGNAUER, c., Nochmals: "Aussergerichtliche Abstanunungsuntersuchung beim urteilunsfiihigen Kind", (1999) RDT81 ss; MANOOFlA BERNEY, M .. "L'expertise en paternité sur demande privée", (1998) RDT 129 ss; MEIER, Ph. & STETILER, M., supra n. 6, tome VIII, N. 397 ss.

(22)

QUELLE FAMILLE POUR LE XXJÈME SIÈCLE?

3. Vers un assouplissement des conditions d'adoption?

a) Indications statistiques'·

En 1999, 875 adoptions ont été prononcées en Suisse (pour 78'408 nais- sances). Dans les adoptions ordinaires, 421 ont été le fait de couples mariés et 18 de personnes seules. Il y a eu 436 adoptions de l'enfant du conjoint (417 par le beau-père, 19 par la belle-mère). En nombre absolu, les adop- tions sont en diminution (1'302 en 1989, 1'158 en 1994), mais le domaine a connu un certain nombre d'évolutions législatives ou jurisprudentielles dignes d'intérêt.

h) Le cas particulier de "adoption de l'enfant du conjoint

L'adoption de l'enfant du conjoint (art. 264a al. 3 CC), censée rester exceptionnelle, a connu un développement considérable ; selon les don- nées statistiques, ce type d'adoption représente plus de la moitié du nombre total des adoptions prononcées chaque année en Suisse. Elle vise l'assimilation et l'intégration juridique de l'enfant dans la nouvelle com- munauté familiale du parent veuf ou divorcé qui s'est remarié.

Lorsqu'elle est consécutive à un divorce, l'adoption par le beau-père ou la belle-mère a pour effet d'évincer le parent non gardien de la vie et des référents de l'enfant. Une telle adoption est contraire à l'intérêt de l'en- fant lorsque le changement de la filiation paternelle ou maternelle repose sur des négociations, telles que l'échange du consentement à l'adoption contre la renonciation à des arriérés de conrributions d'entretien" ou l'acceptation du mariage à condition que le nouveau conjoint adopte l'enfant. Outre la perte de tout lien avec la famille (oncle, tante, grands- parents) du parent non gardien, l'enfant est exposé au risque de vivre un second divorce. Enfin, le besoin d'adoption apparaît moins marqué que dans le cas "traditionnel" de l'enfant adopté parce que privé de parents. En effet, l'enfant conserve ses deux parents, même si ceux-ci ne vivent plus ensemble; son beau-parent a également des obligations indirectes à son égard, même si aucun lien de filiation n'est établi avec lui (art. 278, aL 2, art. 299 CC). La situation juridique de l'enfant n'a par conséquent rien de précaire. Pour toutes ces raisons, le législateur a opté pour un durcissement des conditions: le nouveau mariage doit avoir duré cinq au moins, et plus seulement deux ans comme c'était le cas avant le 1" janvier 2000; la condition alternative liée à l'âge a été quant à elle supprimée.

"

49 Annuaire statistique de la Suisse 2001, Tl.3.2.5.1.

Cr. ATF 113 Il 1 14/lTl989 1 619.

Références

Documents relatifs

[r]

Traiter tous les membres d’une famille n’apporte pas nécessairement plus à la relation fonda- mentale en médecine, qui est la relation entre le méde- cin et le

Cet article illustre, dans la situation du handicap auditif, quelques caractéristiques de l’objet lien, tel qu’il s’actualise dans la famille et se reproduit dans une

Témoignage direct d'un père, cette phrase – même si tellement concise et laconique – exprime bien tout ce que signifie, à cette époque, venir au monde ou mettre au monde des

  6.7.1 Soin de base et stimulation : Répondre aux besoins physiques de l’enfant. Il s’agit des  fonctions  instrumentales :  support  matériel, 

A Noël, tout le temps, ils sont invités et viennent.» «Bon ça dépend toujours si le week-end, il rentre chez ses parents ou pas.» Dans cette fratrie, la

En mobili- sant les notions de « frontières » et de « marge » dans une perspective contemporaine et sociologique, il s’agit de montrer que, si les parents endeuillé·e·s

stochastic differential équations and we solve the optimal stopping problem associated with a family of processes which.. are functions of the previously