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Article pp.35-44 du Vol.32 n°165 (2006)

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Cet article propose une analyse du secteur du conseil comme champ.

Cette recherche sociologique prend pour objet les contraintes qui pèsent sur les consultants qui les définissent et qui sont fréquemment amenés à justifier de leurs prestations. Elle porte sur la manière dont ces critères sont élaborés. L’étude montre que les conditions d’évaluation d’un service pour tout ou partie immatériel sont rarement remplies et que par conséquent, l’évaluation des effets des prestations de conseil se révèle impossible. Elle est également l’occasion de constater la fécondité des concepts élaborés par Pierre Bourdieu pour la recherche empirique.

D

epuis plusieurs années, les théories et les méthodes élaborées par Pierre Bourdieu ont retenu l’attention des chercheurs en sciences de gestion1. Elles se prêtent bien à l’étude des pratiques d’évaluation. Parce qu’elles les replacent au sein des relations entre les agents concernés – sociétés de conseil, consultants, entreprises clientes – elles permet- tent de mettre en évidence des enjeux qui passent trop souvent inaperçus. L’intérêt de l’approche se dégagera à partir des limites d’une analyse économique de l’évalua- tion des prestations de conseil. La notion de champ, entendu comme un ensemble de positions qui se définis- sent relationnellement, s’avère ici particulièrement heu- ristique. Le monde du conseil, comme d’autres univers sociaux, a sa propre logique de structuration. Chaque société de conseil y occupe, à un moment donné, une place qui dépend des ressources rares dont elle dispose (économiques, symboliques, techniques) et des pouvoirs qu’elles confèrent sur l’espace dans son ensemble. C’est cette position structurelle qui oriente entre autres la stra- tégie des responsables (partners) en matière de type de

Pierre Bourdieu:

éléments d’une analyse du champ du conseil

1. On peut faire remonter ce regain d’intérêt au discours prononcé par Pierre Bourdieu à l’occasion de la cérémonie de remise du titre de

« Professeur Honoris Causa du groupe HEC » en décembre 1995.

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conseil. Elle définit le système de contraintes et d’objectifs qui s’imposent à eux ainsi que leurs marges de manœuvre.

Opérationnalisée à l’aide d’un outil statis- tique comme l’analyse des correspondances multiples (ACM)2, l’étude du marché du conseil comme champ permet ainsi de construire un espace de proximités et de distances entre agents organisé autour de grands principes d’opposition. Les contraintes différentielles auxquelles sont confrontées les sociétés de conseil ont une incidence directe sur la valorisation des produits et la possibilité d’évaluer les pres- tations. Tandis que les sociétés qui conçoi- vent et mettent en œuvre des solutions informatiques telles que les progiciels de gestion intégrée (les ERP, Enterprise Res- source Planning) sont en mesure d’imposer un « produit fini » mais dont les effets ne sont pas calculables a priori, les cabinets de stratégie qui fonctionnent par ordres de mission vendent des « services » dont la production elle-même peut être sujette à caution. Les premières peuvent justifier du bon fonctionnement du progiciel mis à la disposition du client et créer la demande en anticipant certaines tendances du marché des nouvelles technologies. Les seconds refusent par principe d’être évalués au nom de l’autonomie de leurs prescriptions. Une solution de conseil ne sera donc considérée comme efficace que dans la mesure où les dirigeants des entreprises clientes croient dans son efficacité. À chacun des quatre sous-espaces qui composent le monde du conseil – ils peuvent être définis en fonction

du secteur d’origines des sociétés (audit, management/stratégie, informatique, indé- pendants) – correspondent ainsi des modes d’administration de la preuve susceptibles d’entraîner l’adhésion des souscripteurs.

1. La valeur de la prestation

En tant qu’évaluateur de l’organisation et ou de la gestion de l’entreprise, le consul- tant se fait à la fois prescripteur de solu- tions et des modalités de leur évaluation.

Qu’il s’agisse des prestations de conseil en stratégie pour lesquelles il offre une

« vision » de la concurrence, ou des moyens matériels permettant de mettre en œuvre ces « visions », on attend de lui qu’il anticipe sur les modes managériales et technologiques du moment. Mais pour pro- poser des solutions, un consultant ne peut en général se situer que par rapport à un ensemble de solutions déjà constituées en tant que telles dans l’univers du conseil. À défaut de disposer de l’information néces- saire, le mimétisme prévaut souvent sur la prévision. Dès lors, la gamme des choix envisageables est réduite et toute innova- tion réputéeefficace est susceptible d’atti- rer à elle un grand nombre de cabinets.

C’est ainsi que les consultants ont très for- tement contribué à la diffusion des ERP dans les entreprises depuis le début des années 19903. Semblant concrétiser l’aspi- ration au mythe de « l’entreprise inté- grée », ces progiciels ont suscité l’intérêt tant des consultants que des entreprises clientes. « Tout le monde poussait à la roue » témoigne le dirigeant d’une société

2. Sur l’affinité entre théorie des champs et la méthode des analyses des correspondances multiples, voir Rouanet H. H., Ackermann W. et Le Roux B. (2000, p. 5-15). Voir également Gollac M. (2004, p. 29-36).

3. Les points que l’on présente ci-dessous sont développés dans notre thèse en cours portant sur l’introduction des ERP dans l’univers du conseil.

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de conseil. Avant même les premiers retours d’expériences sur la mise en œuvre des ERP, la croyance dans les vertus tech- nologiques du produit assure sa promotion rapide et se traduit par une inflation des coûts des prestations. L’argument de vente était simple : il était d’autant plus urgent de mettre en place un outil de contrôle et de maîtrise de l’entreprise que la concurrence s’équipait déjà de ce même outil.

Aucune instance, aucun contre-pouvoir ne peut contredire efficacement les « visions » et prévisions des consultants à la fois ana- lystes, prescripteurs et évaluateurs. L’auto- rité dont les consultants peuvent se préva- loir tient à la fois aux références-clients qu’ils mobilisent et au fait qu’ils vendent un produit dont l’efficacité reste difficile à mesurer, y compris à moyen terme. En somme, on peut ici paraphraser John Maynard Keynes en affirmant que la valeur d’une prestation de conseil « dépend dans une large mesure de sa valeur future telle que l’opinion dominante estime qu’on la voit »4.

Les acheteurs ne se déterminent pas en fonction du prix de revient de la prestation mais en fonction des gains de productivité ou de maîtrise et de contrôle de l’entreprise que promet l’innovation. Ce processus de valorisation de la prestation devient une norme dans le secteur du conseil. Les consultants font ainsi un usage croissant des anticipations des analystes technolo- giques (Gartner Group par exemple) qui se fondent sur les « bonnes pratiques »

consensuelles. Le prix des prestations de conseil n’a donc souvent plus rien à voir avec le mode de calcul traditionnel du coût du consultant à la journée multiplié par le nombre de jours d’intervention. Si une solution ERP peut être fonctionnellement validée, les effets de sa mise en œuvre sont particulièrement difficiles à prévoir, ce qui laisse une large place aux stratégies d’« ambiguïsation »5 des consultants. Les retombées de la solution qu’ils préconisent paraissent probables parce qu’elle est opé- rationnelle. Le mode calcul de la prestation n’est pas valable non plus pour une mission de conseil en stratégie car « en réalité ce prix est fixé dès le début, avant que l’on ait pu se faire une idée précise des difficultés qui allaient se présenter et donc de la durée du projet »6. Mieux à même que leurs clients d’« anticiper » le marché, ou « choi- sissant les données qui vont permettre de s’arrêter sur une option », tous les consul- tants tiennent ainsi un discours ayant toutes les apparences du réalisme.

Si le comportement mimétique détermine en grande partie l’offre en matière de solu- tions de conseil et que les anticipations de gains futurs justifient leurs valeurs, l’uni- vers du conseil n’en reste pas moins extrê- mement différencié. Les agents – consul- tants et sociétés de conseil – ne sont pas interchangeables. Les uns impulsent la dynamique, tandis que d’autres suivent. Les uns cherchent à imposer leurs prévisions, tandis que d’autres s’adaptent aux attentes de leurs clients.

4. Keynes J. M. (1942, p 53).

5. L’espace du conseil est marqué par l’ambiguïté commune à tous les espaces qui tendent à fonctionner selon une autre loi que celle que leur imprime le champ économique. Sur cette ambiguïté voir Bourdieu P. (1999, p. 3-28).

6. Témoignage d’un consultant en stratégie, Gantenbein M. (1993, p 69-80).

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2. Le marché du conseil comme champ L’espace du conseil se structure autour de deux principes d’opposition que traduisent les deux axes principaux des schémas ci- après7.

Le premier axe (horizontal) distingue les cabinets de taille importante (cabinets de conseil ou SSII) des « petits ». Les premiers se caractérisent par leur dimension interna-

tionale, leur organisation en réseau et leur chiffre d’affaires élevé. Employeur de consultants nombreux et qualifiés, ils peu- vent offrir des prestations très diversifiées.

Ils ont ainsi la capacité de réaliser de gros projets couvrant parfois l’ensemble des fonctionnalités d’une entreprise. Ce sont les

« big 6 » anglo-saxonnes et les SSII fran- çaises. Les seconds, de taille modeste, dis-

7. La première ACM réalisée dans le cadre de notre étude porte sur 66 cabinets de conseil en systèmes d’informa- tion (40 % du marché du conseil selon le Syntec Management). Ces cabinets sont caractérisés à partir de 24 ques- tions, parmi lesquelles 19 figurent en questions actives (soit 37 modalités). Les diagrammes 1 et 2 représentent les nuages de points dans le plan factoriel formé par les deux premiers axes qui correspondent respectivement à 18 % et à 11 % de la variance totale.

Figure 1

L’ESPACE DES SOCIÉTÉS DE CONSEIL EN 2001

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posent d’un nombre réduit de consultants.

Rarement organisés en réseaux, ils sont par- fois localisés en province. Ces cabinets ont peu ou pas de partenaires ou de rattache- ment à une SSII. Ils ne font pas autorités dans la profession : ils ne sont recensés ni par les guides ni par les organismes profes- sionnels du conseil.

Le second axe (vertical) rend compte des relations qu’entretiennent cabinets et clients. Il est principalement le produit de deux variables : le mode de tarification et la nature de la prestation. Le mode de tarifica- tion distingue le forfait de la régie : dans le cas du forfait, le cabinet peut se voir confier

une mission par le client, tandis que la régie suppose la réalisation directe des tâches définies par celui-ci. La nature de la presta- tion fournie peut se matérialiser par la remise d’un rapport, la dispense de conseils personnalisés, l’offre de solutions en termes de système d’information concrétisée par un logiciel ou par une mise en œuvre tech- nique. Le second axe oppose donc aussi les cabinets qui se repartissent ainsi en fonc- tion du caractère technique ou intellectuel de leurs prestations.

Si le premier axe met tendanciellement en exergue des « supermarchés du conseil »8et que le second souligne l’existence de cabi-

8. Henry O. (1993, p. 137).

Figure 2

L’ESPACE DES CARACTÉRISTIQUES DES SOCIÉTÉS DE CONSEIL EN 2001

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nets qui se veulent des « penseurs des affaires », ces deux types de structures, qui n’optent pas pour les modèles de dévelop- pement (stratégie de croissance contre stra- tégie de profit) sont néanmoins liés. C’est la forte croissance du pôle économique qui a contribué au développement du pôle

« intellectuel des affaires » en donnant l’opportunité à des consultants de créer leur propre société.

L’analyse montre en fait que le champ du conseil englobe quatre sous-espaces qui correspondent à l’activité d’origine de la société de conseil (audit, management/stra- tégie, informatique, indépendants)9. Les cabinets d’audit et les SSII ont tous deux un chiffre d’affaires élevé mais traitent diffé- remment la relation clients (forfait pour les premiers et régie pour les seconds). Les cabinets en management et les indépen- dants qui ont un faible chiffre d’affaires réalisent quant à eux davantage d’aide à la maîtrise d’ouvrage. Cette organisation de l’espace en fonction du secteur d’origine des entreprises permet non seulement de rendre compte de la relation cabinet/client mais aussi des conditions de l’évaluation des prestations par type de conseil.

3. Les sociétés de conseil réussissent- elles à échapper à l’évaluation ?

Leur analyse suppose de tenir compte des contraintes internes et externes au champ du conseil qui s’imposent aux cabinets. Elles tiennent à la fois au sous-espace dont ils sont issus et aux dynamiques du « marché tech- nologique » et des « marchés financiers ».

Signe de leur difficulté à conserver leur autonomie face à la réorganisation du champ, les cabinets de stratégie tels que Booz Allen ou AT/Kearney ont été rachetés par les SSII. En revanche, les cabinets les plus prestigieux (McKinsey, BCG) ou spé- cialisés dans un domaine pointu (Mars&Co) semblent avoir conservé leur autonomie et leur statut de « concepteur prophétique », tout en intégrant les solu- tions technologiques telles que les ERP à leur offre. Les consultants en stratégie

« associent au terme “science” un curieux mélange de savoir pragmatique (marketing, calcul de coûts, organisation, droit des entreprises, etc.) et de modèles hautement abstraits, préservés de toutes confrontations avec la réalité par la clause ceteris paribus:

on retrouve ces deux composantes dans les rapports de conseil »10. Ces cabinets sont plus volontiers des « conseillers du prince » que des aides à la maîtrise d’ouvrage.

L’évaluation objective de leurs prestations s’avère alors compromise.

Indépendants capitalistiquement et vis-à- vis du marché des technologies, les cabinets dont l’activité d’origine est le management sont néanmoins doublement dépendants.

D’une part, dans bien des cas, ils sont can- tonnés aux tâches d’aide à la maîtrise d’ou- vrage que leur confient leurs clients.

D’autre part, ils sont confrontés à la concur- rence, voire au rachat par des sociétés

« d’origine audit » engagées dans des stra- tégies de croissance ou par des sociétés

« d’origine SSII » en quête de crédibilité fonctionnelle11. Les « contrats cadre » qui

9. Le troisième axe qui représente 7 % de la variance confirme ce résultat.

10. Témoignage d’un consultant en stratégie, Gantenbein M. (1993, p. 69-80).

11. Pour l’anecdote, un dirigeant de PM Conseil, société de conseil spécialisée dans la mise en œuvre d’ERP, a dans un premier temps refusé de nous rencontrer craignant que nous soyons envoyés par une société de conseil souhai- tant les racheter.

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permettent aux entreprises clientes de limiter le nombre de prestataires pour réa- liser les projets amènent de nombreux consultants « indépendants » et des cabi- nets en management à sous-traiter en par- tie leurs missions. Le sous-espace des sociétés en management est ainsi dominé d’un côté par les clients et de l’autre par les grosses sociétés de conseil qui limi- tent, conditionnent et finalement régulent leur marge de manœuvre. Dans ces condi- tions de dépendance qui les rendent soit trop soumises aux pressions croissantes de rentabilité, soit trop proches de leurs clients, l’évaluation des analyses et des documents réalisés par les cabinets de conseil en management, comme des effets de leurs prescriptions n’est pas possible.

L’espace du conseil est hétérogène et hié- rarchisé : les grandes sociétés de conseil sont en mesure de dicter leur loi aux petites. Pour les clients, c’est justement parce que le consultant est extérieur, qu’il n’est pas confronté à long terme aux conséquences des mesures qu’il a pres- crites, qu’il peut être tenté d’adopter un

point de vue souverain et d’ignorer les individus concernés.

Les SSII sont, quant à elles, très tributaires des variations du marché des technologies.

Elles occupent une fonction de passeur entre le marché et les clients. La fonction de délégation de personnels chez le client des SSII conduit à des évaluations indivi- duelles. Si leurs réalisations sont tangibles, leurs effets sur l’organisation et le fonction- nement réel des entreprises ne sont pas éva- luables dans les délais dont tiennent compte les dirigeants d’entreprises.

Le cas des grosses SSII qui ont racheté des cabinets de management et de stratégie pour proposer des solutions globales aux clients (CGEY, par exemple12) est différent.

Comme les sociétés de conseil dont l’acti- vité d’origine est l’audit, elles sont pour la plupart soumises aux exigences de leurs actionnaires ou aux marchés financiers, parce qu’elles ont renoncé au statut juri- dique d’associé (partnership). Les straté- gies de croissance qui caractérisent ces grandes sociétés les conduisent à s’appro- prier toutes les innovations rentables telles

12. Cap Gemini Ernst and Young

Tableau 1

RÉSULTATS DES CONDITIONS D’ÉVALUATION DES PRESTATIONS DE CONSEIL Audit

Oui

Non Oui Non

SSII Oui

Oui Oui Non Management

Oui

Oui Non Non Stratégie

Non

Oui Non Non Dépendance aux marchés

technologiques et financiers Régulation par la concurrence entre sociétés de conseil

Évaluation de la production

Évaluation des effets de la production

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que les ERP. Auprès des clients, les argu- ments d’autorité reposent sur les prévisions et les évaluations des analystes en systèmes d’information, les références clients et les démonstrations à partir de maquettes (proof of concept). L’évaluation du produit (telle que la mise en œuvre d’un ERP) est ici pos- sible parce que ses fonctionnalités peuvent être vérifiées. En revanche, les effets de la mise en œuvre même à long terme ne sont pas quantifiables.

La doxa en tant qu’« ensemble de présup- posés inséparablement cognitifs et évalua- tifs dont l’acceptation est impliquée par l’appartenance même » peut être issue de slogans tels que « make things happen » à Accenture. La mise en pratique de ce slo- gan passe par la déclinaison de discours et les justifications des moyens auprès des clients mais surtout permet de délimiter l’espace de discussion et des modes d’ac- tions légitimes.

La rhétorique du changement dont usent les consultants rend caduque la possibilité de se référer au passé pour comparer les situa- tions et les expériences de mise en œuvre de solutions. Certains éléments matériels confortent les consultants dans ce discours.

Quel que soit le sous-espace considéré, leur position – anticipation, connaissance du ter- rain, dissymétrie d’information par rapport au client – leur permet de s’approprier les critiques éventuelles et de les reformuler à leur avantage. Le déroulement des projets réalisés par les consultants ne peut être réexaminé a posteriori. D’une part, les pro- jets achevés par les consultants sont rare- ment archivés au sein des sociétés de conseil, et d’autre part, les mutations tech-

nologiques et la spécificité des organisa- tions de chaque client peuvent laisser croire à l’obsolescence rapide des solutions, même récentes.

CONCLUSION

La mise en œuvre de la notion de champ a permis de mettre au jour une typologie de sociétés de conseil qui ne soit pas imposée par les agents eux-mêmes mais qui est fonc- tion de leurs propriétés. Deux grandes ten- dances se dégagent : la place croissante des solutions qui font appel au marché informa- tique ainsi que la perte de contrôle du capi- tal des sociétés de conseil par leurs diri- geants (partners). La notion de doxa est apparue pertinente pour comprendre les conditions d’évaluation des prestations de conseil. La connaissance globale de l’es- pace du conseil, puis l’analyse plus spéci- fique de la capacité différentielle d’imposer une solution aux clients ainsi que des modes d’administration de la preuve, révè- lent un « ensemble de croyances fondamen- tales qui n’ont même pas besoin de s’affir- mer sous la forme d’un dogme explicite et conscient de lui-même » (Bourdieu, 1997, p. 145). Qu’il s’agisse des cabinets en stra- tégie qui proposent une « vision » du mar- ché aux entreprises ou de prestataires de solutions informatiques qui anticipent les tendances technologiques, les consultants participent à la diffusion de croyances qui peuvent s’avérer auto-réalisatrices. Cette doxa joue bien un rôle déterminant dans le processus qui permet, pour partie, aux consultants de se soustraire à l’évaluation de leurs prestations.

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Références

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