R EVUE DE STATISTIQUE APPLIQUÉE
G. L IBERT C H . D UPUIS
Comparaison de courbes de thermoluminescence de quartz par l’analyse des coefficients d’autocorrélation
Revue de statistique appliquée, tome 29, n
o4 (1981), p. 51-59
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51
COMPARAISON DE COURBES DE THERMOLUMINESCENCE DE QUARTZ PAR L’ANALYSE DES COEFFICIENTS
D’AUTOCORRELATION
G. LI
BE RT,
Ch. DUPUISFaculté polytechnique de Mons, Mons, Belgique
RESUME
Les
géologues
utilisent lephénomène
de thermoluminescence comme traceur dans les relations susceptibles d’exister entre certaines roches. La démarche consiste à comparer la forme des courbes de thermoluminescence pour mettre en évidence desdifférences,
desressemblances et des évolutions.
L’analyse des correspondances permet en principe de réaliser partiellement une telle comparaison. Cependant elle ne tient pas compte de la position en
température
des picsconstitutifs des enregistrements.
Pour considérer cet aspect important du
problème,
il suffit de caractériser les courbes par leurs coefficients d’auto corrélation. La comparaison peut alors être réalisée au moyen d’une analyse en composantes principales.1. INTRODUCTION
Certains minéraux
présentent
lapropriété
d’émettre de la lumière lors-qu’on
élève leurtempérature.
Cephénomène qui reçoit
le nom de thermolu-minescence
(TL) correspond
à lalibération,
sous formelumineuse, d’énergie
stockée de
façon
métastable par le réseau cristallin.Dans les
applications géologiques,
lephénomène
de TL estgénéralement enregistré
sous forme d’une courbe dite de thermoluminescence donnant les variations du flux lumineuxémis,
en fonction d’une élévation linéaire de latempérature.
La courbe de TL est souventcomplexe
et recèle alorsplusieurs
maxima.
Des cristaux d’un même
minéral,
lequartz
parexemple, provenant
de rochesd’origines
différentes délivrent des courbes de TL différentes. Ainsi lesgéologues
utilisent ce"marquage
naturel" pour suivre lesdéplacements
de ma-tière à la surface du
globe
terrestre ou pourpréciser
les relationssusceptibles
d’exister entre diverses roches.
Encore faut-il
pouvoir
rendrecompte
defaçon
satisfaisante de la forme descourbes,
de leurs différences et de leurs ressemblances. Semblableanalyse
se fait habituellement en mesurant sur
l’enregistrement
l’ordonnée(intensité)
Revue de Statistique Appliquée, 1981, vol. XXIX, n° 4
Mots-Clés :
Analyse
descorrespondances, Analyse
encomposantes principales,
Courbes de thermoluminescence
52
et l’abscisse
(température)
dechaque
maximum ou"pic".
La distinction detypes
de courbe tientcompte ensuite,
de l’absence ou de laprésence
de telsou tels
pics,
de leurspositions
entempérature
et leursrapports
d’intensité.Cette méthode
"classique" qui
consiste donc à comparer visuellement les pa- ramètres de "forme" ainsi obtenus donne incontestablement de bons résultats.Dans l’étude que nous avons menée elle a d’ailleurs servi de modèle.
Elle
présente cependant
certains inconvénients. Elleoblige
notamment àtronquer
très sévèrement les donnéespuisque
seulsquelques points
de la courbe sontpris
en considération. Deplus,
lesapplications géologiques
de la TLrequiè-
rent la consultation d’un
grand
nombred’enregistrements
souventcomplexes qu’il
devientrapidement difficile,
voire mêmedangereux
de traiter de cettefaçon.
Parmi les autres voies de traitements
possibles,
les méthodesd’analyses statistiques
multivariablesoccupent
certainement uneplace
de choix. Elles per- mettent, eneffet,
d’étudier un trèsgrand
nombre dedonnées,
de lessynthétiser
et de
représenter
les résultats sous une formegraphique
aisément utilisable parun
non-spécialiste.
Cet article montre comment utiliser ces méthodes pour comparer des courbes de TL sur base d’une codificationadéquate
des données.2. LES DONNEES ETUDIEES
Les
enregistrements
traitésproviennent
d’une étudeplus générale
sur laTL du massif
granitique
de Ploumanac’h(France) qui comprend quatre
unitésmajeures [3].
Dans l’une de ces unités(1),
dans sa bordure(2)
et dans deux en-sembles mineurs
(3
et4) qui
endérivent,
laprésence
de cristaux dequartz
sousforme d’ocelles pose un
problème.
Uneanalyse
par TL a été mise en oeuvrepour tenter
d’apporter
des éléments nouveaux de discussion.51 courbes de TL de
quartz
ont été retenuesqui proviennent
des entités1, 2,
3 et 4. Ils’agit
de thermoluminescence artificielle(TLA)
obtenue par irra- diation au 60Coaprès
un traitementthermique
des échantillons. Traitementthermique
et irradiation sont standardisés et la courbe obtenuedépend
essen-tiellement de 1’"histoire
géologique"
du minéral. Sur les courbes de TLA étu- diées six maxima sontprésents
au lieu de deux en thermoluminescence natu- relle(TLN).
Les courbes deTLA, plus complexes,
sont ainsiporteuses
deplus
d’information. Des
exemples d’enregistrements
sont donnés à lafigure
1.Initialement,
les courbes ont été"discrétisées"(*)
en 100points
suivantun même pas constant
(4 °C
enmoyenne).
Les 100points comprenaient,
outrel’intervalle
20-300 °C correspondant
à l’émission deTL,
unevingtaine
depoints
de laligne
de basequi
ne se sont pas révélés nécessaires. Latempérature
du
premier pic
oscille autour de65 °C,
celle du dernier autour de280-290 °C.
Un
exemple
de courbe discrétisée est fourni à lafigure
2. On n’a pas cherché(*)
L’opération
a été rendue possible grâce à l’aimable autorisation de M. DE VUYST, directeur de l’Institut de Physique du Globe à Dourbes. Elle a été menée à bien avec l’appa-reil mis au point à l’Institut.
Revue de Statistique Appliquée, 1981, vol. XXIX, n° 4
à éliminer l’émission du corps noir dans la mesure où cet effet
parasite
se repro- duitidentique
à lui-même d’unenregistrement
à l’autre.On notera enfin que
l’analyse statistique
multivariable adéjà
été utilisée pour traiter des données de TLN[2].
A notreconnaissance,
la mêmeapproche
n’avait pas encore été tentée sur des courbes
plus complexes
de TLA.Figure 1. - Trois exemples d’enregistrements de thermoluminescence artificielle du quartz.
Figure 2. - Enregistrement discrétisé de thermoluminescence artificielle du quartz.
54
3. ANALYSE DES CORRESPONDANCES SUR DONNEES BRUTES
Avant toute
analyse,
ilimporte
deprésenter
les données dans la forme laplus adéquate
pour lacomparaison.
Les conditionsexpérimentales
sont tellesque la discrétisation a été faite à
partir d’origines
destempératures légèrement
différentes. Il est
possible
de remédier à cela par diverses translations condui- sant à lasuperposition
de tous lespremiers pics.
Eneffet,
l’existence dupremier pic
danschaque
courbe à la mêmetempérature
est unecaractéristique
de laTLA du
quartz.
Cettepropriété permet
d’ailleurs d’abandonner les données décrivant ce maximumpuisqu’elles
ne fournissentqu’une
information bienconnue : les 51
enregistrements analysés proviennent
de cristaux d’un même minéral.Enfin,
lespoints
de laligne
de base sont oubliéspuisqu’ils
résultentuniquement
del’étalonnage
del’appareil
de mesure.Après
cestransformations,
il subsiste 51 courbes
composées
de 54 valeurs d’intensité mesurées aux tem-pératures supérieures
à celle dupremier pic.
La
comparaison
desenregistrements peut
alors être abordée[4].
Pour cefaire,
uneanalyse
descorrespondances
est réalisée sur un tableau constitué de 54lignes (les températures)
et de 51 colonnes(les courbes).
Les
premières
valeurs propres sontégales
à 5.3910-4 ,
1.9010-4 ,
1.2710-4 ,
0.44 10-4 et les
pouvoirs explicatifs
des facteurs valent au moins 57.23% , 19.84 %, 13.25 %,
4.59 %. Unepart
essentielle de l’information est fournie par lesprojections
sur lepremier
axe et si onrequiert plus
deprécision,
les 3premiers
axes sont retenus. Les
projections
sur les deuxpremiers plans
factoriels sont don- nées à lafigure
3.Les
températures
sontsymbolisées
par les nombres de 1 à 54qui
se suiventcontinûement en
projection.
Pour une meilleurevisualisation,
ils ont été reliés par uneligne
brisée. Lespoints
successifs assezéloignés
l’un de l’autre correspon- dent aux endroits où les courbes évoluentrapidement :
ce sont lespics.
Comme enanalyse
descorrespondances,
lespoints représentatifs
deslignes
sont sur un axeles
barycentres
despoints représentatifs
descolonnes,
il estpossible
de mettre enévidence les
caractéristiques
desenregistrements représentés
par lessymboles S1 , S2 ,..., S52 (S39
n’existepas).
Cela
étant,
onpeut
affirmer queS17, S46 , S42 , S40’ S41
sont assez sem-blables à cause de leurs allures en fin de courbe.
Sgg, S19 , S2o , S18, S35
sesingu-
larisent par le
pic apparaissant
auxtempératures 19, 20, 21, 22.
D’autres
groupements d’enregistrements
similairespeuvent
être effectuésmais cette
opération
est loin d’être aisée. Deplus,
les conclusions que l’onpeut
formuler coïncident mal avec l’information dont ondispose
apriori.
Enparticulier,
on
distingue
mal les 4 entités dontproviennent
les courbes TL :La
technique
decomparaison
seraitparticulièrement
satisfaisante si des simi- litudes entre les courbesprovenant
d’une même entité étaient mises en évidence.Force est de conclure
qu’aucune
information de ce genre ne ressort aisément des résultats.Revue de Statistique Appliquée, 1981, vol. XXIX, n° 4
Figure 3A. - Projections des courbes et des
températures
sur le premier plan factoriel. Lepremier axe (horizontal) correspond à la valeur propre 5.39
10-4,
le deuxième à la valeur propre 1.90 10-4.Figure 3B. - Projections des courbes et des
températures
sur le deuxième plan factoriel. Le troisième axe (horizontal) correspond à la valeur propre 1.2710-4,
lequatrième
à la valeurpropre 0.44 10-4.
Sur les deux figures 3A et 3B, les S qui
précèdent
les numéros des courbes ont été rem-placés
par des symboles propres aux entités d’origine de ces courbes.56
4. ANALYSE EN COMPOSANTES PRINCIPALES SUR FONCTION D’AUTOCORRELATION
Dans
l’analyse
descorrespondances,
la distance entre courbes est calculéeen se basant
uniquement
sur les valeurs d’intensité. On ne tient absolument pascompte
de l’ordrechronologique
de ces valeurs et onpourrait placer
tous les deu-xièmes
pics
en fin de courbe que cela ne modifierait en rien les résultats.Or,
laposition
despics
entempérature
estimportante
et nepeut
êtrenégligée.
Dès
lors,
commel’échantillonnage
a été réalisé à pas constant pourchaque courbe,
les valeursenregistrées peuvent
être considérées comme une sérietempo-
relle
[4].
En admettantqu’elle
suit une loi normaleet’qu’elle
eststationnaire,
elle est entièrement déterminée par sa moyenne et sa fonction d’autocovariance.
Pour
chaque courbe,
x(xl , x2, ... , x54)
on calcule donc la moyenneet la fonction d’autocovariance
On se limite aux 10
premiers
coefficients car au-delà de k ~54/4,
ils ont peu designification statistique [ 1 ].
Ensuite,
afin de caractériser les courbes par des variables aux ordres degrandeurs comparables,
on retient au lieu des ck , les coefficients d’autocorréla- tion rk =ck/c0.
Finalement,
comme la moyenne et ladispersion
des courbesimportent
peu, les 51enregistrements
sontcomparés
sur base des 10variables,
les rk,qui
les décri-vent. Ceci est réalisé dans une
analyse
encomposantes principales
non norméespuisque
tous les rk sontcompris
entre - 1 et + 1.Les
premières
valeurs propres sontégales
à0.464,
0.073 et lepouvoir expli-
catif des deux
premiers
axes factoriels vautrespectivement
au moins85,49
% et13,36 % .
Toute l’information se trouve ainsireprésentée
sur leplan
donné à lafigure
4.Les coefficients d’autocorrélation
symbolisés
parR1, R2, ... , Rio
sontpeu intéressants pour
l’interprétation.
Par contre, lesprojections
desenregis-
trements
permettent
de regrouper aisément les courbes semblables et de valider latechnique
decomparaison.
Pourcela,
on considère tout d’abord lesprojec-
tions suivant le
premier
axequi explique
au moins85 ,49 %
de l’inertie de nuage initial.Le tableau 1
reprend
le grouped’appartenance
desenregistrements
et leurclassement par ordre décroissant d’abscisse. Il
apparaît
clairementqu’une sépa-
ration nette doit être réalisée entre les courbes
S21
etS30
dont les abscisses res-pectives
valent - 0.114 et - 0.176. Deplus,
l’actionconjuguée
dupremier
et dudeuxième axe
qui
fournit au moins13.36 %
de l’information dedépart, justifie
une
séparation
entreS45
etS36.
Eneffet,
bien que les abscisses soient assez sem-blables,
les ordonnées sont sensiblement différentes. Un raisonnement similaire introduit une distinction entre820
etS27 .
Les barrières ainsi construites sont si-gnalées
au tableau 1.Revue de Statistique Appliquée, 1981, vol. XXIX, n° 4
TABLEAU 1
58
Figure 4. - Projection des enregistrements de TLA sur le premier plan factoriel.
L’analyse respecte les quatre groupes d’échantillons étudiés tout en exprimant l’en-
chaînement des formes de courbe de TLA qui s’y
développe.
Une telle image coïncide defaçon très heureuse avec la réalité
géologique.
La gabbrodiorite (1) est en effet à l’origine de la roche hybride (2) qui constitue sa bordure.
Enclave et masse basiques (3) et (4) proviennent aussi de (1) mais leur transforma- tion
minéralogique
etgéochimique
a été plus poussée.Le fait nouveau que révèle cette étude est l’existence de deux tendances très dis- tinctes
suggérées
sur la figure par les flèches.L’analyse "manuelle" menée
précédemment
avait été dansl’incapacité
de soulignercette
particularité.
Les deux points qui sortent de ce schéma correspondent à des enregistrements de
la TLA dont le second pic prend un
développement
anormal. Il s’agit très probablementd’un artefact
expérimental
lié à la difficulté de lapréparation
des grains de quartz (mauvaiseséparation
de la gangue contenant du feldspath qui, en TLA,possède
un pic intense dansce domaine de
température).
Le premier axe factoriel (horizontal) correspond à la valeur propre 0.464, le deuxième à la valeur propre 0.073.
Revue de Statistique Appliquée, 1981, vol. XXIX, n° 4
Finalement,
on aura entièrement tenucompte
du deuxième axelorsqu’on
aura constaté que
S47, S37, Sis
etS26
ressemblentrespectivement plus
aux élé-ments des groupes
1, 2, 4,
3. Les modifications sontreprésentées
dans le tableau 1.Les résultats sont
particulièrement
satisfaisants car la visualisation obtenue per- met unecomparaison
aisée. Les groupes initiaux se retrouvent àquelques
excep- tionsprès
et leurs relations sont clairement mises en évidence(Fig. 4).
Ainsi l’ana-lyse
des coefficients d’autocorrélationapparaît
comme un outilparticulièrement
bien
adapté
à lacomparaison
designaux complexes
comme ceux de la TLA duquartz.
5. CONCLUSIONS
Pour comparer les courbes
complexes
de thermoluminescenceartificielle,
nous avons d’abord utilisé
l’analyse
descorrespondances.
Les résultats obtenusne
permettent
pas unecomparaison
aisée des courbes de thermoluminescence.Ceci
provient principalement
du fait que cetteanalyse néglige
laposition
despics
en
température.
En caractérisant les
enregistrements
par leurs coefficients d’autocorréla-tion,
cetaspect
duproblème
estpris
encompte.
Leuranalyse
encomposantes prin- cipales permet
alors de comparer facilement les courbes et de réaliser unerepré-
sentation
simple.
REFERENCES
[1]
G.E.P. BOX et G.M. JENKINS. - Time seriesanalysis: Forecasting
and control. HoldenDay,
SanFrancisco, 1976,
2d Ed.[2]
P.CAZES,
J. DELTEIL et D. WALTER. -Apport
del’analyse
des données à l’étude de la thermoluminescence naturelle desquartz d’origine
sédimentaires.Rev.
Géog. Phys.
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fasc.5,
pp. 457-474.[3]
Ch. DUPUIS. - Relations entre les faciès d’un massifgranitique
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Le massif de Ploumanac’h.Géologie
et thermoluminescence.Thèse
d’Université, n° 90, Lille, juin
1975.- Thermoluminescence du
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et évolution des ocelles dequartz
des"accompagnateurs basiques"
dugranite porphyroïde
deTraouiéros,
Massif de Ploumanac’h. C.R. Acad. Sc.Paris,
t.282, 5
avril 1976. Série D. pp. 1343-1346.[4]
G. LIBERT. - Lacomparaison
de courbes de thermoluminescence duquartz peut
être réaliséeautomatiquement
par lestechniques statistiques d’analyse
multidimensionnelle
appliquées
aux coefficients d’autocorrélation de ces enre-gistrements
in :Analyse
de sérieschronologiques.
Elaborationautomatique
etcontinue de